COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 SEPTEMBRE 2011
N° 2011/410
Rôle N° 09/04220
[D] [B]
C/
[G] [F] [V] [U] [X]
Grosse délivrée
le :
à : la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER
la SCP JOURDAN - WATTECAMPS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 26 Janvier 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/3680.
APPELANT
Monsieur [D] [B]
né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
représenté par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour, assisté de Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [G] [X]
née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 9], demeurant [Adresse 7]
représentée par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS, avoués à la Cour, assisté de la SCP BORGHINI C. BORGHINI E. DUNAC, avocats au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Juin 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Septembre 2011,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par jugement du 17 décembre 2003 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de grande instance de Nice a ordonné la remise en état de l'assiette de la servitude de passage telle que visée dans l'acte de 1885, par enlèvement des marches et compteurs EDF dans un délai de 2 mois à compter de la décision sous astreinte passé ce délai de 80 € par jour de retard courant pendant un délai de 3 mois, et a condamné Mme [G] [X] à faire procéder à l'arasement du terrain [X] jusqu'au terrain naturel d'origine et la démolition de la clôture dans un délai de 2 mois à compter de la décision sous astreinte passé ce délai de 80 € par jour de retard pour pendant un délai de 3 mois.
Par ordonnance de référé du 26 mars 2004, signifiée par acte du 12 mai 2004, le président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a arrêté l'exécution provisoire de ce jugement en ses dispositions relatives à la remise en état de l'assiette de la servitude de passage et à l'arasement du terrain.
Par ordonnance du 6 juin 2007 le désistement d'appel de Mme [X] à l'égard du jugement susvisé rendu le 17 décembre 2003 par le tribunal de grande instance de Nice, a été constaté.
Par jugement du 26 janvier 2009 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a liquidé les astreintes fixées par le jugement du 17 décembre 2003 à la somme de 14.400 €, et condamné Mme [G] [X] à payer cette somme à M. [D] [B] avec intérêts de droit à compter du jugement et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Par déclaration du 3 mars 2009 M. [D] [B] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 novembre 2009 M. [J] a été désigné en qualité de consultant, avec mission notamment de donner son avis sur les travaux entrepris.
Par conclusions récapitulatives n°2 déposées et signifiées le 30 mai 2011 M. [D] [B] développe les moyens suivants :
Attendu qu'il résulte du rapport du constatant qu'ainsi qu'il le soutenait Mme [X] n'a pas exécuté le jugement du 17 décembre 2003, car si l'intimée a démoli la clôture, elle a laissé les lieux en l'état et n'a pas arasé le terrain au niveau d'origine, demeurant très exactement en l'état de l'injonction donnée par le tribunal de grande instance de Nice par sa décision du 17 décembre 2003, soit depuis bientôt huit ans.
Attendu qu'en toute hypothèse, une autorisation d'urbanisme ne peut préjudicier aux droits des tiers qu'elle soit positive ou négative, alors que son droit à la remise en état du terrain au sol naturel est définitif et que la preuve d'avoir satisfait à l'obligation, ordonnée sous astreinte, est à la seule charge de la débitrice Mme [X].
Attendu qu'il est à cet égard assez plaisant que l'intéressée cherche à s'exonérer de son obligation au motif que le constatant, Monsieur [J], ne lui aurait pas fourni les références du terrain naturel ; qu'il suffira à l'intimée de se reporter aux fondations d'origine du muret de la clôture pour retrouver le terrain d'origine de son côté, lequel est même en dessous du niveau du terrain du concluant.
Attendu que Mme [X] se prévaut de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 pour considérer qu'elle doit être exonérée de la liquidation de l'astreinte sollicitée, mais qu'on voit toutefois difficilement comment une démarche administrative effectuée au mois de mars 2011 peut la soustraire à la liquidation de l'astreinte provisoire ayant couru du 27 janvier 2008 au 27 avril 2008, l'appelant demandant dès lors à la cour :
- infirmant parte in qua la décision du 26 janvier 2009, de liquider à la somme de 14.720 € les astreintes provisoires fixées par le jugement du 17 décembre 2003 ;
- fixer à la charge de Mme [X] une astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir pour ramener l'ensemble du terrain au niveau d'origine, en ce compris au droit du mur de clôture illicitement édifié par ses soins ;
- et de la condamner au paiement de la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles.
Par conclusions récapitulatives n°4 notifiées le 31 mai 2011 Mme [G] [X] fait valoir l'argumentation suivante :
Sur le fond
Les travaux ont été réalisés, car dès la connaissance de l'arrêt, elle a sollicité un entrepreneur pour exécuter le jugement, entrepreneur n'arrivant pas vraiment à définir les conditions d'exécution.
Le rapport du constatant
Lors de la réunion sur les lieux, M. [J] a déclaré qu'il constatait que les marches ont été enlevées, de même pour le grillage, mais il est important que M. [J] décrive exactement le terrain naturel d'origine, et qu'une précision soit faite puisque s'agissant de cet arasement seule une parcelle est concernée.
De plus, il convient de voir M. [J], ès qualités de constatant, dire si l'arasement du terrain qu'il retrouvera est faisable et si par son exécution elle ne déstabilisera pas la construction existante
Force est de constater que M. [J], expert constatant, n'a pas pu répondre sur la question de définir le terrain naturel d'origine, constatant néanmoins que des travaux ont été effectués à sa diligence, et de même M. [J] n'a pas voulu examiner la possibilité technique d'araser d'avantage, alors que ces éléments sont fondamentaux pour permettre à la cour de statuer.
Nouvel élément
En l'état des demandes de M. [B], et des conclusions de M. [J], elle a pris la précaution, en toute bonne foi, de déposer une demande de déclaration de travaux à la commune de [Localité 9], en vue d'araser d'avantage son terrain, et la commune lui a notifié un arrêté le 21 mai 2011 faisant 'opposition à la déclaration préalable', une telle décision étant rendue en considérant que le 'projet est de nature à compromettre du bâtiment classé dans le champ de visibilité duquel il se trouve'.
Dans ces conditions elle ne peut exécuter un arasement complémentaire pour retrouver le terrain de 1981 (pour lequel toutes les réserves sont émises puisqu'il n'est même pas le terrain naturel qui reste indéfini à son sens).
Ainsi, si elle devait suivre ce plan de 1981, l'arrêté de la commune constituerait une cause étrangère l'empêchant de retrouver les côtes de ce plan, en l'état de la décision du conseil municipal à la suite de l'avis de l'architecte des bâtiments de France, s'agissant d'un emplacement précis et d'un site protégé.
C'est pourquoi, il paraît difficile de contester cet arrêté, l'intimée demandant à la cour, vu l'article 36 de la loi de 1991, de :
- débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes fins et conclusions.
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que les travaux réalisés sont convenables.
- débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions, sauf à titre subsidiaire, si la Cour estimait que la preuve du bon achèvement des travaux n'est pas rapportée, d'étendre la mission de Monsieur [J] en qualité d'expert judiciaire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En vertu du jugement rendu le 17 décembre 2003 par le tribunal de grande instance de Nice, Mme [G] [X] a été condamnée à faire procéder d'une part à 'la remise en état de l'assiette de la servitude de passage telle que visée dans l'acte de 1885 par enlèvement des marches et compteurs EDF dans un délai de deux mois à compter' de la décision, 'sous astreinte passé ce délai de 80 € par jour de retard courant pendant un délai de trois mois', et d'autre part 'à l'arasement de son terrain jusqu'au terrain naturel d'origine et à la démolition de la clôture dans un délai de deux mois à compter de la décision sous astreinte passé ce délai de 80 € par jour de retard courant pendant un délai de trois mois'.
Par ordonnance de référé du 26 mars 2004, signifiée par acte du 12 mai 2004, le premier président de la cour de céans a ordonné la suspension de l'exécution provisoire de ce jugement en ses dispositions relatives à la remise en état de l'assiette de la servitude de passage et à l'arasement du terrain.
Par ordonnance du 6 juin 2007, signifiée par acte du 28 novembre 2007, le désistement de l'appel interjeté par Mme [X] à l'encontre du jugement du 17 décembre 2003 a été constaté avec dessaisissement de la cour.
Le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice a, par ordonnance du 22 mai 2008 objet d'une signification par acte du 11 juin 2008, dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande formulée par Mme [G] [X] de l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire pour contrôler la bonne réalisation des travaux.
Saisi par M. [D] [B] de demandes tendant à voir liquider les astreintes provisoires et fixer une astreinte définitive de 300 € par jour de retard, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a, par jugement du 26 janvier 2009, liquidé les 2 astreintes, à compter du 27 janvier 2008, à la somme de 14.400 € mise à la charge de Mme [G] [X] avec intérêts de droit à compter du jugement et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Par déclaration du 3 mars 2009 M. [D] [B] a relevé appel de ce jugement.
Enfin par ordonnance du 25 septembre 2009 le conseiller de la mise en état a commis M. [S] [J], demeurant [Adresse 2], ès qualités de constatant avec pour mission :
- de se rendre sur le lieux,
- d'entendre tous sachants et de consigner leurs dires,
- de se faire communiquer tous documents utiles,
- de déterminer si les travaux prescrits par jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 17 décembre 2003, en particulier l'arasement du terrain, ont été exécutés par Mme [X], tout en précisant les dates de réalisation,
- et de répondre à toute question évoquée par les parties se rapportant à l'un des chefs de sa mission.
En ce qui concerne 'l'enlèvement des marches empiétant sur l'assiette de la servitude' et la 'démolition du mur de clôture' M. [J] a conclu qu'il pouvait 'donc être dit que les travaux de suppression' les concernant 'ont été réalisés' respectivement 'entre le 26 juin et le 4 juillet 2008', et 'entre le 1er et le 4 juillet 2008', conformément aux motifs de la décision entreprise ayant relevé que 'les parties conviennent que les travaux relatifs à la restauration de la servitude de passage et à la démolition de la clôture ont été exécutés en juillet 2008'.
En revanche se référant à l'état d'origine et actuel des lieux litigieux, ainsi qu'au jugement de condamnation du 17 décembre 2003, l'expert conclut qu'il 'est incontestable... que les remblaiements mis en place par Mme [X] n'ont pas été arasés'.
Il précise sur ce point, à l'examen des plans topographiques établis en mars 1981 par M. [N] et en novembre 2008 par M. [C], l'existence de la 'mise en place d'un talutage important et de murets de soutènement ayant eu pour effet de rehausser les parcelles AH n° [Cadastre 5] et [Cadastre 6] de 1,30 m à 1,50 m environ en partie sommitale du talus, le surplus de la parcelle étant sensiblement nivelé selon un axe nord-ouest/sud-est', dont il déduit que 'les lieux sont quasiment inchangés depuis l'établissement du plan [C]', tout en concluant qu'en 'l'état, force est de constater que l'arasement ordonné le 17 décembre 2003 n'a pas été réalisé'.
Il en résulte que Mme [X] n'a pas satisfait, du chef de l'arasement lui incombant, aux prescriptions mises à sa charge par le jugement initial de condamnation du 17 décembre 2003.
Mme [X] ne démontre pas en cause d'appel l'existence de difficultés ou d'une cause étrangère au sens des dispositions de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, son argumentation tirée tant de sa 'déclaration préalable de travaux de terrassement' - présentée aux services municipaux seulement le 22 mars 2011 -, que de l'arrêté d'opposition à ladite déclaration du 21 mai 2011 n'étant pas de nature à constituer un élément susceptible, en application de ce texte, de justifier une quelconque suppression 'en tout ou partie' des astreintes provisoires assortissant les injonctions précitées que nulle disposition ne peut remettre en cause.
Dans ces conditions la décision querellée sera confirmée sur le principe de la liquidation des astreintes considérées, compte tenu de ce que le comportement de la débitrice n'a pas été tourné vers une exécution prompte et effective de ses obligations, y compris du chef du montant retenu soit 14.400 € s'avérant parfaitement adapté aux circonstances et à la nature du présent litige.
Pour autant le jugement dont appel doit être infirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à instituer une nouvelle astreinte, le prononcé de celle-ci étant justifié quant à l'obligation d'arasement du terrain de Mme [X] 'jusqu'au terrain naturel d'origine', et ce à hauteur de 300 € par jour de retard pour une période de 6 mois commençant à courir à l'expiration du délai de 3 mois après signification par procès-verbal d'huissier de justice du présent arrêt.
L'équité commande de condamner l'intimée au paiement de la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à fixation d'une nouvelle astreinte provisoire concernant l'obligation d'arasement à la charge de Mme [X], et statuant à nouveau de ce seul chef,
Fixe à la somme de 300 € (trois cents) par jour de retard l'astreinte provisoire assortissant l'obligation d'arasement du terrain de Mme [X] 'jusqu'au terrain naturel d'origine', pour une période de 6 mois commençant à courir à l'expiration du délai de 3 mois à compter de la signification du présent arrêt par procès-verbal d'huissier de justice,
Confirme le jugement critiqué en toutes ses autres dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Madame [X] à payer à Monsieur [B] la somme de 2.000 € (deux mille) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne Madame [X] aux entiers dépens qui comprendront les frais de la mesure de constatation, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président