COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 05 AVRIL 2011
N° 2011/ 271
Rôle N° 09/14667
[B] [K]
C/
CNAMTS - CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES
Monsieur le PREFET DE REGION PACA
D.R.A.S.S
Grosse délivrée le :
à :
-Me Nathalie RORET, avocat au barreau de PARIS
- [K] [B]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Juillet 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1868.
APPELANT
Monsieur [B] [K], demeurant [Adresse 7]
comparant en personne, assisté de M. [W] [C] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMES
CNAMTS - CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIES, demeurant [Adresse 3]
comparant en personne, assistée de Me Nathalie RORET, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Olivier BARRAT, avocat au barreau de PARIS
Monsieur le PREFET DE REGION PACA, demeurant [Adresse 1]
non comparant
D.R.A.S.S, demeurant [Adresse 2]
non comparante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Mars 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Christian BAUJAULT, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller rapporteur
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2011.
ARRÊT
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Avril 2011.
Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés - CNAMTS a embauché [B] [K] à compter du 1er Août 1993 en qualité de médecin conseil stagiaire, affecté au contrôle médical de la région de [Localité 8], échelon local [Localité 5] ; ce dernier était titularisé le 1er Février 1994.
Disant avoir débuté à la fin de l'année 2002 une activité syndicale au sein du syndicat autonome des praticiens conseils dont il a été un des responsables sur le plan régional puis au niveau national, exerçant les fonctions de représentant et élu syndical et soutenant avoir subi un retard dans l'évolution de sa carrière, [B] [K] saisissait, le 4 Juillet 2008, le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer un rappel de salaire et des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale.
Il expliquait notamment, dans ses conclusions ultérieures, qu'il n'avait bénéficié, durant cette dernière période de 5 ans, que d'un avancement fondé sur son ancienneté, sans jamais recevoir de promotion au choix, contrairement à la majorité des autres praticiens conseils qui avaient connu une évolution de carrière au choix tous les 3 ans et soutenait que la CNAMTS avait pratiqué la discrimination à l'encontre d'autres membres de son organisation.
Il formait donc les demandes suivantes :
- des dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 20.000 Euros,
- application de l'article 700 du Code de Procédure Civile : 1.500 Euros.
Pour sa part, la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés concluait au rejet des demandes de [B] [K] et à sa condamnation à hauteur de 3.000 Euros au titre des frais irrépétibles, exposant que le médecin conseil ne rapportait pas la preuve d'une discrimination syndicale et du préjudice allégué, que son avancement s'était déroulé dans la stricte application des textes, qu'au contraire il avait bénéficié d'un avancement au choix le 1er Juillet 2008 par l'attribution de points au titre de sa contribution personnelle.
La juridiction prud'homale a rendu sa décision le 10 Juillet 2009 ; les premiers juges, considérant que la discrimination syndicale n'était pas établie, ont débouté [B] [K] de toutes ses prétentions ; ils ont également rejeté la demande reconventionnelle de la CNAMTS.
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Par pli recommandé expédié le 28 Juillet 2009, [B] [K] a régulièrement interjeté appel de la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes de Marseille.
Dans ses écritures déposées et ses explications données lors des débats, [B] [K] sollicite :
- le rejet de 4 pièces adverses n°9, 11, 11 à nouveau et 12 pour non-respect de la procédure contradictoire, leur contenu ne lui permettant pas de vérifier leur bien-fondé,
- la réformation du jugement entrepris,
- le constat que la discrimination dont il se dit victime, est caractérisée et démontrée,
- la condamnation de la caisse à lui verser une somme de 50.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la discrimination syndicale subie, des entraves au déroulement de sa carrière, du préjudice moral souffert, des menaces et chantage à l'emploi exercés à son encontre,
- l'attribution de la somme de 1.500 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Outre le retard pris dans l'évolution de sa carrière, [B] [K] dénonce une exécution déloyale du contrat de travail par son employeur, l'absence d'aménagement de sa charge de travail pour la rendre compatible avec l'exercice de son activité syndicale, des menaces proférées du fait de ses absences syndicales.
En réplique, tant dans ses écritures que dans ses observations orales, la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés conclut à la confirmation de la décision déférée, au rejet des demandes de [B] [K], à sa condamnation à lui verser une somme de 3.000 Euros au titre des frais irrépétibles ; elle fait valoir notamment que [B] [K] a connu une évolution professionnelle le plaçant en 4ème position parmi les 11 médecins conseils recrutés en même temps que l'appelant ; elle expose que l'intéressé ne fournit aucun élément de fait laissant supposer une discrimination à son encontre.
Monsieur le Préfet des Bouches du Rhône et la direction régionale de l'action sanitaire et sociale ont été régulièrement convoqués.
MOTIFS DE LA DECISION
S'agissant de la demande de [B] [K] de voir écarter quatre pièces adverses, il y a lieu de constater que les documents en question ont été régulièrement produits par la CNAMTS avant les débats oraux et que le salarié conteste non pas les conditions de leur communication mais la valeur des documents versés par l'employeur ;ainsi il n'y a pas lieu de faire droit aux prétentions de [B] [K] en la matière.
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1) Aux termes des dispositions de l'article L. 2141-5 du Code du Travail, anciennement référencé L.412-2, il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.
[B] [K], qui se prétend victime de mesures discriminatoires, a la charge de soumettre les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe de l'égalité de traitements entre les salariés et il incombe à la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, qui conteste la réalité d'une discrimination syndicale d'établir que les éventuelles disparités de situation mises en évidence sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
2) La réalité des activités syndicales de [B] [K] en tant que représentant, élu et responsable est établie puisqu'il :
- a exercé les fonctions de secrétaire régional du Syndicat Autonome des Praticiens Conseils du régime général d' assurance maladie (SAPC) à partir de Juillet 2003 et de secrétaire national depuis Mars 2007,
-a été élu en Mai 2002 en qualité de représentant suppléant, en Mai 2004, Mai 2006 et Mars 2010 de représentant titulaire pour le compte de cette organisation au comité régional de concertation des praticiens conseils du service médical de la région de [Localité 8] et de PACA- [Localité 6],
- est intervenu à plusieurs reprises de 2005 à 2008 pour le SAPC au sein du comité technique paritaire des praticiens conseils et de la commission sur l'intéressement,
- a figuré sur la liste des personnes habilitées à assister un salarié lors de l'entretien préalable au licenciement dressée par le Préfet des Bouches du Rhône en Août 2007 en qualité de conseiller proposé par une organisation syndicale,
- a été désigné comme délégué syndical national ,régional et départemental en Novembre 2006 par le SAPC, nommé en 2005 par cette organisation pour participer aux négociations sur la convention collective des praticiens conseils et les salaires annuels.
3)[B] [K] fonde en premier lieu sa mise en cause de la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés pour discrimination syndicale sur son évolution de carrière, disant ne pas avoir bénéficié d'un avancement au choix à partir de 2003.
Jusqu'en 2006, l'avancement des praticiens conseils était régi par le décret du 24 Mai 1969 fixant le statut des praticiens conseils chargés du service du contrôle médical du régime général de la Sécurité Sociale ; ce texte précisait en son article 18 les règles d'avancement des médecins conseils, à savoir :
- l' avancement d'un échelon à un échelon immédiatement supérieur se déroulait par ancienneté ou au choix pour les premiers échelons à l'exception du dernier échelon,
- l'avancement à l'ancienneté avait lieu tous les 5 ans,
- l'avancement au choix ne pouvait intervenir qu'au bout de 2 années au moins.
Il résulte des éléments fournis que [B] [K] a connu durant cette période la progression professionnelle suivante :
- un recrutement en qualité de médecin conseil stagiaire le 1er Août 1993 : échelle 105 - échelon 0,
- une titularisation aux fonctions de médecin conseil à compter du 1er Février 1994 : échelle 113 - échelon 0,
- le passage à l'échelon 1 -coefficient 113 le 1er Janvier 1996,
- le passage à l'échelon 2 -coefficient 113 le 1er Janvier 2000,
- le passage à l'échelon 3 -coefficient 113 le 1er Janvier 2003.
A cette date, un procès-verbal de réunion du comité régional de concertation faisait apparaître que le passage de l'échelon 3 à l'échelon 4 demandait en moyenne 3, 5 ans ; partant, sur la base de cette moyenne, [B] [K] pouvait escompter l'attribution de l'échelon 4 en milieu d' année 2006 et ne pouvait bénéficier d'un avancement au choix qu'après le 1er Janvier 2005.
A compter de 2006, cet avancement a été déterminé par les dispositions de la convention collective nationale de travail des praticiens conseils du régime général de la Sécurité Sociale du 4 Avril 2006 ; [B] [K] relevait du niveau de classification A, c'est-à-dire de celui des praticiens conseils du service du contrôle médical ; le coefficient de qualification minimum était chiffré à 570 et le coefficient maximum de ce niveau à 925 ; la progression salariale s'opérait ainsi :
- la prise en compte de l'expérience professionnelle permettait l'attribution de 30 points d'expérience par tranche de 5 ans révolus d'exercice médical, avec un maximum de 150 points,
- la prise en compte de la contribution personnelle permettait l'attribution de points 'destinée à rétribuer l'investissement personnel et la contribution à la réalisation des objectifs fixés', et dont le nombre se situait annuellement entre 20 et 30 points.
En Octobre 2006, [B] [K] était classé au coefficient 696 ; le 1er Janvier 2008, son coefficient professionnel s'élevait à 726 points ; à partir du 1er Juillet 2008, il bénéficiait d'une attribution de 30 points de contribution personnelle.
