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30/06/2011 | FRANCE | N°10/00344

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 30 juin 2011, 10/00344


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2011



N° 2011/ 460













Rôle N° 10/00344







HORUS PHARMA





C/



EURL NUTRAPROJECTS

S.A.S. PHYSICA PHARMA

[R] [P]





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP ERMENEUX

SCP COHEN

SCP TOLLINCHI











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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 17 Décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F226.





APPELANTE



S.A.S. HORUS PHARMA

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]



représentée par...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2011

N° 2011/ 460

Rôle N° 10/00344

HORUS PHARMA

C/

EURL NUTRAPROJECTS

S.A.S. PHYSICA PHARMA

[R] [P]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP ERMENEUX

SCP COHEN

SCP TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 17 Décembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2009F226.

APPELANTE

S.A.S. HORUS PHARMA

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,

assistée par Me Hélène MARLIER, avocat au barreau de NICE substituée par Me Edouard MOUSNY avocat au barreau de NICE

INTIMES

S.A.R.L. NUTRAPROJECTS

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]

représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,

assistée par Me Eric ADAD, avocat au barreau de NICE

S.A.S. PHYSICA PHARMA

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour,

assistée par la SELARL LEXWELL substituée par Me Maud VANDELLI, avocat au barreau de GRASSE

Maître [R] [P],

pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL NATRAPROJECTS

en intervention forcée

né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,

assisté par Me Eric ADAD, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2011,

Signé par Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Audience Jeudi 12 mai 2011 délibéré 30 juin 2011 SAS HORUS PHARMA

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société HORUS PHARMA, spécialisée dans la recherche, le développement et la mise sur le marché de produits pharmaceutiques dans le domaine ophtalmologique, a formalisé le 20 octobre 2006 un accord de confidentialité avec la société PHYSICA PHARMA, qui lui avait été présentée par Monsieur [M], portant sur une éventuelle collaboration concernant le développement et la fourniture d'un comprimé orodispersible à base de lutéine et d'autres ingrédients actifs.

Aux termes de ce contrat les deux parties convenaient, préalablement à toute prise de décision et afin de disposer d'éléments objectifs d'appréciation de la collaboration, d'échanger des informations confidentielles sur leurs technologies et leur savoir-faire.

Le paragraphe 4 du contrat précisait que cet accord ne pouvait être interprété comme une intention de chaque partie de s'engager contractuellement ou d'une quelconque manière avec l'autre partie.

Puis les 12 et 16 juillet 2007 la société HORUS PHARMA a conclu avec la société NUTRAPROJECTS dont Monsieur [M] est le gérant, un contrat de fournitures portant sur un comprimé orodispersible développé par cette société, devant répondre à certaines spécifications contractuellement convenues.

Ce contrat était conclu pour une durée de trois ans à compter de sa signature et pouvait être résilié en cas de violation par l'une ou l'autre des parties des obligations substantielles lui incombant persistant 30 jours après notification écrite de la partie lésée.

L'article 4 stipulait que la société HORUS PHARMA soumettrait pour 2007 et les périodes suivantes une estimation annuelle détaillée de ses besoins en produits, mise à jour chaque trimestre, afin de permettre à NUTRAPROJECTS de l'approvisionner régulièrement, les commandes étant passées au moins 90 jours avant la date de livraison souhaitée, la première commande devant intervenir le 15 octobre 2007 au plus tard.

Soutenant que la société NUTRAPROJECTS n'avait pas respecté le délai de livraison fixé, ni livré un produit conforme aux exigences contractuelles, la société HORUS PHARMA a demandé à sa cocontractante, par courrier du 5 novembre 2008, de lui rembourser la somme de 65.540 € payée à titre d'avance sur commande, celle de 24.263 € au titre des sommes investies pour le lancement du produit et de lui payer une somme de 50.000 € en réparation de son préjudice commercial, lui précisant résilier le contrat de fourniture.

Elle a également demandé à la société PHYSICA PHARMA, en tant que concepteur du produit et acteur dans les relations intervenues avec NUTRAPROJECTS, le paiement des mêmes sommes.

Par exploits des 2 et 3 mars 2008 elle a fait assigner ces deux sociétés devant le Tribunal de commerce de Nice demandant la résolution du contrat conclu entre elle-même et NUTRAPROJECTS, la reprise par celle-ci des marchandises non conformes, et la condamnation solidaire des sociétés NUTRAPROJECTS et PHYSICA PHARMA en paiement des sommes précitées.

Par jugement du 17 décembre 2009 le Tribunal de commerce de Nice a :

Dit que la SARL NUTRAPROJECTS n'a pas failli à son obligation de délivrance,

Constaté que le produit OROPHAK est en vente dans les pharmacies depuis au moins le mois de juin 2009,

Constaté que la société PHYSICA PHARMA n'est pas liée contractuellement avec la société HORUS PHARMA,

Constaté qu'il n'existe aucune société créée de fait ni d'apparence de société ni quasi- contrat entre la société PHYSICA PHARMA et la société NUTRAPROJECTS,

Constaté que la société PHYSICA PHARMA a rempli ses obligations contractuelles envers la société NUTRAPROJECTS,

Rejeté la demande reconventionnelle de la société NUTRAPROJECTS,

Débouté la société HORUS PHARMA de sa demande en résolution du contrat conclu avec la société NUTRAPROJECTS,

Débouté la société HORUS PHARMA de sa demande de reprise des marchandises livrées, ainsi que de ses demandes en paiement des sommes de 65.540 € payée à titre d'avances sur commande, de 24.263 € au titre des sommes investies pour le lancement du produit et de 50.000 € en réparation de son préjudice commercial,

Condamné la société HORUS PHARMA au paiement d'une somme de 2.000 € à la société NUTRAPROJECTS ainsi qu'à la société PHYSICA PHARMA par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 7 janvier 2010 la société HORUS PHARMA a interjeté appel de cette décision.

Le 18 mars 2010 la société NUTRAPROJECTS a été placée en liquidation judiciaire.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 5 mai 2011, tenues pour intégralement reprises, l'appelante demande à la Cour de :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 1120, 1147, 1604, 1610 et 1611 du code civil,

Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

Déclarer régulier en la forme l'appel interjeté, le dire bien fondé,

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société NUTRAPROJECTS de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

Le réformer pour le surplus,

Prononcer la résolution du contrat conclu entre la société HORUS PHARMA et la société NUTRAPROJECTS pour délivrance non conforme,

Ordonner la reprise par Me [P], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société NUTRAPROJECTS, des marchandises non conformes,

Condamner solidairement la société PHYSICA PHARMA et la société NUTRAPROJECTS au paiement de la somme de 65.540,80 euros en remboursement du prix de vente sur le fondement de l'article 1120 du code civil,

Condamner solidairement les mêmes au paiement de la somme de 24.262 euros en réparation de son préjudice financier,

Les condamner solidairement encore au paiement de la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice commercial,

Les condamner solidairement au paiement de la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouter Me [P] ès-qualités, de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions irrecevables comme nouvelles en cause d'appel et en tout état de cause non fondées,

Débouter la société PHYSICA PHARMA de l'intégralité de ses prétentions,

Condamner qui mieux devra aux entiers dépens, ceux d'appel étant tirés en frais privilégiés de procédure collective.

Par conclusions récapitulatives n° 4 contenant appel incident, déposées et notifiées le 2 février 2011, tenues pour intégralement reprises, Me [P], ès-qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de l'EURL NUTRAPROJECTS, demande à la Cour de :

Vu les dispositions des articles 1134, 1147, 1610 et 1315 du code civil,

Vu les articles 9, 565, 32-1 du code de procédure civile,

Dire et juger que L'EURL NUTRAPROJECTS a satisfait à son obligation de délivrance,

Dire et juger que le rapport PHV PHARMA lui est inopposable,

Dire et juger que la société HORUS PHARMA ne rapporte pas la preuve de l'absence de caractère orodispersible du produit OROPHAK,

Dire et juger que les SAS HORUS PHARMA a modifié ses exigences en cours d'exécution du contrat notamment en termes de composition du produit,

Constater que le produit OROPHAK est en vente en pharmacie depuis au moins juin 2009,

En conséquence,

Confirmer le jugement attaqué,

Débouter la société HORUS PHARMA de sa demande de résolution du contrat et de reprise des marchandises,

La condamner sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à lui restituer l'intégralité des lots livrés,

La débouter de ses demandes en paiement des sommes de 65.540 € payée à titre d'avances sur commande, de 24.263 € au titre des sommes investies pour le lancement du produit et de 50.000 € en réparation de son préjudice commercial,

Incidemment,

Dire et juger que l'attitude de la société HORUS PHARMA constitue un acte de concurrence déloyale et en tous cas une faute contractuelle,

Dire et juger la demande de la société NUTRAPROJECTS en paiement de la somme de 326.400 € au titre de légitimes dommages et intérêts n'est pas nouvelle,

Condamner la société HORUS PHARMA au paiement de cette somme,

En tout état de cause,

La condamner au paiement de la somme de 3.000 € pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,

La condamner au paiement de la somme de 6.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 22 avril 2011, tenues pour intégralement reprises, la société PHYSICA PHARMA, demande à la Cour de :

Vu la jurisprudence de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 12 juillet 1991, et les pièces communiquées,

Vu les articles 1120, 1382, 1872-1 et 1873 du code civil,

Confirmer en tous points le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société HORUS PHARMA de ses demandes,

Constater que la société PHYSICA PHARMA n'est pas liée contractuellement avec la société HORUS PHARMA,

Constater qu'il n'existe aucune société créée de fait, ni apparence de société, ni quasi-contrat avec la société NUTRAPROJECTS,

Constater que la société PHYSICA PHARMA a rempli ses obligations envers la société NUTRAPROJECTS son seul cocontractant,

Constater que la société PHYSICA PHARMA ne s'est en aucune façon portée fort envers NUTRAPROJECTS notamment pour la livraison de lots commerciaux OROPHAK et qu'elle ne saurait de ce chef encourir de condamnation,

Constater qu'elle n'a commis aucune faute de nature délictuelle envers HORUS PHARMA,

Débouter la société HORUS PHARMA de l'intégralité de ses demandes de condamnation solidaires de la société PHYSICA PHARMA,

Condamner la société HORUS PHARMA au paiement de la somme de 15.000 euros pour procédure abusive et dilatoire,

La condamner au paiement de la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été clôturée en l'état d'accord des parties le 12 mai 2011.

MOTIFS

Sur les relations entre la société HORUS PHARMA et la société NUTRAPROJECTS :

Attendu que les deux sociétés sont liées par le contrat de fourniture d'un comprimé à base de lutéine orodispersible conclu en juillet 2007 modifié par avenant du 17 novembre 2007 ;

Attendu que la première commande intervenue le 17 octobre 2007 était livrable au 31 décembre 2007 ;

Attendu que le contrat précisait que la composition active du produit était la propriété de la société HORUS et que les composants additifs permettant de 'conférer au Produit son caractère orodispersible c'est à dire une désintégration rapide buccale', étaient la propriété de NUTRAPROJECTS ;

Attendu que dans des courriels et courriers d'avril 2008 la société HORUS demandait à la société NUTRAPROJECTS de fabriquer un produit conforme à sa nature orodispersible, à savoir se dissolvant complètement en moins d'une minute à compter de sa prise ;

