COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 JUIN 2011
N° 2011/ 421
Rôle N° 09/22527
[D] [G] [B]
[F] [E]
C/
FABI
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOUBOUL
SCP LATIL
SCP BLANC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 12 Septembre 2007 enregistré au répertoire général sous le n° 2006F00733.
APPELANTS
Monsieur [D] [G] [B]
agissant en sa qualité d'unique héritier de feu son père [W] [B]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assisté par la SELARL BABLED FOATA PAGAND, avocats au barreau de NICE substituée par Me Emilie BAILET, avocat au barreau de NICE
Maître [F] [E] ,
es-qualités de mandataire successoral à la succession de M. [W] [B],
intervenant volontaire
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
représenté par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour,
assisté par Me Eric AGNETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Elise GHERSON, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
S.A.R.L. FABI
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée par Me Pierre-Paul VALLI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2011,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par exploit en date du 30 août 2006, Mlle [R] [B] et M. [D] [B] ont fait assigner, devant le Tribunal de commerce de NICE, la S.A.R.L. FABI pour obtenir sa condamnation à leur payer à chacun une somme de 148 000 euros, représentant leur part du compte courant d'associé de leur père décédé, [W] [B].
Mlle [R] [B], après avoir renoncé à la succession de son père, s'est désistée de sa demande.
Par jugement en date du 12 septembre 2007, le Tribunal a débouté M. [D] [B] en retenant qu'il ne justifiait pas de ses prétentions.
M. [D] [B] a relevé appel de cette décision et conclu le 30 octobre 2009 à sa réformation en soutenant qu'il rapportait la preuve que son père détenait bien dans la société un compte courant d'associé d'une valeur de 731 625 euros. A titre subsidiaire, il sollicitait l'organisation d'une expertise.
Par un arrêt en date du 4 décembre 2009, la procédure a été retirée du rôle à la demande des parties.
M. [D] [B] a demandé une remise un rôle le 14 décembre 2009
Le 29 septembre 2010, son conseil a informé la Cour de ce que le Tribunal de grande instance de GRASSE avait désigné Me [E] en qualité d'administrateur de la succession de [W] [B] et qu'il devait appeler ce dernier dans la procédure.
Dans des conclusions du 22 avril 2011, tenues ici pour intégralement reprises, M. [D] [B] soutient qu'étant l'unique héritier de [W] [B], puisque sa soeur [R] et son frère [X] ont renoncé à la succession, il doit obtenir la condamnation de la société à lui payer la somme de 731 625 euros, que cette demande n'est pas une demande nouvelle, contrairement à ce que soutient la société FABI, puisqu'elle est la conséquence de la renonciation à la succession de ses frère et soeur,
que la société FABI a été constituée pour l'acquisition d'un immeuble,
que dans son testament [W] [B] a, pour équilibrer sa succession entre ses trois enfants, compte tenu des donations antérieures faites à [X] et à [R], autorisé l'affectation à son profit de la somme de 731 624,66 figurant sur le compte courant d'associé dont il était toujours titulaire dans la société FABI,
qu'en 2006, l'immeuble a été vendu 1 100 000 euros, mais que la société FABI refuse toujours de lui verser les sommes dues, contestant pour la première fois devant la Cour l'existence du compte courant, alors que celle-ci est attestée par les bilans 2003 et 2004 et par une attestation de la comptable de la société en date du 14 février 2006,
que le courrier de l'expert comptable du 12 juillet 2007, qui prétend qu'un déficit de 397360 euros apparu en 2006 aurait dû s'imputer sur les comptes courants d'associés n'interdit pas le remboursement du dit compte puisque [W] [B] était créancier de la société et n'en était plus associé. Subsidiairement, il sollicite l'organisation d'une expertise pour établir le montant de la créance du défunt.
La S.A.R.L. FABI a conclu, le 30 septembre 2010, dans des écritures tenues ici pour intégralement reprises, à l'irrecevabilité partielle de la demande qu'elle considère comme nouvelle, et à la confirmation du jugement.
