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06/10/2011 | FRANCE | N°11/03278

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 06 octobre 2011, 11/03278


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 06 OCTOBRE 2011



N°2011/



JONCTION







N°11/3746 joint au

Rôle N° 11/03278







EURL SODEMIL





C/



[C] [M]



































Grosse délivrée le :

à :



Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE





Véroni

que ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE





copie certifiée conforme délivrée aux parties le































Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 26 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2344.





APPELANTE et...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 06 OCTOBRE 2011

N°2011/

JONCTION

N°11/3746 joint au

Rôle N° 11/03278

EURL SODEMIL

C/

[C] [M]

Grosse délivrée le :

à :

Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE

copie certifiée conforme délivrée aux parties le

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 26 Janvier 2011, enregistré au répertoire général sous le n° 08/2344.

APPELANTE et intimée dans le RG 11/3746

EURL SODEMIL,

demeurant [Adresse 2]

comparant en personne,

assistée de Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME et appelant dans le RG 11/3746

Monsieur [C] [M],

demeurant [Adresse 1]

comparant en personne,

assisté de Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Michel VANNIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2011

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée en date du 7 ou 16 novembre 1990, monsieur [M] a été engagé comme équipier polyvalent au sein d'un restaurant Mc Donald's ; son dernier employeur était l'Eurl Sodemil chez qui il était directeur de restaurant; son salaire brut moyen mensuel était de 4.963,00 euros ; les rapports contractuels étaient régis par la convention collective de la restauration rapide.

Il était délégué syndical à l'Ues Brescia depuis le 18 mai 1999.

Le 17 septembre 2008, monsieur [M] saisissait le conseil de prud'hommes de Marseille de diverses demandes notamment de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Le 25 septembre 2008, il était convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 14 octobre 2008, le comité d'entreprise émettait un avis défavorable au licenciement de l'intéressé et par décision en date du 18 décembre 2008, l'inspecteur du travail refusait d'autoriser son licenciement ; cette décision était confirmée par le ministre du travail suite au recours hiérarchique de l'employeur en date du 19 février 2009.

Entre-temps, par lettre recommandée en date du 2 mars 2009, monsieur [M] avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par jugement de départage en date du 26 janvier 2011, le conseil de prud'hommes de Marseille a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, de la prime sur objectifs du 3ème trimestre 2008, des compléments d'indemnité (Rtt, jours fériés travaillés, repos compensateur) et au titre du véhicule de fonction, a dit que la prise d'acte de la rupture devait produire les effets d'un licenciement nul et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes au titre du contrat de travail et à titre indemnitaire.

Sodemil et monsieur [M] ont l'une et l'autre interjeté appel de cette décision, respectivement les 17 et 25 février 2011 ; dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les dossiers enregistrés au greffe de la cour sous les numéros 11/03278 et 11/03746 seront joints pour n'en faire plus qu'un enregistré sous le premier numéro 11/03278.

L'employeur demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté monsieur [M] d'un certain nombre de ses demandes et de l'infirmer pour le surplus, de débouter l'intéressé de toutes ses demandes, fins et conclusions et de le condamner à lui payer la somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Le salarié demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

- 273.000,00 euros au titre du harcèlement moral,

- 4.963,36 euros pour la prime sur objectif du 3ème trimestre 2008,

- 7.278,32 euros d'indemnité compensatrice de jours de Rtt et 1.397,97 euros pour une indemnité de Rtt payée sur une base de 7 heures au lieu de 8 heures,

- 5.326,45 euros de compensation des jours fériés travaillés et 22,19 euros au titre de la différence de l'indemnité de compensation des jours fériés et travaillés sur une base de 7 heures et non pas de 8 heures,

- 3.661,35 euros de complément d'indemnité compensatrice de repos compensateur,

- 585,00 euros au titre des avantages liés à la fonction de directeur pour les mois d'octobre à décembre 2008,

- 10.032,00 euros de dommages-intérêts pour défaut de véhicule de fonction et minoration de l'indemnité de déplacement,

- 121.179,60 de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 16.493,74 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 10.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à la décision déférée et aux écritures déposées, oralement reprises à l'audience du 30 juin 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

- sur le harcèlement :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et, selon l' article L. 1154-1 du même code, en cas de litige lié à une méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, monsieur [M] invoque diverses reproches et sanctions qui lui ont été infligées, une discrimination syndicale, une entrave à l'exercice de ses fonctions de directeur.

- sur les sanctions :

Le compte rendu daté du 19 novembre 2007 de monsieur [R], directeur adjoint des opérations, suite à la visite du restaurant effectuée le 15 novembre précédent porte à la connaissance de monsieur [M] des constatations objectives, positives et négatives, auxquelles le salarié a répondu le jour-même, sans remettre en cause ni la qualité de monsieur [R] ni ses constats ; ce document ne peut être pris en compte dans des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

De même, l'avertissement qui lui a été notifié le 3 décembre 2007, dont monsieur [M] ne demande pas l'annulation, était justifié par la visite du 15 novembre qui avait révélé des dates limites de consommation non respectées et certaines procédures d'hygiène mal suivies ; en elle-même, cette sanction qui relève du pouvoir disciplinaire de l'employeur, ne peut être prise en compte pour présumer l'existence d'un harcèlement moral;

toutefois, dès le 12 janvier 2008, monsieur [M] a dénoncé le caractère irrégulier de la procédure au motif que l'entretien préalable 's'est tenu dans un lieu ouvert au public, dans les heures d'ouverture au vu et au su de clients et de salariés' ; l'employeur ne s'explique pas sur ce grief dans le cadre de la présente procédure comme il n'y avait pas répondu dans sa lettre au salarié du 24 janvier 2008.

Par ailleurs, concernant la prétendue entrave aux fonctions de monsieur [M] :

- il était logique que l'employeur signifie par écrit au directeur le 23 juin 2008 les résultats d'un prélèvement révélant des traces de Listeria monocytogène dans une salade mise en vente dans son établissement et lui demande de mettre en oeuvre sans délai toute action corrective visant à garantir la qualité des produits ;

- les accusations de harcèlement à l'encontre de messieurs [X], directeur de la sécurité, [R], directeur des opérations et [K], surperviseur opération, ne reposent sur aucun élément autre que les propres dénonciations de monsieur [M], monsieur [R] étant en droit de discuter les dates de congés déposées par le directeur et les 4 courriels de monsieur [K] envoyés le 29 septembre 2008 ne pouvant être critiquables.

Dès le 14 janvier 2008, monsieur [M] était à nouveau convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, entretien qui se déroulait le 19 janvier suivant et il l'était encore pour un autre entretien, préalable celui-ci à un licenciement, pour le 4 février 2008;

or, l'inspecteur du travail a refusé le licenciement de monsieur [M] le 16 mai 2008 après avoir objectivé un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat de délégué syndical après avoir effectué les constats suivants :

- le changement de position de la direction vis-à-vis de l'engagement des dépenses publicitaires est lié à l'exercice du mandat de délégué syndical détenu par monsieur [M];

- l'employeur n'a jamais répondu au courrier ni aux appels téléphoniques de monsieur [M], qui exerce activement son mandat de délégué syndical et représentant syndical auprès du Ce et du Chsct;

- les relations entre les organisations syndicales représentées par les délégués syndicaux, dont Monsieur [M] pour la Cftc, et la direction se sont durcies à l'occasion des réunions pour la négociation annuelle obligatoire sur les salaires depuis le mois de décembre 2007;

l'employeur ne peut donc pas soutenir que cette procédure disciplinaire est sans lien avec l'activité syndicale de monsieur [M].

Le 7 octobre 2008, monsieur [M] subissait un nouvel entretien préalable à un licenciement, après avoir été mis à pied à titre conservatoire par lettre datée du 25 septembre et une demande d'autorisation de licenciement était déposée le 16 octobre 2008 notamment pour des faits de discrimination, de harcèlement moral et harcèlement sexuel; or, par décision en date du 18 décembre 2008, l'inspecteur du travail a fait litière une nouvelle fois des accusations de l'employeur en considérant notamment :

- que les faits reprochés de discrimination à l'embauche fondés sur l'orientation sexuelle des candidats n'est pas établie par la seule présence dans l'établissement dirigé par monsieur [M] de salariés supposés homosexuels et que les différences de traitement dénoncés par les salariés ne procèdent que de ressentis personnels ou subjectifs;

- que l'enquête contradictoire et l'audition des témoins n'ont pas permis d'identifier des agissements répétés de monsieur [M] qui ont eu pour objet ou pour effet de dégrader les conditions de travail de ses salariés;

-que les agissements qualifiés par l'employeur de harcèlement sexuel par monsieur [M] sur le salarié [F] ne sont matériellement pas établis;

- que l'organisation de la réunion de libre expression du 17 septembre 2008 et le recueil de témoignages n'avaient que pour objet de chercher un nouveau motif disciplinaire afin de réengage une nouvelle procédure de licenciement à l'encontre de monsieur [M] et que le véritable motif de cette demande doit être regardé comme s'inscrivant dans le prolongement de la précédente demande d'autorisation de licenciement;

là encore, l'employeur ne peut pas soutenir que cette nouvelle procédure de licenciement était sans lien avec l'activité syndicale de monsieur [M].

- sur les convocations aux réunions :

Il est établi que l'employeur a convoqué monsieur [M] à deux reprises, les 7 février 2008 et le 10 avril 2008, alors qu'il ne pouvait ignorer que ce salarié, membre de la commission nationale de formation Agefos PME, était ces jours-là en réunion à [Localité 3]; ces convocations intempestives, dont la première suit de quelques jours le premier entretien préalable au licenciement du 4 février, ne sont pas explicitées par l'employeur.

Il est encore démontré qu'il l'a convoqué à une réunion du Chsct le 7 août 2008 alors même qu'il lui avait accordé ses congés d'été du 3 août au 17 août; or, l'employeur ne répond pas au grief que lui a formulé monsieur [M] dès le 30 juillet 2008 qui lui rappelait alors 'que depuis la création de cette instance celle-ci n'était convoquée qu'en fin de trimestre'.

- sur l'entrave aux fonctions de directeur :

Le seul litige démontré par les pièces du dossier impliquant un monsieur [E] de Top Annonces ne permet pas de suspecter une entrave aux fonctions de directeur pas plus d'ailleurs que les échanges épistolaires du mois de septembre 2008 entre messieurs [M] et [K] sur les matériels défectueux en attente de réparation ou de remplacement, ces courriers révélant simplement des discussions normales entre professionnels sur le financement des travaux à réaliser dans un restaurant et le partage des compétences.

Ainsi, l'entretien préalable à l'avertissement du 3 décembre 2007 qui a eu lieu en public, les demandes de licenciement rejetées par l'inspection du travail les 16 mai et 18 décembre 2008 du fait qu'elles étaient en lien avec ses fonctions syndicales, les motivations de la deuxième demande de licenciement fondée sur des prétendus discrimination et harcèlement moral et sexuel non prouvées et les convocations répétées de monsieur [M] sans tenir compte de ses disponibilités sont autant d'éléments de fait qui, examinés dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Or, l'employeur ne prouve sur aucun de ces points que ses décisions étaient motivées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Monsieur [M] a donc bien été victime de harcèlement moral et de ce chef la décision du premier juge ne peut donc qu'être infirmée.

Le salarié demande en réparation de son préjudice, qu'il ne caractérise par aucun document, la somme déraisonnable de 273.000,00 euros qu'il ne prend même pas la peine de justifier; son préjudice sera intégralement réparé par l'octroi de 10.000,00 euros à titre de dommages-intérêts.

- sur la rupture du contrat de travail et les demandes financières de monsieur [M]:

Sur ces points, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance, monsieur [M] ne justifiant pas plus en appel qu'en première instance de ses revenus actuels ; or, le jugement déféré repose sur des motifs exacts et pertinents que la cour adopte sauf à dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et non d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et il a fait une juste appréciation des sommes devant revenir au salarié au titre de son contrat de travail et à titre indemnitaire.

Toutefois, ajoutant à la motivation du premier juge, la cour précise que le harcèlement moral dont a été victime monsieur [M] justifiait à lui seul la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur.

*

L'employeur qui succombe versera à monsieur [M] la somme de 2.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Ordonne la jonction des dossiers enregistrés au greffe de la cour sous les numéros 11/03278 et 11/03746 et dit qu'il n'en feront plus qu'un enregistré sous le numéro 11/03278,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Marseille mais uniquement en ce qu'il a débouté monsieur [M] de sa demande au titre du harcèlement moral et lui alloue de ce chef la somme de 10.000,00 euros,

Confirme le jugement pour le surplus sauf à dire que la rupture produit les effets d'un licenciement nul et sauf à porter à 2.000,00 euros la somme que la société Sodemil devra payer à monsieur [M] au titre de ses frais irrépétibles,

Dit que l'employeur devra communiquer des documents sociaux rectifiés,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Sodemil aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 11/03278
Date de la décision : 06/10/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°11/03278 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-10-06;11.03278 ?
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