Certes, [B] [K] n'a perçu aucun point de contribution personnelle en 2007 alors que de telles attributions étaient accordées à 52 autres médecins conseils mais [B] [K] ne donne aucun élément susceptible de démontrer que les praticiens conseils, qui n' appartenaient pas à son organisation syndicale, ont 'quasiment tous' bénéficié de points de contribution professionnelle dont lui a été privé pendant la période 2006-2007 en raison de son appartenance syndicale.
En revanche, la CNAMTS produit utilement un tableau qui mentionne utilement que [B] [K], qui avait le coefficient 756 au 1er Juillet 2008, qui avait été recruté en 1993 en même temps que 10 autres praticiens conseils, avait connu une progression professionnelle plus que favorable puisque se situant au 4ème rang de progression sur la liste des 11 médecins en 2008.
Les différentes procédures concernant des litiges ayant déjà opposé des salariés de la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés à leur employeur et les actions menées par la caisse, peu important étant leur bien-fondé, à l'encontre de certains médecins conseils, ne permettent pas d'apprécier la réalité des faits de discrimination dénoncés par [B] [K], seuls les faits personnellement subis et allégués par l'intéressé étant susceptibles de caractériser précisément des actes discriminatoires dont il aurait été la victime.
Contrairement à ce qu'a affirmé [B] [K], le protocole d'accord sur l'exercice du droit syndical ne prévoyait pas un avancement du titulaire d'un mandat syndical tous les 3 ans mais seulement, en son article 14.3, l'obligation de tenir un entretien pour examiner de manière approfondi l'évolution de la carrière du salarié mandaté dont le temps de travail était inférieur à un mi-temps.
Fort à propos, l'employeur souligne également que les activités syndicales de [B] [K] remontent à 2002, ce qui n'a pas fait obstacle, en 2003, à son passage au choix à l'échelon 3.
La CNAMTS a justifié enfin, sa pratique de l'avancement au choix puis de l'attribution de points pour contribution personnelle par deux considérations : d'une part l'attribution des échelons au choix aux praticiens conseils entrés récemment dans l'institution, d'autre part, les contraintes budgétaires et la nécessité de prendre en compte l'obligation imposée sur le plan national de ne pas augmenter la masse salariale.
4) [B] [K] ne fournit pas les pièces nécessaires susceptibles d'accréditer la réalité de ses allégations concernant l'absence d'aménagement de sa charge de travail par son employeur du fait de ses activités ; en effet, sa feuille d'évaluation pour l'année 2006, qu'il a versée aux débats fait ressortir une notation excellente de la part de ses supérieurs hiérarchiques (médecin conseil chef de service et directeur régional) concluant ainsi leur avis : 'bon praticien consciencieux, motivé et soucieux de se perfectionner', de plus, il n'établit pas le lien entre son non-affectation sur un poste d'[Localité 4] en Juin 2008 et l'exercice de ses activités syndicales, étant de surcroît précisé que l'intéressé a été affecté à sa demande à [Localité 9].
Les courriers des docteurs [S] [T] et [J] [Y], chefs de service montrent qu'ils ont aménagé ou organisé leur service en tenant compte de l'activité syndicale de [B] [K] ; ses activités dans ce domaine ont été recensées normalement et prises en considération par l'employeur, ainsi qu'en atteste le tableau de suivi du mandat syndical de [B] [K] pour toute l'année 2008.
5) Le fait que le chef de service de [Localité 8] - service médical [11], et le médecin conseil régional aient adressé à [B] [K] les 6 Octobre 2006 et 4 Septembre 2008 des réponses aux précédentes missives que ce dernier avait rédigées en sa qualité de secrétaire régionale de section puis de secrétaire national du SAPC, en expédiant le courrier au '[Adresse 10]'ou sous couvert du médecin chef de service, ne saurait caractériser ni des actes de discrimination syndicales, ni une exécution déloyale du contrat de travail, ni un moyen de pression ou des menaces sur le médecin syndiqué ; il en est de même pour le courrier envoyé à [B] [K] par la direction des ressources humaines, le 10 Novembre 2009, lui demandant de justifier la conformité de ses absences pour raisons syndicales avec les instances syndicales statutaires.
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Dans ces conditions, les demandes de dommages et intérêts formulées par [B] [K] ne sont pas justifiées et il convient de confirmer le jugement déféré.
Sera maintenue la décision des premiers juges qui avaient écarté les prétentions des parties pour les frais irrépétibles de première instance ; l'équité en la cause commande de les débouter de leurs demandes présentées en appel fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile.
[B] [K], qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en matière prud'homale,
Reçoit l'appel réguliers en la forme,
Confirme le jugement déféré rendu le 10 Juillet 2009 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille dans toutes ses dispositions,
Déboute [B] [K] de toutes ses demandes,
Y ajoutant,
Déboute la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés - CNAMTS et [B] [K] de leurs demandes respectives formulées au titre des frais irrépétibles,
Condamne [B] [K] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT