COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 29 SEPTEMBRE 2011
FG
N° 2011/546
Rôle N° 10/17470
[Z] [I] épouse [D]
[F] [D] épouse [U]
[B] [D] épouse [Y]
[L] [D] épouse [J]
[T] [D]
C/
[V] [H]
Grosse délivrée
le :
à :la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
Me JAUFFRES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 13 Septembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 09/6692.
APPELANTES
Madame [Z] [I] épouse [D]
née le [Date naissance 7] 1934 à [Localité 17] (ALGERIE) , demeurant [Adresse 11]
Madame [F] [D] épouse [U]
née le [Date naissance 8] 1958 à [Localité 15] (ALGERIE) , demeurant [Adresse 10]
Madame [B] [D] épouse [Y]
née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 21], demeurant [Adresse 16]
Madame [L] [D] épouse [J]
née le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 20], demeurant [Adresse 14]
Madame [T] [D]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 21], demeurant [Adresse 11]
représentées toutes les cinq par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me Laurence BOZZI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [V] [H]
né le [Date naissance 6] 1949 à [Localité 19], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, plaidant par Me Vincent MARQUET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Juin 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Septembre 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
M.[K] [D], né le [Date naissance 3] 1934, et Mme [Z] [I] épouse [D], née le [Date naissance 7] 1934, propriétaires d'une parcelle de terrain à bâtir à Sanary-sur-mer, quartier de Beaucours, formant le lot 31 du lotissement de la [Adresse 11], ont signé le 7 juin 1996 avec M.[V] [H] une promesse synallagmatique de vente de 'la parcelle de terrain ..cadastrée section AV numéro [Cadastre 12] pour 10 ares 87 centiares...mais d'une contenance réelle ainsi déclarée par le vendeur de 1.206 m²..', au prix de 922.950 francs (140.702,82 €).
M.[K] [D] est décédé le [Date décès 9] 1996, laissant son épouse et ses quatre enfants issus de son union avec son épouse, Mme [F] [D] épouse [U], Mme [B] [D] épouse [Y], Mme [L] [D] épouse [J] et Mlle [T] [D].
Ceux-ci ont refusé de réitérer la vente par acte authentique, prévue au 15 septembre 1996.
M.[V] [H] a fait assigner les consorts [D] en vente forcée. Il s'en est suivi une longue procédure, avec jugement de débouté du tribunal de grande instance de Toulon du 8 juin 1998, arrêt confirmatif du 17 octobre 2002 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, arrêt de cassation le 22 septembre 2004 par la Cour de cassation, avec renvoi devant la cour d'appel de Montpellier, et finalement arrêt de la cour d'appel de Montpellier, sur renvoi de cassation, le 6 avril 2006.
Cet arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 6 avril 2006 constate le caractère parfait de la vente.
Un nouveau litige est apparu entre M.[V] [H] et les consorts [D] sur l'objet de la vente parfaite, tel que déterminé dans l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier.
Cet arrêt constate le caractère parfaite de la vente de : 'une parcelle de terrain à bâtir située à [Adresse 18], cadastrée section AV numéro [Cadastre 12] pour 10 ares 87 centiares, mais d'une contenance réelle déclarée par le vendeur de 12 ares 06 centiares, formant l'article 31 du lotissement dénommé [Adresse 18], approuvé par arrêté préfectoral du 15 janvier 1922, et ce moyennant le prix de 922.950 francs TTC (140.647,93 €) TVA à la charge des vendeurs, stipulé dans l'acte sous seing privé du 7 juin 1996'.
Les 28 octobre et 12 novembre 2009, M.[V] [H] a fait assigner les consorts [D] devant le tribunal de grande instance de Toulon en délivrance du bien vendu, désignation d'un géomètre expert et indemnisation.
Par jugement en date du 13 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Toulon a :
- ordonné la délivrance par les consorts [D] à M.[H], du bien vendu conformément au plan annexé au compromis du 7 juin 1996, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter du mois suivant la signification de la présente décision,
- préalablement, dit que M.[H] est autorisé à missionner un géomètre de son choix afin de rapporter cadastralement la surface de terrain vendue, conformément au plan annexé au compromis du 7 juin 1996,
- condamné les défendeurs à payer à M.[H] la somme de 9.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de jouissance de la partie de terrain,
- débouté M.[H] de sa demande de démolition du mur,
- condamné les défendeurs à verser à M.[H] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné les défendeurs aux dépens, distraits au profit de SCP INGLESE - MARIN, conformément à l'article 699 du code de procédure civile .
Par déclaration de la SCP de SAINT-FERREOL et TOUBOUL, avoués, en date du 30 septembre 2010, Mme [Z] [I] épouse [D], Mme [F] [D] épouse [U], Mme [B] [D] épouse [Y], Mme [L] [D] épouse [J] et Mme [T] [D] ont relevé appel de ce jugement.
Par leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 22 juin 2011, Mme [Z] [I] épouse [D], Mme [F] [D] épouse [U], Mme [B] [D] épouse [Y], Mme [L] [D] épouse [J] et Mme [T] [D] demandent à la cour d'appel, au visa des articles 544, 545 et suivants, 1350 et suivants, 1616 et suivants du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[H] de sa demande de démolition du mur implanté par les concluants sur la parcelle AV [Cadastre 13] demeurée leur propriété,
- réformer le jugement pour le surplus,
- dire que la vente déclarée parfaite par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 6 avril 2006 porte sur la parcelle AV [Cadastre 12] d'une surface cadastrale de 1.087 m² et d'une surface réelle déclarée par le vendeur de 1.206 m²,
- dire que la chose vendue est désignée dans l'arrêt précité au regard des seules références cadastrales de la parcelle AV [Cadastre 12], de la surface portée sur ce document et de la surface déclarée par le vendeur et au regard du plan joint à l'avant contrat qui n'est pas visé par cette décision,
- constater que l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 6 avril 2006 ne comporte aucune obligation de délivrance d'une parcelle contenant la surface de 1.206 m² déclarée par le vendeur,
- dire que l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 6 avril 2006 interdit désormais à M.[H] d'exiger la délivrance d'un bien autre que la parcelle AV [Cadastre 12] et de la contenance qui est la sienne,
- dire que, par application des dispositions de l'article 1619 du code civil, en cas de discordance de plus du vingtième entre la superficie indiquée dans l'acte, à la supposer garantie, et la superficie réelle, seule la diminution du prix est susceptible d'être exigée par l'acquéreur, à l'exclusion de l'attribution en propriété du complément de superficie invoqué,
- déclarer en conséquence M.[H] irrecevable à revendiquer la délivrance d'un bien d'une contenance de 1.206 m² dont 168 m² prélevés sur la parcelle AV [Cadastre 13] pour laquelle il est sans droit ni titre,
- dire que M.[H] a renoncé à la condition de surface stipulée à son profit dans l'avant contrat pour n'avoir pas usé de la faculté qui lui était offerte de refuser la vente en l'absence de vérification de la surface vendue,
- dire qu'en l'état de cette renonciation, M.[H] n'est en toute hypothèse pas fondé à invoquer les dispositions de l'article 1178 du code civil pour prétendre à l'accomplissement de la condition suspensive prévue par l'avant contrat au titre de la superficie réelle de la chose vendue,
- dire en conséquence que c'est à bon droit que les consorts [D] ont refusé de signer le document d'arpentage établi par le géomètre [A] et d'accepter d'être dépossédés d'une surface de 168 m² prélevée sur la parcelle AV [Cadastre 13] dont ils sont demeurés propriétaires,
- en conséquence, réformer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la délivrance de la chose vendue par référence au plan annexé à l'avant contrat et autorisé M.[H] à faire le choix d'un géomètre chargé de reporter cadastralement la surface de terrain vendu conformément au plan du 7 juin 1996, soit une surface de 12a et 06ca,
- à titre infiniment subsidiaire, réformer purement et simplement cette décision en ce qu'elle a assorti l'obligation de délivrance imputée aux concluants d'une astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter du mois de sa signification,
- dire qu'une telle obligation ne peut commencer à courir qu'à l'expiration du délai d'un mois de la date à laquelle le géomètre mandaté par M.[H] a 'cadastralement reporté la surface du terrain vendu conformément au plan du 7 juin 1996',
- dire que les concluants ont satisfait à leur obligation de délivrance du bien dont s'agit conformément aux termes de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier le 6 avril 2006 en remettant à M.[H] la parcelle AV [Cadastre 12] clôturée par leurs soins, à laquelle il accède par le numéro 440 du chemin de la [Adresse 11],
- dire que le titre de propriété de M.[H] constitué de l'arrêt du 6 avril 2006 est opposable aux tiers par suite de la publication qu'il en a effectuée à la conservation des hypothèques le 10 octobre 2006,
- constater en outre la constructibilité du bien litigieux dont aucun obstacle ne peut empêcher la vente,
- en conséquence, débouter M.[H] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 1604 du code civil,
- réformer le jugement en ce qu'il a accordé à M.[H] une indemnité de 9.000 € en réparation d'un prétendu trouble de jouissance dont il n'est pas justifié,
- dire qu'en toute hypothèse, seul serait indemnisable, à le supposer établi, le trouble de jouissance né postérieurement à l'arrêt du 6 avril 2006, les préjudices invoqués pour la période antérieure à cette décision ayant d'ores et déjà fait l'objet d'une indemnisation par l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 6 avril 2006,
- débouter M.[H] des demandes formées à ce titre,
- faire droit à leurs demandes reconventionnelles,
- désigner tel géomètre qu'il plaira avec pour mission de rapporter cadastralement la surface de la parcelle AV [Cadastre 12] et de déterminer l'assiette de la servitude conventionnelle grevant cette parcelle au profit de la parcelle AV [Cadastre 13], fonds dominant, telle que créée par l'avant contrat du 7 juin 1996,
- condamner M.[H] au paiement de la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M.[H] aux entiers dépens, de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP de SAINT-FERREOL et TOUBOUL, avoués.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 21 juin 2011, M.[V] [H] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1582 et suivants et 1604 et suivants du code civil de :
- débouter les consorts [D] de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer le jugement du 13 septembre 2010 en ce qu'il a:
-ordonné la délivrance par les consorts [D] à M.[H], du bien vendu conformément au plan annexé au compromis du 7 juin 1996, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter du mois suivant la signification de la présente décision,
- dit que M.[H] est autorisé à missionner un géomètre de son choix afin de rapporter cadastralement la surface de terrain vendue, conformément au plan annexé au compromis du 7 juin 1996,
- condamné les consorts [D] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
- réformer ce jugement pour le surplus,
- condamner les consorts [D] à démolir le mur bâti par eux en violation de ses droits de propriété, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner les consorts [D] au paiement d'une somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice de jouissance, équivalent à un pourcentage de valeur du terrain,
- condamner les consorts [D] au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,
- condamner les consorts [D] au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral,
- condamner les consorts [D] au paiement d'une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les consorts [D] aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de M°JAUFFRES, avoué.
L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, d'accord des représentants des parties, le 22 juin 2011, avant les débats.
MOTIFS,
-L'objet de la vente :
La cour d'appel de Montpellier, dans son arrêt définitif du 6 avril 2006, a jugé que l'objet de la vente était déterminé.
Il s'agit de : ' 'une parcelle de terrain à bâtir située à [Adresse 18], cadastrée section AV numéro [Cadastre 12] pour 10 ares 87 centiares, mais d'une contenance réelle déclarée par le vendeur de 12 ares 06 centiares, formant l'article 31 du lotissement dénommé [Adresse 18]'.
Le lot 31 du lotissement de la [Adresse 11] représentait en effet sur les plans du lotissement un terrain d'une surface de 12ares 6centiares.
La surface de 1.200 m² était la superficie minimum exigée par la commune de Sanary-sur-mer pour installer une fosse septique dans ce quartier qui n'était pas encore équipé à l'époque d'un réseau d'assainissement.
Il fallait en conséquence une surface de 1.200m² au moins pour construire une maison d'habitation.
La promesse synallagmatique de vente contenait d'ailleurs une condition suspensive particulière selon laquelle : 'les présentes conventions sont soumises à la condition suspensive que le terrain présentement vendu soit d'une contenance réelle de 1.206 m², le vendeur déclarant que la superficie minimum dans cette zone est de 1.200 m².'
La cour d'appel de Montpellier ayant jugé la vente parfaite, en considérant que toutes les conditions prévues étaient réalisées, cette vente est censée concerner un terrain de 1.206 m².
Comme il y avait donc absence de correspondance entre le découpage par lots de lotissement et le découpage cadastral, le lot 31 du lotissement, objet de la vente, pouvait déborder sur une autre parcelle cadastrale que la parcelle AV [Cadastre 12], sous réserve de ce que la partie excédant la parcelle cadastrale AV [Cadastre 12] ne soit pas propriété d'un tiers.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il condamne les consorts [D] à délivrer la surface manquante.
Par contre, il ne peut y avoir lieu à astreinte alors qu'une étude par géomètre est nécessaire comme l'a justement apprécié le tribunal, que la difficulté de délivrance n'est pas seulement du fait des consorts [D].
-Sur la demande relative au mur :
Il n'est pas établi que le mur litigieux soit situé sur la propriété de M.[H].
Le jugement sera confirmé.
-Sur la servitude :
La question de la servitude suppose qu'au préalable les limites des propriétés soient clairement définies.
-Sur les dommages et intérêts :
Le tribunal a fait une juste appréciation du montant du préjudice subi en retenant une somme de 9.000 €.
Par équité, chaque partie conservera ses dépens et frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu le 13 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Toulon, en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné une astreinte,
Dit que chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT