COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 SEPTEMBRE 2011
N° 2011/369
Rôle N° 10/07201
[P] [N] [R]
[F] [E] épouse [R]
C/
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE
[Adresse 5]
Grosse délivrée
le :
à :la S.C.P. DE [Localité 12] - TOUBOUL
la S.C.P. BOTTAI-GEREUX-BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/06909.
APPELANTS
Monsieur [P] [N] [R]
né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 7] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 2]
comparant en personne, assisté de la S.C.P. DE [Localité 11], avoués à la Cour
Madame [F] [E] épouse [R]
née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 8], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de la S.C.P. DE [Localité 11], avoués à la Cour
INTIME
Syndicat des copropriétaires [Adresse 9] pris en la personne de son Syndic bénévole, Monsieur [K] [S], [Adresse 10],
représenté par la S.C.P. BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, plaidant par Me Fabien BOUSQUET, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Damien NOTO, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, et Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller,
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président
Monsieur André FORTIN, Conseiller
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Magistrat rédacteur : Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 septembre 2011.
Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure et moyens des parties :
Monsieur et Madame [R] sont copropriétaires dans l'immeuble situé [Adresse 6]. Cet immeuble est composé de cinq étages sur rez-de-chaussée outre le sous-sol et les époux [R] y ont acheté, en 1984, les lots numéro 16,23, 24 puis au mois de janvier 2007, le lot numéro 25 constitué d'un couloir desservant les chambres de bonne.
L'assemblée générale des copropriétaires, qui s'est réunie le 17 avril 2007, a voté une résolution numéro 5 ainsi libellée :
« l'assemblée générale rappelle que l'accès aux parties communes de l'immeuble doit être garanti à toute heure du jour ou de la nuit ; elle mandate le syndic pour obtenir par tous moyens légaux, y compris judiciaires si cela s'avère indispensable, le rétablissement du libre accès aux parties communes de l'immeuble et notamment à la gaine technique de l'immeuble dénommé cour sur le plan annexé au règlement de copropriété ainsi que le rétablissement de l'accès au WC commun aux chambres de bonne. »
Monsieur et Madame [R] ont saisi le tribunal de grande instance de Marseille d'une demande d'annulation de cette assemblée ainsi que de sa résolution 5, développant au soutien de leurs demandes divers moyens de nullité de forme ainsi que le moyen tiré de l'abus de droit.
Par jugement du 8 décembre 2009, le tribunal de grande instance a statué ainsi qu'il suit :
- déboute Monsieur et Madame [R] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamne Monsieur et Madame [R] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- ordonne l'exécution provisoire,
- condamne Monsieur et Madame [R] aux dépens.
Par déclaration du 14 avril 2010, Monsieur et Madame [R] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 17 mai 2011, Monsieur et Madame [R] demandent à la Cour de :
- vu les articles 1134, 1146, 1149, 1156 et 1315 du Code civil et l'article 202 du code de procédure civile,
- les déclarer recevables en leur appel,
- constater que les lots 23,24 et 25 sont des parties privatives conformément au règlement de copropriété et qu'il n'existe pas de WC commun au cinquième étage,
- réformer le jugement et prononcer l'annulation de la résolution numéro 5 de l'assemblée générale du 17 avril 2007,
- réformer les condamnations prononcées pour procédure abusive et au titre des frais irrépétibles et ordonner la restitution de la somme de 2.702 € réglée par exécution provisoire,
- dire en application de l'article 1149 du code civil, que les époux [R] sont fondés à demander reconventionnellement au syndicat des copropriétaires le règlement des loyers pour les lots 23 et 24 pour 400 € par mois avec intérêt et anatocisme depuis le 1er avril 2005 jusqu'à la date de remise en état du lot 25 attestée par un architecte pour permettre l'accès aux lots 23 et 24, assortie d'une astreinte journalière de 50 € à compter de la signification de l'arrêt en exonérant les époux [R] de cette charge de copropriété par application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- prononcer l'annulation de l'assemblée générale du 17 avril 2007,
- débouter le syndicat des copropriétaires de ses demandes,
- condamner le syndicat des copropriétaires à leur payer la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens, dont distraction au profit de la S.C.P. Touboul de [Localité 12], avoués.
Par conclusions déposées le 23 décembre 2010, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6] demande à la Cour de :
vu le décret du 17 mars 1967, vu l'article 564 du code de procédure civile,
- rejeter les demandes des époux [R] et confirmer la décision entreprise,
- débouter les époux [R] de leurs demandes reconventionnelles comme irrecevables et infondées,
- condamner les époux [R] à lui verser la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et celle de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- dire que l'ensemble des frais générés par la présente instance seront à la charge des époux [R],
- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la S.C.P. Bottai Gereux Boulan, avoués.
L'ordonnance de clôture initialement prise le 23 mai 2011 a été révoquée, à l'audience, avec l'accord des parties avant l'ouverture des débats et une nouvelle clôture a été prononcée.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office. L'appel sera donc déclaré recevable.
Sur la nullité de l'assemblée générale en son entier :
Monsieur et Madame [R] invoquent, en premier lieu, que la convocation pour l'assemblée générale du 17 avril 2007 n'a pas respecté le délai de 21 jours prévus par le décret du 17 mars 1967. Le moyen soulevé de ce chef est cependant erroné dans la mesure où la convocation ayant été adressée par le syndic le 27 mars 2007, ce qui n'est pas contesté par les époux [R], le délai légal de convocation était celui de 15 jours et non celui de 21 jours.
Ce moyen inopérant sera, en conséquence, rejeté.
Monsieur et Madame [R] affirment, en second lieu, que l'article 9 du décret du 17 mars 1967 n'a pas été respecté car sur la convocation, ne figure pas la mention de l'assemblée générale qui a arrêté les modalités de consultation des pièces justificatives des charges.
Il ne s'agit cependant pas la d'une mention obligatoire à peine de nullité de l'assemblée générale et dans la mesure où d'une part, aucune assemblée générale n'a arrêté les modalités de consultation des pièces justificatives, et où d'autre part, la convocation définissait des modalités de consultation, la seule obligation du syndic était de tenir les documents à disposition des copropriétaires, obligation au sujet de laquelle Monsieur et Madame [R] n'apportent aucune critique. Le moyen sera donc également rejeté.
Monsieur et Madame [R] font, en troisième lieu état, de ce que parmi les pièces jointes, figure la comptabilité sur deux exercices, à savoir du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006. Ils affirment que l'assemblée générale ne pouvait dans ces conditions valablement statuer sur de tels comptes et que cette disposition n'est pas conforme à la loi du 10 juillet 1965 ainsi qu'à son décret d'application. Il ressort cependant du procès-verbal de l'assemblée générale que la résolution suivante a été votée :
'après en avoir délibéré, l'assemblée générale approuve les comptes qui lui ont été présentés pour l'exercice 2006 tant en ce qui concerne leur forme, que leur teneur, l'imputation et la répartition des charges».
Le sens et la portée de ce vote sont donc parfaitement clairs et dès lors qu'il n'est pas contesté que les comptes de l'exercice 2006 avaient été effectivement joints à la convocation, étant retenu que ces comptes comportent d'ailleurs la date précise de chacune des écritures, le moyen est, par suite, vainement soulevé.
Monsieur et Madame [R] exposent encore que la compréhension pour chaque copropriétaire du 'détail exact des dépenses qui lui sont imputées individuellement au regard des versements effectués' est 'impossible'.
Il ne s'agit cependant pas là d'un moyen utile au soutien d'une demande d'annulation de l'assemblée générale en son entier, ce moyen ne pouvant, en effet, prospérer que dans le cadre d'une action en paiement des charges qui n'est donc pas dans le débat.
Monsieur et Madame [R] font valoir que l'article 11 du décret du 17 mars 1967 n'a pas été respecté en ce qui concerne l'envoi avec la convocation des éléments nécessaires à la validité des décisions concernant les comptes, notamment l'absence comparative des comptes de l'exercice précédent approuvé et du dernier budget prévisionnel voté.
Les documents notifiés par le syndic avec la convocation comprennent le compte des recettes et dépenses de l'exercice à approuver, le dernier relevé du compte bancaire du syndicat, la répartition des dépenses par catégorie de charges communes avec comparatif du budget prévisionnel et des dépenses de l'exercice précédent, la répartition des dépenses d'eau, l'état des dettes des créances du syndicat et le solde des copropriétaires au 31 décembre 2006, enfin le budget prévisionnel.
Ces documents répondent en ce qui concerne la critique des époux [R] sur les documents comparatifs aux exigences du décret du 17 mars 1967 dans sa rédaction applicable à la date de l'assemblée générale. Ce moyen, qui ne pourrait de toute façon affecter la validité de l'assemblée en son entier, sera donc rejeté.
Monsieur et Madame [R] affirment, enfin, que la feuille de présence pour l'assemblée générale du 2 mai 2006 n'est pas signée par le président de séance. Ce point est cependant indifférent quant à la validité de l'assemblée générale du 17 avril 2007.
Sur la nullité de la résolution numéro 5 de l'assemblée générale du 17 avril 2007 :
Monsieur et Madame [R] font à cet égard valoir que le cinquième étage de l'immeuble est constitué d'un ensemble de 'huit chambres de bonne décrites en tant que telles au règlement de copropriété' ; que 'ces chambres sont toutes desservies par un escalier partie commune menant du quatrième au cinquième étage et un couloir partie privative portant le lot numéro 25" qui leur a été vendu le 27 janvier 2007 ; que la gaine technique de l'immeuble représente un recoin environ 0,3 m² et sert au passage de diverses canalisations d'eau, d'eau usée et de fils électriques ; qu'elle n'est jamais accessible depuis les parties communes de l'immeuble car il est nécessaire de pénétrer dans une partie privative avant d'y accéder ; qu'aucun mur n'a été construit par eux en empêchant l'accès ; que le WC, dont le rétablissement est demandé, ne figure pas dans le règlement de copropriété et que le lot 25 est énoncé au règlement de copropriété comme la propriété privative et particulière d'un couloir pour passage commun aux lots 17 à 24 outre les 9 millièmes indivis des parties communes générales. Monsieur [R] invoque l'article 1134 du Code civil à l'appui de sa demande d'annulation et expose que la résolution numéro 5 a «transformé le fondement juridique des lieux pourtant établis par le règlement de copropriété».
Les motifs de cette résolution réside dans le fait que dans le courant du mois d'octobre 2006, un mur a été construit à hauteur du lot numéro 23, bloquant l'accès à l'extrémité du couloir dans lequel selon l'intimé se trouverait le WC, étant précisé que seuls les lots 23 et 24 de Monsieur et Madame [R] se situent au-delà de ce mur et que le WC aurait été initialement situé dans le lot 24.
Le règlement de copropriété établi pour cet immeuble le 29 août 1984 comporte un état descriptif de division qui définit :
- les lots 23 et 24 comme 'la propriété privative particulière d'une chambre de bonne' et les 8/1000 indivis des parties communes générales pour le lot 23 ainsi que les 4/1000 indivis des parties communes générales pour le lot numéro 24
- le lot 25 comme 'la propriété privative et particulière d'un couloir pour passage commun aux lots 17,18, 19,20, 21,22, 23,24 et les 9 millièmes indivis des parties communes générales'.
Le règlement de copropriété, qui n'a jamais été ultérieurement modifié, a donc constitué le couloir desservant les chambres de bonne au cinquième étage en lot privatif assorti de millièmes de parties communes générales.
Par ailleurs, le règlement de copropriété ne mentionne pas la présence au titre des parties communes d'un WC ni d'un point d'eau commun sur le palier du cinquième étage et la circonstance que cet élément puisse être exigé par les règlements sanitaires est inopérante dans le cadre des présents débats. Il résulte également d'un courrier que le syndic a adressé à Monsieur [R] le 18 juillet 2006 «qu'il est exact que le WC et le point d'eau du cinquième étage ne figurent pas sur le plan annexé au règlement de copropriété, ce qui constitue assurément une erreur ou une omission», celui-ci précisant en outre que le WC commun situé à l'extrémité nord du lot numéro 25 existait lorsqu'il a visité l'immeuble en 1984, mais qu'il n'est pas en mesure de préciser quand ni par qui il a été détruit. Enfin, il est exact que la partie dénommée 'cour,' dans laquelle se situe la gaine technique, n'est pas accessible par les parties communes, ni au 5ème étage, ni d'ailleurs aux autres étages.
En l'état de cette situation, et dès lors :
- d'une part, que la desserte des chambres de bonne appartenant aux autres copropriétaires n'est pas entravée par le mur litigieux, qu'il n'est pas non plus démontré que celui-ci a supprimé l'accès à une quelconque autre partie commune ou une partie privative d'un autre copropriétaire,
- et d'autre part, que le syndicat des copropriétaires n'a pris aucune initiative pour donner une cohérence à cette situation afin que les données de fait et les documents contractuels applicables à l'immeuble, contradictoires avec celles-ci, s'accordent, il est indéniable que la résolution votée dans ces circonstances nuit aux intérêts de Monsieur et Madame [R] sans pour autant être justifiée par l'intérêt collectif du syndicat des copropriétaires.
Les demandes de Monsieur et Madame [R] tendant à voir 'constater' que les lots 23,24,25 sont des parties privatives et qu'il n'existe pas de WC commun au 5 ème étage ne sont pas des demandes nouvelles devant la Cour mais seulement des moyens développés au soutien de la demande d'annulation de la résolution 5 qui avait été présentée au tribunal.
En revanche, la demande reconventionnelle formée par Monsieur et Madame [R] en paiement de loyer pour l'impossibilité de jouir des lots 23 et 24, qui n'a pas été formulée devant le Premier juge et qui ne peut s'analyser comme le complément, la conséquence ou l'accessoire de la demande initiale, sera déclarée irrecevable comme nouvelle devant la Cour.
En raison de la succombance respective des parties, les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel seront supportés par moitié par chacune d'entre elles.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La succombance respective des parties prive de fondement leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive.
A raison de la réformation du jugement sur la condamnation à dommages et intérêts et en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, les restitutions des sommes payées en exécution de ces condamnations sont de droit.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit l'appel,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [R] de leur demande en annulation de l'assemblée générale du 17 avril 2007 en son entier,
Le réforme pour le surplus de ses autres dispositions et statuant à nouveau :
Annule la résolution numéro 5 de l'assemblée générale du 17 avril 2007,
Rejette les demandes plus amples des parties,
Condamne Monsieur et Madame [R] d'une part et le syndicat des copropriétaires d'autre part à supporter par moitié chacun les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, avec pour ces derniers distraction au profit des avoués de la cause.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
S. AUDOUBERTJ-P. ASTIER