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13/05/2011 | FRANCE | N°09/12770

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 13 mai 2011, 09/12770


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2011



N° 2011/249













Rôle N° 09/12770







Syndicat copropriétaires [Adresse 1]





C/





SA NORTEX





































Grosse délivrée

le :

à :la S.C.P. DE SAINT FERREOL - TOUBOUL

la S.C.P. TOLLINCHI - PERRET

-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI









Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 mai 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/07602.





APPELANT



Syndicat des copropriétaires [Adresse 1] représenté par son syndic en exercice la S.A.R.L. AGE...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2011

N° 2011/249

Rôle N° 09/12770

Syndicat copropriétaires [Adresse 1]

C/

SA NORTEX

Grosse délivrée

le :

à :la S.C.P. DE SAINT FERREOL - TOUBOUL

la S.C.P. TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 mai 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/07602.

APPELANT

Syndicat des copropriétaires [Adresse 1] représenté par son syndic en exercice la S.A.R.L. AGENCE IMMOBILIÈRE DU CENTRE [Adresse 2],

représenté par la S.C.P. DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me Christian ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

SA NORTEX, [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège,

représentée par la S.C.P. TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour, plaidant par Me MARTINET Laurent, avocat au Barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 mars 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, et Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller,

Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président

Monsieur Christian COUCHET Conseiller

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Sylvie AUDOUBERT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 mai 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Magistrat rédacteur : Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 mai 2011.

Signé par Monsieur Jean-Paul ASTIER, Président et Madame Sylvie AUDOUBERT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société NORTEX était propriétaire du lot n° 1 de la copropriété de l'immeuble sis [Adresse 1], dont la partie privative consistait en 'un appartement situé au rez-de-chaussée, côté [Adresse 5] ... avec water-closets, dans la cour, et jouissance exclusive de la moitié sud-ouest de la cour' ; le 28 septembre 1984 elle a encore acquis le lot n° 2, dont la partie privative consistait en 'un appartement situé au rez-de-chaussée, côté cour ... et water-closet dans la cour et jouissance exclusive de la moitié nord de la cour' ; l'acte énonce que la société NORTEX se trouvant ainsi 'avoir la jouissance exclusive de la totalité de la cour, entend couvrir celle-ci en aménageant' une toiture-terrasse en béton au niveau du 1er étage, et il mentionne : 'L'autorisation d'effectuer ces travaux a été obtenue' auprès de copropriétaires nommément désignés, 'autorisation confirmée par une assemblée générale des copropriétaires en date du 15 juin 1984, dont le procès-verbal va demeurer ci-joint et annexé';

Ce procès verbal, dont la forme sera discutée plus loin, rend compte de l'adoption des décisions suivantes : 'PREMIÈRE RÉSOLUTION - L'aménagement par la Société NORTEX, à ses frais exclusifs, au niveau 1 d'une terrasse en béton se ferait de la façon suivante : - couverture de la cour par plancher composé d'une ossature métallique de poutrelles en béton précontraint avec remplissage en hourdis. - exécution d'une dalle de compression en béton et d'une étanchéité multicouche. - création d'une partie accessible pour les copropriétaires premier étage en carrelage et d'une partie jardin engazonnée sur une zone référée au plan composée d'une couche de 10 cm de gravillon et 30 cm de terre. - au centre de cette dalle sera aménagée une verrière créant un éclairage zénithal pour le local à rez-de-chaussée. - le local à rez-de-chaussée sera ultérieurement affecté à l'extension du magasin existant... DEUXIÈME RÉSOLUTION - A première réquisition de la Société NORTEX, les copropriétaires interviendront à l'acte modifiant le règlement de copropriété - état descriptif de division de l'immeuble' ; par la suite la verrière prévue a été supprimée, un 'local climatisation' a été créé 'en accord avec les copropriétaires voisins', et l'ensemble a été réuni en un seul magasin ;

A la suite d'une assemblée générale du 29 mai 1997, par acte du 12 septembre 1997 le règlement de copropriété - état descriptif de division de l'immeuble a été modifié ainsi : '1°/ MODIFICATION DE L'ARTICLE 12 (NOTA : sans objet ici) ... 2° MODIFICATION DE PARTIE DE L'ARTICLE VINGT SIX - Aux termes de l'acte du 22 octobre 1957 contenant règlement de copropriété et état descriptif de division, susvisé, les lots numéros UN et DEUX de l'état descriptif de division ont été désignés ainsi qu'il est ci-après littéralement retranscrit : LOT NUMÉRO UN - Un appartement situé au rez-de-chaussée, côté [Adresse 5] ... avec water-closet dans la cour et jouissance exclusive de la moitié du Sud-Ouest de la cour. LOT NUMÉRO DEUX - Un appartement situé au rez-de-chaussée côté cour ... et water-closet dans la cour et jouissance exclusive de la moitié Nord de la cour. Aux termes de l'Assemblée Générale Extraordinaire du 29 mai 1997, il a été décidé de modifier la désignation des lots UN et DEUX de la manière suivante : LOT NUMÉRO UN - Un local commercial côté [Adresse 5]. LOT NUMÉRO DEUX - Un local commercial côté cour. Il n'est apporté aucune autre modification au règlement de l'état descriptif de division du 22 octobre 1957' ;

Par exploit du 12 décembre 2007 le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble sis [Adresse 1] (le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES) a assigné la société NORTEX pour obtenir sa condamnation d'une part à remettre la cour dans son état initial et à restituer aux copropriétaires les parties communes illégalement accaparées, d'autre part à payer une indemnité d'occupation et des dommages et intérêts ; la société NORTEX a soulevé la prescription décennale de l'action du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES concernant tant la contestation des décisions de l'assemblée générale du 15 juin 1984 que la modification de l'état descriptif de division du 12 septembre 1997, et a conclu au rejet de ses demandes sur le fondement d'une appropriation de partie commune ;

Par jugement du 26 mai 2009 le Tribunal de grande instance d'AIX-EN-PROVENCE a statué ainsi :

'Reçoit le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1] dans son action.

Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1] des toutes ses demandes.

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1] à verser à la SA NORTEX une somme de 1.500 euros (mille cinq cents) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble des [Adresse 1] aux dépens, distraits au profit de M° LECA Avocat' ;

Le 7 juillet 2009 le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES a relevé appel de cette décision, qui a été signifiée le 13 août 2009 ;

Au terme de dernières conclusions du 2 mars 2011 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble sis [Adresse 1] formule les demandes suivantes :

'DIRE l'appel recevable et bien fondé, le Syndic, autorisé à agir par la 8ème résolution de l'assemblée générale du 29 juin 2007 (autorisation confirmée par décisions définitives d'assemblées générales du 22 octobre 2008 et du 30 septembre 2009), ayant le pouvoir propre, en vertu de la loi, de poursuivre en cause d'appel l'action introduite devant le Tribunal, alors surtout qu'en tant qu'intimée, NORTEX est irrecevable, faute de qualité, à se prévaloir de l'argument «tiré du défaut d'autorisation d'interjeter appel», règle «édictée dans le seul intérêt» de la collectivité,

REFORMER le jugement n° 00127/2009 (R.G. : 07/07602), rendu le 26 mai 2009 par le Tribunal de Grande Instance d'AIX-en-PROVENCE,

REJETANT comme injustes, irrecevables ou mal fondées et, en tous cas, injustifiées les prétentions adverses,

DÉBOUTER la S.A. NORTEX de toutes demandes, fins et prétentions,

DIRE et JUGER que NORTEX ne peut se prévaloir de la jouissance privative de la cour, pour tenter de bénéficier de la prescription décennale, parce que la jouissance privative d'une partie commune n'inclut nullement le droit d'y construire des locaux privatifs, une telle construction ne pouvant même pas être autorisée à la majorité de l'article 25 de la loi n. 65-557 du 10 juillet 1965, et parce qu'en construisant de nouveaux locaux privatifs, elle s'est appropriée un droit accessoire aux parties communes (art. 3, L. n. 65-557 du 10 juillet 1965), l'action qui tend à sa restitution présentant, par conséquent, un caractère réel (art. 2227 C. civ.),

DIRE et JUGER que la Société NORTEX ne peut se prévaloir d'aucune décision d'assemblée générale susceptible de permettre, dans des conditions conformes aux exigences légales, la réalisation des importantes modifications apportées à l'immeuble, aux parties communes, à leur nature et à leur destination,

DIRE et JUGER que NORTEX n'a pu valablement créer un local commercial unique sur les parties privatives de deux lots, désormais confondues avec la cour partie commune, en exerçant un droit accessoire aux parties communes et au mépris des exigences du règlement de copropriété, sans décision expresse d'autorisation et d'aliénation à son profit (art. 2, 3, 8, 26 et 35, L. n. 65-557 du 10 juillet 1965),

DIRE et JUGER que la réunion des Copropriétaires du 15 juin 1984, si même elle avait pu prendre valablement une décision de principe, n'aurait pu ni confirmer les autorisations individuellement délivrées à un tiers, ni décider du changement de destination de la cour et de l'aliénation d'un droit accessoire aux parties communes, entraînant une modification des caractéristiques de l'immeuble, constitutives de sa destination au sens légal, et qu'en toute hypothèse, la décision serait nulle faute de prix stipulé et caduque faute de la modification convenue du règlement de copropriété,

DIRE et JUGER que la prétendue «décision» alléguée ne pouvait déroger au règlement de copropriété qui n'a pas été modifié, en dépit de l'engagement pris par NORTEX,

CONDAMNER la S.A. NORTEX, sous astreinte de 500 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 3 mois comptés à partir de la signification du jugement à intervenir, à remettre la cour dans son état initial et à restituer, aux Copropriétaires, les parties communes illégalement accaparées,

CONDAMNER la S.A. NORTEX au paiement, au SYNDICAT des COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble des [Adresse 1], à [Localité 4], d'une somme de 429.459 € (valeur 2004, à réévaluer en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction depuis janvier 2005 jusqu'à complet paiement), au titre de l'indemnité d'occupation due en réparation des préjudices causés par l'appropriation indue des parties communes, avec intérêts de droit à compter du 29 juin 2007,

CONDAMNER la S.A. NORTEX au paiement, au SYNDICAT des COPROPRIÉTAIRES, d'une somme de 2.517 € par mois à compter du mois de janvier 2005, à réévaluer selon les variations de l'indice du coût de la construction depuis janvier 2005, et jusqu'à l'achèvement des travaux de remise en état,

CONDAMNER la S.A. NORTEX au paiement, au SYNDICAT des COPROPRIÉTAIRES, d'une somme de 50.000 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices causés par l'appropriation indue des parties communes, avec intérêts de droit à compter du 29 juin 2007,

CONDAMNER la S.A. NORTEX au paiement, au SYNDICAT des COPROPRIÉTAIRES, d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la S.A. NORTEX aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits sur son affirmation de droit, au profit de la S.C.P. de SAINT FERREOL et TOUBOUL, Avoué, qui y a pourvu aux offres de droit, par application de l'article 699 du Code de procédure civile' ;

Au terme de dernières conclusions du 14 mars 2011 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, la société NORTEX formule les demandes suivantes :

'A titre principal :

Déclarer l'acte d'appel nul et dès lors, la présente action irrecevable, faute d'avoir été dûment autorisée par les copropriétaires et régularisée avant les délais de recours et d'action.

A titre subsidiaire et en tout état de cause :

Déclarer irrecevable l'action du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], comme étant prescrite ;

Débouter le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] de l'ensemble de ses demandes, comme étant infondé ;

En conséquence, confirmer en tous points le jugement entrepris ;

Condamner le Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] à verser à la Société NORTEX une somme de 70.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la S.C.P. TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, Avoués aux offres de droit' ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2011, avant l'ouverture des débats ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

En droit, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant ; le syndic est chargé de représenter le syndicat en justice ; le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale ;

