COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 06 OCTOBRE 2011
N°2011/ 615
Rôle N° 10/05751
[C] [O]
(AJT du 9/06/2010)
C/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BLANC
SCP LIBERAS
Arrêt en date du 06 Octobre 2011 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 9 février 2010, qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 11 janvier 2007 par la Cour d'Appel de Aix -en- Provence (8ème Chambre C).
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
Monsieur [C] [O]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/007149 du 09/06/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
né le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 8], demeurant [Adresse 7]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour
DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9],
demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour, assistée par Me Jérôme BRUNET DEBAINES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 29 Juin 2011 en audience publique .Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président,
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2011..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Octobre 2011
Signé par Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 19 février 1998 la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a consenti un prêt de 1.000.000 F à la SCI LE QUERCUS dans laquelle Monsieur [C] [O] était associé, pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier à [Adresse 11].
Monsieur [O] s'est porté caution solidaire du remboursement de ce prêt, affectant par ailleurs en garantie un immeuble lui appartenant sis à [Adresse 6].
La SCI n'ayant pas honoré tous les remboursements, la Caisse de Crédit Mutuel a poursuivi la vente sur saisie immobilière tant des biens de la SCI que de l'immeuble de Monsieur [O]
La vente sur adjudication de l'immeuble appartenant à Monsieur [O] est intervenue le 29 septembre 2000 au prix de 39.636,74 euros.
Sur assignation pour ordre judiciaire délivrée par la Banque à l'encontre de Monsieur [O], celui-ci a contesté, d'une part, la légitimité de la saisie immobilière pratiquée en premier lieu sur son immeuble, au motif que l'adjudication le 13 octobre 2000 de l'immeuble appartenant à la SCI avait permis à la Banque de récupérer l'intégralité de sa créance, et, d'autre part, a contesté le décompte de la Caisse de Crédit Mutuel faisant valoir que la Banque était déchue à son égard de ses droits à intérêts.
Par jugement du TGI de ROUEN du 3 février 2004 a écarté ses demandes et a colloqué la Banque pour la créance lui restant due qu'il a évaluée à la somme de 10.317,92 euros en principal, les intérêts étant arrêtés au 22 mai 2003 ;
Par arrêt de la Cour de Cassation du 5 juin 2007 la décision de la Cour d'Appel de ROUEN en date du 29 mars 2005, qui avait rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts de la Banque et confirmé le jugement, a été cassée, pour violation de l'article L 313-22 du code monétaire et financier.
Par ailleurs, estimant la vente de son bien disproportionnée et abusive, Monsieur [O] a assigné la Caisse de Crédit Mutuel devant le TGI de [Localité 3] le 13 mars 2003 en paiement de la somme de 73.937,77 euros en réparation de son préjudice correspondant au prix de vente normal de sa maison.
Par arrêt du 11 janvier 2007 la 8ème Chambre C de la Cour de céans a rejeté les demandes de Monsieur [O] formées contre la Banque et confirmé sur ce point le jugement du TGI de [Localité 3] en date du 5 août 2004.
Par décision du 9 février 2010, rendue sur le pourvoi formé par Monsieur [O] à l'encontre de l'arrêt de la Cour de céans, la Cour de Cassation, Chambre commerciale, a cassé et annulé la décision déférée mais seulement en ce que, confirmant le jugement, la Cour a rejeté les demandes de Monsieur [O] contre la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9].
Elle a remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'appel d'AIX en PROVENCE, autrement composée.
Par acte du 23 mars 2010 Monsieur [O] a saisi la Cour de céans en application de la décision de cassation partielle, intimant aussi Madame [N] [U] et la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9].
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 juillet 2010, le dessaisissement de la Cour a été constaté à l'égard de Madame [T] épouse [U] et de la SCI LE QUERCUS suite aux désistements d'appel de Monsieur [O] à leur encontre.
Par ultimes conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 3 juin 2011, tenues pour intégralement reprises, Monsieur [O] demande à la Cour de :
Vu les dispositions de l'article L 313-22 et suivants du code monétaire et financier,
Constater le manquement de la Caisse de Crédit Mutuel à son obligation d'information de la caution,
Dire et juger que Monsieur [O] est bien fondé à se prévaloir du droit à déchéance des intérêts,
Dire et juger que la vente du bien immobilier de la SCI LE QUERÇUS permettait de désintéresser le créancier,
Dire et juger que la vente du bien sis à [Adresse 6] n'était pas justifiée,
Condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] au paiement de la somme de 73.937 euros ainsi que de celle de 31.557 euros,
Constater que du fait de la saisie des loyers il a été dans l'obligation de vendre en urgence le bien sis à [Localité 4],
Condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de ce fait au paiement d'une somme de 10.671,43 euros au titre de la moins-value sur la vente de ce bien immobilier,
Condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] au paiement de la somme de 8.273,41 euros correspondant à la valeur du mobilier non récupéré et sis sur la propriété de la SCI,
La condamner au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation de préjudice moral et financier et pour résistance abusive,
La condamner au paiement de la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions récapitulatives déposées le 5 mai 2011, tenues pour intégralement reprises, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] demande à la Cour de :
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation du 9 février 2010,
Débouter Monsieur [O] de son appel,
Confirmer la décision du TGI de [Localité 3] du 5 août 2004 qui a débouté Monsieur [O] de toutes ses demandes à son encontre,
Le condamner au paiement d'une indemnité de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient qu'aucune faute ni manquement ne peuvent lui être imputés alors qu'au moment où elle a mis en oeuvre les garanties aucune déchéance du droit à intérêts n'était prononcée et que cette déchéance ne peut s'appliquer à la dette de la SCI, mais seulement à celle de la caution, et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée en l'absence de contestation de Monsieur [O].
Subsidiairement elle fait valoir que Monsieur [O] n'a subi et ne démontre aucun préjudice, le prix d'adjudication étant conforme au marché et que le lien de causalité entre la vente du bien immobilier de [Localité 4] et une faute de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] n'est pas établi.
La Cour d'appel de CAEN, statuant sur renvoi de cassation, a, le 23 février 2010, réformé le jugement du TGI de ROUEN du 3 février 2004, sauf en ce qu'il a ordonné la mainlevée d'inscriptions au bureau des hypothèques, a débouté la Caisse du Crédit Mutuel de [Localité 10] et, en tant que de besoin, la Caisse Fédérale de Crédit Mutuel Méditerranéen de leurs demandes, les a condamnées in solidum à régler à Monsieur [O] une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. La Cour a considéré que la Banque avait commis plusieurs fautes, notamment dans la conduite des procédures de saisie, le bien de Monsieur [O] ayant été saisi sans que la nécessité de cette mesure ne soit certaine et que le montant de la dette de Monsieur [O], eu égard à la déchéance partielle du droit à intérêts de la Banque, était inférieur à celui de la débitrice principale.
Monsieur [O] a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du BAJ d'AIX en PROVENCE du 9 juin 2010.
L'affaire a été clôturée en l'état le 15 juin 2011.
MOTIFS
Attendu que selon l'article 48 modifié de la loi du 1er mars 1984, codifié sous l'article L 313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition de cautionnement par une personne physique ou une personne morale sont tenus, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commission, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation à durée indéterminée ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu de cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ;
Attendu que le non-respect de l'obligation d'information de la caution par la Banque n'a pour effet que d'entraîner la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la suivante, mais pas la déchéance de son droit au paiement du principal de la créance ;
Attendu que la Cour d'appel de ROUEN, statuant sur renvoi de cassation, a jugé définitivement que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] avait commis une faute en ne fournissant pas à la caution Monsieur [O], au plus tard avant le 31 mars 1999, les renseignements exigés en vertu des dispositions précitées ;
Attendu qu'elle a justement apprécié au regard des éléments susvisés qu'elle n'avait accompli cette obligation qu'en mars 2000 et mars 2001, et que par suite les intérêts n'étaient dus par Monsieur [O] que pour l'année 2000 ;
Attendu qu'en application de l'article L. 313-22 susvisé du code monétaire et financier, il incombe seulement à l'établissement de crédit de prouver qu'il a adressé à la caution l'information requise et non d'établir au surplus que la caution l'a reçue ;