Me [E] est intervenu volontairement en la cause et a conclu le 19 avril 2011 en demandant à la Cour d'organiser une mesure d'expertise afin de déterminer le montant des sommes dues par la société FABI à [W] [B].
L'ordonnance de clôture est du 4 mai 2011.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu que la demande aujourd'hui présentée par M. [D] [B] n'est pas une demande nouvelle et n'a pas, comme telle, à être déclarée irrecevable, qu'en effet ce dernier a toujours réclamé à la société FABI le montant des sommes dues à son père, montant qu'il a seulement fait évoluer en fonction de ses droits dans la succession de son père puisque s'il n'a demandé initialement que 146 757,25 euros, c'est que le notaire avait alors estimé que, sur un montant de compte courant de 731 624,66 euros déclaré au décès, 291 352,91 euros revenaient à [X] [B] et que le solde, soit 440 271,75 euros devait être partagé entre les trois enfants du défunt ;
Attendu que M. [B] expose que [W] [B] qui avait 2 % des parts de la société FABI, parts qu'il a ensuite cédées à sa fille [R], alors que son autre fils [X] avait les 98 % restants, détenait à son décès, le 1er mars 2004, comme en attestent les documents comptables, mais aussi la déclaration de succession qui a été établie, un compte courant d'associé de 731 624,66 euros, somme qui doit lui revenir,
que la S.A.R.L. FABI conteste l'existence de ce compte courant et soutient qu'il n'est produit qu'un projet de déclaration de succession,
que Me [E] expose que [W] [B] ayant cédé ses parts à sa fille en 2003, le compte objet du litige ne serait de toute façon pas un compte courant d'associés mais un compte de tiers, que sur le bilan 2003 ne figure aucun compte courant, mais qu'il y est par contre fait mention pour le poste 'emprunts et dettes financières divers' d'une dette de 879 197 euros,
que le dernier bilan figurant au dossier, celui du 30 juin 2006, ne fait lui pas mention d'une créance de [W] [B] mais de deux comptes courants d'associés :
- [B]-FABI : 559 329 euros,
- [B] [R] : 146 757 euros,
qu'il est donc nécessaire de faire certifier par un expert le montant des comptes courants d'associés présents au sein du capital et le montant de la créance de feu [W] [B] ;
Attendu qu'il est certain qu'au bilan 2003, et donc après la cession de ses parts par [W] [B], figuraient une dette envers un établissement de crédit de 494 607 euros et un poste 'emprunts et dettes financières' d'un montant de 895 032 euros,
que la comptable de la société, Mme [Z] [H], a attesté que [W] [B] était détenteur à son décès d'un compte courant de 731 624, 66 euros,
que la créance de [W] [B], créance qui ne pouvait effectivement figurer dans les bilans de la société sur un compte courant d'associés, était donc nécessairement incluse que dans un poste 'emprunts et dettes financières divers',
que le dernier bilan qu'a pu obtenir Me [E], du 30 juin 2006, indique toujours l'existence d'une dette de la société vis à vis d'un établissement bancaire pour un montant de 518782 euros, mais aussi d'une dette 'groupe et associés' de 706 289 euros et l'existence de deux comptes courant d'associés soit :
- [B] [X] (et non FABI comme indiqué par Me [E]) : 559 329 euros,
- [B] [R] : 148 757 euros,
qu'une attestation de l'expert comptable, M.[V], en date du 12 juillet 2006, qui indique que 'le compte courant de Monsieur [W] [B] a été attribué, avant déclaration des résultats déficitaires de la S.A.R.L. FABI, qui aurait dû être porté à son compte courant, soit une déficit momentanément chiffré à 397 360 euros réparti équitablement avant dissolution de la dite société', confirme bien l'existence de ces comptes qui, après renonciation de Mlle [R] [B], représente une somme totale de 706 086 euros relativement proche de celle réclamée par M. [B], mais démontre aussi que la créance de [W] [B], postérieurement à son décès, a été inscrite dans les comptes de la société au nom de [R] [B], exactement pour le montant de la part présumée de cette dernière dans la succession, et au nom de '[B] [X]',
que l'analyse de l'expert comptable, M. [V], que d'ailleurs la société FABI ne reprend plus à son compte, et qui voulait voir imputer un déficit 2006 sur les comptes courants d'associés, aurait pu être valable pour [R] [B], porteur de parts de la société, mais ne pouvait en aucun cas l'être pour [W] [B] ou ses héritiers, qui, depuis 2003, ne l'était plus ;
Attendu que si la société FABI, pour continuer à contester malgré ces éléments comptables l'existence d'une créance de M. [D] [B], soutient que l'ensemble de l'opération aurait été financé, non par des apports de [W] [B], mais par un prêt bancaire, prêt à l'origine de la dette d'un montant de 879 197 euros figurant au poste 'emprunts et dettes financières divers' du bilan 2003, elle ne produit que très peu de pièces et notamment aucun bilan de la société,
qu'il apparaît cependant au vu de ces pièces et notamment d'un acte de Me [A], notaire à NICE, du 17 juillet 1989, qu'a été acquise de M. [K] [T], par M. [W] [B], agissant en qualité de gérant de la S.A.R.L. FABI et au nom de son fils mineur [X] [B] dont il était administrateur légal, mais qui était aussi représenté à cet acte par un administrateur ad hoc, M. [Y], seul membre avec lui de la S.A.R.L. FABI, une propriété sise à [Adresse 7], destinée pour partie à la réalisation d'une opération de construction, pour un prix de 1 640 000 francs, soit 250 016,38 euros,
que cette opération devait être intégralement financée par un prêt de la banque SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE 4 700 000 francs, soit 716510,38 euros dont 1 640 000 francs pour l'acquisition de la propriété, le solde étant destiné à financer l'opération immobilière,
que la société FABI produit aussi un courrier de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE qui réclame, le 26 août 2005, un solde de créance de 589 747 euros en 'vertu d'un protocole d'accord du 10 mars 1998", mais que cette somme correspond aux dettes et emprunts auprès d'établissements de crédit portés au bilan 2003 pour 494 607 euros et au bilan 2006 pour 579 398 euros et ne se confond pas avec les dettes envers les associés qui sont portées à ce même bilan,
que donc il doit être considéré au vu du bilan 2003 de la société, que [W] [B] était à son décès créancier de la S.A.R.L. FABI pour une somme de 731 624,66 euros, somme qu'il pouvait apporter sans autorisation durant la période où il était gérant, c'est à dire jusqu'au 5 novembre 2003, contrairement à ce que soutient la S.A.R.L. FABI,
que cette somme a été manifestement portée à tort, après son décès, dans les comptes courants d'associés de [X] [B] et [R] [B], puisque la société FABI, dont M. [X] [B] est l'actuel gérant, n'invoque aucun apport de fonds dans la société par ces derniers,
qu'elle n'invoque pas non plus de remboursement par elle d'une partie du 'compte courant' aux ayants droits de [W] [B], pas même au vu de l'attestation de Mme [H] qui indique aussi 'en respect de son testament, j'ai effectué, en accord avec le notaire chargé de la succession, Maître [C], l'affectation de ces comptes courants de la manière suivante, au bilan 2004 :
- 291 352,91 euros au profit de [B] [X], en compensation de l'immeuble NIRVANA,
- 440 271,75 euros à partager en parts égales entre ses trois enfants, [R] et [X] en compte courant d'associés, et, [D] [B] en créancier de la S.A.R.L. FABI.'
que cette somme est maintenant due au seul des ayants droits de [W] [B] qui n'a pas renoncé à sa succession,
que dans la mesure où, il a demandé, depuis le 8 février 2006, le remboursement de cette créance, il doit être fait droit à sa demande d'intérêts ;
Attendu que l'équité justifie en la cause l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de M. [D] [B] ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la S.C.I. SOPHIE à payer à M. [D] [B], en sa qualité d'ayant droit de [W] [B], la somme de 731 624,66 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2006,
La CONDAMNE également à payer, à M. [D] [B], 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens et autorise les S.C.P. DE SAINT-FERREOL TOUBOUL et LATIL PENARROYA ALLIGIER, titulaires d'offices d'avoués à procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :