COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 OCTOBRE 2011
D.D-P
N° 2011/551
Rôle N° 10/19212
CHSCT LYONDELL CHIMIE FRANCE
C/
LYONDELL CHIMIE FRANCE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD SIMONI
SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 19 Octobre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/01223.
APPELANTE
COMITE D'HYGIENE DE SECURITE ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL (CHSCT) dela société LYONDELL CHIMIE FRANCE pris en la personne de son représentant légal, savoir son 'secrétaire' en exercice
sis [Adresse 2]
Représenté par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour,
Assisté de Me Jérôme FERRARO de la SCP SANGUINETTI-FERRARO-CLERC, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SOCIETE LYONDELL CHIMIE FRANCE,
dont le siège social est [Adresse 3]
Représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, Assistée de Me Arnaud TEISSIER du cabinet CAPSTAN, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SAS Lyondell Chimie France (la société Lyondell ) exerce dans un établissement situé à [Localité 1] une activité de production et vente de glycols, oxyde de propylène, et autres produits chimiques dans un site classé type 'Seveso II (seuil haut)'.
Par délibération en date du 14 juin 2010, le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (LE CHSCT) a mandaté le cabinet d'expertise SECAFI pour réaliser une expertise en risques technologiques sur le fondement des articles L.4523-5 et R4523-3 du code du travail prévoyant qu'il peut faire appel à un expert en risques technologiques pour le danger grave en rapport avec l'installation classée.
Le 21 juillet 2010, la SAS Lyondell Chimie France a fait assigner le CHSCT de la Sas Lyondell Chimie France devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins de voire annuler cette décision au motif qu'il n'existe pas de danger grave constaté au sein de son établissement.
Elle soutient qu' envisageant de procéder à une restructuration dans l'établissement litigieux, elle avait engagé une procédure d'information et de consultation au cours de laquelle par deux fois le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail avait déjà mandaté le cabinet Sicafi avec notamment pour mission en application des articles L. 4614 ' 12 et R. 4814 ' 20 du code du travail de déterminer l'impact du projet sur les conditions de travail et que l'expert a déjà conclu à l'absence de danger.
Par jugement contradictoire en date du 19 octobre 2010, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :
- annulé la délibération du CHSCT en date du 14 juin 2010 ayant désigné l'expert SECAFI en application des dispositions de l'article L.4523-5 du code du travail,
-et condamné la Sas Lyondell Chimie France à verser à son C. H. S. C.T. la somme de 2 990 € au titre de frais de procédure exposés par ce comité, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration au greffe en date du 26 octobre 2010, le CHSCT de la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 910 alinéa deux du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 2 mai 2011, le Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail de la Société Lyondell Chimie France demande à la cour :
- de réformer le jugement entrepris,
- de dire qu'elle était parfaitement fondée à décider d'une expertise en risques technologiques en cas de danger grave en rapport avec l'installation classée,
- d'enjoindre la société Lyondell Chimie France sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt, d'avoir à laisser les opérations d'expertise se dérouler, est d'avoir à laisser expert pénétré dans l'établissement, afin que des premières réunions préparatoires puissent se tenir sans délai,
' de dire qu'à défaut d'abus les frais qu'elle a exposés pour sa défense, dont il sera le cas échéant justifiés, doivent être pris en charge en intégralité par la société Lyondell Chimie France, outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits.
Par conclusions notifiées le 5 août 2011, la société LYONDELL CHIMIE FRANCE prie la cour, au visa des articles L.4523-5 et R.4523-2 du code du travail :
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- et de condamner le C. H. S. C. T. aux entiers dépens, ceux d'appel distraits.
La cour renvoie aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.
