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30/06/2011 | FRANCE | N°09/19027

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 30 juin 2011, 09/19027


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2011



N° 2011/491













Rôle N° 09/19027





Société RANDSTAD





C/





[Z] [G]









































Grosse délivrée

le :

à :

Me Fabienne MIOLANE, avocat au barreau de LYON





Décisi

on déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2417.







APPELANTE



Société RANDSTAD (anciennement dénommée VEDIORBIS), prise en la personne de son Président en exercice à savoir la Société GROUPE RANDSTAD FRANCE, per...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2011

N° 2011/491

Rôle N° 09/19027

Société RANDSTAD

C/

[Z] [G]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Fabienne MIOLANE, avocat au barreau de LYON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/2417.

APPELANTE

Société RANDSTAD (anciennement dénommée VEDIORBIS), prise en la personne de son Président en exercice à savoir la Société GROUPE RANDSTAD FRANCE, personne morale, dont le Président est Monsieru [R]., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Fabienne MIOLANE, avocat au barreau de LYON

INTIME

Monsieur [Z] [G],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Blandine BERGER-GENTIL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

Me Blandine BERGER-GENTIL, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mai 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2011..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2011.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Madame Fabienne MICHEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Le 20 octobre 2009,la société Randst a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 24 septembre 2009 par le Conseil des Prud'hommes de Marseille qui l' a condamnée à verser à Madame [Z] [G] les sommes suivantes :

-indemnité compensatrice de préavis : 9232,38euros

-dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 80000euros

-rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire: 3077,46euros

- congés payés et RTT sur la période de mise à pied et préavis:3479 euros

-indemnité légale de licenciement : 22158 euros

-treizième mois sur préavis : 710,18 euros

-article 700 du Code de Procédure Civile : 1500 euros

Ce jugement a en outre fait droit à la demande reconventionnelle de la société Randstat et a condamné Madame [G] à lui rembourser la somme de 2088,61 euros au titre du solde de la carte Affaire.

****

Madame [G] a été embauchée le 11 aout 1982 , en qualité d'agent administratif, par la société de travail temporaire Regit : son contrat de travail a été transféré à la société Vedior Bis, devenue société Randstat.

Elle a été promue en 1997, responsable d'agence et en 2002 chef d'agence responsable de district.

Elle a été licenciée pour faute grave par une lettre en date du 27 juillet 2007 lui faisant reproche d'avoir abusé de son pouvoir de direction , d'avoir adopté un mode de communication souvent violent et humiliant ainsi qu' un comportement plus que familier avec certaines collaboratrices, d' avoir omis de respecter les dispositions du règlement intérieur , que ce soit en matière de consommation de boissons alcoolisées au sein de l' agence ou de retards, et enfin d'avoir fait preuve d'une inertie commerciale et opérationnelle.

***

La société Randstat soutient que les documents qu'elle produit démontrent les faits reprochés à Madame [G] lesquels justifient son licenciement : elle renonce à la qualification de faute grave qu'elle a retenu et en conséquence ne conteste pas les montants des indemnités fixées par le conseil des prud'hommes aux titres de l'indemnité de licenciement, du préavis, de la mise à pied conservatoire et congés payés afférents.

Elle conclut que Madame [G] doit en conséquence être déboutée de ses autres demandes et sollicite la confirmation de la condamnation de l'intéressée à lui rembourser la somme de 2088,61 euros ,avec intérêts de droit à compter du 31 octobre 2007 , date à laquelle cette somme , correspondant à des achats personnels de Madame [G] , a été débitée du compte de la société.

Par ailleurs, elle demande à la cour de dire que la déduction qu'elle a effectuée sur le montant des dommages et intérêts au titre de la CSG.CRDS est parfaitement justifiée.

Madame [G] réplique que son licenciement est injustifié et réclame la confirmation des sommes qui lui ont été allouées par le jugement déféré à l'exception des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'elle chiffre à 150000 euros.

Elle sollicite en outre la somme de 50000 euros pour licenciement vexatoire.

