COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 16 JUIN 2011
FG
N°2011/
Rôle N° 10/13436
[E] [B] [X] [W]
C/
[M] [T]
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge aux affaires familiales de MARSEILLE en date du 04 Mai 2010 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 07/03918.
APPELANTE
Madame [E] [B] [X] [W]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10],
demeurant [Adresse 11]
Représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,
Assistée de Me Aurore BOYARD-BURGOT, avocat au barreau de TOULON
INTIME
Monsieur [M] [T]
né le [Date naissance 3] 1926 à [Localité 7] (ALGERIE),
demeurant [Adresse 5]
Représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
Assisté de Me Catherine PINNELLI-CHARRIER, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Mai 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François GROSJEAN, Président, et Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2011.
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
M.[M] [L] [Z] [T], né le [Date naissance 3] 1926 à [Localité 7] (Algérie), et Mme [E] [B] [X] [W], née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 10], se sont mariés le [Date mariage 2] 1983 à [Localité 10], sous le régime de la séparation de biens, inchangé ensuite.
Mme [W] a déposé une requête en divorce le 12 octobre 1998 ; une ordonnance de non conciliation a été prise le 2 avril 1999. Le divorce a été prononcé par arrêt confirmatif de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 juin 2005.
Le notaire chargé de la liquidation des droits des parties, M°[G] [N], notaire associé à [Localité 10], a procédé à un procès verbal de difficultés le 27 juillet 2006.
Le 27 mars 2007, M.[M] [T] a fait assigner Mme [E] [W] devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir trancher les difficultés subsistant entre eux.
Par jugement en date du 4 mai 2010, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Marseille a :
- vu le jugement de divorce des époux en date du 22 juin 1999,
- vu l'arrêt prononcé le 27 juin 2005 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
- vu le procès verbal de carence dressé par le notaire en charge de la liquidation et du partage de la communauté existant entre M.[T] er Mme [W] en date du 27 juillet 2006,
- dit que Mme [W] doit récompense à la communauté des fonds ayant servi à l'acquisition de la maison d'habitation ainsi que du terrain attenant sur lequel se trouve une piscine cadastré section A1 numéro [Cadastre 4], lieudit [Adresse 9], pour une contenance de 50 ares et 8 centiares, outre le tiers indivis d'une parcelle de terrain à usage de chemin, cadastré section A1 numéro [Cadastre 6], [Adresse 9] pour une contenance de 17 ares et 47 centiares pour la période de temps comprise entre 1983 et juillet 1989,
- dit que ces fonds s'analysent en une donation déguisée au sens de l'article 1099-1 du code civil,
- débouté M.[T] de sa demande en attribution préférentielle de la maison d'habitation ainsi que du terrain attenant sur lequel se trouve une piscine cadastré section A1 numéro [Cadastre 4] lieudit [Adresse 9] pour une contenance de 50 ares et 8 centiares outre le tiers indivis d'une parcelle de terrain à usage de chemin cadastré section A1 numéro [Cadastre 6] chemin du Baguier pour une contenance de 17 ares et 47 centiares,
- débouté Mme [W] de sa demande en paiement d'une soulte concernant les meubles meublants acquis en indivision,
- débouté Mme [W] de sa demande en restitution des biens et meubles personnels,
- renvoyé les parties devant M°[G] [N], notaire à [Localité 10] , pour procéder à la liquidation des droits respectifs des époux et, le cas échéant, pour faire rapport en cas de difficultés à telles fins que de droit au juge de la mise en état de la 4ème chambre du tribunal de grande instance de Marseille,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens, employés en frais privilégiés de partage.
Par déclaration de la SCP BOTTAI, GEREUX et BOULAN, avoués, en date du 15 juillet 2010, Mme [E] [W] a relevé appel de ce jugement.
Par jugement en date du 16 novembre 2010, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Marseille a rectifié le jugement du 4 mai 2010. Ce jugement modifie le dispositif et dit qu'il faut lire :
-vu le procès verbal de carence dressé par le notaire en charge de la liquidation et du partage du régime matrimonial séparatiste, au lieu de : de la communauté,
- dit que Mme [W] doit récompense envers M.[T], au lieu de : à la communauté.
Par déclaration de la SCP BOTTAI, GEREUX et BOULAN, avoués, en date du 3 janvier 2011, Mme [E] [W] a formé un appel, à titre complémentaire, de ce jugement rectificatif.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 2 mai 2011, Mme [E] [W] demande à la cour d'appel, au visa des dispositions des articles 262-1 et 255 du code civil en leur rédaction antérieure au 1er janvier 2005, des articles 1542 du code civil, de :
- réformer le jugement du 4 mai 2010 et le jugement rectificatif du 16 novembre 2010,
- dire que M.[M] [T] n'apporte pas la preuve d'avoir financé seul tant l'acquisition que les travaux exécutés dans les biens immobiliers indivis,
- dire que Mme [E] [W] apporte la preuve d'avoir contribué au paiement et à l'acquisition et des travaux exécutés dans les biens indivis,
- dire qu'en conséquence, M.[T] et Mme [W] sont propriétaires à hauteur de 50% chacun des deux biens indivis,
- dire que Mme [E] [W] n'a bénéficié d'aucune donation de la part de son époux et qu'elle ne lui doit aucune somme au titre du financement des biens et des constructions érigées sur les biens indivis,
- dire que Mme [E] [W] apporte la preuve d'avoir financé une partie du mobilier meublant le domicile conjugal,
- désigner un commissaire priseur afin de dresser inventaire tant des biens propres de chacun des époux que des biens indivis sur justificatifs (factures), de déterminer la valeur de chaque objet et bien meuble, de préparer deux lots d'égale valeur des objets et meubles meublants indivis et de tirer au sort leur affectation entre les deux époux,
- confirmer la décision concernant les indemnités d'occupation dues par M.[M] [T] à Mme [W] depuis le 24 décembre 1999 et jusqu'à ce jour,
- débouter M.[M] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- par arrêt avant dire droit, désigner un expert avec pour mission de se rendre dans les lieux à [Localité 8], donner son avis sur la valeur vénale du bien immobilier indivis, donner son avis sur l'indemnité d'occupation due par M.[M] [T] à Mme [W] laquelle s'élève à 50% de la valeur locative du bien indivis depuis le 24 décembre 1999 et jusqu'à ce jour,
- mettre la consignation à la charge de Mme [W] dans l'attente du règlement définitif des opérations de partage,
- condamner M.[M] [T] à verser à Mme [W] la somme de 4.784 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, avec distraction au profit de la SCP BOTTAI, GEREUX et BOULAN, avoués.
Mme [W] estime que M.[T] n'apporte pas la preuve de ce qu'il aurait financé seul le bien indivis. Elle fait observer que M.[T] ne peut exiger d'en avoir l'attribution préférentielle. Elle considère que M.[T] n'apporte pas la preuve qu'elle aurait repris possession de ses meubles meublants. Elle demande la confirmation du jugement sur les indemnités d'occupation.
Par ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 18 avril 2011, M.[M] [T] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1099 alinéa 2, 1099-1, 1542, 1289 et suivants, 254 du code civil, de :
- confirmer le jugement,
- en conséquence, annuler la donation des deniers faite au profit de Mme [W] lui ayant permis d'acquérir la propriété de la moitié des biens composant l'indivision conventionnelle des ex époux [T] en raison de son caractère déguisé,
- condamner Mme [W] au paiement de la valeur de la moitié des biens composant l'indivision conventionnelle,
- infirmer la décision en ce qu'elle a débouté M.[T] de sa demande relative à l'attribution préférentielle, allouer à M.[T] l'attribution préférentielle du bien ayant constitué l'ancien domicile cinjugal,
- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [W] au paiement de la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire les dépens frais privilégiés de compte, liquidation et partage et en ordonner la distraction au profit de la SCP de SAINT FERREOL et TOUBOUL, avoués.
M.[T] affirme avoir seul financé l'acquisition du terrain et les travaux de construction de la maison. Il estime que Mme [W] ne peut prouver sa participation aux frais.
M.[T] considère que Mme [W] n'a pas de raison à lui opposer pour refuser l'attribution préférentielle. Il fait observer que Mme [W] ne prouve pas avoir laissé des meubles meublants qui lui appartiendraient. Il considère une expertise comme inutile.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close, d'accord entre les représentants des parties, le 12 mai 2011, avant les débats.
MOTIFS,
-Le bien immobilier indivis :
M.[T] et Mme [W], mariés depuis le [Date mariage 2] 1983 sous le régime de la séparation de biens, ont acquis par acte du 12 juillet 1983 un terrain comportant une parcelle de 5.008 m² à [Localité 8] (Bouches-du-Rhône) et le tiers indivis de la parcelle voisine 1.747 m² à usage de chemin. Ils ont acquis ce terrain au prix de 360.000 francs à l'aide de deniers personnels et sans l'aide d'un prêt.
L'acte de vente précise que cette acquisition est faite par M.[T] et Mme [W] indivisément entre eux à raison de moitié chacun. Aucune déclaration de remploi de fonds ne figure dans l'acte.
M.[T] et Mme [W] ont ensuite fait construire une maison sur ce terrain indivis.
M.[T] prétend qu'en réalité c'est lui seul qui a financé l'intégralité de l'acquisition de ce terrain.
Il avait pourtant déclaré dans l'acte que l'acquisition était faite à raison de moitié chacun et que les fonds étaient des fonds personnels de l'acquéreur.
Il appartient à M.[T] d'en apporter la preuve contraire. A cet égard s'il n'est pas contesté que M.[T] avait des fonds personnels, il ne prouve pas que Mme [W] n'en avait aucun avant de se marier avec lui.
Faute de preuve contre cet acte, le terrain doit être considéré comme ayant été acquis des fonds provenant pour moitié des deux époux, justifiant leur acquisition déclarée en indivision, moitié-moitié.
Par la suite les époux [T]-[W] ont fait construire sur ce terrain indivis une maison.
Cette maison, suivant le sort du terrain sur lequel elle est construite, est indivise pour moitié entre chacun des deux époux.
M.[T] affirme avoir financé pour l'essentiel la construction de cette maison.
Il produit un courrier de M.[Z] [R] du 15 février 2006. Celui-ci précisé qu'il était directeur du bureau d'études Sarl BET [R] et qu'il a assuré au cours des années 1983 à 1985 la conception et la maîtrise d'oeuvre d'une villa à [Localité 8] pour le compte de M.[M] [T], que les travaux ont été réalisés par l'entreprise BIGGI pour les terrassements, l'entreprise LOPEZ pour le gros oeuvre, l'entreprise SORI pour les fermetures extérieures, l'entreprise Arts et Construction pour la charpente et la couverture, et divers artisans pour les carrelages et peintures. Il affirme avoir vérifié les facturations et que les règlements de ces factures ont été effectués directement et entièrement à chaque exécutant par M.[M] [T] lui-même.
La fiabilité de la déclaration de M.[R] peut être mise en cause alors Mme [W] prouve que M.[T] lui avait prêté de l'argent en 1983 et qu'il a été débiteur de M.[T].
En tout état de cause, ce courrier ne prouve pas que les fonds ayant servi à M.[T] à régler ces factures étaient des fonds propres à M.[T], plutôt que des fonds indivis, voire même des fonds provenant de Mme [W] elle-même.
Mme [W] produit de son côté de multiples factures de travaux à son nom et établit qu'un emprunt avait été effectué au nom des deux époux en 1983 pour la construction.
Elle établit le prélèvement d'échéances d'emprunt sur un compte à son nom.
Le déséquilibre financier entre M.[T], professeur de faculté, et Mme [W], jeune orthodontiste était aussi compensé par les charges de famille de M.[T], divorcé d'un premier mariage, et père de plusieurs enfants. Il n'est pas un élément de preuve de ce que M.[T] a financé l'essentiel de la construction.
Le fait que Mme [W] se soit par ailleurs progressivement constitué par la suite un patrimoine immobilier ne signifie pas que M.[T] a seul financé la construction.
Faute d'éléments probants incontestables, aucune récompense ne sera due par M.[T].
Quant à la valeur du bien immobilier indivis, il appartiendra aux parties de fournir au notaire des évaluations immobilières, s'ils n'aiment mieux le vendre aux fins de partage du prix de vente. Aucune expertise n'est nécessaire.
-L'attribution préférentielle :
S'agit d'une indivision volontairement décidée par les parties sur une maison d'habitation, aucune des deux n'est en mesure d'imposer à l'autre l'attribution préférentielle du bien indivis.
Le jugement ne peut qu'être confirmé de ce chef.
-Les meubles meublants :
Mme [W] a quitté les lieux de [Localité 8] depuis plus de dix ans. Elle n'établit pas avoir laissé des meubles meublants lui appartenant dans les lieux.
Elle sera déboutée de sa demande à ce sujet.
-L'indemnité d'occupation :
Mme [W] demande la confirmation du jugement sur l'indemnité d'occupation.
A ce sujet le jugement ne dit rien dans son dispositif, sauf à renvoyer les parties devant le notaire.
Mme [W] avait pourtant saisi le tribunal d'une demande à ce sujet, pour voir dire que la jouissance du bien indivis n'était pas gratuite.
Le tribunal avait, dans ses motifs, dit que l'attribution du domicile conjugal à l'époux ne pouvait s'analyser en l'exécution d'un devoir de secours. Les revenus de M.[T] étaient en effet suffisants à cet égard.
Il conviendra d'appliquer le principe de l'indemnité d'occupation due à l'indivision par celui qui occupe les lieux.
L'omission du dispositif sera réparée sur ce point.
Par équité, chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles, de première instance et d'appel. Ils ne seront en conséquence pas frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme partiellement le jugement rendu 4 mai 2010, rectifié par jugement du 16 novembre 2010, du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a :
- débouté Mme [W] de sa demande en paiement d'une soulte concernant les meubles meublants acquis en indivision,
- débouté Mme [W] de sa demande en restitution des biens et meubles personnels,
- renvoyé les parties devant M°[G] [N], notaire à [Localité 10] , pour procéder à la liquidation des droits respectifs des époux et, le cas échéant, pour faire rapport en cas de difficultés au juge commis du tribunal de grande instance de Marseille,
- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens,
Le complétant sur ce point, dit que M.[M] [T] doit une indemnité d'occupation à l'indivision pour le bien immobilier indivis de [Localité 8],
Le réformant pour le surplus, déboute M.[M] [T] de sa demande de récompense relative à l'acquisition et aux travaux du bien immobilier indivis de [Localité 8], et déboute M.[M] [T] de sa demande de voir dire qu'il y aurait eu une donation déguisée à ce sujet,
Dit n'y avoir lieu à expertise, les évaluations du bien immobilier et de la valeur locative devant préalablement être effectuées devant le notaire liquidateur,
Dit que chaque partie conservera ses dépens d'appel et ses frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT