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30/09/2011 | FRANCE | N°10/13852

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 30 septembre 2011, 10/13852


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 30 SEPTEMBRE 2011



N°2011/ 646















Rôle N° 10/13852







[V] [D]





C/



SNC PANISUD













































Grosse délivrée le :



à :



-Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau

de MARSEILLE



-Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juillet 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/948.





APPELANT



Monsieur [V] [D], demeurant [Adresse 4]



comparant en personne, assisté de Me Nathal...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 30 SEPTEMBRE 2011

N°2011/ 646

Rôle N° 10/13852

[V] [D]

C/

SNC PANISUD

Grosse délivrée le :

à :

-Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 05 Juillet 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/948.

APPELANT

Monsieur [V] [D], demeurant [Adresse 4]

comparant en personne, assisté de Me Nathalie BRUCHE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SNC PANISUD, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2011, délibéré prorogé au 30 Septembre 2011.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2011.

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

[V] [D], qui était employé en qualité d'ouvrier pâtissier par la société SARL PANIFICATION LA ROUVIERE depuis le 14 Avril 1983, est devenu en 1991 salarié de la société PANISUD après cession du fonds de commerce le 8 Novembre 1991, [V] [D] conservant son ancienneté ; le domaine d'activité de la société PANISUD était la fabrication industrielle de pains et pâtisseries fraîches ; la relation de travail était à durée indéterminée, à temps plein et soumis à la convention collective de la boulangerie et pâtisserie industrielle ; [V] [D], qui exerçait toujours son emploi de pâtissier, était affecté depuis 1999 à la centrale de fabrication située sur la commune d'[Localité 1].

A compter de Juillet 2007, [V] [D] était muté par son employeur dans un magasin de la société, sis à [Localité 3].

Par lettre non datée, expédiée en recommandée et présentée à son destinataire le 2 Juin 2008, [V] [D] notifiait à la société PANISUD une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, invoquant les difficultés rencontrées dans l'exercice de ses fonctions, son changement d'horaires qui avait accompagné sa mutation géographique, les déplorables conditions d'hygiène dans le nouvel établissement, la détérioration de ses conditions de travail, le non-paiement d'heures supplémentaires exécutées, les pressions subies, les rumeurs sur le devenir du magasin et l'absence d'augmentation de son salaire malgré les promesses faites pour l'inciter à accepter la mutation.

Le 2 Juin 2008, la société PANISUD cédait le fonds de commerce de boulangerie -pâtisserie exploité au centre commercial de la Rouvière à [Localité 3] à la société 'LA ROUVIERE' ; il était mentionné dans l'acte de cession que le contrat de travail de [V] [D], pâtissier niveau 3, échelon 2 était repris par le cessionnaire.

+++++

[V] [D] saisissait, le 9 Juillet 2008, le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour voir donner à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et donc obtenir la condamnation de la société PANISUD à lui verser une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ses conclusions ultérieures, [V] [D] sollicitait, en outre, la condamnation, sous astreinte, de son ancien employeur à lui remettre une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conformes à la décision à intervenir et d'autre part, à lui verser une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour sa part, la société PANISUD concluait au rejet des demandes d'[V] [D] aux motifs, au principal, de leur irrecevabilité, le fonds de commerce, dans lequel le pâtissier travaillait, ayant été cédé, et subsidiairement du caractère infondé de ses prétentions, faute de manquements graves justifiant la prise d'acte ; la société PANISUD réclamait, en conséquence, la condamnation d'[V] [D] en raison d'une procédure qualifiée abusive et au titre des frais irrépétibles.

La juridiction prud'homale a rendu sa décision le 5 Juillet 2010 ; les premiers juges ont rejeté intégralement les prétentions du salarié.

+++++

[V] [D] a régulièrement relevé appel de la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes de Marseille, qui l'a débouté de toutes ses demandes.

Dans ses écritures déposées et réitérées oralement, [V] [D] conclut à la réformation du jugement entrepris et maintenant sa demande de donner à sa prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, forme les demandes chiffrées suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 4.600 Euros,

- congés payés afférents au préavis : 460 Euros,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 9.200 Euros,

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 27.600 Euros.

Au surplus, [V] [D] confirme demander la délivrance d'une attestation ASSEDIC et d'un certificat de travail conformes à la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 100 Euros par jour de retard, et la condamnation de son ancien employeur à lui verser une somme de 1.600 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En réplique, la société PANISUD conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes d'[V] [D] et à sa condamnation à lui verser une somme de 5.000 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle sollicite, par ailleurs, la somme de 3.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur l'irrecevabilité des demandes d' [V] [D]

Le transfert des contrats de travail des salariés de la société PANISUD par l'effet de la cession du fonds de commerce à la société 'LA ROUVIERE' est intervenu le 2 Juin 2008 à minuit, conformément aux stipulations prévues par cette convention.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par [V] [D] est antérieure au 2 Juin 2008 dans la mesure où la lettre recommandée adressée par l'intéressé à la société PANISUD a été présentée dans la journée du Lundi 2 Juin 2008, ainsi que l'atteste la signature apposée sur l'avis de réception de l'envoi recommandé par son destinataire, l'envoi de la lettre portant prise d'acte s'étant forcément effectué pour le moins le Samedi 31 Mai 2008.

La prise d'acte ayant pour conséquence la rupture définitive et immédiate du contrat de travail, cette rupture est antérieure à la cession du fonds de commerce.

En application des règles stipulées par l'article L.1234-1 du Code du Travail, anciennement codifié L.122-12, les contrats de travail transférés sont les contrats de travail en cours d'exécution.

Dans ces conditions, il convient de dire que l'action dirigée par [V] [D] à l'encontre de la société PANISUD était recevable.

2) Sur le bien-fondé de la prise d'acte

Il résulte du contenu de la lettre de rupture adressée par [V] [D] à son employeur et dont le contenu a été rappelé précédemment que le salarié reprochait essentiellement à la société PANISUD 3 séries de griefs :

- la modification unilatérale du contrat de travail à lui imposé par cette dernière qui avait modifié la répartition hebdomadaire de ses journées de travail en diminuant le nombre de jours de repos dont il bénéficiait chaque semaine et en le contraignant à travailler le Dimanche,

- la promesse non tenue par la société PANISUD d'augmenter son salaire mensuel de 400 Euros pour l'inciter à accepter la mutation géographique,

- les conditions d'hygiène et de sécurité insuffisantes sur son nouveau lieu de travail.

[V] [D], à qui il appartient d'établir la réalité et la gravité des faits allégués à l'encontre de la société PANISUD produit très utilement :

- les bulletins de salaire qui lui ont été délivrés dont l'examen démontre que le salarié, après sa mutation sur un magasin de [Localité 3], a perçu un supplément de salaire résultant de ses activités le Dimanche; une telle modification de la répartition des horaires de travail entre les jours de la semaine , privant ainsi [V] [D] de son repos dominical, faute de clause de modification écrite contractuellement prévue par les parties, constitue une modification du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié; aucun élément ou document probant n'est communiqué faisant apparaître que [V] [D] avait accepté la modification de son contrat de travail ;

-l'attestation de [E] [T], délégué syndical, qui a confirmé que non seulement [V] [D] n'avait accepté une mutation géographique qu'à la condition de percevoir une augmentation de salaire, mais aussi que la société PANISUD avait promis de lui verser ce supplément à hauteur de 400 Euros nets par mois ; la lecture des fiches de paie de [V] [D] établit que son salaire de base n'a pas été augmenté, puisque n'apparaissent que les paiements de primes dites exceptionnelles ou de stipulation pour un montant inférieur à 200 Euros ; le caractère aléatoire de telles primes et l'absence d'élément de fixité, ainsi que la différence des montants ne permettent pas de considérer ces paiements comme la concrétisation des engagements pris par la société PANISUD ;

- les témoignages écrits des salariés et les photographies des lieux de travail qui établissent les conditions insalubres de travail proposées à [V] [D] et la carence de la société PANISUD en matière de sécurité et de santé, malgré son obligation de résultat qui pesait sur elle.

Les manquements de l'employeur qui n'a pas réglé à [V] [D] le montant intégral du salaire qu'il s'était engagé de payer, la modification unilatérale du contrat de travail et sa défaillance à son obligation de sécurité, ont été suffisamment graves pour justifier une rupture imputable à la société PANISUD.

Dès lors, la prise d'acte opéré par [V] [D] doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé .

3) Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

[V] [D] est en droit de percevoir :

- une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire évalués à 2.015,82 Euros en fonction des composants de sa rémunération : 4.031,64 Euros,

- les congés payés afférents au préavis : 403,16 Euros,

- une indemnité conventionnelle de licenciement : 8.063,28 Euros conformément à l'article 25 de la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie,

- des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui, sur la base des dispositions de l'article L. 1235-3 du Code du Travail peuvent être chiffrés à 15.000 Euros, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de son salaire mensuel, de la durée du chômage, de la privation d'une situation stable et de la perte de revenus souffert.

+++++

La société PANISUD devra fournir à [V] [D] le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi qu'il demande ; l'astreinte ne s'impose pas.

En application de l'article L1235-4 du Code du Travail, à partir des éléments produits par le salarié, l'employeur devra rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à cette dernière dans la limite du plafond prévu par ce texte.

L'équité en la cause commande de condamner la société PANISUD, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à payer à [V] [D] la somme de 1.200 Euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'absence de faute de [V] [D] ayant fait dégénérer en abus le droit qu'il avait de saisir la juridiction prud'homale et de relever appel, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société PANISUD sera rejeté ;

La société PANISUD, qui succombe supportera les dépens et sera déboutée de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Réforme le jugement déféré rendu le 5 Octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a rejeté les demandes d' [V] [D],

Statuant à nouveau,

Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail opérée par [V] [D] était justifiée par les manquements suffisamment graves de son employeur , la société PANISUD et qu'elle a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société PANISUD à payer à [V] [D] les sommes suivantes :

- indemnité compensatrice de préavis : 4.031,64 Euros,

- congés payés afférents au préavis : 403,16 Euros,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 8.063,28 Euros,

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15.000 Euros,

Condamne la société PANISUD à remettre à [V] [D], dans le mois de la notification qui lui sera faite du présent arrêt, l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail conformes aux dispositions de la décision,

Confirme pour le surplus la décision entreprise,

Déboute la société PANISUD et [V] [D] de leurs demandes plus amples ou contraires,

Y ajoutant,

Déboute la société PANISUD de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société PANISUD à payer à [V] [D] une somme de 1.200 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Ordonne le remboursement par la SNC PANISUD au profit de l'organisme intéressé des indemnités de chômage que celui-ci a versées dans la limite du plafond prévu par l'article L1235-4 du Code du Travail,

Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise à Pôle emploi par les soins du greffe.

Condamne la société PANISUD aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 10/13852
Date de la décision : 30/09/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°10/13852 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-30;10.13852 ?
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