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01/06/2011 | FRANCE | N°09/03694

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 01 juin 2011, 09/03694


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2011



N°2011/682

Rôle N° 09/03694







SES ELYO





C/



[X] [N]

CPAM DU VAR

FIVA



DRJSCS





































Grosse délivrée

le :

à :

Me Emilie ZIELESKIEWICZ, avocat au barreau de LYON



Me Jean-Christophe BIANCHINI, avoc

at au barreau de TOULON



Me Jacques DESPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE



FIVA





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 23 Janvier 2009,enregistré au répertoire général sous le n° 20302733.





APPELANTE



SES ELYO, demeurant [Adresse 3]


...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2011

N°2011/682

Rôle N° 09/03694

SES ELYO

C/

[X] [N]

CPAM DU VAR

FIVA

DRJSCS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Emilie ZIELESKIEWICZ, avocat au barreau de LYON

Me Jean-Christophe BIANCHINI, avocat au barreau de TOULON

Me Jacques DESPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

FIVA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 23 Janvier 2009,enregistré au répertoire général sous le n° 20302733.

APPELANTE

SES ELYO, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Emilie ZIELESKIEWICZ, avocat au barreau de LYON

INTIMES

Monsieur [X] [N], demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Jean-Christophe BIANCHINI, avocat au barreau de TOULON

CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jacques DESPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE

FIVA, demeurant [Adresse 6]

non comparant

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

DRJSCS, demeurant [Adresse 1]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2011

Signé par Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le diagnostic de plaques pleurales et de fibrose pulmonaire débutante a été porté sur la personne de [X] [N], le 20 décembre 2002, alors qu'il était âgé de 52 ans.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) a reconnu cette maladie au titre du risque professionnel.

[X] [N] a travaillé au service de la société ELYO de novembre 1976 au 5 mai 2004.

L'intéressé a saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation et le fonds lui a alloué une somme globale de 19 000 € au titre des préjudices personnels, qui a été acceptée et perçue.

Par requête devant le TASS du Var, [X] [N] a actionné en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la société ELYO, et sollicite ainsi notamment la majoration de la rente à son taux maximum.

Par jugement en date du 23 janvier 2009, le TASS faisait droit à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, fixait la majoration de la rente à son maximum, confirmait la somme de 19 000 € allouée par le FIVA subrogé, et condamnait la caisse d'assurance maladie au paiement de cette somme au FIVA ;

La société ELYO conteste cette décision et a interjeté appel en date du 19 février 2009.

Son conseil allègue l'inopposabilité de la déclaration de reconnaissance de maladie professionnelle pour défaut de respect du contradictoire, que les conditions de la faute inexcusable ne sont pas réunies car les éléments de l'exposition au risque de façon habituelle ne sont pas constitués, les attestations produites n'étant aucunement probantes, et que la conscience du danger au moment des faits n'était pas établie de la part de l'employeur.

[X] [N] sollicite la confirmation du jugement déféré, expose qu'il produit plusieurs attestations de collègues de travail témoignant de son exposition à l'amiante, de l'absence de mesures de protection mises en place par l'employeur, sollicite notamment la majoration de la rente à son taux maximum ainsi qu'une indemnisation plus élevée que celle accordée par le FIVA sur le fondement d'une aggravation de son état de santé, à déterminer dans le cadre d'une expertise devant être ordonnée et exercée sur l'ensemble des postes de préjudice en application du principe de réparation intégrale, le versement d'une provision, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le FIVA, subrogé dans les droits des requérants, sollicite la confirmation du jugement et une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'organisme social demande également la confirmation du jugement déféré.

SUR CE

Attendu que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de la maladie à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur exposait ses salariés ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;

Attendu que la Cour a déjà fait observer que cette action devait nécessairement se distinguer de la saisine du FIVA présentant un caractère exclusivement indemnitaire résultant d'une prise de conscience de la collectivité des conséquences de l'utilisation massive de l'amiante ;

Que ce contentieux, au même titre que l'ensemble des litiges de cette nature s'agissant de maladies professionnelles inscrites sur un tableau, exige donc de la part du salarié une démonstration complète que la seule prise en charge de la maladie par la caisse ne remplace pas, et qu'il doit établir de manière circonstanciée l'imputabilité de la maladie à son activité au sein d'une entreprise dénommée ;

Qu'à ce titre, si le salarié peut engager une action en recherche de la faute inexcusable contre l'un quelconque de ses employeurs, voire contre plusieurs d'entre eux, encore lui faut-il établir d'une part, l'identité du ou des employeurs en cause puis d'autre part, la réalité d'une exposition au risque au sein de l'entreprise identifiée ; qu'à défaut d'y procéder, la recherche de responsabilité est exclue ;

Attendu qu'en l'espèce la société employeur ELYO, devenue GDF SUEZ, expose que [X] [N], ayant préalablement été embauché sur les chantiers navals de [Localité 4], a ensuite travaillé de novembre 1976 au 31 décembre 1983 à la SOCOMA, de 1984 à 1994 au sein de la COFRETH suite à la reprise de la société SOCOMA, et de 1994 au 5 mai 2004 auprès de la société ELYO à la suite de la fusion avec COFRETH.

Sur l'exposition au risque d'amiante

Attendu qu'il doit être établi que le salarié ait été exposé de façon habituelle de par son travail sur des matériaux dont les composants contenaient de l'amiante ;

Attendu que pour s'opposer à la demande, précisément sur le chef de l'exposition au risque, la société ELYO fait ressortir plusieurs éléments ;

Que tout d'abord, sur la permanence des périodes d'emploi de [X] [N], les pièces fournies au dossier démontrent que celui-ci a bénéficié de plusieurs aménagements de poste, en raison d'inaptitudes à certaines tâches et s'est en outre trouvé en arrêt maladie à plusieurs reprises sur la période de 1999 à mai 2004, date de la rupture de son contrat, l'amenant ainsi sur cette même période à une durée d'activité de moins d'une année ;

Qu'ensuite, sur la nature des activités confiées à [X] [N], il ressort des éléments de la procédure que ses affectations professionnelles ont été :

- de novembre 1976 au 5 janvier 1982, chauffeur livreur,

- à compter de janvier 1982, spécialiste d'entretien, aux fonctions polyvalentes puisqu'attestées par [W] [E] qui précise que le requérant était technicien itinérant et souvent affecté « à l'entretien de la résidence du patron ' des chevaux, vigne, piscine, etc ' »,

- à compter du 1er janvier 1984, spécialiste d'entretien à la COFRETH, puis ELYO, affecté à l'entretien et la maintenance des chaudières dans les équipements thermiques des collectivités, et non pas au montage ou démontage des installations,

- tout en rappelant, tel que précisé ci-dessus que de 1999 à 2004, la période d'activité du requérant a duré moins d'un an ;

Que la nature des travaux de simple entretien et de maintenance des chaudières, et non pas de montage ou démontage des installations, est démontrée par deux ensembles de preuves ; que tout d'abord, les relevés des plans de charge du salarié, joints au dossier, désignent les tâches de mise en eau d'installations, vidanges, régulation et contrôle chauffage, maintenance chauffage et contrôle des brûleurs ; qu'ensuite, par attestation d'un salarié de la société, [B] [R], jointe également en procédure, il ressort que les travaux spécifiques d'intervention dans les installations, notamment de calorifugeage, étaient entièrement exécutés par des sociétés sous traitantes ;

Attendu que le requérant produit pour sa part plusieurs attestations, émanant de son épouse et de Mrs [K], [V], et [H] ;

Qu'il échet de constater que ces documents tendent seulement à mettre en évidence l'absence de tenues et de dispositifs de protection contre l'amiante ;

Qu'il convient de constater que ces attestations, ne reprennent aucunement les tâches auxquelles [X] [N] aurait pu participer et pouvant comporter l'utilisation de l'amiante ; qu'à plus forte raison il y a lieu de déplorer l'absence de production, nécessaire à l'appui de tout témoignage, de toutes pièces utiles telles que descriptif de tâches, compte rendu d'activité, documents ou toute autre pièce de nature à établir la réalité de la continuité et la permanence de l'exposition au risque ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que les attestations produites par le requérant, sont de toute évidence non circonstanciées sur les périodes en cause et le type de tâche précise ;

Que les éléments ainsi apportés par [X] [N], appréciés à tout le moins au regard des éléments exposés par la société employeur, ne suffisent pas à rapporter la preuve demandée de l'exposition aux poussières d'amiante, et ne sauraient amener la Cour à qualifier la permanence et la continuité de cette exposition ;

Qu'enfin, le fait que l'organisme social ait pu prendre en charge la maladie professionnelle relève de sa seule responsabilité mais ne saurait impliquer une automaticité entre la prise en charge de la maladie et la faute inexcusable ;

Sur la conscience du danger

Attendu que la preuve de l'exposition au risque n'étant pas rapportée, l'analyse de la conscience du danger par l'employeur devient sans objet ; qu'en effet, la question de l'exposition du salarié au risque d'amiante a pour effet d'établir l'existence ou le niveau de conscience du danger que l'employeur aurait dû avoir et conditionne les mesures de prévention que celui-ci était tenu de prendre ;

Attendu, superfétatoirement et en tout état de cause, que la Cour ne peut tirer la preuve exigible, de cette conscience du danger, des seules considérations relatives à la réglementation générale préexistante à 1977, laquelle visait pour la question de l'amiante des catégories d'emplois spécifiques ' notamment de calorifugeage - en milieu confiné et exposé à l'inhalation des poussières, tels qu'apparus au tableau n° 30 des maladies professionnelles en 1950 et 1951 ;

Que l'évolution même du tableau n° 30 des maladies professionnelles établit à l'évidence que la conscience du danger a été extrêmement progressive puisqu'en 1945, seule était visée la filature des fibres d'amiante et le contact direct avec le matériau et que l'examen de la conscience du danger doit être opéré non seulement au regard des données scientifiques de l'époque, mais également de la législation en vigueur au moment des faits ;

Attendu qu'en l'espèce la décision attaquée relève que la société ne participait pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante, mais que son objet est notamment la maintenance des équipements thermiques dans les collectivités ; que l'activité n'est donc en rien la production d'amiante, ni l'utilisation de ce produit ;

Qu'il y a donc lieu de distinguer entre les différentes activités industrielles ayant eu recours à l'amiante, et entre les modalités d'utilisation faites de cette substance, pour apprécier si l'employeur a pu avoir conscience de l'exposition du salarié au risque et en conséquence, retenir ou non l'existence d'une faute inexcusable ;

Que les travaux d'usinage et de découpe de matériaux contenant de l'amiante ne figuraient au tableau n° 30 qu'à partir du décret du 22 mai 1996 ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, alors qu'il est établi au regard de l'analyse effectuée ci-dessus que [X] [N] n'était pas chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau n° 30 dans sa rédaction de 1951, la société ne saurait avoir commis de faute inexcusable ;

Qu'ainsi il doit être rappelé, tel que déjà précisé plus haut, que le choix du contentieux général par le salarié emporte un ensemble de conséquences et en particulier la rigueur d'une démonstration répondant à l'application commune de dispositions générales relatives à la responsabilité encourue au titre de la faute inexcusable ;

Qu'il convient donc de considérer qu'en faisant droit au recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être infirmée ;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare recevable l'appel de la société ELYO, devenue GDF SUEZ,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que les conditions de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ne sont pas réunies, et ce, avec toutes conséquences de droit,

Déboute [X] [N] et le FIVA de leurs demandes,

Rejette les autres demandes des parties,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 09/03694
Date de la décision : 01/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°09/03694 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-01;09.03694 ?
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