Elle demande à la cour de juger que les retenues effectuées par la société Randstat sur les dommages et intérêts qui lui ont été payés sont injustifiées.

Elle réclame enfin la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais engagés en appel.

Pour un plus ample exposé des faits et moyens des parties il convient de se référer aux conclusions écrites qui ont été soutenues à l'audience du 16 mai 2011.

MOTIFS

La lettre de licenciement fait à Madame [G] les reproches ainsi libellés:

-« vous avez confié de maniéré récurrente à vos collaboratrices la gestion de tâches qui relevaient de votre domaine de compétence afin de pouvoir disposer sur votre horaire de travail du temps nécessaire au règlement de diverses affaires privées. Vous avez ainsi abusé de votre pouvoir de direction en instaurant au sein de votre agence un mode de management « autocratique » particulièrement déstabilisant pour vos collaboratrices 

- votre mode de communication toujours déplacé, souvent violent et humiliant génère un profond malaise au sein de votre équipe. Ceci est d'autant plus inacceptable que vous adoptez ce ton à leur égard quelles que soient les circonstances, peu important que des clients et /ou des intérimaires assistent à vos écarts 

- plus grave encore, vous avez adopté à l'endroit d certaines de vos collaboratrices un comportement plus que familier basé sur un mode strictement affectif qui a produit des effets extrêmement pervers et conduit à des comportements tout à fait anormaux dans un contexte professionnel. Ceci s'est notamment illustré par des questionnements inquisitoires sur leur vie personnelle, sur leur gout vestimentaire ainsi que sur leurs m'urs. Vous leur avez d'ailleurs imposé la réciproque en les tenant informées , par exemple, des détails de votre vie intime et de vos sorties nocturnes 

-vous ne respectez pas les dispositions du règlement intérieur que ce soit en matière de consommation de boissons alcoolisées au sein d el' agence ou de retards .Nous avons ainsi découvert avec stupeur que vous demandiez chaque jour à l'une de vos collaboratrices d'aller vous chercher un apéritif au bar d'à coté ou encore que vous arriviez quotidiennement en retard n'hésitant pas à mentir éhontément en alléguant un prétendu accord de principe d e votre directeur de zone 

- le climat de travail que vous avez ainsi instauré explique selon vos collaborateurs l'important turn over au sein de votre agence ainsi que leur absentéisme .

Ce comportement gravement fautif auquel doit être ajoutée une inertie commerciale et opérationnelle qui génère d'importantes difficultés en matière de développement et d pérennisation de relations avec les clients , ne nous laisse pas d'autre choix que celui d prononcer votre licenciement pour faute grave. »

L'employeur expose qu'il a appris le comportement fautif de Madame [G] par la lettre de démission remise par Madame [V] [H] , le 11 juin 2007 , à Monsieur [C] , responsable de district, dans laquelle cette salariée , assistante de Madame [G], écrit que son départ est motivé par « le harcèlement moral, les attouchements sexuels et le manque de management de la part de sa responsable d'agence. »

Il indique qu'il a aussitôt saisi Madame [E], responsable des ressources humaines, laquelle a entendu les collaboratrices de Madame [G].

Le compte rendu de ces entretiens rédigé par Madame [E] tout d'abord dans un courriel du 18 juin 2007 puis dans une attestation établie le 15 mars 2008 sera résumé ci- dessous :

-Madame [B] [J], chargée de recrutement, a eu en un premier temps le sentiment que Madame [H] se faisait pouponner par Madame [G], au fil du temps elle a trouvé cette relation malsaine :Madame [G] tirait sur le décolleté ou la culotte de Madame [H] pour voir ses sous vêtements Elle s'est étonnée que Madame [H] ne réagisse pas mais ne s'est pas inquiétée car Madame [G] fonctionnait à l'affectif .Cette dernière a, une fois, posé sa poitrine sur son épaule mais elle l'a esquivée.

D'autre part , Madame [G] donnait des travaux personnels à réaliser Madame [H] car elle a des problèmes familiaux et financiers . Elle arrive à 10 heures , elle est dépassée par les événements , est sous stress permanent et pleure régulièrement : elle n'est plus à sa place . Elle pense qu'elle a un problème avec l'alcool.

-Madame [A] [K], chargée d'affaires a fait les mêmes constatations que Madame [J].

Madame [G] l'appelle régulièrement le soir ou le week-end, elle cherche à avoir un rôle de mère à son égard, elle n'hésite pas à lui poser des questions indiscrètes du genre « tu as couché ce week end ' » et lui raconte ses propres ébats amoureux.

Elle n'est plus performante, et a une attitude harcelante non par la charge de travail qu'elle confie mais par ses attitudes imprévisibles et son manque d'encadrement .

Madame [K] indique en outre que l'ancienne chargée d'affaires, Madame [F] , a pris un congé sabbatique car elle en avait assez de subir ce stress.

-Madame [H], assistante d'agence : au départ elle avait une relation mère-fille avec Madame [G] mais peu à peu cette dernière s'est montrée envieuse. Elle regardait quatre jours sur cinq ses sous vêtements, lui touchait les seins pour voir s'ils « étaient vrais » .Elle n'hésitait pas elle-même à exhiber ses sous vêtements dans l'agence et à demander l'avis de ses collaboratrices .Elle voulait qu'elle l'accompagne partout chez l'esthéticienne, ou à ses rendez vous personnels. Elle est sortie quelque fois avec elle mais s'est retrouvée avec des personnes d'une cinquantaine d'années et s'étant sentie décalée, a arrêté. Elle était très présente dans sa vie personnelle et exigeait des comptes y compris sur sa vie intime .Elle lui demandait de remplir des taches qui ne lui incombaient pas .

Elle a eu un accident de voiture un week end alors qu'elle était ivre et lui a demandé d'endosser la responsabilité de cet accident .Elle lui demandait chaque soir d'aller chercher un apéritif au bar voisin.

Madame [H] indique que Madame [F] lui a confié avoir vécu le même type de situation et précise qu'elle s'est longtemps tue car elle voulait obtenir un contrat à durée indéterminée.

-Madame [F] a subi des attouchements sexuels ainsi que insultes et humiliations devant les clients et les intérimaires .Elle a pris un congé sabbatique car la situation était devenue intolérable.

Mesdames [H]et [F] ont établi des attestations confirmant le compte rendu de Madame [E].

Toutefois, le témoignage de Madame [F] est mis en cause par l'attestation rédigée par son fils lequel indique être choquée par les accusations portées par sa mère à l'égard de Madame [G] alors que cette dernière était considérée comme un membre de la famille , a soutenu sa mère dans des moments difficiles et qu'il n'a jamais constaté un dysfonctionnement au sein de l'agence ou il a travaillé durant plusieurs années .

De même le témoignage de Madame [E] est ,au moins pour partie, infirmé par l'attestation de Madame [K] qui indique n'avoir jamais subi de la part de Madame [G] une forme quelconque de harcèlement et écrit : « je tiens à stipuler qu'après lecture de l'attestation d'[N] [E] , elle ne reflète en rien la vérité et ne m'a jamais été soumise pour lecture et encore moins pour accord ».

Madame [J] n'a pas témoigné. Ses propos rapportés par Madame [E] n'ont que la faible valeur d'un témoignage indirect.

L'employeur produit enfin l'attestation de Monsieur [I], responsable de site, qui reprend les doléances de Madame [H] avant de préciser qu'il n'a jamais été le témoin direct des faits cités.

Madame [G] produit quant à elle plusieurs attestations de collègues de travail ou clients qui font état de ses qualités professionnelles et la bonne ambiance qu'elle instaurait au sein de son équipe, ainsi que l'attestation de la responsable du restaurant voisin de l' agence qui indique que jamais de l'alcool n'a été apporté à l'agence que ce soit à midi ou le soir.

C'est à juste titre que la salariée souligne que l'employeur n'a consulté ni les délégués du personnel, ni le CHSCT ni le « déontologue » , instauré pour ce type de situation ,avant de la licencier.

Enfin, le médecin du travail en charge du personnel de l'agence depuis 2001 certifie qu'il n'a jamais eu connaissance de problèmes de harcèlement ou d'attouchements de la part des salariés.

En conclusion , il subsiste un doute quant aux agissements reprochés à Madame [G], doute que ne peut dissiper le certificat médical indiquant que Madame [H] s'est trouvée en arrêt de travail pour incompatibilité d'humeur avec la responsable d'agence entrainant un stress important dans la mesure ou le médecin ne fait que rapporter les dires de sa patiente quant à la cause de son anxiété .

Le dernier grief figurant dans la lettre d licenciement, relatif à l'inertie de la salariée, à le supposer établi , n'est pas un motif disciplinaire et ne saurait donc justifier le licenciement.

Le doute bénéficiant au salarié, le licenciement de Madame [G] sera jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'intéressée percevait un salaire de base 2621,36 euros et bénéficiait d'un treizième mois ainsi que d'un avantage en nature (véhicule) évalué à 126,59 euros par mois , soit 2966,39 euros au total .Elle indique qu'elle était âgée de 59 ans lors de la rupture .Elle a retrouvé un emploi au mois d'aout 2008, moins bien rémunéré que le précédent .

Elle souligne qu'elle n'a plus de véhicule de fonction et a perdu tous les avantages liés à son ancienneté de 26 ans dans la société Randstat .

Les conditions brutales de son licenciement et les motifs allégués par l'employeur pour rompre la relation contractuelle sont vexatoires .La somme de 80000 euros sera allouée à Madame [G] en réparation du préjudice causé par le licenciement et par les conditions vexatoires de celui -ci

L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est exonérée de CSG CRDS qu'à hauteur du minimum de six mois de salaire prévu par le code du travail.

Les autre sommes , fixées par le jugement déféré, incontestées par l'employeur sont justifiées et seront confirmées.

D'autre part la société Randstat devra rembourser à Pole Emploi les sommes versées à Madame [G] , à la suite de son licenciement , dans la limite de six mois.

Par ailleurs, Madame [G] ne conteste pas avoir indument payé des achats personnels avec la carte de la société la somme de 2088,61 euros : elle devra verser cette somme à la société Randstat avec intérêts de droit à compter de la demande en paiement par l'employeur de cette somme soit en l'espèce à partir du 20 mars 2008.

L'équité en la cause commande la condamnation de la société Randstat à verser à Madame [G] la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les fais irrépétibles engagés en première instance et en appel

PAR CES MOTIFS

La cour ,statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe

Vu l'article 696 du code de procédure civile

Réforme le jugement déféré

Condamne la société Randstat à verser à Madame [G] :

-80000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse et prononcé dans des conditions vexatoires

-1800 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile 

Pour le surplus confirme les condamnations prononcées à l'encontre de la société Randstat, soit :

-indemnité compensatrice de préavis : 9232,38euros

-dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 80000euros

-rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire: 3077,46euros

- congés payés et RTT sur la période de mise à pied et préavis:3479 euros

-indemnité légale de licenciement : 22158 euros

-treizième mois sur préavis : 710,18 euros

Condamne Madame [G] à verser à la société Randstat la somme de 2088,61 euros avec intérêts de droit à compter du 20 mars 2008

.../...

Dit que la société Randstat devra rembourser à Pole Emploi les sommes versées à Madame [G] , à la suite de son licenciement , dans la limite de six mois.

Dit que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est exonérée de CSG CRDS qu'à hauteur du minimum de six mois de salaire prévu par le code du travail.

Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile par la société Randstat

Dit que le greffe de cette chambre devra adresser copie du présent arrêt à Pole Emploi

Dit que les dépens seront supportés par la société Randstat

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/19027
Date de la décision : 30/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°09/19027 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-30;09.19027 ?
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