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15/09/2011 | FRANCE | N°10/03997

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 15 septembre 2011, 10/03997


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2011



N° 2011/569













Rôle N° 10/03997





[B] [G]





C/



SA DIGITECH FRANCE DELIB









































Grosse délivrée

le :

à :



Me Arnaud ATTAL, avocat au barreau de MARSEILLE



Me

Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/3073.







APPELANT



Monsieur [B] [G],

demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Arnaud ATTAL, avocat...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2011

N° 2011/569

Rôle N° 10/03997

[B] [G]

C/

SA DIGITECH FRANCE DELIB

Grosse délivrée

le :

à :

Me Arnaud ATTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 29 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/3073.

APPELANT

Monsieur [B] [G],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Arnaud ATTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA DIGITECH FRANCE DELIB, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 2]

comparant en personne,

assistée de Me Catherine BERTHOLET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 19 Mai 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2011..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2011.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE :

Par lettre postée le 26 février 2010, monsieur [G] a régulièrement interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Marseille en date du 29 janvier 2010 qui l'a débouté de l'intégralité de ses demandes formulées à l'encontre de la société Digitech Sa. Il demande à la cour de condamner son ancien employeur à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :

- 7.392,00 euros dommages-intérêts pour procédure irrégulière,

- 178.000,00 euros dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 50.000,00 euros dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 22.175,00 euros dommages-intérêts pour procédure vexatoire,

- 22.175,95 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 2.217,50 euros de congés payés afférents,

- 15.399,27 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 4.927,77 euros en quittance ou deniers au titre de la prime de 13ème mois et 492,78 euros de congés payés afférents,

-492,78 euros de congés payés supplémentaires au titre de l'ancienneté,

- 3.695,83 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied et 369,60 euros de congés payés afférents,

- 10.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Digitech conclut à la confirmation du jugement déféré, au débouté de l'ensemble des demandes du salarié et à sa condamnation à lui payer la somme de 5.000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil des prud'hommes et aux écritures déposées, oralement soutenues à l'audience du 19 mai 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 9 avril 2001, monsieur [G] a été embauché par Digitech, société ayant pour objet l'édition de logiciels, en qualité de directeur commercial pour une rémunération annuelle de 400.000,00 francs (60.979,61 euros) ; ses dernières fiches de paie indiquent qu'au dernier état des relations contractuelles il exerçait la fonction de directeur stratégique et marketing ; son salaire brut mensuel était de 6.450,00 euros (hors prime et avantage en nature) ; les relations de travail étaient régies par la convention collective des bureaux techniques, cabinet d'ingénieurs conseils, société de conseils.

Monsieur [G] possédait par ailleurs 5,02 % du capital de Digitech et le pacte d'actionnaires signé le 23 décembre 2004 par celui-ci, monsieur [L], président directeur général, et monsieur [W] prévoyait :

- en son article 4.7 deuxième alinéa que, si la valorisation de 5 millions d'euros ne pouvait être atteinte à fin décembre 2009, la participation de monsieur [G] serait portée en tout état de cause à 10 % du capital social prélevé sur les actions de monsieur [L] pour le prix d'un euro symbolique ;

- en son article 4.1 que ce pacte et les engagements particuliers souscrits se trouveraient automatiquement annulés lorsque l'un ou l'autre des signataires ne détiendrait plus aucun titre de la société ou quittera l'entreprise.

Par lettre recommandée en date du 17 juillet 2007, le salarié était convoqué à un entretien préalable avec dispense d'activité pour la durée de la procédure et interdiction de se présenter dans les locaux de l'entreprise et de prendre attache directement ou indirectement avec les clients, partenaires ou salariés de la société pendant cette période.

Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée en date du 2 août 2007 l'employeur reprochant à son salarié un management constitutif de harcèlement moral et un fonctionnement professionnel opaque contraire aux intérêts de l'entreprise.

- sur l'irrégularité de la procédure de licenciement :

Monsieur [G] prétend que lors de l'entretien préalable monsieur [L], le directeur général, n'a jamais porté à sa connaissance les éléments fondant les griefs retenus à son encontre.

Toutefois, si l'article L.122-41 ancien du code du travail, devenu l'article L.1332-2, prévoit que lors de l'entretien préalable l'employeur indique au salarié le motif de la sanction envisagée et recueille ses explications, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction, en sorte que monsieur [G] ne peut qu'être débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

- sur le fond du licenciement :

Le licenciement étant fondé sur une faute grave il appartient à l'employeur de rapporter la preuve des faits reprochés.

