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14/10/2011 | FRANCE | N°10/14115

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 14 octobre 2011, 10/14115


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 14 OCTOBRE 2011



N°2011/ 709















Rôle N° 10/14115







[G] [U] - [N] [M], Exploitants sous l'enseigne [Localité 2] PIZZA FOURNITURES





C/



[Z] [V]































Grosse délivrée le :



à :



-Me Fabrice CARAVA, avocat au

barreau de MARSEILLE



-Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Juillet 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/3234.
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COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 14 OCTOBRE 2011

N°2011/ 709

Rôle N° 10/14115

[G] [U] - [N] [M], Exploitants sous l'enseigne [Localité 2] PIZZA FOURNITURES

C/

[Z] [V]

Grosse délivrée le :

à :

-Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 08 Juillet 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/3234.

APPELANTE

[G] [U] - [N] [M], Exploitants sous l'enseigne MARSEILLE PIZZA FOURNITURES, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Fabrice CARAVA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Madame [Z] [V], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Septembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller

Madame Catherine VINDREAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2011.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Octobre 2011

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [Z] [V] a été embauchée en qualité de comptable par la société de fait constituée par [U] [G] et [M] [N] exploitant sous l'enseigne MARSEILLE PIZZA FOURNITURES selon contrat à durée indéterminée en date du 26 juin 2003.

Cet emploi est soumis à la convention collective nationale du commerce de gros alimentaire.

Le 27 février 2008, Mme [Z] [V] a transmis à son employeur une lettre lui reprochant des accusations de vol et proposant un licenciement à l'amiable.

Par lettre en date du 31 mars 2008, l'employeur lui a répondu qu'aucune insinuation ni accusation de vol n'avait été retenue à son encontre et déniait toutes pression exercée sur la salariée.

Par lettre en date du 16 septembre 2008, Mme [Z] [V] a fait part à son employeur de sa démission pour manque de discrétion sur les problèmes qu'elle avait rencontrés, et pour manque de respect pour s'être vue demander de ramasser des excréments de chats qui auraient été mis volontairement dans son bureau.

Par lettre du 15 octobre 2008, la société de fait constituée par [U] [G] et [M] [N] exploitant sous l'enseigne MARSEILLE PIZZA FOURNITURES a répondu qu'elle était en désaccord sur les faits reprochés.

Par un nouveau courrier du 5 novembre 2008, l'employeur a demandé à la salariée de confirmer son intention de démissionner et en réponse du 7 novembre 2008, Mme [Z] [V] confirmait en rappel de sa lettre du 16 septembre 2008 qu'il s'agissait d'une démission à propos de laquelle elle réclamait la remise du certificat médical le solde de tout compte, et l'attestation ASSEDIC.

Le 19 novembre 2008, elle a réitéré sa demande de remise des documents sociaux en faisant référence à sa démission du 16 septembre 2008.

Ces documents ont été transmis par l'employeur par lettre du 15 décembre 2008.

Le 30 octobre 2008, Mme [Z] [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour soutenir que la rupture du contrat de travail était imputable à l'employeur et avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclamait le règlement des sommes dues.

Par jugement en date du 8 juillet 2010, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a:

- dit que la prise d'acte de démission s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'employeur à payer à Mme [Z] [V] les sommes suivantes:

- indemnité de préavis : 1.599,12 euros,

- indemnité de licenciement : 1.696,76 euros,

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse: 9.000 euros,

- dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail: 8.000 euros,

- frais irrépétibles: 1.000 euros,

- débouté les parties de leurs autres demandes principales et reconventionnelles,

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire était de 1.599,12 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 16 juillet 2010 et reçue au greffe de la cour d'appel le 20 juillet 2010, la société de fait constituée par [U] [G] et [M] [N] exploitant sous l'enseigne MARSEILLE PIZZA FOURNITURES a interjeté appel.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société de fait constituée par [U] [G] et [M] [N] exploitant sous l'enseigne MARSEILLE PIZZA FOURNITURES demande l'infirmation du jugement, en soutenant que la rupture du contrat de travail ne résulte que de la démission claire et non équivoque de Mme [Z] [V] qui ne justifie pas des griefs qu'elle lui impute.

Elle réclame la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle fait valoir que les réclamations indemnitaires ne sont pas justifiées.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Mme [Z] [V] demande la confirmation du jugement sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et réclame les sommes suivantes:

- indemnité de préavis : 4.153,36 euros,

- indemnité de licenciement : 2.180,51 euros,

- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse: 16.000 euros,

- dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail: 12.000 euros,

- frais irrépétibles: 1.600 euros.

Elle maintient son argumentation initiale sur les griefs imputés à l'employeur sur les conditions de travail et le comportement des employeurs à son encontre qui ont eu des conséquences sur sa santé physique et morale, et elle réfute les explications de l'appelante notamment sur la validité des contrôles vétérinaires qui remontent en fait à 2003 en ajoutant que le contrôle invoqué en 2010 est postérieur à la rupture du contrat de travail. Par ailleurs, elle écarte des débats toute argumentation sur un grief de harcèlement moral de l'employeur par rapport aux écritures de l'appelante qui s'est expliquée sur ce point.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'examen des éléments produits aux débats tant en ce qui concerne la formalité de la déclaration d'appel que le respect du délai légal applicable à ce recours, au regard de la date de notification du jugement, rend cet appel recevable en la forme.

Sur la nature juridique de la démission

Il est constant que la prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, qui ne peut être rétractée, entraîne la rupture immédiate du contrat de travail, et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

La démission de la part du salarié du poste qu'il occupe ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque de sa part, et à défaut, il ne lui est pas possible de lui imputer la rupture du contrat de travail.

Le contenu de la lettre du salarié présentée comme une démission ne fixe pas les limites du litige, et qu'il importe de déterminer si selon les circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, celle-ci était équivoque et doit dans ce cas être analysée comme une prise d'acte de rupture en fonction des faits ou manquements imputables à l'employeur.

L'analyse de la lettre du 16 septembre 2008 adressée par Mme [Z] [V] à son employeur laisse clairement entendre que la rupture du contrat de travail manifestée par ce courrier est la conséquence des manquements qu'elle lui reproche dans l'exécution du contrat de travail: manque de discrétion et manque de respect par rapport aux conditions de travail, de telle sorte qu'il ne peut être retenu une intention de démission claire et non équivoque sans devoir analyser au préalable les différents manquements imputés à l'employeur.

En premier lieu, au vu des explications et pièces produites par les parties, Mme [Z] [V] est manifestement défaillante pour démontrer le manque de discrétion de l'employeur par rapport aux problèmes qu'elle dit avoir subi en 2008 concernant une escroquerie dont elle aurait été victime, alors que les attestations des trois autres salariés produites par l'employeur dont l'effectif total était de quatre, intimée incluse, ([J] [A], [Y] [O], [F] [H]), ne font état d'aucune indiscrétion fautive imputable à l'employeur sur ce point.

Par ailleurs, dans ses écritures, Mme [Z] [V] a également formulé divers reproches envers son employeur:

- visite médicale d'embauche tardive en 2004,

- remarques grivoises à connotation sexuelle des employeurs,

- accusations de vol,

- pressions au travail.

Toutefois, le retard de plusieurs mois imputable à l'employeur pour faire procéder à la visite d'embauche qui aurait eu lieu en 2004 ne saurait constituer valablement un grief pour justifier une rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en septembre 2008, aucune preuve d'un reproche formulé sur ce point avant la saisine de la juridiction prud'homale n'étant produite aux débats.

Les autres griefs ci-dessus relevés ne résultent que des affirmations de la salariée et ne sont justifiés par aucun élément probant, d'autant que par lettre en date du 31 mars 2008, l'employeur lui écrivait qu'aucune insinuation ni accusation de vol n'avait été retenue à son encontre et déniait toutes pression exercée sur la salariée.

La lettre de l'intimée du 16 septembre 2008 et ses écritures produites dans le cadre de la saisine de la juridiction prud'homale reprochent à l'employeur les conditions de travail et plus particulièrement des conditions d'hygiène insuffisantes du fait de la présence de rats et de chats dans les locaux qui entraîne des désagréments au point de l'avoir contrainte à ramasser les excréments de ces animaux.

Il est rappelé au vu des explications produites que l'intimée a pour activité principale le stockage et la distribution de produits d'origine animale emballés, frais, secs et surgelés.

La société de fait constituée par [U] [G] et [M] [N] exploitant sous l'enseigne MARSEILLE PIZZA FOURNITURES produit aux débats des factures de la société RENTOKIL INITIAL attestant une intervention annuelle pour le traitement des rats et souris entre 2003 et 2007. Elle reconnaît la présence de chats dans les locaux pour précisément permettre de lutter contre la présence de rongeurs et soutient que cette présence est à la fois contrôlée et encadrée.

Or, dans la mesure où l'évocation de la présence des chats par la salariée ne date que de septembre 2008 alors qu'elle a été embauchée en juin 2003, il doit être considéré que ce grief n'est pas fondé, la présence des animaux reconnue par l'employeur étant plus ancienne. En outre, Mme [Z] [V] ne démontre ni avoir constaté la présence de chats dans le bureau qui lui est destiné, ni avoir du ramasser elle-même des excréments d'animaux à la demande de son employeur, lequel en conteste la réalité. Les clichés photographiques produits aux débats auxquels sont annexés des commentaires de l'intimée ne sauraient constituer une quelconque force probante sur ce point. De plus, la conformité de l'état des locaux avec les règles en matière d'hygiène est attestée par une lettre de la Préfecture des Bouches du Rhône en date du 6 octobre 2009 qui précise que l'établissement bénéficie d'un agrément depuis mars 2003 pour l'activité exercée, et le rapport de contrôle effectué le 23 avril 2010 par les services de la DDPP des Bouches du Rhône ne relève que des non conformités mineures sans rapport avec les griefs relevés par la salariée et pour lesquels il est indiqué que des travaux sont en cours, tout en précisant que la maîtrise des nuisibles et contaminations liées à l'environnement est conforme.

Par ailleurs, s'il résulte des certificats médicaux produits par l'intimée qu'elle est suivie depuis mai 2007 pour un état anxieux que celle-ci a relié selon le médecin psychiatre à ses conditions de travail décrites comme pénibles et angoissantes, qui a nécessité un traitement anxiolytique et antidépresseur et un arrêt de travail depuis le 26 septembre 2008, ces éléments actés par le médecin à partir des seules déclarations de sa patiente ne permettent pas de confirmer le grief invoqué par Mme [Z] [V] quant à la gêne due à la seule présence de chats dans les locaux, alors que le second certificat médical du médecin généraliste (docteur [I] [X]) évoque un arrêt de travail pour la période du 2 au 18 mai 2007, soit antérieurement à la première lettre de récrimination de la salariée à propos de la présence d'animaux, tout en indiquant que la patiente est suivie depuis des années pour des allergies respiratoires (acariens et poussière de maison), sans que soit évoquée une réaction allergique à la présence de chats dont la présence à cette période dans les locaux de l'intimée n'est pas remise en cause.

Par conséquent, au vu de ce qui précède, Mme [Z] [V] ne justifie pas de la réalité des griefs invoqués à l'encontre de son employeur en sorte que la rupture du contrat de travail dont elle a pris l'initiative doit s'analyser comme une démission.

Il s'en déduit que le jugement critiqué doit être infirmé sur ce point.

Sur les incidences indemnitaires

Compte tenu de ce qui précède, les demandes indemnitaires de Mme [Z] [V] ne sont pas fondées, et le jugement doit être également infirmé à ce titre.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne justifie pas au regard des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de faire droit aux demandes des parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Déclare l'appel recevable en la forme.

Infirme le jugement du 8 juillet 2010 du Conseil de Prud'hommes de Marseille.

Statuant à nouveau

Dit que la rupture du contrat de travail de Mme [Z] [V] résulte de sa démission.

Déboute Mme [Z] [V] de ses demandes.

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Condamne Mme [Z] [V] aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 10/14115
Date de la décision : 14/10/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°10/14115 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-14;10.14115 ?
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