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04/05/2011 | FRANCE | N°09/01403

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 04 mai 2011, 09/01403


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2011



N°2011/186













Rôle N° 09/01403







[V] [T]





C/



[U] [D]

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE





































Grosse délivrée

le :

à :





réf





Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Décembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 07/705.





APPELANT



Monsieur [V] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/2899 du 31/03/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)

né le [Date n...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 04 MAI 2011

N°2011/186

Rôle N° 09/01403

[V] [T]

C/

[U] [D]

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Décembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 07/705.

APPELANT

Monsieur [V] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/2899 du 31/03/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)

né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 7]/HONGRIE, demeurant [Adresse 6]

représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,

assisté de Me Céline MOURIC-LEMACON, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [U] [D]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 9], demeurant [Adresse 8]

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,

assistée de Me Patrice REVAH, avocat au barreau de DIGNE-LES-BAINS

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 4]

assignée,

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2011 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Brigitte VANNIER, Présidente, et Madame Patricia TOURNIER, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte VANNIER, Présidente

Madame Laure BOURREL, Conseiller

Madame Patricia TOURNIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2011..

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2011.

Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Le 30 décembre 2002, madame [D] a tiré sur monsieur [T] avec un fusil, alors que celui-ci voulait pénétrer dans le domicile de celle-ci et de ses parents situé au lieu-dit [Adresse 10] ( 04), et l'a très grièvement blessé.

Monsieur [T] a assigné madame [D] et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale devant le tribunal de grande instance de Digne à l'effet d'obtenir au visa de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, condamnation de madame [D] à réparer son entier préjudice tel que fixé par expertise judiciaire.

Par décision en date du 24 décembre 2008, ce tribunal a :

- débouté monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté les demandes de l'organisme social,

- condamné monsieur [T] à payer à madame [D] la somme de 10.000 € en réparation de ses 'préjudices judiciaires',

- condamné monsieur [T] aux dépens ainsi qu'à payer à madame [D] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe déposée le 23 janvier 2009 en intimant uniquement madame [D].

Il a formé une déclaration d'appel complémentaire le 5 mai 2009 en intimant la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.

La jonction de ces deux instances a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 9 juin 2009.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 10 janvier 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, monsieur [T], soutenant notamment qu'il résidait au domicile de madame [D] et des parents de celle-ci depuis le mois d'octobre 2002, qu'il n'avait jamais été violent, que madame [D] lui a tiré dessus volontairement alors qu'il rentrait au dit domicile et se trouvait à l'extérieur de celui-ci, avec la volonté de le toucher, que madame [D] ne démontre pas l'existence d'un préjudice, demande à la Cour en application de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, de :

- réformer le jugement déféré,

- dire que madame [D] est responsable des dommages subis par le concluant du fait du tir du fusil de chasse qui était sous sa garde,

- condamner madame [D] à réparer l'intégralité des préjudices subis par le concluant tels que fixés par voie d'expertise judiciaire,

- condamner madame [D] aux entiers dépens de l'instance recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 2 juillet 2009, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, madame [D] soutenant notamment que par arrêt définitif de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 6 juin 2006, elle a bénéficié d'une décision de non-lieu comme ayant agi en état de légitime défense, que monsieur [T] ne vivait pas à son domicile, que la légitime défense exclut toute faute et ne peut donner lieu à une action en dommages intérêts en faveur de celui qui l'a rendue nécessaire par son agression, que la concluante a dû subir les tracas liés à l'instruction judiciaire à raison du comportement fautif de monsieur [T] à son encontre, demande à la Cour de :

- débouter monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- y ajoutant, condamner monsieur [T] à payer à la concluante la somme de 5.000 € à titre de dommages intérêts, outre celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner monsieur [T] aux entiers dépens, ceux d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Caisse nationale militaire de sécurité sociale, assignée à personne par acte d'huissier en date du 12 janvier 2010, n'a pas constitué avoué.