* sur le harcèlement moral :

Il convient de relever au préalable que monsieur [G] conteste à juste titre les affirmations de ceux qui le présentent comme étant le directeur général ('DG') de la société, cette qualité ne lui ayant jamais été reconnue officiellement ; en effet, s'il avait bien été question de le nommer à ce poste, cette nomination était toujours en discussion au 23 mars 2007 ainsi que le démontre le courriel que l'intéressé a adressé à monsieur [L]:

'Suite à notre précédente réunion, je souhaite que nous clarifions et définissions les modalités et le cadre dans lequel s'exerce le poste de DG... je t'invite à me faire une proposition sur ce package ou à y travailler ensemble' ;

enfin, cette promotion n'est pas intervenue postérieurement à cette date puisque la lettre de licenciement rappelle, en son 3ème paragraphe, que monsieur [G] 'occupe actuellement [...] la fonction de Direction stratégique et marketing'.

Digitech verse aux débats de très nombreuses attestations qu'il convient d'analyser avec la plus grande attention, surtout celles émanant de salariés qui sont encore en poste dans l'entreprise et qui sont donc toujours sous la subordination juridique de leur employeur :

- les attestations des salariés toujours présents dans l'entreprise :

* monsieur [T], délégué du personnel, n'indique pas avoir été un jour saisi de plainte dénonçant un harcèlement moral émanant de qui que ce soit dans l'entreprise et il ne fait que rapporter les dires d'une dame [R] qui redoutait de rencontrer monsieur [G] seule et qu'il a assistée à deux reprises lors d'entretiens avec celui-ci dont le dernier était son entretien préalable en vue d'un licenciement qui interviendra le 19 janvier 2007 ;

* monsieur [J] atteste le 13 février 2008 que le management de monsieur [G] 'était basé sur la pression et la contrainte avec souvent de très (trop) vifs échanges qui [l]'ont d'ailleurs parfois amené à présenter [sa] démission afin de lui faire entendre raison' ;

c'est fort justement que monsieur [G] s'insurge contre ce témoignage puisqu'en effet il résulte d'un échange de courriels en date du 8 juin 2007 que c'est à la suite de reproches émanant non de monsieur [G] mais bien de monsieur [H], supérieur hiérarchique de monsieur [J], que ce dernier a présenté sa démission, d'ailleurs immédiatement rétractée; or, monsieur [L] ne pouvait ignorer qui était à l'origine du désarroi de ce salarié puisqu'il avait été destinataire en copie des messages électroniques de messieurs [H] et [J] ; c'est donc de manière intentionnelle que l'employeur a fait une relation déformée de ce conflit dans la lettre de licenciement en présentant monsieur [G] comme responsable du 'mal être' de ce salarié, étant au surplus observé qu'aucun autre document ne vient conforter les accusations de monsieur [J] ;

* monsieur [O], dont les supérieurs directs étaient d'abord monsieur [X] puis monsieur [K], met en cause le 26 février 2008, le management de monsieur [G] 'orienté sur la critique négative, l'écrasement des personnes et l'absence de confiance en ses collaborateurs' mais il ne cite aucun fait précis et ne verse aucun document à l'appui de ses dires ;

* madame [U], responsable des achats, atteste le 18 juillet 2007 avoir 'quelques fois rencontré des difficultés relationnelles' avec monsieur [G] sous la direction duquel elle a travaillé pendant trois années et elle le qualifie de personne 'très lunatique' qui avait 'un ton et une façon de parler à la limite de l'incorrect et du non respect de la personne qu'il avait en face de lui' ; toutefois, bien qu'elle prétende avoir quitté son bureau en larmes à plusieurs reprises, elle ne peut relater que 'deux petites anecdotes', comme elles les qualifie elle-même, ce qualificatif étant fort justement approprié aux situations qu'elle relate - notamment un mécontentement manifesté par monsieur [G] à la suite d'un trajet en train peu confortable - et il suffit à lui seul à écarter toute forme de harcèlement moral ;

* madame [I], dont l'employeur affirme dans la lettre de licenciement qu'elle lui a fait part dans les premiers jours de juin 2007 'des difficultés colossales qu'elle rencontrait dans son mode de fonctionnement' se présente singulièrement, dans son attestation du 18 juillet 2007, comme 'comptable unique - pseudo responsable du service administratif' ; selon elle, il 'arrivait' à monsieur [G] 'de lui parler sur un ton agressif' en employant 'des mots blessants au point de la faire pleurer' mais elle précise aussi qu'après avoir dénoncé son comportement à monsieur [L] le 14 juin 2007 - bien tardivement donc puisqu'elle est dans l'entreprise depuis 2004 et alors qu'elle côtoie son Pdg quasi quotidiennement - elle a exposé à monsieur [G] 'sans aucune crainte', quelques jours plus tard, ce qu'elle lui reprochait ce qui démontre ainsi qu'elle ne le redoutait pas autant qu'elle voudrait le faire accroire ; en outre, son témoignage - qui ne révèle pas de 'difficultés colossales' - est emprunt de partialité puisqu'elle fait part de ses 'déductions' en reprochant à monsieur [G] de 'faire un abus de pouvoir' ;

* monsieur [V], responsable des ventes, sous les ordres de monsieur [G] depuis le 1er janvier 2006, atteste sous la plume de son épouse, avoir 'eu le sentiment de vivre une forme de harcèlement psychologique de la part de monsieur [G]' mais il ne relate aucun fait précis, ne justifie pas comme il le prétend que ce management a influé sur son comportement et son état physique et il ne produit pas de certificat médical, pas plus d'ailleurs que les autres salariés ;

* monsieur [N] reconnaît ne pas être 'concerné' par ce qu'il relate à savoir que 'monsieur [G] était en effet craint et qu'un grand nombre de personnes avait du mal à travailler avec lui' ; il ne cite aucun fait précis vérifiable ;

* madame [D] prétend avoir 'pu constater à plusieurs reprises que certaines personnes travaillant directement sous sa hiérarchie [celle de monsieur [G]] sortaient en pleurs de son bureau' mais elle ne cite aucun nom et n'indique aucune date ;

* monsieur [C] soutient avoir 'constaté que monsieur [G] avait un comportement très lunatique, variant à la fois selon la personne, selon le moment et selon ses affinités éphémères avec certains collaborateurs' et il indique avoir 'pu noter une différence flagrante de comportement envers les femmes en poste à Digitech qu'il n'hésitait pas à pousser à bout, jusqu'à les faire pleurer' et soutient avoir ' à plusieurs reprises été témoins de ces larmes et confident de certaines d'entre-elles suite à ces pressions' ; or, pas plus que les autres attestants, il n'indique des dates précises et ne révèle le noms des salariées victimes de tels agissements ;

* monsieur [K], actuel directeur adjoint de l'entreprise, a rédigé - fort tardivement - le 28 janvier 2009 une attestation emprunte de la plus grande partialité et lui non plus ne mentionne des faits précis, datés et vérifiables et des victimes identifiables;

- les attestations des salariés qui ont quitté l'entreprise :

* madame [R], ancienne responsable commerciale régionale, salariée de Digitech du 13 février 2006 au 19 janvier 2007 date de son licenciement, indique le 7 janvier 2007 avoir été contrainte de s'arrêter pour cause de dépression 'à la suite de pressions morales de la part de monsieur [G]' mais elle ne mentionne aucun fait précis, ne verse aucun document médical et ne cite aucun nom des personnes qu'elle prétend avoir vues sortir 'd'entretien individuel en larmes' ;

* monsieur [X], responsable d'un département dans la société qu'il a quittée le 31 janvier 2007 'dès qu'un poste intéressant s'est présenté à lui', atteste le 5 juillet 2007 du 'comportement parfois inacceptable à la limite du harcèlement moral' de monsieur [G] mais lui non plus ne cite aucun fait précis ni aucun nom des salariés qui lui auraient dit s'être plaint de leur stress à la médecine du travail ;

* monsieur [F] dénonce le 'comportement relationnel uniquement basé sur le rapport de force, quelque fois très violent' et prétend avoir vu 'plusieurs fois des collaboratrices sortir de son bureau en pleurant' mais son attestation, particulièrement peu nuancée, ne mentionne elle non plus aucune date, ne relate aucun fait précis et ne révèle aucun des noms des personnes victimes des agissement de monsieur [G].

L'employeur impute par ailleurs à monsieur [G] les nombreuses démissions qui sont intervenues dans son entreprise mais il n'en produit qu'une seule, celle de monsieur [W] du 13 décembre 2004 qui écrit pourtant que sa décision de démissionner 'n'est que le résultat d'une volonté personnelle et ne dépend en aucun cas d'autres raisons que ce soient'.

Quant à monsieur [A], sa prise d'acte de la rupture de son contrat le 4 mai 2007 est adressée à 'DIGITECH SA' et aucune mention de ce courrier ne permet d'imputer à monsieur [G] les griefs qu'il reproche à son employeur.

En outre, au sujet des nombreux départs volontaires intervenus dans cette société, la cour observe que selon une lettre du médecin du travail du 9 juillet 2007 ils ont fait suite 'à une période difficile pour l'entreprise [qui] avait entraîné une diminution d'effectif pour raison économique'.

Il convient par ailleurs de relever que contrairement à ce qu'indique la lettre de rupture, ce n'est pas monsieur [L] qui a sollicité l'intervention de la médecine du travail ainsi que le révèle la lettre du médecin du travail du 1er mars 2007 ; en effet, dans ce courrier adressé au président de Digitech, le médecin du travail rappelle qu'il est intervenu après avoir reçu un appel téléphonique d'un salarié lui indiquant 'qu'il avait dû quitter son poste de travail, se sentant victime de harcèlement moral, dans le cadre de son travail' et la suite de cette missive révèle que la personne dénoncée était en réalité monsieur [K], dont il a été rappelé qu'il était l'actuel directeur adjoint de l'entreprise, le médecin du travail s'étant plaint par ailleurs du comportement de ce monsieur à son encontre.

D'autre part, la lettre de licenciement mentionne que certains partenaires de la société 'se sont également plaints de [son] attitude pour le moins irrévérencieuse à leur endroit' mais cette attitude - qui ne saurait être assimilée à du harcèlement - n'est absolument pas démontré par le courrier de la société Ciril - pourtant mentionnée dans la lettre de rupture - puisqu'il ressort de ce document que ce sont plutôt les 'orientations' prises depuis plusieurs années par monsieur [L] lui-même qui sont mises en cause par ce partenaire, le comportement par ailleurs dénoncé de monsieur [G] (sa 'langue de bois') révélant plutôt chez celui-ci un réel souci de défendre les intérêts de sa société face aux récriminations de ses clients.

Il résulte de ce qui précède que ni la médecine du travail ni le délégué du personnel - l'employeur ne dit rien de l'inspection du travail - n'ont été saisis à l'encontre de monsieur [G] de faits répétés constitutifs de harcèlement, que jamais auparavant de tels faits n'avaient été dénoncés - l'étude, déjà ancienne, faite par le cabinet Empathie en 2005 ne portant aucune accusation de cet ordre à l'encontre de l'intéressé - et que les personnes qui ont attesté en faveur de l'employeur, pour la plupart toujours sous sa dépendance hiérarchique, n'ont révélé aucun fait précis, daté et vérifiable, aucune des attestations n'étant par ailleurs étayée pas même par un seul certificat médical, leur nombre ne pouvant palier l'insuffisance de leur contenu.

Enfin, la cour ne peut s'empêcher de relever que le 21 décembre 2006 monsieur [L] adressait à monsieur [G] un courriel par lequel il souhaitait exprimer sa satisfaction 'quant au climat de sérénité et à l'ambiance propice à un travail de bonne qualité qui est en train de s'instaurer dans [les] équipes' ; ainsi, l'employeur, qui précise dans la lettre de licenciement qu'il faisait des 'remarques quasi quotidiennes' à monsieur [G] ce qui permet de savoir que Pdg était bien présent dans son entreprise, ne saurait sérieusement soutenir que le management, dont il restait responsable dans cette petite structure de moins de 50 salariés, avait pu se dévoyer en un harcèlement moral qu'il n'aurait pu constater entre les mois de décembre 2007 et juillet 2007.

Les faits de harcèlement ne sont donc pas prouvés à l'encontre de monsieur [G].

* sur le défaut de transparence de monsieur [G] :

La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, matériellement vérifiables et le défaut de motivation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Or, au cas d'espèce, la lettre de licenciement ne précise pas les motifs précis et matériellement vérifiables qui ont pu fonder le licenciement sur un défaut de transparence de monsieur [G] ; en effet, il est reproché à l'intéressé de manière vague :

- de ne communiquer qu'une partie des informations 'demandées par le Pdg' et de négliger de l'informer 'sur l'évolution de certains dossiers en particulier lorsque des difficultés se posent' : or, rien n'est dit sur ce qu'étaient les informations demandées et aucune indication n'est donnée sur ces dossiers particuliers ;

- de persister 'à différer de plusieurs jours' et 'souvent même, à répondre à côté de la question' qui lui est posée alors qu'il lui est demandé des 'informations essentielles pour la gestion de la société' : la lettre ne relate aucun fait précis, ne mentionne pas quand l'intéressé aurait différé ses réponses, n'indique pas quelles informations essentielles étaient attendues;

- d'avoir manoeuvré 'dans le dos' du Pdg 's'agissant des intérêts de la société' mais la lettre ne révèle pas quel est l' 'écho' venu aux oreilles de l'employeur lui permettant de formuler ce grief ;

- de servir ses propres intérêts avant ceux de Digitech et de ses salariés mais monsieur [G] ne pouvait savoir à la lecture de ce courrier de rupture quand et comment il aurait pu se comporter de manière déloyale envers son employeur.

Cette absence totale d'énoncé de motifs précis et vérifiables est d'autant plus condamnable au cas d'espèce que l'employeur énonce pourtant qu'avant d'amorcer la procédure de licenciement il avait 'd'abord pris soin de pouvoir vérifier l'authenticité des informations qui avaient été portées à [sa] connaissance' et qu'il affirme disposer 'd'éléments écrits [lui] permettant d'entériner l'objectivité de [son] propos' ; la cour comprend mieux, dans de telles conditions, que monsieur [G] qui était dans l'ignorance totale de ce qui pouvait lui être reproché a pu répondre, lors de son entretien préalable, 'à côté de la problématique' qui lui était posée, comme le lui reproche singulièrement la lettre de licenciement.

Enfin, et de manière surabondante puisque ce fait précis n'est pas mentionné dans la lettre de rupture, l'employeur ne saurait utilement reprocher à monsieur [G] d'avoir engagé sans le prévenir des tractations en vue d'une fusion entre Digitech et la société Belink ; en effet, dans un courriel du 20 décembre 2007, le responsable de cette dernière société indique qu'il s'était entretenu de ce rapprochement avec monsieur [G] 'de manière complètement informelle [...], pour valider l'approche et avoir son avis' et il certifie en outre que lors de ces discussions monsieur [G] était resté 'très professionnel' et ne lui avait donné 'aucune réponse formelle ou engageante sur le sujet'.

Le manque de transparence de monsieur [G] et d'une manière générale sa déloyauté sont des griefs non motivés dans la lettre de rupture et, au surplus, non prouvés par les attestations partiales des actuels responsables de Digitech ni par les autres pièces du dossier.

Le licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse ; le jugement déféré sera donc infirmé.

- sur les conséquences du licenciement illégitime :

Monsieur [G] avait une ancienneté de 6 années et 3 mois dans l'entreprise et son salaire brut mensuel, primes et avantages en nature inclus, était de 7.293,00 euros. Il a été mis à pied de manière brutale et vexatoire dès son retour de congé puisqu'il s'est vu interdire du jour au lendemain l'accès à l'entreprise et qu'il n'a donc pu saluer ses collaborateurs. Il justifie en outre avoir été pris en charge au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter du 30 septembre 2007 puis à nouveau à compter du 9 février 2009 mais il n'a pas justifié de sa situation professionnelle à la date de l'audience.

Sur ces bases, il lui sera alloué les sommes suivantes :

- 3.695,83 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied injustifiée et 369,60 euros de congés payés afférents,

- 22.174,95 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2.217,50 euros de congés payés afférents,

- 15.399,27 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes réclamées par le salarié n'étant pas sérieusement contestées dans leur quantum;

- 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 83.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme venant indemniser ses préjudices matériel et moral.

Il sera en revanche débouté de ses demandes au titre du 13ème mois, son bulletin de paie du mois d'août 2007 démontrant qu'il a bien été réglé de ce chef ainsi qu'au titre de ses congés supplémentaires d'ancienneté l'intéressé ayant été rempli de ses droits à ce titre.

Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 20 novembre 2007.

Les sommes dues à titre indemnitaire portent intérêts à compter de la décision qui les ordonne.

Digitech devra remettre à monsieur [G] des documents sociaux rectifiés et rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de 6 mois d'allocation.

L'équité commande que Digitech soit condamnée à payer à monsieur [G] la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté monsieur [G] de ses demandes au titre du 13ème mois et des congés payés supplémentaires d'ancienneté,

Dit que le licenciement de monsieur [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Digitech Sa à payer à monsieur [G] :

- 3.695,83 euros de rappel de salaire pour la période de mise à pied injustifiée et 369,60 euros de congés payés afférents,

- 22.174,95 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 2.217,50 euros de congés payés afférents,

- 15.399,27 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 20 novembre 2007 ;

- 10.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

- 83.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ces sommes portant intérêt au taux légal à compter de la présente décision,

Dit que la société Digitech Sa devra remettre à monsieur [G] des documents sociaux rectifiés,

Condamne la société Digitech Sa à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail dans la limite de 6 mois d'allocation,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Digitech Sa à verser monsieur [G] la somme de 2.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 10/03997
Date de la décision : 15/09/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°10/03997 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-15;10.03997 ?
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