Attendu que la Banque produit aux débats une lettre en date du 8 mars 2000 adressée à Monsieur [O] comportant au verso l'information annuelle sur son engagement de caution du remboursement du prêt consenti le 30 novembre 1997 à la SCI LE QUERCUS, dont les références étaient rappelées au recto, satisfaisant aux exigences de l'article précité ;
Attendu que la circonstance que les références mentionnées sur ce courrier ainsi que sur celui adressé le 1er mars 2001 à Monsieur [O] soient identiques, sont insuffisantes à démontrer la fausseté de l'envoi des dits courriers ;
Attendu que la Cour d'appel de CAEN a chiffré la créance de la Banque à l'égard de la caution à la somme de 1.082.422,10 F en principal et intérêts, somme à laquelle s'élevait la dette de Monsieur [O] à l'égard de la Banque compte tenu de la déchéance partielle des intérêts échus ;
Attendu que la Banque, sur procédure de distribution du prix d'adjudication du bien de la SCI LE QUERCUS, a été colloquée par règlement amiable définitif du 18 août 2003 pour la somme de 174.517,04 euros, soit 1 144.756,40 F, le montant de sa créance retenu à l'état des créances contre la SCI s'élevant à la somme de 187.411,76 euros ;
Attendu, par ailleurs, que la vente sur adjudication de l'immeuble appartenant à Monsieur [O] est intervenue le 29 septembre 2000 au prix de 39.636,74 euros, (260.000 F) sur lequel la Banque a été colloquée au titre de l'inscription hypothécaire prise sur l'immeuble de Monsieur [O] par jugement du TGI de ROUEN du 3 février 2004 pour la créance lui restant due, évaluée à la somme de 10.317,92 euros en principal et intérêts, arrêtés au 22 mai 2003 ;
Attendu que la Cour d'appel de CAEN dans son arrêt du 23 février 2010 a dit que cette collocation n'aurait pas dû intervenir, relevant que le 14 juin 2001 la Banque avait reçu par anticipation, sans attendre la procédure d'ordre sur la distribution du prix d'adjudication de l'immeuble de la SCI, un chèque de règlement de la somme de 1.160.370,29 F, supérieur au montant de sa créance opposable à la caution, ce motif fondant sa décision de réformation du jugement du 3 février 2004 ;
Attendu que la Cour a alloué à Monsieur [O] en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance de négocier dans les meilleures conditions son immeuble saisi par la Banque sans que la nécessité de cette saisie soit certaine, une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que Monsieur [O] ne démontre pas le lien de causalité entre la vente d'un immeuble sis à [Adresse 5] et la saisie de loyers par la Banque ;
Qu'il sera en conséquence débouté de sa demande de paiement de la somme de 10.671,43 euros au titre d'une moins-value alléguée sur cette vente qu'il a lui-même réalisée ;
Attendu qu'il n'établit pas plus que l'immeuble saisi a été adjugé pour un prix inférieur à sa valeur réelle qu'il chiffre à la somme de 150.000 euros sur la base d'une attestation du 30 décembre 2010, alors que l'immeuble a été vendu en 2000, soit dix ans plus tôt ;
Attendu qu'il sera débouté de sa demande de paiement de la somme de 110.363,26 euros réclamée au titre de cette moins-value ;
Attendu qu'il ne justifie pas qu'aient été saisis lors de la saisie immobilière des meubles lui appartenant dans l'immeuble sis à [Localité 9] appartenant à la SCI LE QUERCUS ;
Qu'il sera débouté de sa demande relative au paiement d'une somme de 8.273,41 euros de ce chef,
Attendu par contre que si Monsieur [O], déjà indemnisé par ailleurs ne peut obtenir de cette Cour les indemnisations qu'il lui demande, il n'en demeure pas moins qu'il a dû diligenter de multiples procédures à l'encontre de la Banque pour faire valoir ses droits et obtenir satisfaction quant au décompte de sa créance, établissant que la vente de l'immeuble de la SCI LE QUERCUS, permettait à elle seule d'apurer la créance de la Banque à son encontre ;
Attendu qu'il a ainsi subi un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 8.000 euros ;
Attendu que le jugement du TGI de [Localité 3] sera réformé en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes envers la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] et l'a condamné à verser à cette dernière une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] sera condamnée à payer à Monsieur [O] une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que, partie perdante, elle sera condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement, sur renvoi de cassation,
Vu l'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 9 février 2010,
Réforme le jugement du Tribunal de grande instance de Draguignan du 5 août 2004 en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes envers la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] et l'a condamné à verser à cette dernière une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau,
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de CAEN en date du 23 février 2010 et les pièces versées aux débats,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à payer une somme de 8.000 euros à Monsieur [C] [O] en réparation de son préjudice moral,
La condamne au paiement d'une somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles d'instance,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,
Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] aux entiers dépens, qui seront recouvrés comme en matière d'aide judiciaire.
LE GREFFIER. LE PRESIDENT.