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29/03/2011 | FRANCE | N°10/04796

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 29 mars 2011, 10/04796


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 29 MARS 2011



N°2011/ 256















Rôle N° 10/04796







S.A.S [Adresse 4]





C/



[D] [R]













































Grosse délivrée le :



à :



-Me Alexandre FAVARO, avocat au barrea

u de MARSEILLE



-Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/115.





APPELANTE



S.A.S [Adresse 4], demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Alexandre FAVARO, avocat au ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 29 MARS 2011

N°2011/ 256

Rôle N° 10/04796

S.A.S [Adresse 4]

C/

[D] [R]

Grosse délivrée le :

à :

-Me Alexandre FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Mars 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/115.

APPELANTE

S.A.S [Adresse 4], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alexandre FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [D] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Nicolas FALQUE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2011.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mars 2011

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société [Adresse 4], dont l'activité est la manutention pour le compte d'entreprises extérieures, a embauché [D] [R] à compter du 15 Octobre 1990 en qualité de cariste manutentionnaire ; le salarié était nommé chef de quai à partir du 31 Mai 2007 ; le contrat à durée indéterminée et à temps plein était soumis à la convention collective des auxiliaires des transports routiers de marchandises.

Le 23 Septembre 2008, la société [Adresse 4], qui envisageait la rupture de la relation de travail, convoquait [D] [R] pour un entretien préalable et à l'issue de cette rencontre, qui se tenait le 1er Octobre 2009, l'employeur lui notifiait, par lettre en date du 10 Octobre 2008 , son licenciement pour motif économique, invoquant la dégradation de sa situation commerciale et financière, une baisse d'activité et de chiffre d'affaires de l'entreprise, son déficit d'exploitation, la nécessité de supprimer le poste de chef de quai et le refus du salarié des propositions de reclassement qui lui avaient été faites.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de base du salarié s'élevait à 2.440 Euros et le nombre de salariés de l'entreprise était de 13 éléments.

+++++

[D] [R], qui contestait le bien-fondé de la mesure prise à son encontre, saisissait, le 16 Janvier 2009, le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour obtenir la condamnation de la société [Adresse 4] à lui verser une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et sollicitait l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans ses conclusions ultérieures, il faisait valoir que le motif économique n'était pas justifié dans la mesure où les difficultés dans ce domaine devaient s'apprécier dans le cadre du groupe dont la société [Adresse 4] faisait partie, à savoir le groupe BBL; il affirmait que les chiffres antérieurement fournis à [D] [R] par l'entreprise faisaient état, fin 2007, d'une hausse du chiffre d'affaires et des résultats ; il expliquait, d'autre part, que son employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement et les critères d'ordre des licenciements ; il formait donc les demandes suivantes :

- au principal, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 66.028 Euros,

- subsidiairement, des dommages et intérêts pour non respect des critères de l'ordre des licenciement: 66.028 Euros.

Par ailleurs, [D] [R] chiffrait à 2.500 Euros le montant de ses prétentions au titre des frais irrépétibles.

Pour sa part, la société [Adresse 4], soutenant que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse, qu'elle avait parfaitement respecté ses obligations en matière de reclassement et que l'allégation de violation des critères d'ordre de licenciement était sans fondement puisque le poste occupé par [D] [R] était le seul de sa catégorie, concluait, à titre principal, au rejet des demandes de celui- ci ; subsidiairement, il réclamait la réduction à de plus justes proportions des demandes indemnitaires présentées par [D] [R] ; il demandait enfin sa condamnation à hauteur de 1.000 Euros en application de l'article 700.

La juridiction prud'homale a rendu sa décision le 4 Mars 2010 ; les premiers juges ont condamné la société [Adresse 4] à payer à [D] [R] les sommes suivantes:

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 66.000 Euros,

- dommages et intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements : 14.700 Euros,

- application de l'article 700 du Code de Procédure Civile : 1.000 Euros.

+++++

La société [Adresse 4] a, par pli recommandé expédié le 9 Mars 2010, régulièrement relevé appel du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Marseille qui l'a condamnée.

Dans ses écritures déposées, puis soutenues oralement, reprenant les moyens, conclusions, arguments et éléments présentés en première instance, la société [Adresse 4] conclut à la réformation de la décision entreprise, au caractère justifié du licenciement opéré, à titre principal au rejet de toutes les demandes de [D] [R], subsidiairement à leur réduction à de plus justes proportions, et la condamnation de son ancien salarié à lui verser une somme de 1.000 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

En réplique, dans ses écritures comme dans ses explications verbales données à l'audience, [D] [R] maintient que la société [Adresse 4] n'a pas justifié ses difficultés économiques au niveau du secteur d'activités du groupe, que son employeur n'a fait aucune recherche sérieuse, loyale et individualisée pour le reclasser et que ce denier a manqué à ses obligations en matière d'ordre de licenciement ; il conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et faisant appel incident, [D] [R] forme les demandes suivantes :

-à titre principal,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 90.000 Euros,

-à titre subsidiaire ,

- dommages-intérêts pour non- respect de l'ordre des licenciements : 90.000 Euros,

- en tout état de cause,

- indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile: 2.500 Euros.

MOTIFS DE LA DECISION

Dans la lettre de rupture du 10 Octobre 2008 adressée par la société [Adresse 4] à [D] [R] et qui fixe les limites du litige, l'employeur justifiait le licenciement pour motif économique de l'intéressé par la dégradation de sa situation commerciale et financière et une dégradation de l'environnement économique sur le port de [3] marqué par des mouvements de grèves longs générant un détournement des activités sur d'autres ports européens, une baisse sensible et constante du chiffre d'affaires de l'entreprise (10% depuis 2004), la baisse du ratio du chiffre d'affaires par salarié (74.000 Euros en 2004 contre 69.500 Euros en 2007), son déficit d'exploitation à la fin de l'exercice 2007, de mauvaises perspectives pour l'année 2008, la perte d'un marché avec un client important, la société ECULINE, représentant 2/3 du chiffre d'affaires, les difficultés pour capter d'autres marchés de substitution, la nécessité de rationaliser les coûts de fonctionnement et de supprimer le poste de chef de quai et le refus du salarié des propositions de reclassement, qui lui avait été faite le 12 Septembre 2008, au sein du groupe.

Constitue un licenciement économique un licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou d'une transformation d'emploi ou une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

En l'espèce, à partir des pièces fournies par les parties, la Cour constate que :

- 1)la société [Adresse 4] appartenait à un vaste groupe de 16 sociétés à la tête duquel se trouvait la société BBL INVEST SA ; si les difficultés économiques rencontrées en 2008 par la société [Adresse 4] sont établies, il reste que ce groupe ne connaissait pas de telles difficultés ; fort à propos, [D] [R] a communiqué une lettre du 13 Novembre 2007 de la société Groupe BBL Transport, signée par le président de BBL INVEST SA, mentionnant sa croissance et ses performances accrues depuis 2 ans et précisant : 'le groupe et les entreprises qui la composent sont beaucoup plus forts' ; à ses dires, ils constituaient un réseau, route et maritime, crédible sur lequel les partenaires commerciaux pouvaient compter ; or les difficultés économiques justifiant un licenciement doivent s'apprécier au niveau du groupe, dans la limite du secteur d'activité auquel l'employeur appartient .

En l'espèce, la société [Adresse 4], qui s'est limitée à verser 6 fiches concernant l'activités de sociétés appartenant au groupe, ne permet pas de conclure que les autres entreprises du groupe exerçaient leurs activités dans un secteur différent du sien ; au contraire, la majorité de ces entreprises avait manifestement pour objet le transport de marchandises par voie maritime ou routière et constituait un réseau d'entreprises formant par ses diverses filiales une unité économique ; de surcroît, la note dressée par la société [Adresse 4] le 11 Septembre 2008 et qui proposait à l'ensemble des salariés des mesures destinées à éviter les licenciements, mentionnait également l'existence du groupe BBL et de ses filiales ; pour cette première raison, le licenciement de [D] [R] était sans cause réelle et sérieuse.

- 2)les offres de reclassements faites à [D] [R] (employée administrative société BBL Shipping - ouvrier BBL Rhône Alpes - employée administrative BBL IDF) dans la lettre du 23 Septembre 2008 le convoquant à son entretien préalable, avaient déjà été citées dans les mesures destinées à favoriser le reclassement des salariés énoncées dans la note économique et sociale du 11 Septembre précédent ; elles ne caractérisent pas des recherches individualisées par la société [Adresse 4] de reclasser [D] [R], ainsi qu'un examen précis et personnalisé des possibilités de le reclasser ; il y a lieu de constater que l'employeur n'a pas même pris soin d'individualiser ses offres puisqu'il a proposé, de manière pour le moins théorique, à [D] [R] les deux emplois suivants 'employée administrative' ; or, les offres de reclassement devaient être concrètes, précises et personnalisées ; dès lors, la société [Adresse 4] n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et pour cette seconde raison, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de [D] [R] sans cause réelle et sérieuse.

+++++

[D] [R] est fondé à réclamer une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce sur la base des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du Travail, les documents et pièces fournies faisant apparaître que la société [Adresse 4] employait au moins 11 salariés au moment de la notification du licenciement, à savoir le registre du personnel, la note économique et sociale de Septembre 2008 et l'attestation ASSEDIC délivrée par l'employeur le 12 Novembre 2008.

Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise (18 ans), du montant de son salaire, de la durée du chômage justifié par l'intéressé jusqu'en Septembre 2010, de l'impossibilité par suite de son licenciement d'une nouvelle insertion professionnelle satisfaisante, de la différence entre le salaire qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler au service de l'employeur et des indemnités de chômage qui lui ont été versées, il sera accordé à [D] [R] une somme de 55 .000 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision déférée sera réformée sur le montant de cette indemnité.

+++++

La société [Adresse 4] étant condamnée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, [D] [R] ne peut prétendre, en sus, à des dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements, qui d'ailleurs, n'avaient été réclamés par le salarié que subsidiairement ; dans ces conditions, il n'y a pas lieu de rechercher si l'employeur a respecté l'ordre des licenciements.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera réformé sur ce point.

+++++

L'équité en la cause commande de condamner la société [Adresse 4], en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, à payer à [D] [R] la somme de1.500 Euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; sera également maintenue la somme allouée à [D] [R] par les premiers juges pour les frais irrépétibles de première instance (1.000 Euros).

La société [Adresse 4], qui succombe, supportera les dépens et sera déboutée de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Réforme le jugement déféré rendu le 4 Mars 2010 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille en ce qu'il a condamné la société [Adresse 4] à payer à [D] [R] les sommes suivantes :

- indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : 66.000 Euros,

- dommages et intérêts pour inobservation de l'ordre des licenciements : 14.700 Euros,

Statuant à nouveau,

Condamne la société [Adresse 4] à payer à [D] [R] la somme de 55.000 Euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Rejette la demande de dommages et intérêts présentées par [D] [R] au titre de l'inobservation de l'ordre des licenciement,

Confirme pour le surplus la décision entreprise,

Y ajoutant,

Déboute la société [Adresse 4] de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société [Adresse 4] à payer à [D] [R] une somme de 1.500 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et la condamne à supporter les dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 10/04796
Date de la décision : 29/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°10/04796 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-29;10.04796 ?
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