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13/05/2011 | FRANCE | N°09/19871

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 13 mai 2011, 09/19871


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2011



N° 2011/ 226













Rôle N° 09/19871







SCI MARIA SERENA





C/



[G] [E]





















Grosse délivrée

le :

à :

Me JAUFFRES

SCP BLANC















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribu

nal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/7397.





APPELANTE



SCI MARIA SERENA, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,

Assistée de Me Marie-Madeleine DE ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2011

N° 2011/ 226

Rôle N° 09/19871

SCI MARIA SERENA

C/

[G] [E]

Grosse délivrée

le :

à :

Me JAUFFRES

SCP BLANC

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/7397.

APPELANTE

SCI MARIA SERENA, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,

Assistée de Me Marie-Madeleine DE MOL, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [G] [E]

né le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,

Assisté de Me Martine VIDEAU-GILLI, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

11ème A - 2011/226

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Cécile THIBAULT, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Daniel ISOUARD, Président

Madame Danielle VEYRE, Conseiller

Madame Cécile THIBAULT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2011,

Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

11ème A - 2011/226

FAITS ET PROCEDURE

[G] [E] est locataire commercial d'un local à usage de studio de photographie situé [Adresse 3]) depuis le 6 janvier 1983.

Un nouveau bail a été signé avec Mme [F] veuve du précédent propriétaire le 1er avril 1999 ; cette dernière a vendu le local commercial à La SCI MARIA SERENA le 30 octobre 2006.

Le 24 septembre 2007 [G] [E] a fait délivrer à son bailleur une demande de renouvellement du bail commercial.

La SCI MARIA SERENA a refusé le 11 octobre 2007, puis le 16 novembre 2007 au motif qu'elle souhaitait reprendre les locaux pour son usage personnel ; elle a fait une proposition de paiement d'une indemnité d'éviction.

Un expert, M. [D], a été désigné par ordonnance de référé en date du 20 février 2008 et a déposé son rapport le 8 novembre 2008.

Le tribunal de grande instance de Grasse saisi par assignation du 11 décembre 2008 délivrée par La SCI MARIA SERENA, par jugement en date du 2 novembre 2009 :

- a dit que la demande de renouvellement de bail commercial délivrée par [G] [E] le 24 septembre 2007 est sans effet,

- a dit en conséquence que le refus de renouvellement du bail délivré le 16 novembre 2007 par la SCI MARIA SERENA (en réponse à la demande de renouvellement du locataire) est sans effet,

- a dit qu'un nouveau bail commercial a commencé à courir entre les parties à compter du 1er avril 2008 et ce dans les mêmes conditions que le bail qui a couru du 1er avril 1999 au 31 mars 2008,

- a dit les demandes de la SCI MARIA SERENA en fixation d'une indemnité d'éviction et fixation d'une indemnité d'occupation irrecevables.

La SCI MARIA SERENA a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 4 novembre 2009.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 février 2011.

Vu les conclusions de la SCI MARIA SERENA appelante en date du 16 février 2011, selon lesquelles le congé est recevable, et la décision doit être réformée car la nullité du congé pour demande prématurée par le locataire n'est pas prévue par l'article L 145-10 du code de commerce ; le congé étant recevable la Cour devra statuer sur le montant de l'indemnité d'éviction au vu des conclusions du rapport d'expertise ; l'appelante demande la fixation de l'indemnité d'éviction à la somme de 74 260 €, et de l'indemnité d'occupation à 22 000 € par an à compter du 1er avril 2008 ;

Vu les conclusions de [G] [E] intimé en date du 11 février 2011 selon lesquelles les demandes de La SCI MARIA SERENA sont irrecevables car faites par une société fictive, hors délai, et sans motifs ; à titre subsidiaire l'intimé au vu des conclusions du rapport d'expertise [D] demande à la Cour de fixer le montant de l'indemnité d'éviction à

182130 €, en ce compris le montant des frais accessoires, et le montant de l'indemnité d'occupation à 20 856 € ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande faite par la SCI MARIA SERENA

La SCI Maria SERENA lors du refus de la demande de renouvellement du bail commercial présentée par le locataire n'avait plus qu'un associé. Comme l'a indiqué le premier juge cette société avait toujours une existence juridique car, en application des dispositions de l'article 1844-5 du code civil, la réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de plein droit de la société, et personne n'a sollicité la dissolution de cette société dans le délai d' un an.

11ème A - 2011/226

Cette société n'était donc pas fictive et les refus de renouvellement du bail qu'elle a adressés au preneur les 11 octobre et 16 novembre 2007 sont réguliers.

La décision frappée d'appel sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de renouvellement du bail commercial par [G] [E] et la validité de la réponse de La SCI MARIA SERENA

L'article L 145-10 du code de commerce dispose 'qu'à défaut de congé, le locataire qui veut obtenir le renouvellement de son bail doit en faire la demande soit dans les 6 mois qui précèdent l'expiration du bail, soit le cas échéant, à tout moment au cours de sa reconduction'. L'alinéa 4 de cet article ajoute que 'dans les 3 mois de la demande de renouvellement, le bailleur doit dans les mêmes formes, faire connaître au demandeur s'il refuse le renouvellement, en précisant les motifs'.

En l'espèce [G] [E] a fait délivrer à son bailleur par acte d'huissier en date du 24 septembre 2007 une demande de renouvellement de son bail commercial.

Le bail liant les parties en date du 14 mars 1999 qui a pris effet le 1er avril 1999 expirait le 31 mars 2008 ; le délai de 6 mois précédant la fin du bail débutait le 1er octobre 2007, et en conséquence la demande de renouvellement a été faite par le preneur hors délai et s'avère irrégulière.

Cependant le preneur qui est l'auteur de cette demande faite hors délai ne peut se prévaloir de cette irrégularité ; pour sa part le bailleur ne s'en est pas prévalu et a répondu régulièrement à cette demande dans le délai de 3 mois en refusant le renouvellement ; le refus de renouvellement a en effet a été adressé au locataire par acte d'huissier du 16 novembre 2007, acte annulant et remplaçant un acte précédent du 11 octobre 2007 qui n'était pas motivé, le bailleur indiquant le 16 novembre 2007 que son refus était motivé par son désir de reprendre les locaux pour son usage personnel.

En conséquence contrairement à la décision du premier juge qui sera réformée sur ce point, le refus de renouvellement signifié par la SCI MARIA SERENA, ce qui est un droit absolu du bailleur, est valable, et en application des dispositions de l'article L 145-14 du code de commerce ce bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.

Sur l'indemnité d'éviction

M. [D], expert, a été désigné par ordonnance de référé en date du 23 janvier 2008 aux fins d'évaluer la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession, les frais du locataire et la valeur réelle du préjudice subi par ce locataire.

Il a déposé son rapport le 8 novembre 2008 et conclut que le montant de l'indemnité d'éviction tous postes confondus peut être fixé à la somme de 102 248 €.

Ce rapport est contesté par les deux parties :

- [G] [E] produisant un rapport d'expertise [I] en date du 5 septembre 2008 qui évalue le montant de l'indemnité d'éviction à 182 130 €, en ce compris les frais de ré-aménagement d'un cyclorama (studio aménagé pour prendre des photographies en lumière artificielle ou au flash sans créer d'ombre) pour 9103 €,

- La SCI MARIA SERENA retenant une somme totale de 74 280 € en estimant qu'une partie des locaux est à usage de stockage, qui ne véhicule pas droit à renouvellement, et rejetant la demande de trouble commercial puisque le preneur quittera un point pour en rejoindre un autre, ainsi que celle d'indemnisation du cyclorama, matériel qui peut être démonté.

L'indemnité d'éviction doit être calculée selon la valeur marchande du fonds de commerce,

compte tenu de l'activité exercée dans les locaux : en l'espèce une activité de photographe professionnel, de l'emplacement qui est situé en plein centre de la ville de [Localité 5], à proximité du tramway, de la gare SNCF, de la voie rapide qui donne accès à l'aéroport avec accès facile en voiture pour les livraisons (cour intérieure), de la notoriété de [G] [E] qui exerce cette activité de photographe depuis plus de 25 ans et est recherché pour des campagnes publicitaires d'excellent niveau. Il convient d'ajouter qu'il ne s'agit pas d'un bail 'tous commerces' et que selon l'expert judiciaire il sera nécessaire de procéder à une déspécialisation totale.

11ème A - 2011/226

En l'espèce l'indemnité d'éviction ne peut être une indemnité de remplacement, constituée par la valeur du fonds de commerce perdu car [G] [E] pourra se réinstaller, avec certainement des difficultés comme cela résulte des éléments du rapport d'expertise, dans un secteur pas trop éloigné des locaux dont il est évincé ; l'indemnité d'éviction sera en conséquence une indemnité de déplacement qui ne peut être inférieure à la valeur du droit au bail ; les locaux contrairement à ce qui est indiqué par la bailleresse ne sont que pour une très petite partie à usage de stockage car ils sont constitués en majeure partie par des studios de photographie, studio à lumière naturelle et studio à lumière artificielle, avec des locaux permettant les activités annexes de maquillage, d'habillage.

Pour le calcul de la valeur du droit au bail, si l'expert [D] ne fait état d'aucune référence pour des locaux commerciaux équivalents situés dans le même quartier ou dans des quartiers proches, il critique les éléments de comparaison étudiés dans le rapport [I], s'est informé auprès d'un autre expert (Mme [K] à [Localité 5]) de la valeur locative moyenne ; en utilisant la méthode du différentiel, M. [D] calcule la base de l'indemnité d'éviction à la somme de 82 120,50 €, et l'indemnité de remploi à 8 212€.

Cette somme qui n'est pas sérieusement critiquée par les éléments produits par les parties sera retenue.

Le trouble commercial est caractérisé par les difficultés que rencontrera [G] [E] pour retrouver des locaux équivalents aux locaux loués dans le centre ville de [Localité 5], notamment pour ce qui concerne la superficie (247m² avec plafonds très hauts) et la facilité d'accès (cour intérieure, accès des transporteurs) comme cela résulte de l'attestation de Centre Immobilier en date du 18 juillet 2008 ; il doit être chiffré au moins à 6 mois du dernier chiffre d'affaires soit 9 156 € (18 312 : 2 ).

Les frais de publicité font partie du trouble commercial et ne peuvent donner lieu à une indemnisation spécifique.

Les frais de déménagement sont justifiés par deux devis de 2 310 € et 4025 € soit une somme moyenne de 3 167€ (2310 + 4025 : 2 ) qui sera retenue.

Il convient d'y ajouter les frais de remplacement du cyclorama, matériel professionnel très spécifique à l'activité de photographe professionnel, qui selon l'expert (page 12 du rapport) ne se démonte pas facilement pour être déménagé : le coût de remplacement selon les devis produits aux débats, joints au rapport d'expertise, est de 7 611 € (devis 'Atelier des décors ) ou de 14 750 € (devis 'Déco Family') ; la somme la moins élevée sera retenue soit 7 611 €, aucune explication n'étant fournie par [G] [E] en sa qualité de professionnel de la photo sur la différence de coût.

Au total les frais de déménagement sont donc de 10 778 € (3167 + 7611).

- Sur l'indemnité d'occupation

Conformément aux dispositions de l'article L 145-28 du code de commerce [G] [E] locataire bénéficiaire de l'indemnité d'éviction a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de cette indemnité et est redevable d'une indemnité d'occupation en contre partie de la jouissance des lieux. Cette indemnité doit être fixée à la valeur locative des locaux dans leur état actuel, à compter du 1er avril 2008, date d'effet du congé.

[G] [E] conclut que le règlement par lui du montant de son loyer qui s'élève aujourd'hui à 2 584 € hors charges trimestriel, et 10 336 € hors charges par an suffit à désintéresser le bailleur ; cette position ne sera pas retenue car selon l'expert (page 5 du pré-rapport ) le loyer en cours est dérisoire et ne correspond pas à la valeur locative.

Le loyer de renouvellement aurait été de 11 725 € par an ; la SCI MARIA SERENA demande pour sa part la fixation de l'indemnité d'occupation annuelle à 22 000 € - soit 1 833,33€ par mois - ou 28 332 € - soit 2 361 € par mois - ; Cette somme est supérieure à la valeur locative qui selon La SCI MARIA SERENA serait retenue par l'expert [D] soit 1 738 € par mois.

Cette somme ne tient pas compte de la précarité de l'occupation du locataire, précarité qui sera retenue sous forme d'un abattement de 10%, et en conséquence le montant de l'indemnité d'occupation sera fixé à la somme mensuelle de 1 564,20 € à compter du 1er avril 2008 et jusqu'au départ des lieux loués.

11ème A - 2011/226

- Sur les demandes annexes

Il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles engagés pour la présente procédure.

Les dépens en ceux compris le coût du rapport d'expertise de M. [D] seront à la charge de La SCI MARIA SERENA débitrice de l'indemnité d'éviction.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 2 novembre 2009 en ce qu'il a jugé recevable l'action engagée par La SCI MARIA SERENA à l'encontre de [G] [E],

INFIRME ce jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

DIT que le refus de renouvellement de bail avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction signifié par la SCI MARIA SERENA à [G] [E] le 16 novembre 2007 avec effet au 31 mars 2008 est valable,

Vu les conclusions du rapport d'expertise de M. [D] déposé le 8 novembre 2008,

CONDAMNE la SCI MARIA SERENA à payer à [G] [E] au titre de l'indemnité d'éviction les sommes de

- 82 120,50 euros - quatre vingt deux mille cent vingt euros et 50 centimes - au titre de l'indemnité principale avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008

- 8 212 euros - huit mille deux cent douze euros - au titre de l'indemnité de remploi avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008

- 9 156 euros - neuf mille cent cinquante six euros - pour trouble commercial avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- 10 778 euros - dix mille sept cent soixante dix huit euros - au titre des frais de déménagement avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE [G] [E] à payer à la SCI MARIA SERENA une indemnité d'occupation mensuelle de 1 524,20 € - soit 18 290,40 € annuellement - à compter du 1er avril 2008 et jusqu'au départ effectif des lieux, taxes, charges et autres accessoires en sus,

REJETTE les demandes en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI MARIA SERENA aux dépens qui comprennent le coût du rapport d'expertise de Monsieur [D] et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/19871
Date de la décision : 13/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°09/19871 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-13;09.19871 ?
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