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18/05/2011 | FRANCE | N°08/17399

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 18 mai 2011, 08/17399


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2011



N° 2011/211













Rôle N° 08/17399







ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (EFS)





C/



[O] [H]

SA GAN ASSURANCES IARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR



ONIAM OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES



















Grosse délivré

e

le :

à :

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Août 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 03/480.





APPELANTE



ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (EFS)

pris en la personne de son...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 18 MAI 2011

N° 2011/211

Rôle N° 08/17399

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (EFS)

C/

[O] [H]

SA GAN ASSURANCES IARD

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

ONIAM OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES

Grosse délivrée

le :

à :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Août 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 03/480.

APPELANTE

ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (EFS)

pris en la personne de son Directeur en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 3]

représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,

assisté de Me SELARL B F, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Clément BERAUD avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [O] [H]

né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 6] / ALGERIE, demeurant [Adresse 1]

représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,

ayant Me Elise VAN DE GHINSTE, avocat au barreau de NICE

SA GAN ASSURANCES IARD SRCS PARIS N° B 542 063 797

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 5]

représentée par la SCP LIBERAS BUVAT MICHOTEY, avoués à la Cour,

assistée de la SCP TETAUD LAMBARD JAMI & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Laurence MAILLARD, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

assignée,

défaillante

PARTIE INTERVENANTE

ONIAM OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES, pris en la personne de son directeur, [Adresse 4]

représenté par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS, avoués à la Cour,

assisté de Me Patrick DE LA GRANCE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Samuel FITOUSSI, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 30 Mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Laure BOURREL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2011.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Mai 2011,

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties

Le 23 novembre 1983, M. [O] [H] a été hospitalisé à [Localité 8] au Centre Antoine Lacassagne pour un problème d'insuffisance de globules blancs dans le sang et a été transfusé à l'aide de plusieurs concentrés globulaires et plaquettaires. Puis le 15 décembre 1983, il a été transféré au centre hospitalier universitaire [9] où il a été aussi transfusé.

Le 3 juillet 1984, à l'occasion d'une hospitalisation au Centre Antoine Lacassagne pour la fracture d'une jambe, il aurait reçu à nouveau une transfusion sanguine.

Au cours d'un dépistage systématique entrepris par la médecine du travail au sein de son entreprise, en juillet 1995, il est diagnostiqué que M. [O] [H] était atteint d'une hépatite C.

Sur assignation de M. [O] [H], au contradictoire de maître [Y] [P], commissaire à l'exécution du plan du centre de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes, du Centre Antoine Lacassagne, du centre hospitalier universitaire [9], et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, par ordonnance du 22 décembre 2000, le président du tribunal de grande instance de Nice a missionné le Dr [F] [G] en qualité d'expert. Celui-ci sera remplacé par le docteur [J] [T] qui clôturera son rapport le 21 octobre 2002.

Afin de garantir ses droits, par acte du 27 décembre 2002, l'Établissement Français du Sang a assigné la SA GAN Assurances IARD, en sa qualité d'assureur du centre régional de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes.

Par exploit des 16 et 17 décembre 2004, M. [O] [H] a assigné l'Établissement Français du Sang (EFS), le centre régional de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes en la personne de maître [Y] [P] ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de celui-ci, le Centre Antoine Lacassagne, et le centre hospitalier universitaire [9] afin qu'il soit dit que les produits fournis par le centre régional de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes étaient viciés, qu'il a été contaminé par les transfusions sanguines qu'il avait reçues, qu'en conséquence il soit dit que l'Établissement Français du Sang, le centre régional de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes, le Centre Antoine Lacassagne et le centre hospitalier universitaire [9] avaient manqué à leur obligation de sécurité de résultat de fournir des produits sanguins exempts de tout vice et qu'ils soient condamnés in solidum à réparer son préjudice, soit 46'758 €.

Par ordonnance du 4 avril 2005, le juge de la mise en état a joint les deux procédures.

Par jugement du 4 août 2008, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Var, le tribunal de grande instance de Nice:

' s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formulées par M. [O] [H] à l'encontre du centre hospitalier universitaire de [Localité 8], dont dépend le CHU Saint Roch,

' a déclaré l'Établissement Français du Sang venant au droit du centre régional de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes responsable de la contamination de M. [O] [H] par le virus de l'hépatite C.,

' a dit que l'Établissement Français du Sang et la compagnie GAN Assurances étaient tenus in solidum à la réparation intégrale du préjudice corporel subi par la victime,

' a homologué le rapport d'expertise,

' a condamné in solidum l'Établissement Français du Sang et la compagnie GAN Assurances IARD à verser à M. [O] [H] la somme de 22'955,80 € en réparation de ses divers préjudices corporels, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

'a condamné in solidum l'Établissement Français du Sang et la compagnie GAN Assurances IARD à verser à M. [O] [H] la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' a ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 6 octobre 2008, l'Établissement Français du Sang a relevé appel de cette décision à l'encontre de M. [O] [H], de la compagnie GAN Assurances IARD et de la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Dans ses premières écritures en date du 17 décembre 2008, l'Établissement Français du Sang contestait le quantum des sommes allouées et surtout il invoquait que l'indemnisation du pretium doloris et l'indemnisation du préjudice spécifique de contamination constitue une double indemnisation.

Cependant, l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 a organisé la prise en charge des contaminations post transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l' Établissement Français du Sang dans les actions juridictionnelles en cours, disposition qui est entrée en vigueur le 1er juin 2010 par application de l'article 8 du décret N° 2010 ' 251 du 11 mars 2010.

C'est ainsi que l'ONIAM est intervenu volontairement à la procédure par écritures du 29 juillet 2010.

Par conclusions récapitulatives du 3 février 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, l'Établissement Français du Sang demande à la cour de :

« Vu l'article 784 du code de procédure civile,

Révoquer l'ordonnance de clôture et admettre les présentes.

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 4 août 2008.

Constater qu'en application du IV de l'article 67 de la loi N° 2008 ' 1330 du 17 décembre 2008 et de l'article 8 du décret N° 2010 ' 251, l'ONIAM est substitué à la l'EFS à compter du 1er juin 2010 dans les contentieux en cours au titre des préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C, causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang.

Constater qu'en application de l'article L. 1221 ' 14 du code de la santé publique, les victimes de préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C. causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont à compter du 1er juin 2010 indemnisés par l'ONIAM.

En conséquence :

Dire et juger que l'ONIAM est substitué dans la présente instance à l'EFS et répond seul des conséquences dommageables résultant pour M. [H] de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Rejeter les demandes de M. [H] en ce qu'elles tendent à la condamnation de l'EFS à l'indemniser des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

En tout état, sur la garantie de l'assureur du concluant,

Condamner la compagnie GAN Assurances à prendre en charge les sommes éventuellement allouées à la victime.

En tout état de cause,

Condamner la partie succombante aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Cohen Guedj, Avoués, sur ses affirmations de droit. »

Par ses dernières conclusions en date du 14 mars 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, l'ONIAM demande à la cour de :

« Vu les articles L. 1221 ' 14 du code de la santé publique, 67 IV de la loi N° 2008 ' 1330 du 17 décembre 2008, et les dispositions des décrets N° 2010 ' 251 et 2010 ' 252 du 11 mars 2010, enfin l'arrêté du 15 mars 2010 portant nomination au conseil d'orientation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, les règles de preuve de droit commun, le principe du contradictoire et la jurisprudence afférente,

Vu l'article 102 de la loi du 4 mars 2002,

Vu le rapport d'expertise du professeur [T],

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 4 août 2008,

À titre liminaire,

Constater que l'ONIAM est régulièrement intervenu à la présente procédure par application de l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 67 IV de la loi N°2008 ' 1330 du 17 décembre 2008,

Constater que la CPAM du Var ne formule aucune demande dans le cadre du présent contentieux,

À titre principal,

Donner acte à l'ONIAM de ce qu'il s'en remet aux écritures de l'Établissement Français du Sang,

En conséquence,

Donner acte à l'ONIAM de ce qu'il s'en remet à la sagesse de la cour concernant l'imputabilité de la contamination par le VHC de M. [H] aux transfusions dont il a bénéficié,

Infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a accordé une double indemnisation à M. [H] au titre de ses souffrances endurées,

Constater que l'état de santé actuel ainsi que l'éventuelle consolidation de M. [H] demeurent inconnus,

En conséquence,

Rejeter les demandes de M. [H] formulées au titre de son préjudice d'agrément comme étant infondées,

Rejeter les demandes formulées par M. [H] au titre du préjudice lié à une pathologie évolutive, comme infondées,

À titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la cour venait à majorer l' indemnisation des préjudices de M. [H],

Dire et juger que l'ONIAM ne peut être déclaré responsable de la contamination de M. [H],

Constater l'acceptation de garantie du GAN Assurances,

Dire et juger que la substitution de l'ONIAM ne peut bénéficier au GAN Assurances,

Dire et juger que seul l'assureur de l'EFS, le GAN, est tenu à indemnisation des préjudices subis par M. [H] à la suite de sa contamination,

Les condamner aux dépens, ceux d'intervention distraits au profit de la SCP Jourdan Wattecamps, Avoués associés, sous son affirmation de droit. »

Par ses uniques conclusions en date du 16 mars 2009, qui sont tenues pour entièrement reprises, M. [O] [H] demande à la cour de :

« Vu le rapport d'expertise du professeur [T] en date du 21 octobre 2002,

Par application des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002,

Recevoir M. [H] en son appel incident.

Constater que M. [H] a subi des transfusions sanguines successives au Centre Antoine Lacassagne et au C. H. U. [9].

Constater que les produits sanguins, concentrés plaquettaires et globulaires étaient fournis par le centre de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes.

Constater que suite à ces transfusions , il a été diagnostiqué chez M. [H] le virus de l'hépatite C.

Dire et juger que les requis n'établissent pas la preuve que les transfusions ne sont pas à l'origine de la contamination.

Dire et juger qu'il n'existait auparavant chez le transfusé aucun facteur de risque de contamination par une autre voie, tant du fait de l'absence d'éléments pathologiques antérieurs que du fait de son mode de vie parfaitement régulier.

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu le 4 août 2008 par le tribunal de grande instance de [Localité 8] en ce qu'il a reconnu la responsabilité de l'EFS dans la contamination de M. [H] par le virus de l'hépatite C et par conséquence, condamner in solidum l'EFS et la compagnie GAN Assurances à l'indemniser.

Condamner in solidum l'EFS et la compagnie GAN Assurances IARD à réparer l'entier préjudice subi par M. [H] à la suite de la contamination par le virus de l'hépatite C dont il a été victime, en lui allouant à titre de dommages et intérêts et les sommes suivantes :

*indemnité au titre du pretium doloris4600 €

*indemnité au titre de l'ITT158 €

*indemnité au titre de l'IT/226'860 €

*indemnité au titre du préjudice d'agrément7'623 €

*indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination7'623 €

Condamner in solidum l'Établissement Français du Sang et la compagnie GAN Assurances IARD à payer au requérant la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction à la SCP de Saint-Ferréol et Touboul. »

Par ses ultimes conclusions en date du 16 mars 2011, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SA GAN Assurances demande à la cour de :

« Dire et juger que l'ONIAM est le seul débiteur d'une obligation à laquelle il ne peut échapper en application de l'article L. 3122 ' 4 du code de la santé publique.

Dire et juger qu'en l'absence de faute démontrée de l'EFS venant au droit du CTS des Alpes-Maritimes, le recours de l'ONIAM à l'encontre du GAN Assurances est irrecevable et mal fondé.

Sur le fond :

Dire et juger que toute condamnation devra être mise à la charge exclusive de l'ONIAM.

Dire et juger que l'ONIAM ne démontre aucune faute à l'encontre de l'E. F. S.

En conséquence,

Débouter tout contestant en ses demandes à l'encontre de la compagnie GAN Assurances.

Prononcer la restitution de la somme de 24'455,80 €au profit de la compagnie GAN Assurances.

Constater qu'aucun recours de tiers payeur n'a été formé.

Sur le préjudice de M. [H] :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a indemnisé à la fois le préjudice spécifique de contamination et le pretium doloris.

Débouter M. [H] de toute demande au titre du préjudice spécifique de contamination qui serait déjà indemnisé au titre de pretium doloris.

Condamner tout succombant à payer à la compagnie GAN Assurances la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu' aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP Libéras Buvat Michotey. »

Régulièrement assignée, la CPAM du Var n'a pas constitué avoué, mais a fait savoir par courrier du 24 novembre 2009 qu'elle n'entendait pas intervenir en cette instance et que compte tenu de l'ancienneté des faits, elle n'était pas en mesure d'informer la cour du montant de sa créance.

Par ordonnance du 30 mars 2011, l'ordonnance de clôture du 17 mars 2011 a été révoquée et l'instruction de l'affaire a été close à nouveau.

Motifs

Droit à indemnisation de M. [H]

Aux termes de l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4/03/2002, en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou injection de médicaments dérivés du sang.

Il résulte du rapport du docteur [T] en date du 21 octobre 2002 que M. [O] [H] né le [Date naissance 2] 1960, exerce la profession de pâtissier, qu'il ne présente ni tabagisme, ni alcoolisme, ni toxicomanie, ni tatouage, que la prothèse dentaire dont il est porteur est postérieure à la découverte de l'hépatite C, qu'il n'a jamais subi de sclérose de varices, d'acupuncture, de mésothérapie, d'endoscopie et qu'il n'a jamais séjourné de façon prolongée en zone d'endémie.

M. [O] [H] a été transfusé en 1983, lesdites transfusions étant justifiées par l'extrême gravité de son état. Il n'est pas évoqué la transfusion qui aurait eu lieu en 1984.

M. [H] présente une hépatite C chronique attestée par une hypertransaminasémie, une sérologie VHC positive, un ARM du VHC positif et plusieurs ponctions biopsies hépatiques. L'efficacité des traitements mis en oeuvre est limitée par une hyperferritinémie.

Les répercussions de cette hépatite sur l'état de santé de M. [H] sont représentées essentiellement par une asthénie, une nervosité et une dépression ayant nécessité une thérapeutique spécifique.

Compte tenu de l'évolutivité actuelle de l'hépatite C de M. [H], il ne peut être considéré comme consolidé.

Le Dr [T] évalue le pretium doloris de la victime à 3/7, il retient une ITT de six jours correspondants aux trois fois 48 heures d'hospitalisation pour les trois ponctions biopsies hépatiques et une IT/2 de 34 mois, qui correspond à une ITP à 50 % de 34 mois.

Après enquête, sur 46 donneurs, 25 sont VHC négatifs et 21 n'ont pas pu être testés. En se fondant sur le tableau de probabilité du docteur S. [W], pour 21 donneurs de produits sanguins labiles, la probabilité que l'un des donneurs soit à l'origine de l'hépatite C est de 5 %.

Il suit de là, que l'origine transfusionnelle de l'hépatite C que présente M. [H] est possible.

L'E. F. S. qui, par application de la loi N°98 ' 535 du 1er juillet 1998 a été substitué dans les droits et obligations des centres de transfusion sanguine, et sur lequel repose une obligation de sécurité de résultat, n'allègue pas et a fortiori ne démontre pas que les transfusions reçues par M. [H] en 1983 ne seraient pas à l'origine de la contamination de celui-ci par le virus de l'hépatite C.

L'E. F. S. sera donc déclaré responsable de la contamination de M. [O] [H] par le virus de l'hépatite C.

Évaluation du préjudice de M. [O] [H]

L'hépatite C dont est atteint Mr [H] étant évolutive, il ne peut être consolidé au jour de la clôture du rapport du Dr [T]. M. [O] [H] sollicite son indemnisation sur la base de ce document.

Préjudice spécifique de contamination

Le préjudice spécifique de contamination comprend l'ensemble des préjudices de caractère personnel tant physique que psychique résultant du seul fait de la contamination virale, notamment les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l'espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances, qui comprend aussi le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination; il comporte enfin les perturbations de la vie sociale, familiales et sexuelles, ainsi que les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d'agrément provoqués par les soins et les traitements subis pour combattre le virus contaminant; il n'inclut pas le préjudice à caractère personnel du déficit fonctionnel réparant l'atteinte temporaire ou permanent à l'intégrité physique lorsqu'il existe.

En prenant en compte les trois ponctions biopsies hépatiques, les contraintes et les effets indésirables des trois lignées thérapeutiques entreprises et les répercussions psychiques liées à son affection , le docteur [T] a évalué à 3/7 le pretium doloris alors qu'il s'agit manifestement du préjudice spécifique de contamination.

M. [O] [H] sera donc indemnisé du seul préjudice spécifique de contamination par l'allocation de la somme de 7'623 € et sera débouté de ses demandes présentées au titre du pretium doloris et au titre du préjudice d'agrément.

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise pour la période antérieure à la date de consolidation l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

Au titre des six jours d'ITT, il sera alloué la somme de 158 €.

Au titre des 34 mois d'ITP à 50 %, il sera alloué la somme de 12 750 €.

Au total, il sera donc alloué de ce chef de préjudice la somme de 12'908 €.

Intervention volontaire de l'ONIAM

Par application des dispositions de l'article 67 de la loi N° 2008 ' 1330 du 17 décembre 2008, les victimes contaminées par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont indemnisées par l'ONIAM, et dans les contentieux en cours à la date d'entrée en vigueur de ce texte, l'ONIAM se substitue à l'EFS. Par application de l'article 8 du décret numéro 2010 ' 251 du 11 mars 2010, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er juin 2010.

C'est pourquoi, nonobstant ses écritures, l'indemnisation de M. [O] [H] sera mis à la charge de l'ONIAM.

Recours contre la compagnie GAN Assurances

D'une part, la compagnie GAN Assurances ne conteste pas devoir sa garantie à l'E. F. S., d'autre part l'ONIAM réfute exercer son action subrogatoire lorsqu'il demande que la compagnie le GAN Assurances soit condamnée à indemniser le préjudice subi par M. [H].

Le tiers à un contrat peut invoquer à son profit, comme un fait juridique, la situation créée par ce contrat.

Bien que l'ONIAM soit tiers au contrat d'assurance liant l'E. F. S. et la compagnie GAN Assurances et qu'il soutienne qu'il n'exerce pas son action subrogatoire, il a intérêt à soutenir aux côtés de la victime et de l'assuré l'application dudit contrat. C'est pourquoi, son action à l'encontre de l'assurance est recevable.

Toutefois, il résulte de l'article L. 124 ' 1 du code des assurances, que l'assureur de responsabilité ne peut être tenu envers la victime lorsque celle-ci ne peut elle-même se prévaloir contre l'assuré d'une créance née de la responsabilité de celui-ci.

Par application de l'article L. 1221 ' 14 du code de la santé publique, l'article 67 IV de la loi N° 2008 ' 1330 du 17 décembre 2008 et l'article 8 du décret N° 2010 ' 251 du 11 mars 2010, depuis le 1er juin 2010, par la volonté du législateur, l'ONIAM est devenu le débiteur de M. [O] [H], à l'exclusion de l'EFS, assuré du GAN.

Il suit de là que l'ONIAM et l'E. F. S. seront déboutés de leur demande tendant à voir condamner la compagnie GAN Assurances à indemniser M. [H].

Demande de restitution de la Cie GAN Assurances

le présent arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la compagnie GAN assurances tendant à ce que Mr [O] [H] soit condamné à lui rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire de la décision déféré

Article 700 du code de procédure civile et dépens

L'équité commande de faire bénéficier M. [O] [H] des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à l'exclusion de toute autre partie.

Les dépens seront mis à la charge de l'ONIAM, qui, en application de l'article L 1142-21 de code de la santé publique, est partie à l'instance.

Par ces motifs

La cour,

Reçoit l'ONIAM en son intervention volontaire

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré l'Établissement Français du Sang venant au droit du centre régional de transfusion sanguine des Alpes-Maritimes responsable de la contamination de M. [O] [H] par le virus de l'hépatite C,

Réforme pour le surplus et statuant à nouveau,

Alloue à M. [O] [H] la somme de 20 531 € au titre de son préjudice corporel,

Met cette somme à la charge de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,

Constate que la compagnie GAN Assurances ne conteste pas devoir sa garantie à l'Établissement Français du Sang,

Déboute l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et l'Établissement Français du Sang de leur demande à l'égard de la compagnie GAN Assurances,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Alloue à M. [O] [H] la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Met cette somme à la charge de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales,

Met les entiers dépens à la charge de l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, ceux d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 08/17399
Date de la décision : 18/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°08/17399 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-18;08.17399 ?
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