COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 21 OCTOBRE 2011
N°2011/690
Rôle N° 10/21635
Société JMC
C/
[L] [F]
Grosse délivrée le :
à :
Me Lyne KLIBI avocat au barreau de MARSEILLE
Me Christian SALORD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Novembre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° F10/330.
APPELANTE
Société JMC prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 7]
comparant en personne,
assistée de Me Lyne KLIBI avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Coralie RENAUD avocat au barreau de MARSEILLE ( appartient au même cabinet)
INTIME
Monsieur [L] [F],
demeurant Chez Mme [Adresse 1]
Comparant en personne
assisté par Me Christian SALORD, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure ROCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2011
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE et PRETENTIONS des PARTIES
Le 1 décembre 2010,la société JMC a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 8 novembre 2010 par la conseil des prud'hommes de Marseille qui a dit que la prise d'acte de la rupture de monsieur [F] en date du 17 janvier 2008 s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser diverses sommes aux titres de préavis, de l'indemnité de licenciement , de rappels pour petits déplacements ainsi que des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail.
Par arrêt du 22 septembre 2001, la cour a ordonné la réouverture des débats afin que les parties apportent des précisions et justificatifs relatifs au type d'engin que monsieur [F] indique avoir été contraint de conduire ainsi qu'à la réglementation applicable à la conduite de cet engin et à la qualification de monsieur [F] pour cette conduite.
***
Monsieur [F], qui a été embauché par la société JMC en qualité de chauffeur tractopelle, le 3 octobre 1994, soutient que le 27 novembre 2007 , à la suite de son refus de conduire une pelle, engin qu'il n'était pas habilité à conduire, l'employeur l'a menacé « de le crever » puis lui a imposé de quitter l'entreprise et de prendre des RTT .
Il ajoute que la société JMC lui doit les sommes suivantes :
-heures supplémentaires 30635 euros
- congés payés afférents : 3063,50 euros
-indemnité pour travail dissimulé : 5000 euros
-indemnités de repas, trajet et transport : 10722,28 euros
Il conclut que les manquements de l'employeur justifient sa prise d'acte de rupture aux torts de ce dernier dont il demande la condamnation à lui verser :
-50000 euros pour rupture abusive
-3747,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-374,72 euros pour les congés payés afférents
-2904,09 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement
Il demande que les sommes allouées produisent intérêts à compter de la saisine du conseil des prud'hommes.
Il réclame en outre la condamnation de la société JMC , sous astreinte, à lui délivrer des bulletins de salaire rectifiés et chiffre ses frais irrépétibles à 1500 euros.
La société JMC conteste les manquements reprochés par le salarié et soutient que monsieur [F] est de mauvaise foi car, avant même de prendre acte de la rupture et alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie, il travaillait déjà pour le compte d'une autre entreprise.
Elle conclut que monsieur [F] doit en conséquence être débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Il convient de rechercher si les manquements de l'employeur invoqués par société JMC sont établis et suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur.
-sur les menaces et l'injonction de quitter l'entreprise
Monsieur [F] produit sa déclaration en main courante enregistrée le 27 novembre 2007 à 10 heures 28.Ce seul document, qui ne fait que rapporter ses propres dires , ne suffit pas à établir que l'employeur l'aurait menacé de « le faire crever ».
Il en est de même de l'attestation de monsieur [E] qui indique que le même jour, en fin d'après midi, Monsieur [F] ayant activé le haut parleur de son téléphone portable, il a entendu l'employeur menacer ce dernier et lui dire « un tas d'insanités ». Aucun élément ne permet de déterminer ,avec certitude, si l'interlocuteur de monsieur [F] au téléphone était bien son employeur et les propos qualifiés de menaçants ne sont pas précisés.
Les menaces ne seront donc pas retenues.
En revanche, la lettre, en date du 30 novembre 2007, dans laquelle l'employeur écrit à monsieur [F] qu'il paiera la journée de RTT qu'il lui a imposée en réponse à son refus de conduire une pelle, corrobore les dires du salarié.
-sur l'aptitude de monsieur [F] à conduire une pelle
Il est constant que le 27 novembre 2007 l'employeur a demandé à monsieur [F] de conduire une pelle.
Ce dernier a été embauché en qualité de chauffeur de tractopelle.
La société JMC soutient, sans justificatif, que monsieur [F] avait déjà conduit une pelle.
Elle affirme qu'il était apte à conduire un tel engin.
Elle produit une autorisation de conduite d'engins de chantier délivrée le 30 janvier 2006.
Le terme général d'engin de chantier utilisé dans cette attestation est insuffisant à établir que l'intéressé était apte à conduire spécifiquement une pelle.
D'autant que ce dernier, à la date du 27 novembre 2007, était titulaire d'un certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (Caces) de catégorie 2, qui concerne les tracto- pelles et non du certificat de catégorie 4 , relatif aux pelles.
-sur les heures supplémentaires
Monsieur [F] réclame 30635 euros en paiement de 1748 heures supplémentaires: le calcul qui lui permet de justifier cette somme n'est pas indiqué et demeure incompréhensible car la somme réclamée équivaut à une rémunération de l'heure supplémentaire s'élevant à 17,52 euros en moyenne alors que sur la période considérée son salaire horaire moyen était de 11 euros, ce qui équivaut pour chaque heure supplémentaire à une majoration de l'ordre de 60 %.
Quant à la réalité des heures de travail effectuées, la preuve de celles-ci n'incombe spécialement à aucune des parties.
Si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Les horaires de travail prévus par le contrat de travail étaient : 7h30 à 12h et 13h30 à 16h30 (15h30 le vendredi).Un accord d'entreprise du 17 décembre 1999 a fixé l'horaire de travail hebdomadaire de référence à 35 heures, les heures effectuées au-delà de cet horaire ouvrant droit à des jours de repos.
Monsieur [F] produit quatre attestations indiquant qu'il partait le matin très tôt avec le tracto pelle pour se trouver sur le chantier à 7h30.Un seul de ces témoins ajoute qu'il quittait le chantier à 16 h 30 .Les autres attestations sont silencieuses quant à la durée de la journée de travail de l'intéressé.
Un des témoins indique qu'il était sous traitant de la société JMC et un autre se réfère à un chantier nommé Eurovia .Les deux autres, que l'employeur dit ne pas connaître, n'expliquent pas dans quelles conditions ils ont pu constater que monsieur [F] conduisait le tracto pelle avant 7h30.
L'employeur produit quant à lui les attestations de cinq de ses salariés, conducteurs d'engins, qui affirment n'avoir jamais travaillé au-delà de l'horaire contractuel.
Il découle de ces témoignages que l'activité de la société JMC ne justifiait pas des heures supplémentaires.
Enfin, le relevé hebdomadaire des heures supplémentaires, du mois de janvier 2004 au mois de novembre 2007, établi par monsieur [F], indique un nombre total d'heures supplémentaires pour chaque semaine, le plus souvent dix heures.
Monsieur [F] ne fait pas état des jours de RTT auxquels il avait droit, qu'il a pris selon l'employeur et qui sont mentionnés sur ses bulletins de salaires. Il ne peut contester qu'il bénéficiait de jours de RTT puisqu'il reproche à l'employeur de l'avoir contraint à prendre un jour de RTT, le 27 novembre 2007, sans l'avoir prévenu 48 heures à l'avance.
En conclusion, des témoignages et un relevé d'horaire imprécis, ne sont pas de nature à étayer la demande de monsieur [F] qui affirme avoir travaillé 1748 heures supplémentaires, au sujet des quelles il n'a jamais présenté la moindre réclamation jusqu'à sa prise d'acte de rupture et alors que l'activité de l'entreprise ne nécessitait pas des heures supplémentaires.
Monsieur [F] sera donc débouté de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, congés payés afférents et travail dissimulé.
-sur les indemnités de repas, trajet et transport
Monsieur [F] affirme que l'employeur ne lui a pas payé la totalité de ces indemnités et lui reste redevable à ce titre d'une somme évaluée en un premier temps à 7295,32 euros, puis , à 10722,28 euros. Il a perçu régulièrement des indemnités de petit déplacement .
Il ne produit aucun justificatif de sa demande et fournit pour toute explication, le fait que les chantiers se situaient pour l'essentiel à [Localité 2], [Localité 3] , [Localité 6] , [Localité 5] alors qu'il était domicilié à [Localité 4] .
Il sera débouté de cette demande.
-sur la rupture
L'employeur a enjoint le 27 novembre 2007 à son salarié de quitter l'entreprise alors que ce dernier refusait de conduire une pelle.
Monsieur [F] s'est ensuite trouvé en arrêt de travail pour maladie et n'a pas repris son poste jusqu'à sa prise d'acte de la rupture, en date du 17 janvier 2008.
Ainsi qu'analysé ci 'dessus, il n'est pas établi que Monsieur [F] était apte à conduire une pelle le 27 novembre 2007.
Il est par contre démontré qu'il pouvait conduire un tel engin, le lendemain, 28 novembre 2007 , puisqu'il a obtenu à cette date le Caces de catégorie 4 .
En conséquence, si l'employeur a eu tort d'imposer à monsieur [F] de prendre une journée de RTT , il est rapidement revenu sur cette décision en lui écrivant le 30 novembre 2007 que cette journée serait payée . Ce manquement de même que celui ayant consisté à demander à monsieur [F] de conduire une pelle, alors qu'il avait certainement suivi une formation pour conduire cet engin puisqu'il a obtenu le Caces dés le lendemain, ne sont pas suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l'employeur.
En conséquence, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'une démission et monsieur [F] sera débouté de l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe
Vu l'article 696 du code de procédure civile
Infirme le jugement déféré
Déboute monsieur [F] de toutes ses demandes
Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile par la société JMC
Dit que les dépens seront supportés par monsieur [F].
Le Greffier Le Président