Attendu que le 1er juin 2008 elle informait NUTRAPROJECTS que les essais sur les échantillons proposés avec un temps de désagrégation de 5 minutes n'étaient pas conformes à sa demande initiale, rappelant que selon la Pharmacopée 'les comprimés orodispersibles sont des comprimés non enrobés se dispersant rapidement dans la bouche avant d'être avalés, la désagrégation se faisant en moins de 3 minutes' ; qu'elle précisait dans ce courriel vouloir un temps de délitement en bouche compris entre 30 secondes et 1 minute 30 secondes ;

Attendu que la société HORUS s'est plainte par mel du 1er septembre 2008 du goût amer insupportable des comprimés précisant que les testeurs, à savoir les dirigeants d'HORUS, les avaient recrachés au bout de 20 à 30 secondes, précisant n'avoir pu de ce fait tester le temps de désintégration du comprimé, et indiquant faire réaliser ces tests par une société indépendante, ces points n'étant pas contestés par la société NUTRAPROJECTS qui répondait le 3 septembre 2008 procéder à des essais pour améliorer tant l'arôme ainsi que la désintégration du comprimé ;

Attendu que la société NUTRAPROJECTS s'est engagée contractuellement à réaliser un comprimé orodispersible c'est-à-dire se désintégrant rapidement en bouche, différent d'un comprimé fondant sous l'effet de la succion ;

Attendu qu'en employant l'expression de 'désintégration rapide buccale', les parties ne pouvaient qu'entendre un temps de délitement de moins de trois minutes, tel que préconisé par la Pharmacopée européenne 5ème édition & 2.9.1, laquelle est visée expressément pour les tests de désintégration dans le dossier technique remis le 27 décembre 2007, puis le 18 avril 2008, par NUTRAPROJECTS à la société HORUS en vue de la demande d'accréditation du produit ;

Attendu que les parties étant convenues que le comprimé OROPHAK devait satisfaire aux prescriptions de la Pharmacopée européenne quant aux tests de dureté, de friabilité, de désintégration, la société NUTRAPROJECTS, qui s'est elle-même référer à cette norme ne peut maintenant utilement soutenir que cette réglementation ne s'appliquerait pas aux comprimés alimentaires ;

Attendu qu'il apparaît que des problèmes sont survenus dans la mise au point de comprimés fabriqués industriellement, la société HORUS PHARMA s'étant plainte que ceux livrés en mars et mai 2008 ne se délitaient pas en bouche mais restaient en masse et fondaient lentement ;

Attendu que les tests réalisés par la société PHV PHARMA le 9 octobre 2008 à la demande de la société HORUS PHARMA sur les comprimés litigieux donnent des temps moyens de désintégration de 9 minutes ;

Attendu que cette pièce, communiquée régulièrement et discutée contradictoirement, n'a pas à être écartée des débats comme le demande la société NUTRAPROJECTS, rien ne démontrant qu'ils se soient détériorés depuis leur livraison alors qu'ils ne se périmaient qu'en janvier 2010;

Attendu en outre que la circonstance que la procédure de désignation d'un expert indépendant prévue au contrat en cas de non-conformité n'ait pas été respectée par HORUS PHARMA est sans influence dans le litige dès lors que la société NUTRAPROJECTS a elle-même fait procéder à des tests similaires les 19 et 20 mars 2009 par la société EUROFINS, également produit aux débats, qui aboutissent à une moyenne de délitement en bouche de 4 minutes 26 secondes et qu'elle n'a pas alors demandé en justice la désignation d'un expert ;

Attendu que ces deux analyses concluent à des temps de désintégration supérieurs aux 3 minutes préconisées par la Pharmacopée européenne 5ème édition & 2.9.1;

Attendu que les comprimés livrés par la société NUTRAPROJECTS ne sont donc pas 'orodispersibles' au sens des accords des parties ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que l'impossibilité de mettre au point un produit orodispersible avant novembre 2008 soit imputable à un changement, allégué mais non établi, de façonnier chargé de la fabrication industrielle du comprimé ;

Attendu en outre que si la modification de certains paramètres ont nécessité une mise au point quant à la désintégration buccale prévue, il n'est pas établi que celle-ci eut été impossible du fait de ce changement, aucune remarque ni réserve en ce sens n'ayant été formulées par la société NUTRAPROJECTS qui n'a pas refusé d'exécuter les modifications souhaitées ;

Attendu que la société HORUS PHARMA est en conséquence fondée à soutenir que la société NUTRAPROJECTS a failli à son obligation de délivrance d'un comprimé orodispersible, alors que les délais de livraison d'un comprimé conforme au prototype FN82606-2 ont été repoussés par la société HORUS PHARMA jusqu'au 15 septembre 2008 et qu'en novembre 2008 la société HORUS PHARMA n'avait toujours pas reçu livraison d'un lot de comprimés satisfaisant aux tests pratiqués selon la norme de la Pharmacopée européenne ;

Attendu que la résiliation du contrat sera en conséquence prononcée aux torts de la société NUTRAPROJECTS en application de l'article 10 du contrat ;

Attendu que la société NUTRAPROJECTS sera condamnée à rembourser à la société HORUS PHARMA la somme de 65.540 € que celle-ci lui a payée à titre d'avance sur commande ;

Attendu que la société HORUS PHARMA, qui ne produit aucun document justifiant tant du paiement de stagiaires qui auraient été recrutées spécialement pour le lancement du produit, que de l'annulation de séminaires organisés dans cette perspective et des frais de création de matériel promotionnel, sera déboutée de sa demande de paiement de la somme de 24.263 euros au titre du préjudice financier qu'elle ne démontre pas ;

Attendu qu'il en sera de même en ce qui concerne l'allocation d'une somme de 50.000 euros au titre du préjudice commercial qu'elle n'établit ni dans son existence ni dans son quantum ;

Attendu que la société NUTRAPROJECTS étant en liquidation judiciaire, aucune condamnation ne peut être prononcée à son égard ;

Attendu qu'il convient en conséquence de fixer la créance de la société HORUS PHARMA au passif de la société NUTRAPROJECTS à la somme de 65.540,80 euros, outre intérêts au taux légal courant à compter du 5 novembre 2008, date de la mise en demeure, jusqu'au prononcé de l'ouverture de la procédure collective et ce, sous réserve de l'existence d'une déclaration de créance ;

Attendu que la société HORUS PHARMA sera déboutée de sa demande de reprise des comprimés livrés par la société NUTRAPROJECTS, alors qu'ils sont périmés depuis janvier 2010 ;

Sur les relations HORUS PHARMA/PHYSICA PHARMA :

Attendu que le contrat de confidentialité conclu le 20 octobre 2006 entre les deux parties n'a pas été suivi d'un contrat de collaboration ;

Attendu que la société HORUS PHARMA n'a conclu le contrat de fournitures du comprimé orodispersible qu'avec la société NUTRAPROJECTS et ne peut donc soutenir que la société PHYSICA PHARMA serait engagée contractuellement à son égard en ce qui concerne la livraison desdits comprimés, étant rappelé que selon le paragraphe 4 du contrat de confidentialité cet accord ne pouvait être interprété comme une intention de chaque partie de s'engager contractuellement ou d'une quelconque manière avec l'autre partie ;

Attendu par ailleurs que les pièces versées aux débats ne démontrent pas que la société PHYSICA PHARMA se soit portée fort à son profit de l'exécution du contrat de fourniture conclu les 12 et 16 juillet 2007 avec la société NUTRAPROJECTS ni qu'elle se soit engagée à satisfaire elle-même l'engagement souscrit dans ce contrat en cas de défaillance de la société NUTRAPROJECTS comme elle l'allègue ;

Attendu en conséquence que la société HORUS PHARMA n'est pas fondée à soutenir que la société PHYSICA PHARMA aurait engagé sa responsabilité contractuelle à son égard ;

Attendu que la société PHYSICA PHARMA, spécialisée dans le développement de formes galéniques innovantes, a conclu un contrat de services avec la société NUTRAPROJECTS le 18 janvier 2007par lequel elle s'est engagée à effectuer des travaux de développement et de réalisation de divers produits, dont des comprimés orodispersibles à base de lutéine ;

Attendu que si la société HORUS PHARMA recherche la responsabilité délictuelle de la société PHYSICA PHARMA pour avoir mal exécuté le contrat susvisée, il lui appartient de démontrer la faute qu'elle lui reproche ;

Attendu que la société PHYSICA PHARMA devait mettre au point et réaliser les produits et fournir les échantillons accompagnés d'une fiche de spécifications d'essais ;

Attendu que selon le rapport de faisabilité établi en janvier 2007, relatif au développement des comprimés orodispersibles de lutéine, PHYSICA PHARMA devait proposer un comprimé 'se délitant rapidement dans la bouche du patient et ce afin de faciliter sa prise et sa déglutition (les patients sont des sujets âgés)';

Attendu que ce rapport précisait en page 3 que le caractère orodispersible avait été évalué par un test sensoriel et laissé à l'appréciation du client de NUTRAPROJECTS ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que la société NUTRAPROJECTS se soit référée, dans ses rapports avec la société PHYSICA PHARMA, à la Pharmacopée européenne pour apprécier le caractère orodispersible du comprimé ni qu'elle ait imposé à sa cocontractante PHYSICA PHARMA de satisfaire à cette norme ;

Attendu que la société PHYSICA PHARMA a développé trois prototypes, le dernier le 7 juin 2007, et notait en conclusion du rapport de faisabilité que 'la force de compression qui conditionne la dureté des comprimés peut aussi influencer le temps de délitement du produit et son caractère orodispersible. Il conviendra de bien paramétrer ces valeurs au cours des premiers lots industriels' ;

Attendu que si, selon le dossier technique remis par la société NUTRAPROJECTS à la société HORUS PHARMA, la société PHYSICA PHARMA était chargée de la réalisation des mélanges préliminaires des fabrications de comprimés et de la validation des contrôles analytiques sur ces mélanges, la société PHYSICA PHARMA n'est pas intervenue dans la fabrication industrielle du lot de comprimés incriminés par la société HORUS PHARMA confiée à un façonnier la société BTT, phase de transposition industrielle du produit, à la charge de NUTRAPROJECTS, nécessitant de paramétrer les valeurs susvisées ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que la société PHYSICA PHARMA ait failli dans l'exécution du contrat de services la liant à la société NUTRAPROJECTS et ce d'autant que la société HORUS PHARMA, en réclamant en avril et mai 2008 la livraison d'un produit conforme à la version finale portant la référence SC62609-1 qu'elle avait approuvée après essais, puis, en août 2008, au prototype FN82606-2 également approuvé par elle, a ainsi validé les prototypes mis au point par la société PHYSICA PHARMA ;

Attendu en conséquence que la société HORUS PHARMA sera déboutée de ses demandes formées à l'encontre de la société PHYSICA PHARMA ;

Attendu que l'action engagée par la société HORUS PHARMA à l'encontre de la société PHYSICA PHARMA n'ayant pas dégénéré en abus du droit d'ester en justice, la société PHYSICA PHARMA sera déboutée de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts présentée de ce chef ;

Sur la demande reconventionnelle de Me [P], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société NUTRAPROJECTS :

Attendu qu'en première instance la société NUTRAPROJECTS a sollicité la condamnation de la société HORUS PHARMA à lui payer une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la résiliation abusive du contrat par cette société ;

Attendu qu'en appel la société NUTRAPROJECTS demande la condamnation de la société HORUS PHARMA au paiement de la somme de 326.400 euros ;

