COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 SEPTEMBRE 2011
vgm
N° 2011/ 320
Rôle N° 10/10483
[F] [C] épouse [A]
C/
S.C.I. ATYS
Grosse délivrée
le :
à : la SCP BLANC-CHERFILS
La SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Mai 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 08/8894.
APPELANTE
Madame [F] [C] épouse [A]
née le [Date naissance 5] 1943 à [Localité 7] (CORSE), demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée de M° TARLET pour la SCP PETIT C.H - TARLET E., avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.C.I. ATYS prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Didier CHALUMEAU, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2011,
Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par acte du 2 juillet 1982 de Maître [K], notaire à [Localité 6], [U] [H] et [O] [Z], son épouse, propriétaires à [Localité 6] de la parcelle cadastrée D [Cadastre 3], ont consenti à [L] [A] et [F] [C], son épouse, propriétaires de la parcelle cadastrée section D [Cadastre 4], une servitude dite de cour commune dont l'assiette consiste en une bande de terrain contigüe et parallèle à la propriété des époux [A], située le long de la limite divisoire d'une largeur de 2.10 mètres et d'une longueur de 3.90 mètres , cette servitude ainsi délimitée « a pour conséquence d'interdire sur l'ensemble de l'assiette de cette servitude toute construction quelconque en élévation par Monsieur ou Madame [H], propriétaires actuels ou leurs futurs ayants droits. »
Par acte du 21 décembre 1982, cette convention a été rectifiée en ce que la largeur est portée à 3.95 mètres et la longueur à 6 mètres.
Par acte du 4 juillet 2002, l'immeuble appartenant aux époux [H] a été apporté en nature à la SCI ATYS.
Soutenant que la SCI ATYS avait édifié des constructions sur l'assiette de la servitude de cour commune, [F] [C] épouse [A] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille pour voir ordonner la démolition des constructions édifiés sur l'assiette de la servitude et la coupe de bambous dépassant sur son fonds.
Par jugement du 6 mai 2010, le tribunal de grande instance de Marseille a :
vu l'article 703 du code civil,
constaté l'extinction de la servitude dite de cour commune instituée le 2 juillet 1982 et rectifiée le21 décembre 1982,
débouté [F] [C] épouse [A] de l'ensemble de ses demandes,
débouté la SCI ATYS de sa demande de dommages et intérêts,
condamné [F] [C] épouse [A] à payer à la SCI ATYS, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
condamné [F] [C] épouse [A] aux dépens.
Par déclaration reçue le 4 juin 2010, [F] [C] épouse [A] a interjeté appel de cette décision.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 juin 2010 et auxquelles il est expressément référé, [F] [C] épouse [A] demande à la cour de :
réformer purement et simplement le jugement rendu le 6 mai 2010 par le tribunal de grande instance de Marseille,
dire et juger que c'est à tort que le tribunal a pu concevoir que la servitude de cour commune était éteinte du fait d'un non usage,
condamner la SCI ATYS à procéder à la destruction de l'ensemble des constructions réalisées sur la servitude de cour commune, et ce, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
condamner la SCI ATYS à payer à [F] [C] épouse [A] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice de jouissance souffert et de la politique du fait accompli menée par la SCI ATYS ;
débouter la SCI ATYS de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions, comme irrecevables et injustifiées,
condamner la SCI ATYS à payer à [F] [C] épouse [A] la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 septembre 2010 et auxquelles il est expressément référé, la SCI ATYS demande à la cour de :
confirmer en son principe le jugement en ce qu'il a constaté l'extinction de la servitude de cour commune résultant des conventions des 2 juillet 1982 et 21 décembre 1982,
constater que ladite servitude est devenue sans cause à la suite du PLU approuvé par décision du conseil municipal de la ville de [Localité 6] le 22 décembre 2000, classant les terrains litigieux en zone UAv, dans lequel le COS est illimité, alors qu'il était limité lors de la convention,
débouté [F] [C] épouse [A] de ses fins, demandes et conclusions,
faire droit à l'appel incident de la SCI ATYS à l'encontre du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et du remboursement de ses frais irrépétibles,
condamner [F] [C] épouse [A] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La convention de servitude dite de cour commune , résultant des actes des 2 juillet 1982 et 21 décembre 1982, rappelle qu'elle est instituée pour assurer la délivrance d'un permis de construire aux époux [A], délivrance subordonnée au respect des règles de prospects applicables. Ce type de servitude est expressément prévu par les articles L 471-1 et suivants du code de l'urbanisme et peut être instituée soit de manière amiable, comme en l'espèce, soit judiciairement.
Dès lors, c'est par une dénaturation des termes de la convention conclue entre les parties que le premier juge a pu estimer que la servitude était relative à l'usage commun d'une cour et a pu en déduire qu'elle était éteinte.
L'acte constitutif de la servitude des 2 juillet et 21 décembre 1982 énonce qu'elle a pour « conséquence d'interdire sur l'ensemble de l'assiette de cette servitude toute construction quelconque en élévation par Monsieur et Madame [H] propriétaires actuels ou par leurs futurs ayants droits » et que « cette prohibition expressément acceptée par Monsieur et Madame [H] à titre de servitude perpétuelle constitue la seule restriction qu'auront à supporter les droits de propriété et jouissance des propriétaires de l'emplacement de cette cour commune. En conséquence ces derniers conserveront, pour le cas où ils construiraient sur le surplus du terrain, la faculté d'utiliser l'assiette de cette cour commune pour tout autre destination que celle prohibée et notamment d'y implanter des constructions annexes en sous-sol tels que garages, remises ou cellier ». Une indemnité a été fixée entre les parties et réglée par les époux [A].
La cause de l'existence d'une servitude s'apprécie au moment où elle est consentie et cette cause ne disparaît pas en raison d'une modification des règles du PLU applicable à la zone.
Les parties ont expressément qualifié cette servitude de perpétuelle et elle ne peut en conséquence être déclarée éteinte.
Les permis de construire sont toujours délivré sous réserve du droit des tiers et notamment de l'application de servitudes de droit privé, comme en l'espèce.
Le permis de construire a été accordé pour une « extension ou surélévation d'un bâtiment existant » et la création d'un garage couvert clos. La note de [P] [E] et les photographies montrent l'existence d'une aile récente en extension de la façade sud se prolongeant jusqu'en limite du fonds [A] ainsi que d'une terrasse récente venant en prolongement de cette aile et l'existence d'un volume clos sous la terrasse équipé d'une porte fenêtre vitrée en façade sud.
Ces constructions ne sont aucunement des constructions en sous-sol, seules autorisées par la convention de servitude de cour commune.
Les constatations de [P] [E] ne sont pas contredites par celles d'[B] [W], auquel a fait appel la SCI ATYS, qui se contente d'argumenter sur l'existence de servitude de vues.
Dès lors, les constructions édifiées sur l'assiette de la cour commune telle que définie dans les actes des 2juillet et 21 décembre 1982 doivent être démolies.
Compte tenu des circonstances de l'espèce, ces démolitions réparent l'entier préjudice subi par [F] [C] épouse [A] et il n'y a pas lieu de lui allouer des dommages et intérêts supplémentaires.
Le jugement doit être réformer en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Vu les articles L 471-1 et suivants du code de l'urbanisme,
Dit que la servitude de cour commune instituée par les conventions des 2 juillet et 21 décembre 1982 n'est pas éteinte,
Ordonne à la SCI ATYS de démolir tous les ouvrages réalisés sur l'assiette de cette servitude dans les huit mois de la signification de l'arrêt, faute de quoi il sera dû une astreinte de 150 euros par jour de retard pendant trois mois, après quoi il devra à nouveau être statué,
Déboute [F] [C] épouse [A] de sa demande de dommages et intérêts,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI ATYS à payer à [F] [C] épouse [A] la somme de deux mille cinq cents euros,
Condamne la SCI ATYS aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT