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01/06/2011 | FRANCE | N°09/03386

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 01 juin 2011, 09/03386


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2011



N°2011/681

Jonction avec RG n°09/03394, RG n°09/03396, RG n°09/03399





Rôle N° 09/03386





[H] [Z]

[J] [Z]

[M] [Z] épouse [A]

[P] [A]

[W] [A]





C/



S.A. SNCM



CPCAM DES [Localité 8]

FIVA

DRJSCS









Grosse délivrée

le :

à :

Madame [H] [Z]





Monsieur

[J] [Z]





Mademoiselle [P] [A]





Monsieur [W] [A]





Me Florence MONTERET- AMAR, avocat au barreau de PARIS





CPCAM DES [Localité 8]





FIVA





Décision déférée à la Cour :



Arrêt de Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 06 Janvier ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUIN 2011

N°2011/681

Jonction avec RG n°09/03394, RG n°09/03396, RG n°09/03399

Rôle N° 09/03386

[H] [Z]

[J] [Z]

[M] [Z] épouse [A]

[P] [A]

[W] [A]

C/

S.A. SNCM

CPCAM DES [Localité 8]

FIVA

DRJSCS

Grosse délivrée

le :

à :

Madame [H] [Z]

Monsieur [J] [Z]

Mademoiselle [P] [A]

Monsieur [W] [A]

Me Florence MONTERET- AMAR, avocat au barreau de PARIS

CPCAM DES [Localité 8]

FIVA

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES DU RHONE en date du 06 Janvier 2009,enregistré au répertoire général sous le n° 20502926.

APPELANTS

Madame [H] [Z] veuve de Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 6]

représentée par M. [N] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur [J] [Z], agissant en qualité de fils de Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 1]

représenté par M. [N] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

Madame [M] [Z] épouse [A], décédée le [Date décès 5] 2007, agissant en qualité de fille de Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 3]

non comparante

Mademoiselle [P] [A], agissant en qualité de petite-fille de Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 2]

représentée par M. [N] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

Monsieur [W] [A], agissant en qualité de petit-fils de Monsieur [T] [Z], demeurant [Adresse 3]

représenté par M. [N] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMEE

S.A. SNCM, demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Florence MONTERET- AMAR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Jean Noël SANCHEZ, avocat au barreau de PARIS

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

CPCAM DES [Localité 8], demeurant [Adresse 9]

représenté par Mme [G] [K] en vertu d'un pouvoir spécial

FIVA, demeurant [Adresse 11]

non comparant

DRJSCS, demeurant [Adresse 4]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 04 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président

Madame Brigitte PELTIER, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juin 2011

Signé par Monsieur Daniel DUCHEMIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le diagnostic de cancer broncho pulmonaire a été porté sur la personne de [T] [Z], le 13 avril 1984, alors qu'il était âgé de 55 ans.

La victime devait décéder des suites de sa maladie le 27 juillet 1984.

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) a reconnu cette maladie au titre du risque professionnel.

A la date du 20 septembre 2005, les ayants droit de [T] [Z] ont saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) d'une demande d'indemnisation.

N'ayant pas reçu d'offre d'indemnisation dans le délai de six mois prévu par l'article 25 du décret du 23 octobre 2001, ils ont présenté un recours devant la Cour de céans.

Par arrêt de la cour de céans en date du 18 avril 2007, l'indemnisation était fixée, se décomposant ainsi :

- préjudice extra patrimonial de la victime : 143 000 €

- préjudice moral de [H] [Z] sa veuve (30 000 €), de [M] sa fille (15 000 €), de [J] son fils (23 000 €).

Par requête devant le TASS des Bouches du Rhône du 14 octobre 2005, les ayants droit de [T] [Z] ont actionné en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la SNCM, au titre de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998, et sollicitent ainsi notamment la majoration de la rente à son taux maximum et l'octroi de l'indemnité forfaitaire.

Par jugement en date du 6 janvier 2009, le TASS déboutait les ayants droit de leur action en reconnaissance de la faute inexcusable, et rejetait les demandes de ces derniers ainsi que celles du FIVA subrogé.

Les ayants droit [Z] contestaient cette décision, dans des conditions régulières tant dans la forme que dans les délais, par actes d'appel séparés, entraînant autant de dossiers de procédure, dont il conviendra d'assurer la jonction dans un but de bonne administration de la justice, soit les dossiers n°09/03394, 03396 et 03399, lesquels seront joints au dossier n°09/03386.

Leur conseil allègue que les conditions de la faute inexcusable sont réunies, produit plusieurs attestations de collègues de travail de la victime témoignant de son exposition à l'amiante, de l'absence de mesures de protection mises en place par l'employeur, et sollicite notamment la majoration de la rente à son taux maximum et l'octroi de l'indemnité forfaitaire, le versement de ces sommes avec intérêts au taux légal ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le FIVA, subrogé dans les droits des requérants a sollicité notamment la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, et les mêmes postes de majoration de rente et d'octroi d'indemnité forfaitaire.

La SNCM a conclu au rejet des prétentions des requérants, exposant que les conditions de la faute inexcusable n'étaient pas réunies, et qu'en tout état de cause l'action s'exerçant dans le cadre de l'article 40, la charge de l'indemnisation devant éventuellement découler de celle-ci, incombait à la caisse d'assurance maladie.

L'organisme social s'en rapporte sur l'appréciation de la faute inexcusable et relève qu'elle supportera effectivement la charge indemnitaire devant éventuellement découler de la présente action.

SUR CE

Attendu que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ;

Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de la maladie à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur exposait ses salariés ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;

Attendu que la Cour a déjà fait observer que cette action devait nécessairement se distinguer de la saisine du FIVA présentant un caractère exclusivement indemnitaire résultant d'une prise de conscience de la collectivité des conséquences de l'utilisation massive de l'amiante ;

Que ce contentieux, au même titre que l'ensemble des litiges de cette nature s'agissant de maladies professionnelles inscrites sur un tableau, exige donc de la part du salarié une démonstration complète que la seule prise en charge de la maladie par la caisse ne remplace pas, et qu'il doit établir de manière circonstanciée l'imputabilité de la maladie à son activité au sein d'une entreprise dénommée ;

Qu'à ce titre, si le salarié peut engager une action en recherche de la faute inexcusable contre l'un quelconque de ses employeurs, voire contre plusieurs d'entre eux, encore lui faut-il établir d'une part, l'identité du ou des employeurs en cause puis d'autre part, la réalité d'une exposition au risque au sein de l'entreprise identifiée ; qu'à défaut d'y procéder, la recherche de responsabilité est exclue ;

Attendu qu'en l'espèce la société employeur SNCM fait ressortir que [T] [Z] exerçait les fonctions de chaudronnier au sein des ateliers de la division technique ; que la dénomination SNCM est celle acquise en 1976 d'une entreprise créée en 1969 ; que toute action pour exposition à l'amiante antérieurement à 1969 ne saurait être reprochée à la SNCM ; qu'il est alors nécessaire de rappeler que l'activité professionnelle de la SNCM est le transport par voie maritime de personnes et de marchandises ; que l'activité n'est donc en rien la production d'amiante, ni l'utilisation de ce produit, et n'est pas non plus un chantier naval ;

Sur l'exposition au risque d'amiante

Attendu qu'il doit être établi que le salarié ait été exposé de façon habituelle de par son travail sur des matériaux dont les composants contenaient de l'amiante ;

Attendu que les ayants droit produisent en procédure quatre attestations de Mrs [L], [V], [F] et [U] ; que ces quatre documents indiquent que leurs auteurs ont travaillé pour le compte de la SNCM depuis respectivement les années 1973, 1974, 1977 et 1978 ; qu'ils exposent qu'ils ont tous travaillé aux côtés de [T] [Z], et décrivent alors leurs manipulations de l'amiante sur « des calorifuges, des joints, des tresses, ' pour protéger moteurs, échappements, tuyauteries ' les différents organes que composent un bateau ' » ; que ces attestations ont été rédigées respectivement au cours des années 2008 et 2011 ;

Que cependant il convient de constater que ces attestations sont rédigées en termes généraux, qu'elles reprennent les éléments simplement objectifs et récurrents de l'utilisation de l'amiante et qu'il est loisible de déplorer l'absence de production, à l'appui de ces témoignages, de toutes pièces utiles telles que descriptif de tâches, compte rendu d'activité, documents ou toute autre pièce de nature à établir la réalité de la continuité et la permanence de l'exposition au risque ;

Que nonobstant le fait que l'action s'exerce dans le cadre procédural de l'article 40 susvisé, il y a lieu de noter que ces documents ne datent pas de l'époque des faits, ni de celle de la déclaration de la maladie de [T] [Z], mais ont été rédigés plus de 30 ans plus tard ;

Attendu que pour s'opposer à la demande, précisément sur le chef de l'exposition au risque, la société SNCM fait ressortir plusieurs éléments ;

Que tout d'abord, tel que précisé plus haut concernant la date de sa création en 1969, il y a lieu de noter qu'à cette époque la société employeur démontre qu'un seul navire était encore doté de chaudières, le « Ville de [Localité 10] » ; que les chaudières avaient disparu des autres unités plus modernes ; et qu'il n'est pas démontré par les requérants que la victime ait pu être amenée à travailler sur ce navire en question, seul à exiger des travaux de calorifugeage avec intervention massive sur l'amiante ;

Qu'ensuite, si la SNCM ne nie pas que pour les besoins de l'entretien des installations sur les navires elle ait pu mettre à disposition de ses salariés des produits finis à base d'amiante, elle démontre qu'à compter de 1970, les travaux de calorifugeage et d'entretien avaient été depuis cette époque confiés à une entreprise extérieure, soit la société « OLIVA » devenue « ISO-TEC » ;

Que la SNCM rappelle que la décision de la commission de recours amiable (CRA) en date du 26 octobre 1988 avait validé la preuve de ce que cette société sous traitante, et donc extérieure, était chargée des travaux de calorifugeage sur les navires de la SNCM à compter des années 1970 ;

Qu'en effet la société SNCM fait état d'une attestation en ce sens, du 10 mars 1988, émanant de la société « ISO-TEC » ; qu'elle produit en outre des factures de la société « OLIVA » attestant de ses prestations, factures également produites auprès de la CRA qui par décision susvisée avait alors conclu « la SNCM ' s'exonère ' de toute exposition de son ancien préposé ([T] [Z]) au risque qui est à l'origine de son affection suivie de décès » ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que les quatre attestations produites par les requérants, faisant état d'activités en contradiction avec les éléments exposés ci-dessus, demeurent alors insuffisamment circonstanciées sur les périodes en cause et le type de tâche précise exercée par chacun en fonction de sa qualification ;

Que le simple fait que les navires de la SNCM contiennent de l'amiante dans leur structure et pour les besoins de l'entretien des installations ne suffit pas à rapporter la preuve demandée de l'exposition aux poussières d'amiante, et ne saurait amener la Cour à qualifier la permanence et la continuité de cette exposition ;

Sur la conscience du danger

Attendu que la Cour ne peut tirer la preuve exigible, de cette conscience du danger, des seules considérations relatives à la réglementation générale préexistante à 1977, laquelle visait pour la question de l'amiante des catégories d'emplois spécifiques ' notamment de calorifugeage - en milieu confiné et exposé à l'inhalation des poussières, tels qu'apparus au tableau n° 30 des maladies professionnelles en 1950 et 1951 ;

Que l'évolution même du tableau n°30 des maladies professionnelles établit à l'évidence que la conscience du danger a été extrêmement progressive puisqu'en 1945, seule était visée la filature des fibres d'amiante et le contact direct avec le matériau et que l'examen de la conscience du danger doit être opéré non seulement au regard des données scientifiques de l'époque, mais également de la législation en vigueur au moment des faits ;

Attendu qu'en l'espèce la décision attaquée relève que la société ne participait pas au processus de fabrication ou de transformation de l'amiante, mais que son objet est le transport par voie maritime de personnes et de marchandises ; que l'activité n'est donc en rien la production d'amiante, ni l'utilisation de ce produit, et n'est pas non plus un chantier naval ;

Qu'il y a donc lieu de distinguer entre les différentes activités industrielles ayant eu recours à l'amiante et entre les modalités d'utilisation faites de cette substance, pour apprécier si l'employeur a pu avoir conscience de l'exposition du salarié au risque et en conséquence, retenir ou non l'existence d'une faute inexcusable ;

Que les travaux d'usinage et de découpe de matériaux contenant de l'amiante ne figuraient au tableau n° 30 qu'à partir du décret du 22 mai 1996 ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, alors qu'il est établi au regard de l'analyse effectuée ci-dessus que [T] [Z] n'était pas chargé de travaux de calorifugeage au sens du tableau n°30 dans sa rédaction de 1951, la société ne saurait avoir commis de faute inexcusable ;

Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Ordonne la jonction des dossiers n°09/03394, 03396, 03399, et n° 09/03386, sous ce dernier numéro,

Déclare recevable les appels des ayants droit de [T] [Z],

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 09/03386
Date de la décision : 01/06/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°09/03386 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-06-01;09.03386 ?
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