La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/07/2011 | FRANCE | N°10/05657

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 19 juillet 2011, 10/05657


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 19 JUILLET 2011



N°2011/846

Rôle N° 10/05657





[Y] [K]



C/



Société [Adresse 6]

CPAM DU VAR

FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante



DRJSCS











Grosse délivrée

le :

à :



SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS



Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON



Me Jacques

DESPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE





Copie délivrée

le :

à :



Monsieur [Y] [K]



Société [Adresse 6]



CPAM DU VAR



FIVA



DRJSCS





Décision déférée à la Cour :



Arrêt de Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 19 JUILLET 2011

N°2011/846

Rôle N° 10/05657

[Y] [K]

C/

Société [Adresse 6]

CPAM DU VAR

FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante

DRJSCS

Grosse délivrée

le :

à :

SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON

Me Jacques DESPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie délivrée

le :

à :

Monsieur [Y] [K]

Société [Adresse 6]

CPAM DU VAR

FIVA

DRJSCS

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 30 Août 2007,enregistré au répertoire général sous le n° 20500505.

APPELANT

Monsieur [Y] [K], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEES

Société [Adresse 6], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Jean-Louis LAGADEC, avocat au barreau de TOULON

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Jacques DESPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

FIVA Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, demeurant [Adresse 7]

non comparant

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

DRJSCS, demeurant [Adresse 2]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juillet 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juillet 2011

Signé par Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et prétentions des parties

[Y] [K] a travaillé en qualité de mécanicien pour la société [Adresse 6] d'avril 1975 à juin 1991 et il a été exposé aux poussières d'amiante.

Le diagnostic de plaques pleurales a été posé le 14 avril 2004, à l'âge de 60 ans. La Caisse a reconnu le caractère professionnel de sa maladie le 10 août 2004. Il a engagé une procédure aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, et, le 3 mars 2005, il a saisi le Tribunal des Affaires de sécurité sociales du Var.

Par jugement du 30 août 2007, le Tribunal a rejeté ses demandes les estimant non-fondées. Il a fait appel du jugement dans le délai.

Après un arrêt de radiation du 24 mars 2009, [Y] [K] a repris la procédure le 3 mars 2010 et demandé la réinscription au rôle.

Par ses conclusions reprises à l'audience du 21 juin 2011, il a demandé à la Cour de déclarer son appel recevable et bien fondé et de faire droit à ses demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et d'indemnisation à hauteur de 57 000 euros, outre 1600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a fait valoir oralement que son action n'était pas prescrite.

Par ses conclusions déposées le 25 mai 2010 et reprises à l'audience, la société [Adresse 6] a soulevé l'irrecevabilité et la forclusion de l'action. Subsidiairement elle conteste l'origine professionnelle de la maladie reconnue par la Caisse et soutient au fond que les éléments de la faute ne sont pas réunis. Enfin elle se prévaut de l'irrecevabilité de la demande faute d'avoir été convoquée à la conciliation. Elle demande à la Cour de rejeter les demandes de [Y] [K] et de le condamner à 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Caisse s'en remet sur le mérite de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable et rappelle qu'en cas de d'infirmation les sommes avancées doivent faire l'objet d'un remboursement par l'employeur.

La DRSCJS et le FIVA régulièrement avisés n'ont pas comparu.

SUR CE

L'article L 431-2 du code de la sécurité sociale prévoit que le Tribunal des Affaires de sécurité sociale doit être saisi dans le délai de deux ans à compter de la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle par la Caisse.

[Y] [K] devait donc saisir le Tribunal avant le 10 août 2006. Il a saisi le Tribunal le 3 mars 2005.

La saisine de la Caisse aux fins de conciliation, le 24 novembre 2004, a eu pour effet d'interrompre ce délai de prescription, et un nouveau délai de deux ans a recommencé à courir à compter du 24 novembre 2004.

Pour ces deux motifs, la Cour constate que [Y] [K] a agi dans le délai et que sa demande est recevable.

Sur la contestation du caractère professionnel de la maladie

Le droit de l'employeur de contester à l'occasion d'une recherche de faute inexcusable, le caractère professionnel de la maladie ne fait pas l'objet d'une discussion et doit être admis, sous réserve de ma charge de la preuve appartenant à l'employeur.

Cette recherche contradictoire repose sur la présentation d'éléments suffisants aboutissant à l'appréciation de la seule recevabilité de l'action du salarié.

En l'espèce la déclaration de maladie professionnelle au titre de plaques pleurales dans les conditions du tableau n° 30 a eu lieu le 19 avril 2004, son caractère professionnel a été reconnu le 10 août 2004. Un taux de 5 % a été reconnu le 22 octobre 2004.

En cause d'appel, ce point n'ayant pas fait l'objet d'une demande en première instance, pour contester le caractère avéré de la maladie au titre de ce tableau, la société n'apporte au débat aucun élément ou pièce utile permettant d'établir sa contestation autrement que par voie d'affirmations ou d'interprétations de divers documents.

Dans ces conditions, ce moyen doit être rejeté d'autant que la caisse a admis la réunion des conditions administratives et médicales requises.

Sur la régularité de la procédure

La société [Adresse 6] soutient ne pas avoir été associé à la procédure de conciliation.

Ce moyen n'apparaît pas utilement discutable dès lors qu'il apparaît d'une part que le 24 novembre 2004, une convocation à la tentative de conciliation a été adressée et d'autre part et en tout état de cause que dès lors que les parties ont été à même d'échanger leurs arguments dans le respect du contradictoire devant le tribunal, l'absence éventuelle de convocation à la supposer démontrée ce qui n'est pas le cas, ne fait pas grief.

Ce moyen sera rejeté.

Sur la faute inexcusable de l'employeur

Les éléments constants relatifs au faits en cause sont les suivants : [Y] [K] né le [Date naissance 1] 1944 a été employé par la société [Adresse 6] spécialiste de la réparation navale du 07 avril 1975 au 25 juin 1991 en qualité de mécanicien.

Sur la faute inexcusable

L'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Pour retenir la faute inexcusable de l'employeur, le juge du fond doit énoncer les circonstances relatives à l'imputabilité de la maladie à son activité au sein de l'entreprise et au fait que l'employeur devait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié.

Il apparaît qu'en raison de l'activité de [Y] [K], celui-ci était directement exposé à l'amiante de 1974 à 1991 en qualité de mécanicien appelé dans le cadre de ses activités de réparation navale à manipuler un ensemble de composants thermiquement protégés par de l'amiante qui impliquaient lors d'interventions, le décalorifugeage puis le calorifugeage des tuyauteries, joints de collecteurs échappement. Ces faits sont confirmés par un ensemble d'attestations circonstanciées remises en cause pour certaines ([T] [E] et [V]) produites en première instance et confortées par de nouvelles attestations [B], [C], [J].

La teneur de ces attestations n'est pas véritablement remise en cause par l'appelante, sauf pour celle-ci à les interpréter en réduisant leur impact ou leur spontanéité notamment sur le caractère habituel de l'exposition. Toutefois l'ensemble permet cependant de confirmer de manière circonstanciées une activité en milieu amianté tels qu'ils viennent d'être énoncés pour la période 1975 à 1991.

Il importe peu que la cour ignore la nature de l'activité professionnelle de [Y] [K] jusqu'en 2004, ainsi que soutenu dès lors que le salarié éventuellement exposé chez plusieurs employeurs peut décider d'attraire l'un d'entre eux devant la juridiction.

En fonction de ces attestations, de la qualification occupée et de l'activité déployée, il sera admis que [Y] [K], a été en contact habituel, constitué en particulier par la répétition de situations sur une période de 16 ans ans au titre de produits contenant de l'amiante, de moyens de protection constitués par des isolants thermiques et qu'il a été exposé au risque professionnel en relation avec l'apparition de la maladie professionnelle.

Sur la conscience du danger

Il doit être considéré à cet effet que bien que la société [Adresse 6] ne figurait pas dans la nomenclature des entreprises de l'amiante avant 2001, ne produisant pas et ne fabricant pas d'amiante, sa spécialisation industrielle la conduisait à utiliser l'amiante de manière importante comme produit de protection ou de conservation de la chaleur sur les installations de bord dans le cadre de son activité navale.

Or s'il est établi que postérieurement à 1996 la société a pu prendre toutes mesures utiles visant à protéger ses salariés de l'amiante (diagnostic produit) aucun élément ne confirme qu'à la suite des décrets de 1977, à partir desquels l'absence de conscience du danger ne pouvait plus être véritablement invoquée par une entreprise spécialisée, des mesures de quelque nature que ce soit aient été prises par la société à cette fin.

En conséquence, constatant que la société [Adresse 6] aurait dû avoir conscience du danger auquel elle exposait [Y] [K], et n'a pas pris les mesures utiles pour le protéger pendant le temps de présence dans l'entreprise, la Cour infirmera la décision entreprise et retiendra la commission d'une faute inexcusable en relation directe avec la maladie évoquée. .

Sur l'indemnisation

Au vu des pièces produites par [Y] [K] concernant les répercussions au titre de l'activité, des souffrances physiques et morales, du préjudice d'agrément en fonction de son âge lors de l'apparition de la maladie, le montant de l'indemnisation du préjudice extra patrimonial en l'état des données connues de l'âge de la victime au moment de la déclaration de maladie, sera apprécié ainsi qu'il suit :

-souffrances physiques et morales : 12 000 euros

- préjudice d'agrément : 3 000 euros

Il conviendra par ailleurs de fixer au maximum la majoration du capital servi à [Y] [K].

Sur l'opposabilité de la procédure de prise en charge

A défaut de discussion sur l'opposabilité de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle, au titre des articles R441-11 et suivants du code de la sécurité sociale, les sommes avancées par la caisse seront récupérées auprès de l'employeur, étant précisé que la caisse n'a pas à relever et garantir une société mais doit supporter l'avance des frais qui sont ensuite récupérées auprès de l'employeur fautif.

Enfin il n'apparaît pas inéquitable de condamner la société [Adresse 6] au versement d'une somme de 1 000 euros à [Y] [K] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en audience publique par arrêt contradictoire en matière de sécurité sociale,

Déclare recevable l'appel de [Y] [K],

Dit l'action de [Y] [K] recevable et non prescrite,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et dit que la société [Adresse 6] a commis une faute inexcusable en lien direct avec la maladie dont souffre [Y] [K],

Ordonne la majoration au maximum du capital servi à [Y] [K] par la Caisse,

Fixe à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnisation du préjudice extra-patrimonial subi soit 12 000 euros en réparation des souffrances physiques et morales et 3 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

Dit que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Var fera l'avance des sommes allouées et condamne la société [Adresse 6] à rembourser ce montant à la Caisse,

Condamne la société [Adresse 6] au versement d'une somme de 1 000 euros à [Y] [K] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 10/05657
Date de la décision : 19/07/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°10/05657 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-07-19;10.05657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award