COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 20 OCTOBRE 2011
N° 2011/ 665
Rôle N° 10/21309
[U] [X]
C/
[W] [S]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD
SCP TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de DRAGUIGNAN en date du 23 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2009/5460.
APPELANT
Monsieur [U] [X]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour,
assisté par Me Mathieu PERRYMOND, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Maître [W] [S],
prise en sa qualité de liquidateur de la SARL JMV CONSTRUCTIONS, demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour, assistée par Me Alain-david POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011,
Signé par Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S.A.R.L. JMV CONSTRUCTIONS a été placée en redressement judiciaire le 15 mai 2001.
Un plan de redressement, adopté le 15 janvier 2002, a été résolu et la liquidation judiciaire de la société JMV CONSTRUCTIONS prononcée par jugement du Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN le 12 décembre 2006.
Par exploit du 9 décembre 2009 Me [W] [S], mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire de la société JMV CONSTRUCTIONS, a fait assigner Monsieur [U] [X], gérant de la société JMV CONSTRUCTIONS, devant le Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN aux fins de :
Constater l'insuffisance d'actif et le passif déclaré pour un montant de 494.905,07 euros,
Condamner Monsieur [U] [X] en l'état des fautes de gestion commises en comblement du passif pour un montant de 494.905,07 euros,
Condamner Monsieur [U] [X] à payer à Me [S] es-qualités, la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le 11 janvier 2010, le juge commissaire a déposé son rapport et, le 8 mars 2010, le greffe du Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN a fait assigner Monsieur [U] [X] d'avoir à comparaître en personne à l'audience du 13 avril 2010.
Par jugement du 23 novembre 2010, la juridiction consulaire, en l'absence de Monsieur [U] [X] non présent à la dernière audience, a :
Vu le rapport du juge commissaire,
La cause préalablement communiquée au Ministère public,
Dit recevable l'action fondée sur les articles L 651-1 à L 651-5 du code de commerce,
Condamné Monsieur [U] [X] à payer la somme de 494.905,07 euros à Me [S] ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL JMV CONSTRUCTIONS,
Condamné Monsieur [U] [X] au paiement de la somme de 500 euros à Me [S] ès-qualités, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de justice de la procédure collective,
Ordonné l'exécution provisoire de la décision et la publicité légale en pareille matière.
Par acte du 29 novembre 2010 Monsieur [U] [X] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 2 septembre 2011, tenues pour intégralement reprises, il demande à la Cour de :
Vu l'article L 651-2 du code de commerce,
Vu la loi 2005-845 du 26 juillet 2005,
Vu le décret 2006-1709 du 23 décembre 2006,
Constater l'absence de convocation personnelle de Monsieur [U] [X] un mois avant son audition devant le Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN statuant en audience publique et ce jusqu'à l'acte extra judiciaire qui lui a été délivré le 8 mars 2010 à la demande de la SCP LESTOURNEL, greffier de cette juridiction,
Constater que l'irrégularité en question est une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de la procédure et pour la première fois en cause d'appel,
Dire que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif engagée à l'encontre de Monsieur [U] [X] était prescrite au 12 décembre 2009,
Constater que la prescription était acquise au 8 mars 2010,
En conséquence,
Réformer intégralement le jugement attaqué,
Condamner Me [S], ès-qualités, à lui verser une somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Subsidiairement,
Constater que Monsieur [U] [X] n'a commis aucune faute de gestion susceptible d'engager sa responsabilité de dirigeant, l'absence de lien de causalité entre les prétendues fautes et l'insuffisance d'actif,
Constater que les états produits par le liquidateur ne sont pas actualisés au regarde de ses écritures,
Constater le caractère incertain du passif chirographaire invoqué,
Constater que la réalisation d'actifs n'a pas intégralement réalisée,
Constater que le passif invoqué reprend une somme de 159.833,21 euros correspondant au passif déjà produit dans le cadre du redressement judiciaire pour lequel la société JMV CONSTRUCTIONS a bénéficié d'un plan et ne peut être intégrée à la somme qui lui est réclamée,
En conséquence,
Constater que l'insuffisance d'actif ne peut être sérieusement déterminée,
Réformer le jugement attaqué,
Subsidiairement,
Ramener sa condamnation à de plus justes proportions sous déduction de la somme de 159.833,21 euros relevant du plan de redressement,
Condamner Me [S], ès-qualités, au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans des conclusions déposées et notifiées le 1er juin 2011, tenues pour intégralement reprises, par lesquelles Me [S], ès-qualités, demande à la Cour de :
Confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Condamner Monsieur [U] [X] au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le dossier a été régulièrement communiqué au Procureur Général près la Cour de céans.
L'affaire a été fixée à l'audience du 14 septembre 2011 par ordonnance présidentielle du 15 avril 2001.
La note en délibéré non autorisée, parvenue postérieurement à la clôture des débats, ne sera pas prise en compte.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de l'assignation :
Attendu que la procédure de liquidation judiciaire de la société JMV CONSTRUCTIONS a été ouverte le 12 décembre 2006 ;
Attendu que l'assignation de Monsieur [U] [X] devant le Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN en responsabilité pour insuffisance d'actif à la demande du liquidateur judiciaire était soumise aux prescriptions des articles L 651-2, L 651-3, L 651-4 et suivants du code de commerce et des articles 317-1 et 318 du décret n°2006-1709 du 23 décembre 2006 applicables immédiatement dès lors qu'ils ont modifié les règles de convocation et instauré l'audition des dirigeants en audience publique et non plus en Chambre du Conseil ;
Attendu que Monsieur [X] devait être averti par le greffier qu'il pouvait prendre connaissance du rapport du juge commissaire déposé le 11 janvier 2010 et être convoqué par le greffe un mois avant au moins avant son audition en audience publique ;
Attendu que cette convocation est un préalable obligatoire aux débats dont l'omission, qui fait obstacle à toute condamnation du dirigeant, constitue une fin de non-recevoir ;
Attendu que la convocation du dirigeant aux fins de son audition ne doit pas être faite nécessairement dans l'acte introductif d'instance et peut intervenir par acte séparé avant toute décision au fond ;
Attendu que Monsieur [X] a été assigné par acte du 9 décembre 2009, dans le délai de prescription prévu à l'article L651-2 du code de commerce, par Me [S] ès-qualités, en application de l'article L 651-3 du même code, en paiement de l'insuffisance d'actif ;
Attendu que cet acte s'il précisait ' la nécessité de comparaître en personne pour la première audience' sans précision du pourquoi de cette 'nécessité', ne saurait valoir convocation pour l'audition du dirigeant prévue à l'article 317-1 du décret du 23 décembre 2006 devant être faite par le greffier du Tribunal ;
Attendu toutefois que Monsieur [X] a été ensuite assigné le 8 mars 2010, à la demande du greffier du Tribunal de commerce de DRAGUIGNAN, afin de 'comparaître le 13 avril 2010 pour être entendu personnellement pour que le Tribunal puisse se prononcer sur une éventuelle condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actif de la SARL JMV CONSTRUCTIONS' ;
Attendu qu'il a ainsi été régulièrement convoqué pour être entendu par le Tribunal en audience publique ;
Attendu que l'acte introductif d'instance qui n'était pas nul, a interrompu valablement le délai de prescription triennale ;
Attendu que l'action, non prescrite, était en conséquence recevable ;
Sur les fautes de gestion de Monsieur [X] :
Attendu que Monsieur [X], dont la société était en plan de redressement depuis 2002, n'a plus tenu de comptabilité après le 30 septembre 2005, sans s'expliquer sur l'omission de cette obligation légale durant les 14 mois précédant la déclaration de cessation de paiement qu'il a effectuée le 6 décembre 2006 ;
Attendu en outre qu'il a poursuivi après le 30 septembre 2005 une activité déficitaire et n'a pas fait de déclaration de cessation de paiement dans les délais ;
Attendu en effet qu'au 30 septembre 2005 le résultat d'exploitation était déjà négatif de 209.889 euros et le résultat net négatif de 222.585 euros et l'absence, à partir de cette date, de tenue de comptabilité ne permettant pas au gérant une bonne visibilité de l'activité, démontre 'une fuite en avant',
Attendu que lors de la cessation de paiement Monsieur [X] évaluait le passif à 650.455 euros pour 37.000 euros de créances à recouvrer selon lui et un compte bancaire de 32.488 euros ;
Attendu que les créances des tiers se sont développées de septembre 2005 au 3 décembre 2006;
Attendu que Monsieur [X] a ainsi commis des fautes de gestion en rapport avec l'insuffisance d'actif constatée ;
Sur l'insuffisance d'actif :
Attendu qu'il résulte des éléments produits aux débats que le montant de l'insuffisance d'actif est de 494.905,07 euros ;
Attendu que cette évaluation prend en compte la réalisation de l'actif et le montant du passif à prendre à considération pour 549.5559,45 euros, la créance de la société LES JARDINS DE PALAIS et celle de l'OSEO BDPME déclarée au titre de la ligne de caution sur marchés publics n'étant pas retenues au titre du passif à prendre en considération pour les raisons précisées par Me [S] ès-qualités dans son rapport ;
Attendu que Monsieur [X] ne peut reprocher au mandataire liquidateur de ne pas avoir engagé de procédure judiciaire longue, car nécessitant la désignation d'un expert, et coûteuse, dont le résultat était incertain en terme de rentabilité, à l'encontre de la SARL LES JARDINS DU PALAIS, maître d'ouvrage de travaux de réalisation d'un ensemble immobilier à DRAGUIGNAN, dont la partie gros-oeuvre, cloisons, maçonnerie, peinture avait été confiée à la société JMV CONSTRUCTIONS ;
Attendu en effet que si Monsieur [X] se prévalait de factures de travaux d'un montant de 269.711 euros, contestées par la société LES JARDINS DU PALAIS, cette dernière revendiquait, elle, une créance de 253.243,87 euros au titre de pénalités de retard et d'inachèvement des travaux, créance qu'elle a déclarée au passif de la société JMV CONSTRUCTIONS ;
Attendu que par ailleurs le mandataire liquidateur a procédé au recouvrement des créances revendiquées par la société JMV CONSTRUCTIONS, certaines de ses tentatives ayant échoué en raison de contestations élevées par les débiteurs et de l'absence de réponse de M. [X] à ses demandes de précisions ou encore du fait de la disparition des débiteurs;
Attendu qu'il s'ensuit que Monsieur [X] a été à bon droit, en application de l'article L 651-2 du code de commerce, condamné à verser la somme de 494.907,07 euros à Me [S] ès-qualités, au titre de l'insuffisance de passif incombant à ses fautes de gestion ;
Attendu que le jugement querellé sera dès lors confirmé ;
Attendu que Monsieur [X] sera condamné au paiement de la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que, partie succombante, il sera condamné aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
Ecarte les fins de non-recevoir opposées par Monsieur [X],
Dit que l'action en insuffisance de passif initiée par Me [S], ès-qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la liquidation judiciaire de la SARL JMV CONSTRUCTIONS, est recevable, n'étant pas frappée de prescription,
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Le condamne à verser à Me [S], ès-qualités, une indemnité de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP TOLLINCHI, PERRET-VIGNERON, BUJOLI-TOLLINCHI, avoué, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER. LE PRÉSIDENT.