En l'espèce, lors de l'assemblée générale du 29 juin 2007 les copropriétaires ont adopté la résolution suivante : 'L'Assemblée Générale, après avoir pris connaissance de la note annexée à la convocation, autorise l'AGENCE DU CENTRE, syndic, à saisir le Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE au nom du syndicat des copropriétaires d'une action dirigée contre la société NORTEX pour demander : Que soient ordonnées la démolition des travaux effectués par la société NORTEX (création de locaux dans la cour du rez-de-chaussée), et à la remise en état des lieux, le tout aux frais de la société NORTEX ; Qu'il soit mis fin à l'appropriation de la cour partie commune, résultant de la création de locaux utilisés privativement et de la modification des lots n° 1 et 2 dont l'assiette est actuellement indéterminée ; Que la société NORTEX soit condamnée à indemniser le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires du fait de l'occupation à des fins commerciales de la cour commune par la société NORTEX depuis 1986 dans des conditions ne correspondant pas aux actes à la répartition des charges qui en résulte...' ; cette autorisation est parfaitement claire quant à l'objet de la demande, à la personne concernée et à la nature judiciaire de la procédure à engager ; sa régularité n'a d'ailleurs pas été contestée ; la société NORTEX fait seulement valoir que le syndic avait besoin d'un mandat spécial pour interjeter appel ; mais l'article 55 du décret du 17 mars 1967 n'exige nullement que, pour interjeter appel, le syndic soit autorisé par l'assemblée générale, que le syndicat ait été demandeur ou défendeur en première instance ; au contraire, à défaut de décision limitant les pouvoirs de ce mandataire, le pouvoir que le syndic tient de la loi de représenter le syndicat des copropriétaires en justice comporte celui de faire appel, sauf à en rendre compte aux copropriétaires, ce qui a été fait lors de l'assemblée générale du 30 septembre 2009 ; or, malgré une certaine maladresse de rédaction, la formule 'autorise l'AGENCE DU CENTRE, syndic, à saisir le Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE' ne saurait être interprétée comme limitant le pouvoir du syndic à agir en première instance, et lui interdisant d'exercer la voie de recours ordinaire de l'appel sans nouvelle autorisation ; l'appel du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES est donc régulier ; par ailleurs, il a été interjeté dans le délai ; il est en conséquence recevable ;

En droit, les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires ; au début de chaque réunion, l'assemblée générale désigne son président et, s'il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs ; le syndic assure le secrétariat de la séance, sauf décision contraire de l'assemblée générale ; il est établi un procès-verbal des décisions de chaque assemblée qui est signé, à la fin de la séance, par le président, par le secrétaire et par le ou les scrutateurs ; les procès-verbaux des séances sont inscrits, à la suite les uns des autres, sur un registre spécialement ouvert à cet effet ;

En l'espèce, le procès-verbal du 15 juin 1984, dont la société NORTEX se prévaut pour prétendre que l'assemblée générale l'a autorisée à faire les travaux, n'est pas extrait d'un registre des procès-verbaux (cf. la lettre de l'AGENCE VINCENT ANGLADE du 21 janvier 2003 : 'Les archives pratiquement inexistantes de la copropriété ne comportent aucun trace d'autorisation donnée à la société NORTEX ... Mon prédécesseur, syndic bénévole, ne semblait pas établir ou conserver les procès-verbaux des assemblées générales'), mais d'un acte sous seing privé auquel le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES n'est pas partie, et dont les mentions ne lui sont pas opposables ; il n'est pas signé par un président, par un secrétaire et par un ou plusieurs scrutateurs, mais par 'tous les copropriétaires présents et représentés', en leur nom personnel ; si un tel document atteste de la réunion de ces personnes, il ne permet pas de faire la preuve de la tenue d'une véritable assemblée générale des copropriétaires, régulièrement convoquée, et dont les décisions ont été régulièrement notifiées aux copropriétaires absents ; il porte d'ailleurs en lui-même la trace d'un détournement habituel des règles de fonctionnement de la copropriété ; en effet, alors que l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que le syndic est chargé de représenter le syndicat pour la publication de l'état descriptif de division, du règlement de copropriété ou des modifications apportées à ces actes, sans que soit nécessaire l'intervention de chaque copropriétaire à l'acte ou à la réquisition de publication, le procès-verbal susvisé comporte une résolution au terme de laquelle 'à première réquisition de la société NORTEX, les copropriétaires interviendront à l'acte modifiant le règlement de copropriété - état descriptif de division de l'immeuble' ; les travaux litigieux n'ont donc pas été autorisés par une assemblée générale au sens de la loi du 10 juillet 1965 ;

En droit, un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant la modification du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ;

En l'espèce, le règlement de copropriété comportait les stipulations suivantes : 'Article trois : Forment la propriété indivise ... le sol en totalité (tant le sol bâti que celui de la cour) ... Article six : ... Il ne pourra être établi sur les façades côté rue et côté cour ... rien qui puisse changer en quoi que ce soit l'aspect des façades ou détruire l'harmonie, l'esthétique ou l'uniformité de l'immeuble ... Article vingt six : ... La séparation de la cour en deux moitiés, dont la jouissance est réservée exclusivement aux lots numéros un et deux, sera effectuée à frais communs par ces propriétaires, au moyen d'un mur ...' ; le modificatif du 12 septembre 1997 a amendé l'article 12 (NOTA : activités autorisées), et a changé la désignation des lots n° 1 et 2, qui d'appartements sont devenus des locaux commerciaux ; en revanche, il n'a apporté 'aucune autre modification au règlement de copropriété et état descriptif de division du 22 octobre 1957', de sorte que les stipulations susvisées conservent toute leur valeur ; par ailleurs, la simple suppression, captieuse, de toute référence au droit de jouissance exclusif des propriétaires des lots n° 1 et 2 sur une moitié chacun de la cour commune, ne saurait emporter un quelconque effet novatoire, qui permettrait, si la situation se prolongeait, de rattacher ladite cour à l'un ou à l'autre des deux lots, ou aux deux à la fois ; l'action du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES n'a donc ni pour objet, ni pour effet, de remettre en cause l'acte modificatif du 12 septembre 1997 ;

En droit, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification des dites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic ; sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans ;

En l'espèce, l'action du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES a pour objet de restituer aux parties communes ce qu'un copropriétaire s'est indûment approprié, en l'occurrence le droit de construire de nouveaux locaux joignant deux lots privatifs en 'extension du magasin existant', avec une incidence sur le coefficient d'occupation des sols de l'immeuble ; il s'agit d'une action réelle, se prescrivant par un délai de trente ans ; or les travaux litigieux ont été réalisés fin 1985 - début 1986 ; l'action du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES n'est donc pas prescrite ;

Le fait que les travaux litigieux aient été réalisés en vertu d'un permis de construire valide au regard des règles d'urbanisme est sans emport ; la société NORTEX sera donc condamnée à remettre la cour commune dans son état antérieur (cf. à cet égard sa propre lettre du 10 décembre 2003 : 'cour en terre battue, avec un grillage en diagonale'), sous astreinte ; s'agissant d'une cour commune à jouissance exclusive des propriétaires des lots n° 1 et 2, en l'occurrence la société NORTEX, le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES ne peut prétendre à aucune indemnité d'occupation ; il sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre ; en revanche, l'appropriation indue du droit de construire accessoire aux parties communes a causé à ce dernier un préjudice, qui sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES a engagé des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser supporter intégralement la charge ; il convient de lui allouer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La société NORTEX qui succombe doit supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe,

Reçoit l'appel du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble sis [Adresse 1] ;

Réforme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

Condamne la société NORTEX à remettre la cour commune dans son état antérieur aux travaux litigieux, dans un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte passé ce délai de 5.000 euros par mois de retard ;

Condamne la société NORTEX à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble sis [Adresse 1] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société NORTEX à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES de l'immeuble sis [Adresse 1] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société NORTEX aux dépens, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la S.C.P. DE SAINT FERREOL - TOUBOUL conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

S. AUDOUBERTJ-P. ASTIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/12770
Date de la décision : 13/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°09/12770 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-13;09.12770 ?
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