Attendu que la société NUTRAPROJECTS n'est pas fondée, pour les motifs précités, à soutenir que la résiliation du contrat serait abusive ;

Attendu par ailleurs que sa demande présentée au titre de la concurrence déloyale qu'elle reproche à la société HORUS PHARMA, qui a commercialisé à partir de janvier 2009 un comprimé OROPHAK fabriqué par une autre société, sera rejetée puisque dans la mesure où elle n'a pu fournir un comprimé orodispersible elle ne peut subir de concurrence ;

Attendu que la demande de restitution des lots livrés à la société HORUS PHARMA présentée pour la première fois en cause d'appel, nouvelle, sera écarté comme étant irrecevable ;

Attendu que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, sera écartée comme non fondée ;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que la société HORUS PHARMA sera condamnée à verser à la société PHYSICA PHARMA une indemnité de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens supportés par cette société du fait de son assignation ;

Attendu qu'il n'est pas contraire à l'équité de ne pas faire application au bénéfice de la société HORUS PHARMA des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que Me [P], ès-qualités, sera condamné aux entiers dépens supportés par la société HORUS PHARMA, dans l'instance dirigée contre la société NUTRAPROJECTS ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière commerciale,

Donne acte à Me [P] de son intervention ès-qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société NUTRAPROJECTS,

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

Constaté que la société PHYSICA PHARMA n'est pas liée contractuellement avec la société HORUS PHARMA,

Constaté qu'il n'existe aucune société créée de fait ni d'apparence de société ni quasi- contrat entre la société PHYSICA PHARMA et la société NUTRAPROJECTS,

Constaté que la société PHYSICA PHARMA a rempli ses obligations contractuelles envers la société NUTRAPROJECTS,

Rejeté la demande reconventionnelle de la société NUTRAPROJECTS,

Débouté la société HORUS PHARMA de sa demande de reprise par la société NUTRAPROJECTS des marchandises livrées,

Condamné la société HORUS PHARMA au paiement d'une somme de 2.000 € à la société PHYSICA PHARMA par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Constate que la société NUTRAPROJECTS a failli à son obligation de délivrer un comprimé orodispersible,

Prononce la résolution du contrat de fournitures conclu avec la société HORUS PHARMA à ses torts,

Fixe la créance de la société HORUS PHARMA au passif de la société NUTRAPROJECTS à la somme de 65.540,80 euros, outre intérêts au taux légal courant à compter du 5 novembre 2008, date de la mise en demeure, jusqu'au prononcé de l'ouverture de la procédure collective et ce sous réserve de l'existence d'une déclaration de créance,

Déboute la société HORUS PHARMA du surplus de ses demandes dirigées à l'encontre de la société NUTRAPROJECTS et de la société PHYSICA PHARMA,

Rejette la demande nouvelle présentée par Me [P], ès-qualités, en restitution par la société HORUS PHARMA des lots livrés par NUTRAPROJECTS comme étant irrecevable,

Déboute Me [P], ès-qualités, de sa demande de condamnation de la société HORUS PHARMA au paiement de la somme de 326.400 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, et celle de 3.000 euros pour procédure abusive,

Condamne la société HORUS PHARMA à verser à la société PHYSICA PHARMA la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en compensation des frais irrépétibles d'appel,

La condamne aux entiers dépens supportés par la société PHYSICA PHARMA, ceux d'appel étant distraits au profit de la SCP TOLLINCHI, PERRET VIGNERON, BUJOLI TOLLINCHI, avoué, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société HORUS PHARMA,

Condamne Me [P], ès-qualités, aux entiers dépens supportés par la société HORUS PHARMA dans son action dirigée contre la société NUTRAPROJECTS, tiré en frais de procédure collective et distraits au profit de la SCP ERMENEUX CHAMPLY LEVAIQUE, avoué, sur son affirmation d'en avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER. LE PRESIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 10/00344
Date de la décision : 30/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°10/00344 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-30;10.00344 ?
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