COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 19 MAI 2011
N° 2011/ 350
Rôle N° 09/20109
[S] [X]
C/
SARL CENTRE FRANCAIS DE LA HARPE ET DU PIANO
[R] [G] [C] [Y]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP MAYNARD
SCP TOLLINCHI
SCP SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 04 Septembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008/7267.
APPELANT
Monsieur [S] [X]
né le [Date naissance 1] 1920 à [Localité 5] (USA), demeurant [Adresse 7] et à [Adresse 4].
représenté par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,
assisté par Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
SARL CENTRE FRANCAIS DE LA HARPE ET DU PIANO,
demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour
Madame [R] [G] [C] [Y]
née le [Date naissance 2]/1955 à [Localité 6] (COLOMBIE)
demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assistée par Me Jacqueline LEVY, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 30 Mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Mai 2011,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement frappé d'appel rendu le 4 septembre 2009 par le tribunal de commerce d'Antibes ;
Vu les conclusions déposées le 8 février 2011 par [S] [X], appelant ;
Vu les conclusions déposées le 14 mars 2011 par la société CENTRE FRANÇAIS DE LA HARPE ET DU PIANO, intimée ;
Vu les conclusions déposées le 15 février 2011 par [R] [C] [Y], intimée ;
Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;
Attendu que, détentrice de la majorité des parts sociales de la société CENTRE FRANÇAIS DE LA HARPE ET DU PIANO la société LAM a cédé 13'699 d'entre elles le 8 septembre 1993 en totalité en usufruit à [S] [X] et en totalité en nue-propriété à l'épouse de ce dernier [R] [C] ; que, une assemblée générale tenue le 19 octobre 2007 ayant décidé de modifier les statuts, une seconde du 1er janvier 2008 ayant décidé le transfert du siège social de la société LE CENTRE FRANÇAIS DE LA HARPE ET DU PIANO, et une troisième du 14 février 2008 ayant désigné [R] [C] comme nouvelle gérante, [S] [X], soutenant qu'à l'occasion de ces assemblées [R] [C] avait voté en son nom en vertu d'un mandat du 4 juin 2002 dont il contestait la signature, et que la modification des statuts était intervenue dans des conditions irrégulières, a assigné [R] [C] et la société CENTRE FRANÇAIS DE LA HARPE ET DU PIANO afin de voir déclarer le mandat et les trois assemblées générales nuls ; que par le jugement attaqué le tribunal de commerce d'Antibes a rejeté ces demandes en relevant que le mandat n'avait pas été contesté pendant des années, que légalement le droit de vote appartient au nu-propriétaire sauf pour l'affectation des bénéfices, que la preuve d'une modification irrégulière des statuts n'était pas rapportée, qu'en sa qualité d'usufruitier [S] [X] n'avait pas à être convoqué, et que les assemblées étaient régulières;
SUR CE,
Attendu que les statuts l'origine de la société CENTRE FRANÇAIS DE LA HARPE ET DU PIANO ne contiennent aucune disposition particulière relative au droit de vote ; que l'acte de cession de parts du 8 septembre 1993 précise que les droits et obligations attachés aux parts démembrées seront régis par l'article 1844 du Code civil ; que cette précision a été entérinée par une assemblée générale qui s'est tenue le 4 février 1994 et figure à l'article 6 des statuts de même date déposés au greffe du tribunal de commerce; qu'ont été par la suite déposés le 4 février 2002 des statuts modifiés datés du 29 juin 2001 stipulant, dans leur article 10, que sauf convention contraire dûment signifiée à la société, l'usufruitier représente valablement le nu-propriétaire quelle que soit la nature des décisions ; que cette modification n'est cependant pas conforme à la teneur des délibérations de l'assemblée générale tenue le même jour, le procès-verbal, également déposé au registre du commerce, ne contenant aucune décision de cet ordre ; qu'il s'ensuit qu'elle est irrégulière ou frauduleuse et, par suite, inopposable à la société et aux associés tenus entre eux dans les termes du pacte social tel qu'adopté initialement et régulièrement modifié par la seule décision collective du 4 février 1994 ;
Attendu que l'article 10 des statuts dans sa rédaction irrégulière du 29 juin 2001 a été modifié à l'occasion d'une assemblée générale du 19 octobre 2007 à laquelle assistaient les deux nu-propriétaires, [R] [C] ayant voté tant en son nom qu'en celui de [S] [X] en vertu d'un pouvoir du 4 juin 2002 ; que les associés votants ont décidé de revenir à la formulation du 4 février 1994 et de l'article 1844 du Code civil en retenant la rédaction suivante : « sauf convention contraire dûment signifiée à la société le nu-propriétaire représente valablement l'usufruitier aux décisions collectives des associés, quelle que soit la nature de ces décisions hormis celles concernant l'affectation des bénéfices » ;
Attendu qu'en conséquence de l'irrégularité des statuts du 29 juin 2001 quant à l'exercice du droit de vote, les associés disposaient des pouvoirs de l'article 1844 du Code civil consacrés par les statuts dans leur rédaction du 4 février 1994, seul le nu-propriétaire ayant en conséquence été titulaire du droit de vote dès lors que les décisions à prendre ne concernaient pas l'affectation des résultats ; que, [S] [X], usufruitier, n'ayant pas été concerné, il importe peu que le pouvoir général du 4 juin 2002 au moyen duquel [R] [C] a voté en son nom ait été valable et authentique ou non ; qu'il s'ensuit que la modification de l'article 10 des statuts adoptée à l'unanimité le 19 octobre 2007 et publiée au registre du commerce est régulière et que sont régulières également les deux autres décisions critiquées relatives au siège de la société et à la désignation du gérant, prises dans les mêmes conditions et ne concernant en rien l'affectation des résultats ;
Attendu que, aucune circonstance ne justifiant par ailleurs la désignation d'un administrateur provisoire alors que le fonctionnement de la société n'est pas bloqué, que les résultats ont toujours été affectés en réserves et qu'un litige relatif à l'occupation d'un immeuble appartenant à la société a été tranché dans une autre instance en défaveur de [S] [X], le jugement attaqué sera en conséquence intégralement confirmé ;
Attendu que si, en l'absence de démonstration concrète, il ne peut être retenu avec certitude que [S] [X] est l'auteur de la modification irrégulière des statuts effectuée après l'assemblée générale du 29 juin 2001, il n'en est pas moins certain que, pour introduire l'instance, il s'est prévalu en toute connaissance de cause de modifications des statuts qu'il savait ne pas correspondre à la volonté des associés ; qu'il a en conséquence agi témérairement, appelé abusivement, et causé aux intimées un préjudice qui sera équitablement réparé par l'octroi, à chacune d'elles, d'une somme de 5'000 € à titre de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.
Au fond, confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions.
Condamne [S] [X] à payer à titre de dommages-intérêts pour action et appel abusifs une somme de 5'000 € tant à [R] [C] [Y] qu'à la société CENTRE FRANÇAIS DE LA HARPE ET DU PIANO.
Le condamne aux entiers dépens.
Le condamne, au titre des frais irrépétibles d'appel, à payer une somme de 5'000 € à chacune des deux intimées.
Accorde aux avoués des intimées le bénéfice de distraction de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président