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23/06/2011 | FRANCE | N°10/21097

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre b, 23 juin 2011, 10/21097


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2011

FG

N°2011/425













Rôle N° 10/21097







[B] [M]





C/



[Y] [D] [P]

CREDIT SUISSE HOTTINGER





































Grosse délivrée

le :

à :











Décision déférée à la

Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/244.





APPELANT



Monsieur [B] [M] alias [O] ou [O],

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 12] (Région de Gorki) - RUSSIE,

demeurant [Adresse 3] (RUSSIE)





Représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, av...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

1re Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2011

FG

N°2011/425

Rôle N° 10/21097

[B] [M]

C/

[Y] [D] [P]

CREDIT SUISSE HOTTINGER

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 09 Novembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/244.

APPELANT

Monsieur [B] [M] alias [O] ou [O],

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 12] (Région de Gorki) - RUSSIE,

demeurant [Adresse 3] (RUSSIE)

Représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,

Assisté de Me Mireille MAGNAN, avocat au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [Y] [D] [P]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6] - GRECE

demeurant [Localité 14] - domicilié à [Localité 6] (GRECE) [Adresse 5].

Représenté par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,

Assisté de Me François LASTELLE du cabinet VIVIANI P. LASTELLE F., avocats au barreau de NICE

CREDIT SUISSE HOTTINGER pris en la personne de son représentant légal en exercice, domcilié en cette qualité audit siège, sis [Adresse 4]

Non comparant

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller, chargés du rapport.

Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur François GROSJEAN, Président

Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2011.

ARRÊT

Par défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2011.

Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,

M.[B] [M], de nationalité russe, et dont l'identité a été présentée comme ayant varié, et M.[Y] [P], de nationalité grecque, ont été en relations d'affaires.

Ils avaient envisagé une affaire consistant à revendre sur le marché international 33.000 de tonnes de cuivre que M.[M] aurait pu obtenir de Russie et que M.[P] aurait été en mesure de revendre en Europe et aux Etats-Unis grâce à son réseau commercial.

Ils se sont associés en janvier 1996, à 50% des parts chacun, au sein d'une société qu'ils ont constituée en zone 'offshore' à l'Ile de Man, la société First Sales Corporation Limited.

Très rapidement, les relations entre les deux hommes se sont dégradées, M.[M] ne voulant plus passer par M.[P]. Ce dernier a exigé de percevoir une commission résultant de ses négociations.

C'est dans ces conditions qu'un document sous seing privé intitulé protocole d'accord, a été établi, daté du 7 mars 1996, et déclaré fait à [Localité 6].

Ce document a été signé par M.[P]. Une procédure de faux a concerné la signature de M.[M].

Selon ce protocole, M.[M] accepte de rémunérer M.[P] pour son intervention et s'engage à lui verser une somme forfaitaire d'un million et demi de dollars américains. Il était prévu que cette rémunération se ferait au moyen d'une augmentation de capital de trois millions de dollars de la société First Sales Corporation par M.[M], ce qui permettait à cette société de faire des opérations immobilières notamment sur la côte d'azur en France, et M.[P], restant associé à 50%, était bénéficiaire indirect de cette augmentation de capital.

Il était précisé que la société First Sales Corporation était déjà adjudicataire d'une villa au Cap Ferrat, acquise au prix d'environ 10 millions de francs.

De fait la société First Sales Corporation ne consignera jamais le prix de l'adjudication de la villa du Cap Ferrat, qui sera revendue sur folle enchère.

Le 19 août 1997, M.[Y] [P] a fait assigner M.[B] [M] alias [O] ou [O] devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de le voir condamner à lui payer la contre-valeur en francs français de la somme de 1.500.000 dollars US avec intérêts aux taux légal à compter de la sommation de payer du 17 décembre 1966, plus des dommages et intérêts pour résistance abusive.

La société Crédit Suisse Hottinger est intervenue volontairement.

M.[M] a déposé plainte avec constitution de partie civile pour faux.

M.[M] a soulevé l'incompétence des tribunaux français et subsidiairement demandé de surseoir à statuer dans l'attente du résultat de sa plainte pénale contre M.[P]

Par jugement du 23 octobre 2001, le tribunal de grande instance de Grasse a rejeté l'exception d'incompétence et sursis à statuer dans l'attente du résultat de la plainte.

Suite à un contredit de compétence formé par M.[M], la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 24 octobre 2002, a confirmé le jugement sur la compétence.

Par arrêt du 30 septembre 2009, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Nice du 4 avril 2008 de relaxe de M.[P] pour faux.

Le terme du sursis à statuer étant levée, le tribunal civil a rendu son jugement au fond.

Par jugement en date du 9 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Grasse a, vu les dispositions des articles 1134, 1147, 1325 et 1347 du code civil :

- débouté le Crédit Suisse de sa demande tendant à voir écarter les pièces n°2, 3a, 3b et 8 versées par M.[Y] [P],

- condamné M.[B] [M] alias [O] ou [O] à payer à M.[Y] [P] la contre-valeur en euros de la somme de 1.500.000 dollars US, selon leur valeur par rapport au franc français au mois de décembre 1996, assortis d'intérêts au taux légal à compter du 19/8/1997, date de l'assignation valant mise en demeure,

- par voie de conséquence, débouté M.[B] [M] alias [O] ou [O] de l'intégralité de ses demandes tant en principal qu'à titre reconventionnel,

- donné acte au Crédit Suisse qu'il s'en rapporte à justice sur la demande en paiement diligentée par M.[Y] [P],

- condamné M.[B] [M] alias [O] ou [O] à payer à M.[Y] [P] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné M.[B] [M] alias [O] ou [O] à payer à M.[Y] [P] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M.[B] [M] alias [O] ou [O] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M.[B] [M] alias [O] ou [O] aux entiers dépens de la présente instance, avec distraction au profit de M°P. MARIA, avocat de la cause en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY LEVAIQUE, avoués, en date du 24 novembre 2010, M.[B] [M] alias [O] ou [O] a relevé appel de ce jugement.

L'affaire a été fixée à bref délai, en application des dispositions de l'article 910 alinéa deux du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 17 mai 2011, M.[B] [M] alias [O] ou [O] demande à la cour d'appel, au visa des dispositions des articles 59 du code de procédure civile,1325, 1315, 1347, 1134 code civil, de

- déclarer M.[P] irrecevable en sa défense,

- réformer le jugement,

- dire nul et de nullité absolue le protocole litigieux,

- subsidiairement, dire ce protocole irrégulier, en par conséquent de nul effet,

- débouter M.[P] de l'intégralité de ses demandes,

- recevoir M.[O] en sa demande reconventionnelle,

- condamner M.[Y] [P] à restituer la somme de 282.000 € (1.850.000 F) avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de restituer en date du 15 février 1999,

- condamner M.[Y] [P] au paiement d'une somme de 200.000 € à titre de dommages et intérêts,

- condamner M.[Y] [P] au paiement d'une somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[Y] [P] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP ERMENEUX-CHAMPLY LEVAIQUE, avoués.

M.[M] affirme qu'aucune opération de vente de cuivre n'a été effectuée avec l'intervention de M.[P], que ce n'est d'ailleurs pas dans ce but qu'a été constituée la société First Sales mais dans celui d'un investissement immobilier sur la côte d'azur française et qu'il cessera toute relation d'affaires avec M.[P] après avoir prix conscience de l'insolvabilité de celui-ci. Il fait remarquer que le protocole dont se prévaut M.[P] est un faux. Il considère que la somme de 1.850.000 francs français remise à M.[P] devait être affectée à une acquisition de bien immobilier et non aux dépenses personnelles de M.[P].

M.[M] estime justifier de la réalité de son état civil, faisant observer que son

nom a été mal transcrit de l'alphabet cyrillique à l'alphabet latin . Il fait valoir que par contre M.[P] n'indique pas sa vraie adresse et doit être déclaré de ce fait irrecevable en sa défense.

M.[M] affirme être victime d'une machination de la part de M.[P], avec comme prétexte l'affaire du cuivre.

Il affirme avoir remis 1.850.000 F en quatre chèque pour 1.000.000 F dans un premier temps, et quatre autres chèques pour 850.000 F à titre de dépôt de garantie pour l'achat de l'immeuble. M.[M] précise n'avoir jamais signé ce protocole qui est un faux.

M.[M] se prévaut des dispositions de l'article 1325 du code civil. Il estime que la photocopie d'un faux ne peut valoir commencement de preuve par écrit.

Il fait valoir qu'à la date de ce protocole, les éléments relatifs à une transaction de cuivre n'existaient pas, que ces négociations ont eu lieu après et n'ont pas abouti.

Il observe que la lettre de crédit de la société Glencore, dont fait état M.[P] est du 1er avril 1996.

M.[M] demande reconventionnellement la restitution de la somme de 282.000 € correspondant à 1.850.000 F plus 200.000 € de dommages et intérêts.

Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 18 mai 2011, M.[Y] [P] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1134, 1147 et 1153 du code civil, de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- y ajoutant , condamner M. [M] alias [O] au paiement d'une somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner M. [M] alias [O] au paiement d'une somme de 15.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [M] alias [O] aux dépens d'appel, distraits au profit de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués.

M.[P] estime que M.[M] ne justifie pas de sa véritable identité, alors que son état civil varie et qu'il est possesseur de plusieurs passeports, de sorte que son appel est irrecevable en application des dispositions de l'article 59 du code de procédure civile.

M.[P] n'est pas détenteur de l'original du protocole, qui lui aurait été dérobé. Il fait valoir que la copie vaut commencement de preuve par écrit. Il considère que même si ce n'est pas M.[M] mais selon lui l'épouse de ce dernier, qui a signé pour lui, ce ne serait que dans le but d'échapper à ses obligations en se fabriquant à l'avance un faux de sorte qu'il pourrait ensuite se prévaloir du faux pour ne pas payer. Il estime que la réalité de la relation d'affaires, de ses négociations ayant permis la vente cuivre, est établie. Il prétend que ce qui est écrit dans le protocole, même avec une fausse signature, correspond à la réalité des accords. Il estime que M.[M] ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

Il considère que l'adjudication de la villa du Cap Ferrat est un commencement d'exécution de ces accords. Il considère qu'il en est de même pour une somme de 1.850.000 francs français.

M.[P] fait valoir qu'il s'est rendu à deux reprises à Londres en janvier et février 1996 au siège de la société Glencore, que des échanges sur la qualité du cuivre et les délais de livraison ont été effectués et qu'une lettre de crédit a été émise.

Le Crédit Suisse Hottinger, a été assigné le 8 mars 2011, mais l'huissier significateur n'a trouvé à son adresse [Adresse 4] aucune personne habilitée à recevoir l'acte, de sorte que la signification à personne n'a pu être effectuée et que l'acte a été déposé en l'étude avec respect des formalités de l'article 658 du code de procédure civile. Le Crédit Suisse Hottinger n'a pas comparu.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close, d'accord des représentants des parties, le 18 mars 2011, avant les débats.

MOTIFS,

-I) La procédure :

M.[P] estime que l'appel de M.[M] est irrecevable, faute de justifier de son état civil et M.[M] que les conclusions de M.[P] sont irrecevables faute de justifier de son adresse.

Tous deux se fondent sur l'article 59 du code de procédure civile qui dispose que le défendeur doit, à peine d'être déclaré, même d'office, irrecevable en sa défense, faire connaître s'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.

L'appelant justifie de son état civil avec diverses retranscriptions de son nom russe. Il a précisé ses date et lieu de naissance et son identité est établie. M.[P] ne prouve pas la fausseté de l'état civil ainsi établie.

Il en est de même pour M.[P] dont l'adresse est établie, et sera retenue faute de preuve certaine du contraire.

La procédure est régulière.

-II) La demande en paiement formée par M.[P]

En application de l'article 1315 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. M.[P] doit prouver l'existence de sa créance sur M.[M].

Cette demande est fondée sur un document sous seing privé daté du 7 mars 1996 dont la valeur est contestée et sur la réalité prétendue d'une relation d'affaires qui fonderait une créance selon M.[P], même si l'élément de preuve du document sous seing privé est écarté.

-II-1) Le document sous seing privé daté du 7 mars 1996 :

Il s'agit du document sous seing privé intitulé protocole d'accord, daté du 7 mars 1996, et déclaré fait à [Localité 6], selon lequel M.[M] accepte de rémunérer M.[P] pour son intervention dans une négociation de vente de cuivre et s'engage à lui verser une somme forfaitaire d'un million et demi de dollars américains, au moyen d'une augmentation de capital de trois millions de dollars par M.[M] de la société First Sales Corporation, dont M.[P] restait associé à 50%, étant précisé que la société First Sales Corporation était adjudicataire d'une villa à [Localité 11], pour10 millions de francs environ.

C'est un contrat entre M.[P] et M.[M], et selon lequel ce dernier s'engage à rémunérer M.[P] au travers d'une opération d'augmentation de capital.

Ce document est dactylographié.

M.[M] précise que la signature y figurant et présentée comme la sienne, à trois reprises sur les trois pages du document, un paraphe en page un, un autre paraphe en page deux et une signature complète en page trois, n'est pas la sienne.

Ce contrat synallagmatique n'est pas produit en original.

M.[P] prétend que l'original lui a été volé. La preuve de ce que l'original de ce document lui a été volé n'est pas établie, car si M.[P] a été victime d'un vol, la preuve de ce que l'original du contrat était parmi les choses volées ne résulte que de sa seule déclaration.

Au bas de la dernière page, de ce qui n'est qu'une photocopie, et peut être en conséquence un montage, figurent deux tampons de services de police grecs attestant des signatures, avec signature du responsable du bureau de police et datés du 7 avril 1996.

Le consul général de Grèce à [10] a attesté le 16 septembre 1997 que ces certifications ont été faites par le commissariat de police de Glifada à [Localité 6].

Mais le chef de poste du bureau de police de Glifada à [Localité 6], M.[Y] [K], a précisé que M.[V] [H], seule personne habilitée à légaliser les signatures à cette époque, n'était pas en service le 7 avril 1996.

Cet excès de légalisations de signatures finit par prouver qu'il existe une doute sérieux sur la réalité de la signature.

Deux rapports d'expertise judiciaire en écritures ont été établis pour déterminer si la signature de M.[M] figurant à trois reprises sur ce document est bien la sienne.

L'expert [U] [C], expert en écritures près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a établi un rapport le 14 mars 2001. Il résulte de son analyse que, selon elle, la signature de question, attribuée à M.[M], lui paraît être une contrefaçon de la signature de comparaison, tant en ce qui concerne la signature proprement dite que les paraphes.

L'expert [R] [I], expert près la cour d'appel de Paris, et expert national agréé par la Cour de cassation, a établi un rapport le 11 juin 2001. Il a estimé que les signatures étaient des imitations grossières de la signature de M.[M].

L'ensemble de ces éléments de preuve, allant tous dans le même sens, permettent de dire que la signature attribuée à M.[M] sur ce document est une signature contrefaite.

Il en résulte la preuve que M.[M] n'a jamais signé ce document.

En conséquence, M.[P], qui est incapable de produire un original, et ne produit qu'une photocopie de contrat avec une fausse signature de M.[P], ne peut en aucune façon se fonder sur ce document pour exiger la moindre chose de M.[M].

Ce document frauduleux n'a aucune valeur. Il n'a même pas la valeur d'un commencement de preuve pour écrit.

Il permet de constater que M.[P] se fonde sur un faux pour obtenir le paiement d'une somme d'argent.

-II-2) La relation d'affaires :

Pour établir, malgré le faux en écriture, sa créance sur M.[M], M.[P] se prévaut de relations d'affaires avec M.[M] desquelles il résulterait une obligation pour celui-ci de lui verser la somme d'argent demandée.

Il produit les documents suivants :

-un contrat dactylographié en anglais et en russe du 16 décembre 1995, concernant la vente de 30.000 tonnes de cuivre, non signé, et sans noms, sans aucune mention de M.[P],

-une lettre en anglais de Pyremed Limited à 'M.[M]' du 8 janvier 1996 : 'suite à notre dernière réunion à [Localité 13], dimanche 7 janvier, nous sommes heureux, comme convenu de vous envoyer nos termes et conditions pour l'éventuel achat du premier lot au comptant de 1.000 tonnes de cathodes de cuivre',

-une lettre de Armet Anglo-Russian Metals Ltd du 15 février 1996 à First Sales Corp attention A.Zouperov/N.Katsanis : 'veuillez trouver ci-joint le protocole révisé

et projet de 'protocole d'accord de joint venture entre First Sales Corporation et Anglo-Russian Metals Limited. Objet 3.000 tonnes de cathode de cuivre',

-une télécopie de Glencore UK Ltd à l'attention de M.[G] [P] [Adresse 8] objet : contrat relatif à 3.000 mts Mok cathodes de cuivre en vue d'un crédit documentaire : 'nous vous prions de trouver annexé notre message à expédier à notre banque d'ouverture Meespierson en vue d'ouvrir la lettre de créance non opérative ...nous attendons confirmation de l'ouverture du bon d'exécution en notre faveur pour une valeur de US dollars de 210.622,50 ',

-une télécopie 21 mars 1996 de [N] [E] Glencore UK Ltd :

'nous sommes en mesure de confirmer l'acceptation de 3.000 mt Mok ...nous vous confirmons notre accord de ne pas court-circuiter la société First Sales dans l'affaire conclue de cet achat de 3.000 mt sur les 34.000 m au moins supplémentaires de cathodes de cuivre de la part d'un fournisseur présenté par la société First Sales, à condition que ce fournisseur ne nous soit pas déjà bien connu',

-une télécopie de Bachalter Investments Limited du 28 mars 1996 : 'conformément à l'accord financier entre Bachalter Investments et Glencore les lettres de créance ...devront être préparées par la Banque Indosuez en faveur de la compagnie'.

Ces documents permettent de constater qu'un contrat portant sur l'intermédiation de la société First Sales avec la société Glencore pour en vue de la vente à Glencore de 3.000 tonnes de cathodes de cuivre d'origine russe, avait été passé le 21 mars 1996. Une rémunération de la société First Sales par la société Glencore était prévue pour un montant de 210.622,50 US dollars.

Ces documents ne permettent pas de savoir si le contrat a été effectivement exécuté et encore moins si une rémunération était prévue pour M.[P], et si oui, par qui, et de quel montant.

Ils permettent de constater en tout état de cause qu'à la date du faux protocole du 7 mars 1996, le contrat formé le 21 mars 1996 n'existait pas encore.

M.[P] produit encore une attestation de M.[F] [X] , sans date.

Celui-ci écrit avoir été le chauffeur de M.[M] , avoir lu le protocole litigieux de mars 1996, avoir emmené M. [M] à l'aéroport de [10] en avril, que celui-ci lui avait déclaré qu'il allait voir M.[P] à [Localité 6] pour une affaire de cuivre, avoir vu M.[M] avec le document de protocole portant des tampons de la police grecque.

Cette attestation sans date n'apporte rien d'utile aux débats.

M.[P] ne prouve pas avoir une créance sur M.[M] et sera débouté de ses demandes.

-III) Les demandes reconventionnelles de M.[M] :

M.[M] demande la condamnation de M.[P] à lui restituer la somme de 282.000 € correspondant à 1.850.000 F et à lui payer 200.000 € à titre de dommages et intérêts.

-III-1) La demande de restitution :

Il n'a pas été opposé que cette demande serait nouvelle en cause d'appel. Sa recevabilité n'étant pas discutée, la cour examine le fond de la demande.

Cette somme de 1.850.000 F correspond d'après M.[M] à huit chèques, dont la matérialité est établie, s'agissant de huit chèques de banque, de la banque Arab Bank PLC, agence de [Localité 7], [Localité 9] :

- un chèque de 100.000 F et trois chèques de 250.000 F, soit au total 850.000 F émis en faveur de la caisse de règlements de avocats de Nice,

- quatre chèques de 250.000 F chacun, soit 1.000.000 F au total, émis au profit de l'association des avocats P.VIVIANI et F.[S].

Ces chèques n'ont pas été émis au profit de M.[P].

Le 15 février 1999, sommation a été faite à M°[T] [S], avocat, par la société First Sales Corporation Limited de payer et restituer sans délai à la société First Sales Corporation, requérante, la somme d'un million de francs encaissée par lui, sur son compte professionnel, et huit cent cinquante mille francs encaissés sur le compte CARSAN.

Cette sommation a été faite, non pas par M.[M] mais par la société First Sales Corporation.

Le document par lequel un certain M.[A] [J] écrit que cette somme aurait été remboursée par l'avocat concerné à M.[P] au lieu de l'avoir été à la société First Sales Corporation, confirme que cet argent émanait de cette société et non de M.[M] sur ses fonds propres et qu'une telle action aurait dû émaner de cette société et non de M.[M] à titre personnel.

En conséquence, il n'est établi, ni que la personne qui a remis ces sommes soit M.[M] plutôt que la société First Sales Corporation, ni que la personne qui a été bénéficiaire était M.[P].

Cette demande n'est pas fondée.

-III-2) La demande de dommages et intérêts :

Le fait de poursuivre une action en paiement en se basant sur un contrat falsifié, et le sachant, de persister dans cette voie, caractérise une procédure à caractère frauduleux, poursuivie dans une intention malicieuse. Cette action de M.[P] est en conséquence fautive et abusive.

La confiscation de fait du véhicule de M.[M] par M.[P] n'est pas établie. La demande de dommages et intérêts à ce titre ne sera pas admise.

M.[M] a demandé au total 200.000 € de dommages et intérêts, dont 26.671,11 € de préjudice financier , le reste en préjudice moral. C'est donc une somme de 173.328,89 € qu'il demande au titre de son préjudice pour cette procédure abusive commencée le 19 août 1997.

Il lui sera alloué une somme de 20.000 €, correspondant à son préjudice moral pour avoir dû supporter pendant 13 ans cette procédure abusive.

Par ailleurs M.[P] sera condamné aux dépens et à indemniser M.[M] de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt de défaut, au vu de la défaillance de la société Crédit Suisse Hottinger, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Dit la procédure régulière, l'appel et les conclusions de l'appelant recevables et les conclusions de l'intimé recevable,

Infirme le jugement rendu le 9 novembre 2010 par le tribunal de grande instance en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute M.[Y] [P] de toutes ses demandes,

Dit l'action de M.[Y] [P] abusive et le condamne à payer à M.[B] [M] alias [O] ou [O] la somme de vingt-mille euros (20.000 €) à titre de dommages et intérêts,

Déboute M.[B] [M] alias [O] ou [O] de sa demande de paiement par M.[Y] [P] de la somme de 282.000 € (1.850.000 F),

Condamne M.[Y] [P] à payer à M.[B] [M] alias [O] ou [O] la somme de six mille euros (6.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit l'arrêt commun à la société Crédit Suisse Hottinger, à laquelle il n'est rien demandé.

Condamne M.[Y] [P] aux entiers dépens, de première instance et d'appel et autorise la SCP ERMENEUX-CHAMPLY et LEVAIQUE, avoués, à recouvrer directement contre lui, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 1re chambre b
Numéro d'arrêt : 10/21097
Date de la décision : 23/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 1B, arrêt n°10/21097 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-23;10.21097 ?
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