La clôture de la procédure est en date du 15 mars 2011, après révocation par le conseiller de la mise en état, à cette date, de la clôture antérieure.

Motifs de la décision :

Il sera statué par décision réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile, la partie défaillante ayant été citée à personne.

Il résulte de l'arrêt de la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix en Provence en date du 6 juin 2006 et des éléments de l'enquête de gendarmerie produits aux débats, que le 30 décembre 2002, entre 17 heures 30 et 17 heures 45, madame [D] s'était présentée en pleurs à la brigade de gendarmerie de [Localité 9], en indiquant avoir des problèmes avec son 'copain', légionnaire, vouloir le quitter et qu'il avait mal pris cette décision, qu'il avait menacé de provoquer un accident alors qu'elle se trouvait à bord de sa voiture conduite par celui-ci ; qu'elle paraissait angoissée, n'avait pas souhaité déposer plainte et avait été ramenée chez elle par ses parents et son frère ;

que vers 19 heures 30, monsieur [T] est arrivé devant le domicile de madame [D], que celle-ci a discuté avec lui à travers la porte d'entrée vitrée verrouillée, lui demandant de partir, que monsieur [T] a indiqué vouloir se suicider, a sorti un couteau avec lequel il a coupé le fil du téléphone en prenant appui sur la fenêtre, avant de le jeter sur demande de la mère de madame [D] ; qu'il a cassé un carreau de la porte d'entrée ;

que madame [D] est allée chercher le fusil de son père dans la chambre de celui-ci, l'a chargé de deux cartouches, et a tiré à deux reprises en tenant le fusil à hauteur de hanche à une distance de 3,50 mètres entre les bouches du canon et le vitrage de la porte ;

que le premier tir n'a pas atteint monsieur [T], que le père de madame [D] a demandé à celle-ci de lui rendre le fusil, qu'elle ne l'a pas lâché et qu'elle a effectué un second tir après que monsieur [T] se soit relevé ;

que monsieur [T], qui sera retrouvé allongé devant la porte d'entrée par une voisine médecin urgentiste appelée par la mère de madame [D], a alors été touché au niveau de la mandibule.

Il est constant qu'à l'issue de l'information pénale diligentée à l'encontre de madame [D] du chef de tentative d'homicide volontaire sur la personne de monsieur [T], celle-ci a fait l'objet d'une ordonnance de non lieu, confirmée par l'arrêt susvisé, madame [D] étant considérée comme ayant agi en état de légitime défense.

Toutefois, madame [D] ne peut se prévaloir de cet arrêt comme ayant autorité de chose jugée au pénal et interdisant une action en dommages intérêts devant le juge civil, la décision de non-lieu étant par nature provisoire et révocable et ne pouvant quels que soient ses motifs, exercer d'influence sur l'action portée devant les juridictions civiles.

Monsieur [T] est en conséquence recevable à solliciter réparation de son préjudice devant le juge civil.

S'il résulte des éléments de l'enquête pénale repris par l'arrêt susvisé, que madame [D] avait la garde du fusil, instrument du dommage subi par monsieur [T], dont elle avait l'usage, la direction et le contrôle au sens de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, ils mettent également en évidence que monsieur [T] a commis des fautes ayant contribué à son dommage, fautes ayant consisté à couper les fils du téléphone, à casser un carreau et à vouloir pénétrer dans le domicile de madame [D] sans l'accord de celle-ci, domicile dont il ne démontre pas qu'il constituait également le sien.

Ces fautes ne revêtaient pas un caractère irrésistible pour madame [D], celle-ci n'étant pas seule au domicile, monsieur [T] ayant accepté de jeter un couteau qu'il tenait, sur simple demande de la mère de madame [D], et le père de celle-ci ayant essayé de lui faire poser le fusil entre les deux tirs, ce qui impliquait une perception du danger réel représenté par monsieur [T] différente de celle de madame [D] et moindre.

Elles justifient cependant une réduction du droit à indemnisation de monsieur [T] de 80%.

La détermination des éléments du préjudice subi par monsieur [T], qui produit un certificat médical du docteur [P], en date du 22 décembre 2005 faisant état d'une consolidation avec séquelles consistant en une monoplégie brachiale droite chez un droitier, une aphasie majeure, les suites de l'amputation d'un fracas de la mandibule gauche, nécessite une mesure d'expertise médicale préalable, comme sollicité par celui-ci, mesure qui sera ordonnée selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Madame [D] ne produit aucune pièce à l'appui de sa demande de dommages intérêts en réparation du préjudice qui aurait été consécutif à l'instruction pénale diligentée à son encontre et ayant abouti à un non-lieu, et ne justifie donc pas dudit préjudice.

Elle doit en conséquence être déboutée de sa demande.

La décision déférée sera en conséquence infirmée en toutes ses dispositions.

L'appel interjeté par monsieur [T] étant fondé, madame [D] doit être déboutée de sa demande de dommages intérêts complémentaire formée devant la Cour.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de madame [D], qui sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

l'équité ne justifie pas l'application de ce texte au profit de monsieur [T].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,

Infirme la décision du tribunal de grande instance de Digne en date du 24 décembre 2008 en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déclare recevable la demande de monsieur [T] en réparation de son préjudice consécutif au tir du fusil de chasse dont madame [D] était gardienne.

Dit que monsieur [T] a commis des fautes à l'origine de son dommage justifiant une réduction de son droit à indemnisation de 80%.

Ordonne une expertise médicale de monsieur [T].

Désigne pour y procéder monsieur le docteur [Y] [N]

[Adresse 5]

[Localité 2]

inscrit sur la liste des experts de la Cour d'Aix en Provence,

lequel aura pour mission de :

- convoquer et entendre les parties, recueillir leurs observations et se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

-examiner monsieur [T] [V],

-indiquer son état antérieur aux tirs du 30 décembre 2002,

-décrire les lésions qui lui ont été causées par les tirs du 30 décembre 2002,

en exposer les conséquences,

estimer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel en indiquant la date de consolidation des blessures,

apprécier le degré des souffrances physiques et/ou psychiques endurées,

évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent qui peut subsister, avec le cas échéant sa répercussion sur la vie professionnelle,

indiquer si l'état de la victime nécessite l'assistance d'une tierce personne,

donner son avis sur le préjudice esthétique ainsi que sur le préjudice d'agrément spécifique,

-indiquer l'évolution prévisible dans le temps de l'état de la victime,

-répondre explicitement et précisément, dans le cadre de ces chefs de mission, aux dires des parties, après leur avoir fait part de ses premières conclusions et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires, délai qui ne pourra être inférieur à un mois.

Dit que pour l'accomplissement de sa mission l'expert devra convoquer et entendre les parties, recueillir leurs observations et se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission.

Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne.

Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du tribunal de grande instance de Digne les bains, dans les six mois de la saisine qui lui sera notifiée par ce greffe,

sauf prorogation du délai dûment sollicitée auprès du juge du contrôle en temps utile.

Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, en le mentionnant dans l'original, l'expert devra remettre aux parties et aux avocats copie de son rapport.

Dit que l'avance des frais de la mesure d'expertise seront supportés par monsieur [T] et n'y avoir lieu à consignation, celui-ci bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale.

Dit que le contrôle de l'expertise ordonnée sera effectué par le président du tribunal de grande instance de Digne les bains ou son délégataire, qui pourra procéder au remplacement de l'expert par simple ordonnance.

Déboute madame [D] de ses demandes de dommages intérêts.

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.

Condamne madame [D] aux dépens de première instance et d'appel, et dit que ces derniers seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et à l'article 699 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit d'aucune des parties.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 09/01403
Date de la décision : 04/05/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°09/01403 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-04;09.01403 ?
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