COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
6e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 23 JUIN 2011
N° 2011/454
Rôle N° 10/04226
[Y] [N]
C/
[W] [D]
épouse [N]
Grosse délivrée
le :
à :
la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
la SCP MAYNARD - SIMONI
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge aux affaires familiales de TARASCON en date du 19 Février 2010 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/00489.
APPELANT
Monsieur [Y] [N]
né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 3]
comparant en personne,
assisté de la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
Assisté de Me Christian BARRY, avocat au barreau de TARASCON
INTIMÉE
Madame [W] [O] [D] épouse [N]
née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,
Assisté de Me Jean Marie LASSALLE, avocat au barreau de TARASCON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 01 Mars 2011 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Brigitte BERNARD, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Françoise LLAURENS, Président
Madame Brigitte BERNARD, Conseiller
Madame Roseline ALLUTO, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Valérie BERTOCCHIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 05 Mai 2011 PROROGE AU 23.06.2011
ARRÊT
CONTRADICTOIRE,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 23.06.2011
Signé par Madame Françoise LLAURENS, Président et Madame Valérie BERTOCCHIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
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Vu le jugement rendu le 19 FÉVRIER 2010 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de TARASCON et qui a notamment :
- prononcé le divorce de [W] [O] [D], née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 8] (MOSELLE) et de [Y] [T] [N], né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5] (BOUCHES DU RHÔNE) aux torts exclusifs de l'époux ;
- déclaré dissout le mariage célébré le [Date mariage 1] 1975 devant l'Officier d'Etat Civil de la Commune d'[Localité 5] (13) ;
- dit que la mention du divorce sera portée en marge de l'acte de mariage ainsi que l'acte de naissance de chacun des époux suivant les prescriptions de l'article 1082 du code de procédure civile ;
- ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux ;
- commis à cette fin, Maître [X] [S], notaire à [Localité 10], ou tel notaire sur lequel les parties s'accorderont et désigne le Juge commissaire au partage aux fins de suivre les opérations de liquidation et faire rapport en cas de difficultés ;
- condamné [Y] [N] à verser à [W] [D] une prestation compensatoire en capital sous forme de versement d'une somme d'argent de 50.000 € ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné chaque partie à supporter les dépens par elle engagés ;
Vu l'appel de ce jugement par [Y] [N], par déclaration au Greffe de la Cour d'Appel en date du 04 MARS 2010 ;
Vu les dernières conclusions signifiées par [Y] [N] le 18 FÉVRIER 2011 auxquelles il est renvoyé et par lesquelles il demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer le divorce des époux [N]-[D] aux torts exclusifs de l'épouse et de débouter cette dernière de sa demande de prestation compensatoire ;
Vu les dernières écritures signifiées par [W] [D] le 21 FÉVRIER 2011 auxquelles il est renvoyé et par lesquelles l'intimée conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelant à lui payer 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR,
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas critiquée ;
' Sur le prononcé du divorce :
Attendu que [W] [D] reproche à son mari ses adultères multiples, sa violence et les faux en écriture commis pour lui faire perdre son statut de conjoint collaborateur ;
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Attendu que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le premier juge a estimé établis les deux premiers de ces griefs ;
Attendu qu'il y a lieu seulement d'ajouter que l'allégation de faux formulée par [Y] [N] à l'encontre des courriels électroniques, adressés notamment à [F] en 2004, ainsi que de la lettre qu'il a écrite à son épouse, n'est pas établie et est contredite par le fait que [W] [D] démontre que son mari avait bien une adresse e-mail '[Courriel 7]' et lui écrivait à l'occasion comme le 07 JUIN 2008 en caractères d'imprimerie ;
Attendu que les violences exercées par [Y] [N] à l'encontre de son épouse sont prouvées par la plainte de [W] [D] le 03 NOVEMBRE 2007 et un rappel à la loi fait à [Y] [N] le 07 NOVEMBRE 2007 ; qu'en outre, malgré les courriers que [Y] [N] leur a adressé le 24 AVRIL 2009, [B] [J] et [G] [Z] ont maintenu leurs témoignages sur ces violences délivrées le 17 DÉCEMBRE 2007 ;
Attendu, au surplus, qu'il est justifié que [Y] [N] a été condamné le 19 JUIN 2009 par le Tribunal Correctionnel de TARASCON, du chef de faux en écriture publique ou authentique pour avoir apposé la signature falsifiée de son épouse sur deux procès-verbal d'Assemblée Générale de la S.A.R.L. ANGELA, qui modifiaient les règles de gestion et de distribution des dividendes de la société, dont les époux étaient associés avec leurs enfants ; que ces faits contreviennent à l'obligation de loyauté entre les époux;
Attendu, en conséquence, que c'est à juste titre que le premier juge a retenu que [Y] [N] avait commis des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et a accueilli la demande principale en divorce présentée par [W] [D] ;
Attendu que [Y] [N] reproche à son épouse ses relations extra-conjugales depuis 1992 ;
Attendu que ne sont probants ni l'attestation succincte de [E] [A], auquel [W] [D] aurait confié son infidélité, ni l'existence d'un test HIV, réalisé en MARS 2007, par l'épouse à toutes fins, ce qui n'est pas improbable ;
Attendu, en revanche, que [Y] [N] établit, par un procès-verbal de constat d'huissier du 14 NOVEMBRE 2007, que [W] [D] a passé la nuit du 13 au 14 NOVEMBRE 2007 chez [L] [U] à [Localité 9] en ARIÈGE ;
Attendu que s'il est vrai que [W] [D] a été victime de violences de la part de son mari le 03 NOVEMBRE 2007, il est difficile de croire que [W] [D] se serait réfugiée chez un simple ami, 14 jours après les faits, alors qu'elle avait déjà déposé une requête en divorce le 16 OCTOBRE 2007, l'ordonnance de non-conciliation intervenant le 08 JANVIER 2008 ;
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Attendu que ce comportement, pour le moins injurieux pour le mari, malgré sa violence ponctuelle du 03 NOVEMBRE 2007, dissimulait bien une relation adultère, [L] [U] venant s'établir le 30 AOÛT 2009 dans la même maison à [Localité 5], louée en partie par [W] [D] depuis le 20 NOVEMBRE 2007, puis louant encore dans le même immeuble que [W] [D], toujours à [Localité 5], un appartement ; que plus exactement le bail souscrit par [L] [U] est en date du 1er OCTOBRE 2010, tandis que celui contracté par [W] [D] est en date du 02 NOVEMBRE 2010 ;
Attendu que le fait que les deux appartements aient été loués par la S.A.R.L. SAN FLORAINE, représentée par [Y] [N] dans les baux, ne prouve ni la complaisance du mari, cette mention de représentation étant combattue par la démission de ses fonctions de gérant de la S.A.R.L. SAN FLORAINE par [Y] [N] depuis le 15 OCTOBRE 2008, ni l'absence de relations adultères entre [L] [U] et [W] [D] qui cohabitent dans deux immeubles successifs depuis AOÛT 2009 ; que [W] [D] ne fournit d'ailleurs aucune explication à ces emménagements successifs de [L] [U] à ses côtés ;
Attendu, ainsi, que le jugement entrepris sera infirmé et la demande reconventionnelle de [Y] [N] accueillie ;
Attendu donc que le divorce des époux sera prononcé à leurs torts partagés ;
' Sur la demande de prestation compensatoire :
Attendu qu'en vertu de l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux;
Que l'article 271 du code civil prévoit que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible et qu'à cet effet, le Juge prend en considération, notamment :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- leur qualification et leur situation professionnelle,
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu après liquidation du régime matrimonial,
- leurs droits existants et prévisibles,
- leur situation respective en matière de pension de retraite ;
Attendu qu'en application de l'article 270 alinéa 2 du code civil, cette prestation a un caractère forfaitaire et prend la forme d'un capital, dont le montant est fixé par le Juge;
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Attendu que [Y] [N], né le [Date naissance 2] 1955 et [W] [D], née le [Date naissance 4] 1955, se sont mariés le [Date mariage 1] 1975 sans contrat préalable ;
Attendu qu'ils ont eu trois enfants, nés en 1976, 1980 et 1989 ; que leur mariage a duré 35 ans ;
Attendu que les époux ont un bien commun, sis [Adresse 3] à [Localité 5], où demeure [Y] [N] ; que ce bien est estimé à 450.000 € et n'est grevé d'aucun droit à récompense ; que chacun des époux percevra la moitié de ce prix, si le bien est vendu;
Attendu que [Y] [N] est âgé de 56 ans ; que pendant la mariage il a créé avec son épouse trois sociétés, la S.A.R.L. ANGELA, ayant une activité d'installation d'antennes de télévision et de loueur de meublés professionnels ainsi que de locaux commerciaux, la S.A.R.L. LA GRESOUILLAISE, ayant pour objet la location de meublés et la S.A.R.L. LA SAN FLORAINE ayant le même objet ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la S.A.R.L. LA GRESOUILLAISE et la S.A.R.L. LA SAN FLORAINE ont été cédées aux enfants du couple et que [Y] [N] n'en est plus le gérant depuis le 15 OCTOBRE 2008, bien qu'il apparaisse comme représentant de la S.A.R.L. LA SAN FLORAINE dans les baux précités consentis à [W] [D] et à [L] [U] ;
Attendu que [W] [D] ne démontre, cependant, par aucune autre pièce que [Y] [N] serait associé dans ces deux sociétés, exercerait des fonctions de dirigeant de fait et percevrait une rémunération de quelque nature que ce soit, des S.A.R.L. LA GRESOUILLAISE et de la S.A.R.L. LA SAN FLORAINE ;
Attendu, en revanche, que [Y] [N] est toujours associé de la S.A.R.L. ANGELA ; que s'il a cédé ses 11 parts en pleine propriété pour la somme de 1.672 €, il est justifié qu'il est encore titulaire de 1.404 parts en usufruit, a un compte courant d'associés et perçoit chaque mois un virement de 400 € de la S.A.R.L. ANGELA, dont sa fille [M] est gérante depuis le 1er JANVIER 2010 ;
Attendu que [Y] [N] n'indique pas à quel titre il perçoit cette somme de 400 € par mois, s'il la perçoit toujours depuis le 1er JANVIER 2010, et ne verse aucun document comptable permettant de connaître les dividendes distribués à chaque associé en 2009 et 2010 et le montant de son compte courant d'associé, rappelant que la S.A.R.L. ANGELA a un patrimoine immobilier et une activité d'installation d'antennes de télévision ;
Attendu, par ailleurs, que [Y] [N] a une invalidité de 25% et perçoit une rente de la RSI, soit 570,42 € par mois jusqu'en JUIN 2015 ; qu'il a encore donc une capacité de travail mais ne justifie d'aucune recherche d'emploi ;
Attendu qu'il vit dans le bien commun et n'écarte pas dans ses écritures la possibilité de racheter la part de son épouse, ce qui implique qu'il a des avoirs mobiliers;
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Attendu qu'il héberge, par intermittence, sa fille [M] née en 1989, et qui perçoit 628 € par mois au titre de l'ARE ;
Attendu, enfin, qu'il a cotisé 133 trimestres pour sa retraite et selon une évaluation faite en NOVEMBRE 2007, il devrait percevoir 286 € par mois à compter du 10 JUIN 2015 ;
Attendu que [W] [D] est âgée de 56 ans ; que depuis son mariage, elle a alterné les formations, des emplois précaires et des périodes de chômage, tout en élevant ses trois enfants ;
Attendu que de 2001 à AVRIL 2003, elle a travaillé comme secrétaire salariée de la S.A.R.L. ANGELA, puis jusqu'en SEPTEMBRE 2007, comme conjoint collaborateur de son mari, qui y a mis fin dans des conditions délictueuses ayant entraîné sa condamnation en 2009, comme il a été dit ci-avant ;
Attendu qu'elle a des emplois, dans le cadre de C.D.D., depuis 2009 ; que notamment depuis le 15 NOVEMBRE 2010 et jusqu'au 31 MARS 2011, elle travaillait comme agent contractuel pour le C.C.A.S. d'[Localité 5], percevant 963 € par mois ; que ce contrat pouvait être reconduit, mais que [W] [D] ne le justifie pas ;
Attendu qu'elle a perçu, le 13 MARS 2009, la somme de 100.000 € en cédant ses parts de la S.A.R.L. ANGELA ; que cependant, [Y] [N] a, quant à lui, toujours la valeur de ses parts en usufruit ;
Attendu, encore, que [W] [D] a attrait le Crédit Lyonnais en justice pour avoir permis le virement de son compte personnel au compte de la S.A.R.L. ANGELA de la somme de 47.424 € entre le 17 et le 22 MARS 2007 ; que [Y] [N] prétend, sans l'établir, que [W] [D] avait détourné 47.424 € appartenant à la S.A.R.L. ANGELA ;
Attendu, enfin, que [W] [D] règle un loyer mensuel de 535 € et règle les charges fixes usuelles afférentes à un logement ;
Attendu qu'au vu de ces éléments et en particulier de la durée du mariage, d'une certaine opacité de la situation réelle de [Y] [N], des capacités de [W] [D] à voir sa vie personnelle évoluer favorablement pouvant compenser la précarité de ses revenus, la Cour estime que la rupture du mariage crée une disparité entre les situations respectives des époux au détriment de [W] [D] qu'il convient de compenser en allouant à cette dernière une prestation compensatoire en capital d'un montant de 40.000 € ;
Attendu que le jugement entrepris qui avait surestimé le capital alloué à [W] [D] sera infirmé de ce chef ;
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' Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel :
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de débouter [W] [D] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que le divorce des époux [N] étant prononcé à leurs torts partagés, chaque partie conservera à sa charge ses dépens de première instance et d'appel ;
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PAR CES MOTIFS /
LA COUR,
Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats non publics ;
Reçoit l'appel ;
AU FOND,
Infirme le jugement entrepris en ses dispositions sur les torts du divorce et la prestation compensatoire ;
Statuant à nouveau,
Prononce le divorce de [Y] [T] [N], né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 5] (BOUCHES DU RHÔNE) et de [W] [O] [D], née le [Date naissance 4] 1955 à [Localité 8] (MOSELLE), à leurs torts partagés ;
Condamne [Y] [N] à payer à [W] [D] la somme, en capital, de QUARANTE MILLE EUROS (40.000 €) à titre de prestation compensatoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit que chaque partie supportera ses dépens d'appel et admet les avoués concernés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,