COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
(Renvoi après cassation)
DU 12 AVRIL 2011
N° 2011/ 286
Rôle N° 09/19750
Association des PARALYSES DE FRANCE
C/
[G] [T]
Grosse délivrée le :
à :
- Me Clara DENTES, avocat au barreau de PARIS
- Me Angèle SAVOYE, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 08 Juillet 2009, enregistré au répertoire général sous le n° V08-42-968.
APPELANTE
Association des PARALYSES DE FRANCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Clara DENTES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame [G] [T], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Angèle SAVOYE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Février 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Christian BAUJAULT, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2011.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2011.
Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [G] [T] a été embauchée au sein de la délégation départementale du Vaucluse par L'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF) en qualité de secrétaire à temps partiel, selon contrat à durée indéterminée en date du 16 novembre 1987, puis à temps complet à partir du 1er octobre 1988.
Elle a été nommée déléguée départementale du Vaucluse le 9 novembre 1989.
A la suite de deux convocations successives pour un entretien préalable pour les 23 novembre 2004 et 17 décembre 2004, la salariée ne s'étant pas présentée au premier, le 30 décembre 2004, elle a fait l'objet d'un licenciement.
Le 21 février 2005, Mme [G] [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Avignon pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes dues.
Par jugement en date du 13 décembre 2005, le Conseil de Prud'hommes d'Avignon a:
- dit que le licenciement de Mme [G] [T] était sans cause réelle et sérieuse,
- condamné l'employeur à payer lui les sommes suivantes:
- indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse:29.000 euros,
- frais irrépétibles: 800 euros.
Par arrêt en date du 19 septembre 2007 rendu sur appel de l'employeur, la cour d'appel de Nîmes a infirmé cette décision et a dit que le licenciement de Mme [G] [T] reposait sur une faute grave. La salariée a été déboutée de ses demandes indemnitaires.
Par arrêt en date du 8 juillet 2009, la cour de cassation a cassé l'arrêt susvisé, a dit n'y avoir lieu à renvoi sur la qualification de la faute en retenant que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave, et a renvoyé l'affaire devant la cour de céans.
A la demande de l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF), l'affaire a été enrôlée le 3 novembre 2009.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE (APF) demande l'infirmation du jugement et soutient que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Elle s'oppose aux demandes indemnitaires de la salariée.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Mme [G] [T] demande la confirmation du jugement sur l'absence de cause réelle et sérieuse, mais la réformation sur l'indemnisation et à titre reconventionnel réclame les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande:
- 87.712,56 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - 10.000 euros à titre de dommages intérêts licenciement vexatoire.
Elle demande également la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le contenu de la lettre de licenciement en date du 30 décembre 2004 qui fixe les limites du litige précise ce qui suit:
' ...Lors de cet entretien, nous vous avons évoqué les différents dysfonctionnements que nous avons pu constater, dans l'exercice de votre mission de déléguée départementale à l'APF et notamment:
- Vous adoptez des pratiques et vous menez ou soutenez des actions mettant l'APF en difficultés tant en terme de risque qu'en terme d'image en ne respectant ni les orientations, ni les règles et ni les procédures en vigueur 'ex: conflits autour du dossier scolaire; procédures comptables financières et sociales non respectées;
- Vous manifestez ouvertement vos désaccords avec les orientations définies par l'APF et vous ne portez ni défendez la politique de l'association (ex: nouvelle organisation, intégration scolaire...)
- Depuis quelque temps, vous adoptez une attitude fuyante voire négative face à votre encadrement hiérarchique et technique, vous vous mettez volontairement en marge, vous ne participez plus de façon assidue et constructive au travail de réflexion engagé sur votre région avec vos collègues, vous vous isolez de l'institution APF. De plus, vous gérez la délégation selon vos propres critères sans vous assurer que ceux-ci correspondent bien aux positionnements de l'association et ce au détriment de son image et de sa responsabilité que vous n'hésitez pas à engager seule.
- Vous laissez s'installer dans la délégation, et vous encouragez des mouvements de revendications selon des méthodes inadaptées et contraires à la politique revendicative de l'APF et qui portent atteintes à son image dans le département.
- Vous n'hésitez pas à tronquer certaines informations et d'influencer vos interlocuteurs dans votre propre intérêt....
L'ensemble de ces faits ainsi que vos comportements dans la recherche d'explications ne sont pas compatibles avec votre niveau de responsabilité de cadre dirigeant à l'APF....'.
Il résulte de cette lettre que le licenciement est principalement fondé sur des griefs de nature disciplinaire lesquels sont soumis aux règles édictées par les articles L 1332-4 et suivants du code du travail sur la prescription.
Au visa à la fois du contrat de travail du 9 novembre 1989 au titre duquel Mme [T] a été engagée comme déléguée départementale de l'APF sur le département du Vaucluse, et du document relatif aux conditions statutaires de cet emploi produit aux débats, l'emploi de délégué départemental de l'association comprenait les tâches d'animation, de gestion ainsi que de représentation auprès des adhérents, du public, des pouvoirs publics du département avec la charge de réaliser les orientations et les objectifs de l'association. Les obligations attachées à ces fonctions sont indiquées dans le document invoqué par l'employeur dont la connaissance n'est pas remise en cause par l'intimée et dont il ressort que les responsables doivent agir dans le respect des orientations des buts, des moyens statutaires.
S'il n'est pas contestable que par décision du 13 décembre 2003, le conseil d'administration de l'APF a autorisé la déléguée départementale et la direction régionale à présenter devant le CROSS PACA le projet de foyer pour 28 places plus 2 places d'accueil temporaire à [Localité 2], il n'en demeure pas moins que le déroulement de la procédure de dépôt du projet devait être effectué en conformité avec les règles internes à l'association et les procédures administratives en la matière.
Il ressort d'une attestation établie le 29 juillet 2005 par [Z] [B], conseillère technique de l'APF, que celle-ci est intervenue auprès de Mme [T] pour l'élaboration du dossier relatif au projet de création du foyer de vie et qu'il en est ressorti que dans la mesure où le projet devait être encore approfondi en conformité avec les exigences légales et les demandes du Conseil général, avant de pouvoir être déposé, une nouvelle réunion avait été programmée avec Mme [T] à [Localité 2] le 11 mars 2004. Le témoin indique qu'après avoir fait le déplacement de [Localité 3] la veille au soir pour être disponible le lendemain matin, il a appris que l'intimée n'était pas présente et que la veille, sans l'avoir prévenue par téléphone, elle aurait transmis un courriel pour indiquer qu'elle n'était pas libre pour cette rencontre. Elle a ajouté avoir été 'sidérée' en apprenant en septembre 2004 que malgré cette situation, le dossier du projet avait été déposé à l'insu de la direction de l'association, et a rapporté le mécontentement exprimé par le représentant du Conseil général à propos de l'attitude de Mme [T] compte tenu des accusations personnelles que celle-ci aurait proférées contre cette personne.
Elle déclare que la déléguée départementale n'était pas plus présente le 2 novembre 2004 à l'occasion d'une réunion prévue entre les partenaires et que c'est dans ces circonstances qu'elle a été amené à prendre en charge le suivi du dossier.
Par ailleurs, dans le message transmis à Mme [B] pour faire part de son absence le 11 mars 2004, Mme [T] a expliqué qu'elle essayait de finaliser le dossier qu'elle n'avait pas encore terminé.
Or, il est constant que Mme [T] a déposé le dossier le 30 avril 2004 et que la commission ad hoc l'a rejeté au motif qu'il était incomplet comme l'a formulé l'avis du CROSS PACA produit aux débats. Il n'est pas contesté non plus que le dépôt du dossier est intervenu sans que le projet dans sa dernière version ait été soumis aux avis techniques de la direction régionale ou nationale.
Par lettre du 2 novembre 2004, la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées a fait elle-même mention auprès d'un représentant du collectif des parents et amis de personnes handicapées motrices de Vaucluse du caractère incomplet du dossier.
Il ressort parallèlement à ce qui précède que dans un article que Mme [T] a signé ès qualités de déléguée départementale, et qui a été publié dans la revue interne à la structure du Vaucluse dénommée 'Zoom' d'octobre 2004, a fait part de son avis sur l'appréhension de ce dossier par le Conseil général du Vaucluse en critiquant sérieusement les instances de cette collectivité territoriale, pourtant considérée comme partenaire privilégié de l'association et principal responsable du rejet du projet. Cette démarche médiatique à l'encontre du Conseil général a été réitérée à la fois dans le numéro suivant de la revue en novembre 2004 dans lequel Mme [T] a indiqué avoir soutenu l'action du collectif créé à cette occasion, ainsi que dans la presse locale (article de la Marseillaise du 15 octobre 2004 et Le Dauphiné libéré du même jour), puisque les articles en cause ont transcrit les déclarations faites par l'intimée sur le sujet.
Par ailleurs, dans un courrier qu'elle a transmis à sa direction régionale le 16 septembre 2004, il ressort que Mme [T] lui a expressément demandé de reprendre le dossier en l'état pour le compléter si nécessaire afin de formaliser une nouvelle présentation.
Or, quand bien même, la revue 'Zoom' serait destinée au principal à informer les adhérents de l'association sur son fonctionnement, ce qui n'exclut pas une diffusion externe à l'association, il doit être considéré qu'en y publiant en octobre et novembre 2004, deux articles signés en sa qualité de déléguée départementale dont l'objet consistait à adresser des vives critiques sur les représentants du Conseil général présumant, à l'égard des adhérents, une responsabilité exclusive de cette collectivité territoriale dans l'avis défavorable du projet retenu par l'instance régionale, sans prendre en compte l'importance que représentait le partenariat avec cet organe de représentation départementale auquel l'association était à juste titre attachée, et sans indiquer qu'en fait le refus du projet, comme il résulte de ce qui précède, était la conséquence de la présentation prématurée de sa part sans une concertation suffisante préalable avec la direction régionale ou nationale de l'APF, la seule délibération du conseil d'administration de l'APF du 13 décembre 2003 qui lui donnait l'autorisation de soumettre à l'appréciation de la commission régionale ad hoc le projet de foyer de vie n'étant qu'un accord de principe qui ne l'exonérait pas de procéder au dépôt du projet sans avis de sa hiérarchie, Mme [T] a excédé sa fonction et a commis un comportement fautif que la cour juge suffisant pour motiver son licenciement pour une cause réelle et sérieuse.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les autres griefs retenus par l'employeur dans la lettre de licenciement, il s'en déduit que le jugement initial du Conseil de Prud'hommes d'Avignon doit être infirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement était dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.
Sur les incidences indemnitaires
* - en ce qui concerne l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dans la mesure où il est retenu que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, Mme [T] est mal fondée à prétendre à une indemnité pour défaut de cause réelle et sérieuse, et le jugement doit par conséquent être infirmé.
* - en ce qui concerne l'indemnité pour licenciement vexatoire
Au vu de ce qui précède, la preuve d'un comportement vexatoire reproché à l'employeur dans les circonstances du licenciement de Mme [T] n'est pas rapportée.
En effet, en premier lieu, il ne peut être reproché à l'APF d'avoir transmis deux convocations pour l'entretien préalable avec Mme [T] dans la mesure où cette dernière ne s'est pas présentée à la date du 3 décembre 2004 comme prévu et que sans y avoir été obligée, l'employeur a opté pour une nouvelle date d'entretien avant de prendre la décision le 30 décembre 2004.
De même, au vu des attestations établies par [E] [J] le 6 juin 2005, par [V] [R] le même jour et par [U] [M] du 7 juin 2005, il n'est pas établi que l'information donnée par un représentant de l'APF aux salariés le 5 janvier 2005 sur le licenciement de Mme [T] ait participé d'une volonté de porter préjudice à la salariée, cette démarche s'expliquant légitimement par la nécessité, eu égard à la fonction de déléguée départementale, de faire part au personnel de la situation de la salariée du fait du licenciement.
En conséquence, le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité ne justifie pas au regard des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de faire droit à la demande de Mme [T].
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 8 juillet 2009,
Infirme le jugement du 13 décembre 2005 du Conseil de Prud'hommes d'Avignon sauf en ce qu'il a débouté Mme [G] [T] de sa demande d'indemnité pour licenciement vexatoire.
Statuant à nouveau sur les points infirmés
Dit que le licenciement de Mme [G] [T] repose sur une cause réelle et sérieuse, et la déboute de sa demande d'indemnisation à ce titre.
Y ajoutant
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne Mme [G] [T] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT