COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
4e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 05 AVRIL 2011
N° 2011/ 178
Rôle N° 09/17490
[E] [H]
C/
[R] [J] épouse [N]
Grosse délivrée
le :
à : BOISSONNET
TOUBOUL
Jlg
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 09 Septembre 2009 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 07/6859.
APPELANT
Monsieur [E] [H]
né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 16] (99), demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté de Me Jérôme BERTAGNA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
Madame [R] [J]
née le [Date naissance 7] 1946 à [Localité 20] (ITALIE), demeurant [Adresse 18]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de Me François AUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 février 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY , Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
Monsieur Didier CHALUMEAU, Président
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2011,
Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
***
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties :
Par acte notarié du 18 octobre 2000, [W] [LO] et son épouse [L] [T] ont vendu à [E] [H], qui était déjà propriétaire du lot 2, le lot n° 1 de l'immeuble en copropriété cadastré à [Localité 19] section AI n° [Cadastre 2], dont l'état descriptif de division et le règlement de copropriété ont été établis selon acte notarié du 20 juillet 1979, ainsi que les droits indivis sur la parcelle cadastrée AI [Cadastre 12] pour 2a 18ca, telle que cette référence cadastrale résulte d'un document d'arpentage publié à l'appui d'un acte reçu par Maître [O], notaire à [Localité 19] le 6 juin 1990, au premier bureau des hypothèques de [Localité 17] le 19 juillet 1990 volume 90P n° 9161 constatant la division de la parcelle AI [Cadastre 6] en [Cadastre 12] et [Cadastre 13]. (la parcelle AI [Cadastre 6] était anciennement cadastrée section B n° [Cadastre 14]).
Les époux [LO] étaient propriétaires des ces biens pour les avoir acquis de [U] [D] et de son épouse [B] [A], selon acte notarié du 3 août 1979 dans lequel il est notamment mentionné
-que les époux [D]-[A] les avaient acquis le 20 décembre 1978 de [MX] [BW] épouse [M] à qui ils appartenaient par suite de l'attribution qui lui en avait été faite aux termes d'un acte de donation-partage du 14 août 1937,
-que les propriétaires du lot n° 2 auront le droit de parquer un véhicule automobile à usage particulier sur la parcelle de terrain cadastrée section B n° [Cadastre 14], que les époux [LO] autorisent les propriétaires du lot n° 2 à utiliser le passage piétons sur ladite parcelle n° [Cadastre 14], et que jusqu'au parking, il y aura un droit de passage pour automobile.
*****
Par acte notarié du 10 août 2001, [F] [X] a vendu à [R] [J] épouse [N], le lot n° 1 de l'immeuble en copropriété cadastré section AI n° [Cadastre 8] dont l'état descriptif de division a été établi suivant acte reçu le 6 juin 1990 par Maître [O], la moitié indivise d'un passage donnant accès à cet immeuble, cadastré AI [Cadastre 11] pour 1a 19ca et AI [Cadastre 13] pour 2a 19ca, et un terrain cadastré AI [Cadastre 9] pour 3a 62ca, sur lequel sont édifiés divers garages ou appentis.
Il est mentionné dans cet acte :
-que [F] [X] était propriétaire de ces biens pour les avoir acquis le 8 octobre 1999 de [P] [M] à qui sa mère en avait fait donation par acte du 6 juin 1990,
-qu'il existe une servitude de passage grevant la parcelle AI [Cadastre 13] au profit des parcelles cadastrées AI [Cadastre 12], AI [Cadastre 2] et AI [Cadastre 3]
Selon acte reçu le 6 juin 1990 par Maître [O], [MX] [BW], veuve d'[C] [M], a en effet fait donation :
-à sa fille [OF] [M] épouse [S] :
-de la moitié indivise du passage cadastré AI [Cadastre 11] pour 1a 19ca et AI [Cadastre 13] pour 2a 19ca,
-du terrain cadastré AI [Cadastre 10] pour 2a 70ca, sur lequel sont édifiés divers garages ou appentis,
-du lot n° 2 de l'immeuble en copropriété cadastré AI [Cadastre 8],
-Ã son fils [P] [M] :
-de la moitié indivise du passage cadastré AI [Cadastre 11] pour 1a 19ca et AI [Cadastre 13] pour 2a 19ca,
-du terrain cadastré AI [Cadastre 9] pour 3a 62ca, sur lequel sont édifiés divers garages ou appentis,
-du lot n°1 de l'immeuble en copropriété cadastré AI [Cadastre 8].
Il est notamment mentionné dans cet acte :
-que selon un document d'arpentage dressé par le géomètre-expert [G] [Y] sous le numéro 2230H, la parcelle AI [Cadastre 4] a été divisée en quatre nouvelles parcelles respectivement cadastrées AI [Cadastre 8], AI [Cadastre 9], AI [Cadastre 10] et AI [Cadastre 11], et la parcelle AI [Cadastre 6] a été divisée en deux nouvelles parcelles respectivement cadastrées section AI [Cadastre 12] et AI [Cadastre 13]
-que la parcelle AI [Cadastre 13] est comprise dans la donation-partage, tandis que la parcelle AI [Cadastre 12] est en fait la propriété des époux [D]-[A], pour leur provenir de l'acquisition faite aux termes d'un acte reçu le 20 décembre 1978 par Maître [K], notaire à [Localité 19].
Une clause intitulée « interdiction par madame veuve [M] », y est également insérée dans les termes suivants :
« Madame veuve [M], donatrice aux présentes, interdit spécialement aux donataires qui s'y soumettent, le droit de surélever tant le garage que l'appentis compris dans la présente donation partage et attribués, le garage à monsieur [P] [M], et l'appentis à madame [S]. Monsieur [P] [M] et Madame [S] acceptent expressément cette présente clause. »
Par acte notarié du 30 juillet 1997, [OF] [M] a fait donation, avec d'autres biens, de la nue-propriété de la moitié indivise de la parcelle AI [Cadastre 13] à sa fille [Z] [H], et ces dernières ont vendu cette moitié indivise à [R] [J] selon acte notarié du 11 septembre 2007.
*****
[R] [J] ayant procédé à la surélévation des constructions édifiées sur sa parcelle AI [Cadastre 9] ainsi que d'un mur, [E] [H] l'a, par acte du 1er août 2007, assignée aux fins :
-d'entendre dire que les constructions qu'elle a édifiées violent la servitude conventionnelle acceptée par celle-ci,
-qu'il lui soit ordonné de démolir la surélévation du garage, de l'appentis et du mur construit sur son mur.
Par jugement du 9 septembre 2009, le tribunal de grande instance de DRAGUIGNAN
a :
-débouté [E] [H] de l'ensemble de ses demandes,
-fait interdiction à [E] [H] de stationner des véhicules lui appartenant ou de laisser stationner ceux de son épouse ou de ses visiteurs et ce, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée,
-condamné [E] [H] à payer à [R] [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné [E] [H] aux entiers dépens.
[E] [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 29 septembre 2009.
Aux termes de ses conclusions déposées le 28 janvier 2010, auxquelles il convient de se référer, il demande à la cour :
-de dire et juger que les constructions édifiées par [R] [J] violent la servitude conventionnelle acceptée par celle-ci,
-en conséquence,
-d'ordonner la démolition :
-de la surélévation du garage devenu villa,
-de la surélévation de l'appentis,
-du mur construit sur son mur sans son autorisation ni son accord, et en violation de ses droits, le tout sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans les huit jours suivant la notification de la décision à intervenir,
-en toute hypothèse,
-de débouter [R] [J] de sa demande reconventionnelle comme non fondée ni en fait ni en droit,
-de condamner [R] [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait notamment valoir :
-que la clause de l'acte du 6 juin 1990 intitulée « interdiction par madame veuve [M] », s'analyse en une servitude conventionnelle « non aedificandi » et qu'il ne s'agit nullement d'une obligation purement personnelle qui incombe au donataires, d'une part, et qui bénéficie à la donatrice, d'autre part, comme l'a retenu le premier juge,
-qu'il en résulte que [R] [J] a surélevé son garage et son appentis en violation de cette servitude, et qu'en application de l'article 1143 du code civil, il est en droit de demander que ce qui a été fait en contravention de l'engagement soit détruit,
-que le mur que [R] [J] a surélevé de plusieurs rangée de parpaings, soutient les terres de la parcelle AI [Cadastre 12] et ne peut donc être la propriété de cette dernière,
-que ce mur a été surélevé en violation des règles d'urbanisme prescrivant une hauteur maximale des murs de clôture de deux mètres,
-que [R] [J] a fait l'objet le 28 février 2006 d'un refus de conformité pour les travaux, objet du permis de construire n° PC 83 119 03XC092 pour cinq motifs :
« extension de 1 m² de la salle de bains et chambre n° 2
-les dimensions de la construction ne correspondent pas au permis de construire,
-création d'un 'il de b'uf
-jardinière non réalisée,
-réalisation d'un mur de clôture en limite ouest de 2 m de hauteur »,
-que les services de l'urbanisme précisaient « vous vous êtes placée en état d'infraction susceptible d'être punie des peines prévues à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme conformément à l'article L. 480-1 dudit code, je suis tenu de faire dresser procès-verbal de l'infraction et d'en transmettre copie sans délai au ministère public »,
-que c'est donc bien la mise en 'uvre de l'autorisation d'urbanisme qui pose problème et par conséquent l'atteinte à la règle de doit civil,
-que les parcelles sont situées en zone UC du POS de la commune de [Localité 19] qui limite à 2 m de hauteur les murs de clôture alors même que le mur de clôture rehaussé par [R] [J] atteint 2,90 m à 3,10 m,
-qu'il ne possède pas de permis de conduire, que contrairement aux allégations de [R] [J] il ne gare aucun véhicule puisqu'il ne conduit pas, et que son épouse se gare devant son domicile, systématiquement devant le portail édifié en retrait de la limite de sa propriété à l'intérieur de sa propriété, ce qui a pour conséquence l'absence de gêne causée par quelque véhicule que ce soit.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 septembre 2010, auxquelles il convient de se référer, [R] [J] demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, ainsi que la condamnation de [E] [H] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue par le conseiller de la mise en état le 1er février 2011.
Le 11 février 2011, [E] [H] a déposé de nouvelles conclusions et communiqué une pièce n° 55.
[R] [J] a conclu à l'irrecevabilité de ces conclusions et de cette nouvelle pièce.
Motifs de la décision :
Sur la procédure :
Attendu qu'il résulte des articles 783 et 784 du code de procédure civile, d'une part, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, d'autre part, que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ;
Attendu que par avis du 8 septembre 2010, les parties ont été informées que l'ordonnance de clôture serait rendue le 1er février 2011 ; que [E] [H] n'invoquant aucune cause grave permettant de révoquer cette ordonnance, il convient de déclarer irrecevable les conclusions qu'il a déposées le 11 février 2011 et la pièce n° 55 qu'il a produite le même jour ;
Sur les demandes de [E] [H] :
Attendu qu'à supposer qu'une servitude ait été instituée aux termes de la clause intitulée « interdiction par madame veuve [M] », insérée dans l'acte de partage du 6 juin 1990, la parcelle AI [Cadastre 12] ne peut en être bénéficiaire puisqu'elle a été expressément exclue du partage comme étant la propriété des époux [D]-[A] et non celle de la donatrice ; que [E] [H] n'invoquant par ailleurs aucun préjudice en relation de cause à effet avec les défauts de conformité en raison desquels le maire de [Localité 19] a, le 28 février 2006, refusé de délivrer un certificat de conformité à [R] [J], c'est par une exacte appréciation que le premier juge l'a débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à cette dernière de démolir la surélévation de son garage devenu villa et de son appentis ;
Attendu qu'aux termes de l'acte de donation-partage du 14 août 1937, [MX] [BW] épouse [M] a reçu une partie de l'article 2 de la masse des biens à partager et que cet article 2 comprenait « une petite propriété ('), maison édifiée dessus avec remise et écurie attenante, le tout clos de murs, confrontant dans son ensemble : du nord Toulan et chemin du lotissement, du sud impasse et chemin du lotissement, de l'ouest l'article quatre ci-après et de l'est la cave coopérative » ; que sur le plan annexé à cet acte, un mur entourant cette propriété est effectivement représenté, ce qui permet d'établir qu'il faisait partie de celle-ci et qu'en conséquence il fait actuellement partie intégrante des parcelles AI [Cadastre 9] et AI [Cadastre 11], en sorte que [E] [H] n'en est pas propriétaire et que [R] [J] a pu le surélever sans porter atteinte à ses droits ; que [E] [H] n'invoquant par ailleurs aucun préjudice en relation de cause à effet avec la méconnaissance de la règle d'urbanisme qu'il invoque en ce qui concerne la hauteur des murs de clôture, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à [R] [J] de démolir le mur de clôture qu'elle a édifié ;
Sur la demande reconventionnelle de [R] [J] :
Attendu qu'il résulte de deux procès-verbaux de constat établis le 23 novembre 2005 et le 7 janvier 2009 par l'huissier de justice [I] [V] à la demande de [R] [J] que la parcelle AI [Cadastre 12] est encombrée d'objets en tout genre, qu'aucun véhicule ne peut y pénétrer et qu'un fourgon immatriculé [Immatriculation 15] est régulièrement stationné devant le portail d'accès à cette parcelle, sur la parcelle AI [Cadastre 13] de [R] [J] ; que dans une attestation qu'elle a établie 1er mars 2009, [OF] [M] indique que ce véhicule appartient à [E] [H] ou à son épouse, ce que ce dernier ne conteste pas ; que la parcelle AI [Cadastre 12] ne bénéficiant que d'un droit de passage sur la parcelle AI [Cadastre 13], le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait interdiction à [E] [H] de stationner des véhicules lui appartenant ou de laisser stationner ceux de son épouse ou de ses visiteurs, sous peine d'astreinte ;
Par ces motifs :
Déclare irrecevables les conclusions que [E] [H] a déposées le 11 février 2011 et la pièce n° 55 qu'il a produite le même jour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne [E] [H] à payer la somme de 3 000 euros à [R] [J],
Le condamne aux dépens et autorise la SCP Marie-Josée de SAINT-FERREOL et Colette TOUBOUL, avoués, à recouvrer directement contre lui, ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLE PRESIDENT