MOTIFS,
Attendu que le C. H. S. C. T. fait valoir au soutien de son recours que l'usine en cause exerce une activité par nature dangereuse ; que depuis le début de l'année de 2009 la société-mère du groupe est placée sous le régime de la loi américaine relative aux faillites ; que concernant la société française, son coût de production a été considéré comme trop élevé ; que l'organisation du travail est entièrement remise en cause avec une suppression effective de 35 emplois, ainsi qu'une réduction drastique des coûts de maintenance ; que le rapport d'expertise déjà déposé par le cabinet Sicafi les 8 avril 2010 et 15 juin 2010, même s'il n'a pas été alors saisi à cette fin, laisse apparaître par endroits l'existence d'importants risques technologiquesnotamment:
-un problème de formation(personnel insuffisamment informé de la létalité de certains produits),
-une insuffisance des moyens de secours incendie et médicaux (lagune constituant une réserve d'eau de lutte contre l'incendie de 10'000 m3 non draguée, absence de pompe jockey de secours, manque d'entretien des tuyauteries équipant les systèmes de type déluge, externalisation de l'infirmière, manque de formation des personnels à la conduite du camion émulseur) ;
que les articles L. 4523 ' 5 et R. 4523 ' 3 du code du travail prévoyant 'le danger grave' justifiant l'expertise en risques technologiques ne peut pas être interprété plus restrictivement pour des entreprises de type Seveso II que le texte prévoyant le'risque grave' qui suffit dans tous les CHSCT à permettre une expertise 'classique'en application del'article L. 4614 ' 12 - 1° ;
que le site de production litigieux utilisant une liste impressionnante de produits chimiques toxiques, le 'danger' est permanent ; que s'il n'y a pas eu de véritable accident depuis les 22 dernières années au sein de la société Lyondell, l'usine AZF fonctionnait elle aussi depuis 60 ans sans incident majeur ; et enfin que la société a une politique de rétention de l'information, de sorte qu'il est urgent et impératif , en l'absence de véritable consultation sur le plan d'opération interne, de savoir si dans le cadre de la prochaine réorganisation les conditions de sécurité sont et seront assurées ;
Mais attendu que ce faisant l'appelant, pas plus qu'en première instance, ne rapporte la preuve qui lui incombe de l'existence 'd' un danger grave en rapport avec une installation classée' ;
Attendu que l'expertise en risques technologiques demandée ne saurait être ordonnée pour l'établir ;
Attendu que les différents risques menaçant la sécurité de l'établissement allégués ne sont que d'éventuels dangers ; qu'ils ne peuvent conduire qu'à l'expertise prévue par l'article L. 4614 ' 12 - 1° du code du travail laquelle porte sur les conditions de santé et de sécurité et les conditions de travail des salariés ; et qu'ils ne peuvent ouvrir au CHSCT d'une installation à haut risque industriel un droit permanent à une expertise spécifique des risques technologiques;
Attendu que pour le surplus le premier juge a déjà répondu par des motifs développés pertinents qui méritent adoption ;
Attendu que l'appelant fait valoir que les comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail sont des personnes morales qui , à la différence des comités d'entreprise, ne disposent d'aucun budget de fonctionnement ni d'aucuns fonds propres ; que si aucune disposition légale n'est prévue pour les frais de justice en cas de contestation judiciaire de l'expertise par l'employeur, il a été admis par la chambre sociale de la Cour de cassation qu'en l'absence d'abus du droit d'ester en justice l'employeur même s'il ne succombait pas devait supporter les frais de procédure de la contestation de l'expertise ;
Attendu que l'intimée n'a fait aucune réplique sur ce point ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de prise en charge des frais de la procédure de contestation exposés en cause d'appel par le C. H. S. C. T. ;qu'en revanche la demande de paiement des honoraires d'avocat n'étant pas chiffrée ne pourra qu'être écartée ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Dit que la SAS Lyondell Chimie France supportera la charge des dépens et des frais de procédure d'appel exposés par le C. H. S. T. C.,
Déboute ce dernier de sa demande de paiement des honoraires d'avocat ,
Autorise la S. C. P. d'avoués MAYNARD SIMONI à recouvrer directement les dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT