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24/03/2011 | FRANCE | N°08/09223

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 24 mars 2011, 08/09223


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2011



N° 2011/ 205













Rôle N° 08/09223







S.A.R.L. EUROFIDUCIA

[W] [R]





C/



S.A.R.L. PROGECO

[X] [T]

SA CIE D'ASSURANCE AXA FRANCE IARD





















Grosse délivrée

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SCPBLANC

SCP BOISSONNET

SCP BOTTAI

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 28 Avril 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F708.





APPELANTS



S.A.R.L. EUROFIDUCIA,

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis., demeurant [Adr...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 24 MARS 2011

N° 2011/ 205

Rôle N° 08/09223

S.A.R.L. EUROFIDUCIA

[W] [R]

C/

S.A.R.L. PROGECO

[X] [T]

SA CIE D'ASSURANCE AXA FRANCE IARD

Grosse délivrée

le :

à :

SCPBLANC

SCP BOISSONNET

SCP BOTTAI

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 28 Avril 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F708.

APPELANTS

S.A.R.L. EUROFIDUCIA,

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis., demeurant [Adresse 4]

représentée par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour,

assistée par Me Marina POUSSIN, avocat au barreau de NICE substitué par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Maître [W] [R]

pris en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la SA EUROFIDUCIA

intervenant volontaire

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 9] (ALGERIE), demeurant [Adresse 6]

représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour,

assisté par Me François CREPEAUX, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

S.A.R.L. PROGECO,

prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis., demeurant [Adresse 7]

représentée par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,

assistée par Me Christian BOITEL, avocat au barreau de NICE

Monsieur [X] [T]

né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 10], demeurant [Adresse 8]

défaillant

SA CIE D'ASSURANCE AXA FRANCE IARD

dont le siége social est [Adresse 5]

prise en la personne de son agent M. [P], demeurant [Adresse 3]

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 Février 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2011,

Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL PROGECO, qui exerce une activité de domiciliation et de maîtrise d'ouvrage pour le compte de sociétés de construction, vente d'immeubles, a confié à la SARL EUROFIDUCIA, société d'expertise comptable, la tenue et l'établissement de sa comptabilité, de ses bordereaux de déclaration de TVA et de ses déclarations fiscales de novembre 2002 à mai 2006.

Du 18 septembre au 20 novembre 2006, la SARL PROGECO a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité par les services fiscaux concernant notamment les exercices 2003-2004-2005 au titre de l'impôt sur les sociétés et les exercices du 15 juillet 2002 au 30 juin 2006 au titre des déclarations de TVA.

Cette vérification a donné lieu à un redressement d'un montant de :

- 158 164 euros au titre de la TVA,

-15 903 euros au titre des pénalités de retard,

- 63 266 euros au titre de majorations pour mauvaise foi,

-13 946 euros au titre de l'impôt sur les sociétés,

- 722 euros d'intérêts de retard,

- 4 269 euros de majorations pour dépôt tardif de déclarations.

Le 10 août 2007, la SARL PROGECO a assigné la SARL EUROFIDUCIA devant le Tribunal de Commerce de NICE aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 104 160 euros à titre de dommages et intérêts arrêtés au 31 décembre 2006 avec intérêts à compter de l'assignation et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Par jugement en date du 28 avril 2008, le Tribunal de Commerce de NICE a condamné la SARL EUROFIDUCIA à payer à la SARL PROGECO la somme de 72 525 euros à titre de dommages et intérêts avec les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, outre la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

Par déclaration en date du 23 mai 2008, la SARL EUROFIDUCIA a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions notifiées et déposées le 21 mars 2010, la SARL EUROFIDUCIA demande à la cour de :

déclarer communes à la compagnie AXA FRANCE IARD et à M. [X] [T] les dispositions de l'arrêt à intervenir,

réformer en toutes ses dispositions le jugement dont il est fait appel,

rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la SARL PROGECO,

ordonner toute mesure d'instruction comptable qu'elle jugerait utile afin de déterminer si les bordereaux de TVA incriminés ont été établis sur factures comme le prétend la SARL PROGECO,

subsidiairement, constater que la SARL PROGECO ne justifie que du paiement de la seule somme de 83 998 euros au profit de l'administration fiscale, et non des 84 160 euros dont elle réclame indemnisation,

constater que la SARL PROGECO ne justifie d'aucune reprise de comptabilité ou reprise de déclaration fiscale pour lesquelles elle réclame une indemnité exorbitante de 20 000 euros,

condamner la SARL PROGECO à verser à la SARL EUROFIDUCIA une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du CPC,

L'appelante estime pouvoir appeler à la procédure la compagnie AXA FRANCE IARD au motif qu'elle est l'assureur de responsabilité civile de la SARL EUROFIDUCIA laquelle, par assignation en date du 7 juillet 2009, l'a appelée en garantie des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 28 avril 2008, dans le cadre d'une instance actuellement pendante devant le Tribunal de Grande Instance de NICE.

Elle estime également pouvoir appeler à la procédure M. [X] [T], qui est un ancien collaborateur de la SARL EUROFIDUCIA et qui s'est engagé par convention en date du 21 mai 2008 à prendre en charge toutes les conséquences financières que pourrait avoir la mise en cause de la société EUROFIDUCIA dans le cadre de différents litiges, dont celui concernant la SARL PROGECO, dans le cadre d'une instance actuellement pendante devant le Tribunal de Grande Instance de NICE, aux fins d'être condamné au titre des engagements souscrits le 21 mai 2008.

L'appelante conteste avoir commis des irrégularités dans la tenue de comptabilité de la SARL PROGECO, et soutient, s'agissant de la TVA, que la SARL PROGECO, dans les déclarations trimestrielles de TVA, a volontairement et délibérément minoré les chiffres d'affaires encaissés afin de réguler la trésorerie de son groupe, dès lors que la SARL PROGECO ne disposait pas en banque de la trésorerie nécessaire au paiement de l'ensemble de la TVA collectée, et que la gérante de la SARL PROGECO, Mme [S] [Y], détenait des créances et consentait des délais de paiement aux autres sociétés de son groupe dans lesquelles elle était associée, parfois majoritaire et gérante.

Elle affirme que Mlle [Y] n'a payé que la TVA qu'elle voulait bien payer ou pouvait payer, et que pour ce faire elle a manifestement bénéficié de la complicité de M. [T] qui a élaboré les bordereaux de déclaration de TVA erronés sans rapport avec la TVA réellement due, et avec la réalité des encaissements, elle soutient que les erreurs qui affectent les bordereaux de déclaration de TVA ne seraient en réalité que la conséquence d'instructions données par la gérante dans le but d'éluder le paiement de la TVA.

Elle conteste avoir commis un aveu judiciaire en ayant indiqué dans des conclusions signifiées le 10 octobre 2008 avoir établi les bordereaux de déclaration de TVA litigieux au vu des factures remises par PROGECO, précisant qu'il s'agit d'une erreur de fait du précédent conseil de la société et que l'expert judiciaire requis par celle-ci, précise que les bordereaux de déclarations de TVA incriminés n'ont pas été établis sur la base des factures remises par PROGECO.

Enfin, s'agissant des déclarations au titre de l'impôt sur les sociétés, l'appelante déclare qu'elle a rencontré des difficultés à établir les bilans dans les délais légaux en raison du comportement de la société PROGECO qui n'a pas donné toutes les informations nécessaires en temps utiles pour calculer un montant correct d'impôt sur les sociétés, obligeant ainsi la société EUROFIDUCIA a créer des comptes d'attente et à solliciter tous justificatifs et renseignements.

Par conclusions déposées et notifiées le 25 novembre 2010, la SARL PROGECO demande à la cour de :

constater que la société EUROFIDUCIA a expressément reconnu établir les bordereaux de déclaration de TVA de la société PROGECO au vu de ses factures,

dire et juger que cette reconnaissance vaut aveu judiciaire,

en conséquence, dire et juger que la société EUROFIDUCIA n'est pas fondée à justifier de ses fautes en invoquant désormais de prétendues instructions de la société PROGECO données en vue d'éluder le paiement de la TVA,

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SARL EUROFIDUCIA pour les nombreuses fautes commises en sa qualité d'expert comptable de la société concluante,

l'émender en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à la société PROGECO,

en conséquence, condamner la SARL EUROFIDUCIA à payer à la société PROGECO la somme de 104 160 euros à titre de dommages et intérêts arrêtés au 31 décembre 2006 avec intérêts à compter de l'assignation du 10 août 2007 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

condamner la société EUROFIDUCIA à payer à la société PROGECO la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.

La SARL PROGECO soutient que la société EUROFIDUCIA a expressément reconnu dans ses conclusions du 10 octobre 2008, qu'elle avait établi les bordereaux de déclaration de TVA au seul vu des factures transmises, alors que le fait générateur de la TVA n'est pas constitué par l'émission de factures, mais par les seuls encaissements et cette déclaration constitue un aveu judiciaire qui établit la faute commise résultant de la mise en oeuvre d'une méthodologie erronée (prise en compte des factures et non des encaissements) dans l'établissement des bordereaux TVA.

La SARL PROGECO soutient que c'est à tort que la société EUROFIDUCIA prétend que la SARL PROGECO n'était pas en mesure de régler la TVA réellement due, et qu'elle aurait prétendument donné instruction à son expert comptable d'établir de 'fausses déclarations de TVA, dès lors que les bordereaux de déclaration établis par la société EUROFIDUCIA ne faisaient pas apparaître une dette de TVA dont le règlement aurait imposé de recouvrer tout ou partie des créances détenues sur d'autres sociétés du même groupe'.

S'agissant des déclarations au titre de l'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2005, la SARL PROGECO fait valoir que la société EUROFIDUCIA a commis une faute en faisant apparaître en bénéficie une somme de 107 290 euros au lieu de la somme de 149 028 euros sans jamais régulariser cette déclaration.

La SARL PROGECO indique que le montant des pénalités (84 160 €) qu'elle a dû acquitter à l'occasion du redressement fiscal est la conséquence directe et exclusive des erreurs de la société EUROFIDUCIA.

Par conclusions déposées et notifiées le 23 mars 2010, la compagnie AXA FRANCE IARD appelée en intervention forcée par la SARL EUROFIDUCIA le 22 janvier 2010, demande à la cour de :

déclarer irrecevable l'assignation en intervention forcée aux fins d'arrêt commun délivrée le 22 janvier 2010 à la compagnie AXA FRANCE IARD,

dire n'y avoir lieu à déclarer l'arrêt à intervenir commun.

La compagnie AXA FRANCE IARD affirme qu'aucune circonstance de fait ou de droit née depuis le jugement de première instance n'a modifié les données juridiques du litige et ne justifie donc son intervention.

M. [T], assigné à domicile en intervention forcée, par acte du 18 janvier 2010, n'a pas comparu. Il se serait engagé, par convention du 21 mai 2008, à prendre en charge les conséquences financières découlant de la mise en cause de EUROFIDUCIA dans un certain nombre d'affaires, dont le litige avec PROGECO.

Par jugement en date du 22 octobre 2009, le Tribunal de Commerce de NICE a prononcé le redressement judiciaire de la SA EUROFIDUCIA et a désigné Me [R] en qualité de mandataire judiciaire.

Par conclusions déposées et notifiées le 4 juin 2010, Me [W] [R], ès-qualités intervenant volontaire, demande à la cour de :

recevoir Me [R], ès-qualités, en son intervention volontaire,

lui donner acte de ce que, sous le bénéfice de ses observations, il s'associe aux conclusions de la SARL EUROFIDUFICA,

En conséquence :

réformer le jugement dont appel,

débouter la SARL PROGECO de l'ensemble de ses demandes,

condamner la SARL PROGECO à payer à Maître [R], ès-qualités, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du CPC, et les entiers dépens.

Il fait principalement valoir que la société PROGECO était parfaitement informée de l'existence et du montant de la dette de TVA dont elle a délibérément éludé le paiement, ainsi qu'il résulte des conclusions de l'administration fiscale pour justifier l'application de pénalités pour mauvaise foi.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 2 février 2011.

MOTIFS :

Sur l'assignation en intervention forcée de la compagnie AXA FRANCE IARD et de M. [X] [T] :

Attendu qu'aux termes de l'article 555 du CPC, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance, peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quant l'évolution du litige implique leur mise en cause ;

Attendu que l'évolution du litige nécessite l'existence d'un élément nouveau, révélé par le jugement ou survenu postérieurement à celui-ci et impliquant la mise en cause ;

Attendu que la société EUROFIDUCIA, société d'expertise comptable exerçant sous la forme d'une SARL, de 2002 à 2006, a été chargée d'effectuer la tenue et l'établissement de la comptabilité, les bordereaux de déclarations de TVA, les déclarations fiscales de la S1RL PROGECO ;

Attendu que cette mission a été exécutée par M. [X] [T], salarié d'EUROFIDUCIA de 1982 à 2002, et à partir de 2002, prestataire de services au travers d'une SARL JPF dans laquelle la société EUROFIDUCIA était elle-même associée ; que M. [T], agissant au nom et pour le compte de la société EUROFIDUCIA, a donc été le seul interlocuteur de la SA PROGECO ;

Attendu que le 21 mai 2008, M. [X] [T] a signé un document intitulé 'convention' aux termes duquel il reconnaît qu'il a dissimulé aux dirigeants de la société EUROFIDUCIA les litiges qui opposaient les sociétés, dont la société PROGECO, à la société EUROFIDUCIA, à raison de fautes commises dans l'exécution des missions de tenue et d'établissement de leur comptabilité, en détournant notamment les assignations à comparaître et les courriers adressés à la société EUROFIDUCIA ;

Attendu que cette convention précise également que M. [X] [T] accepte de prendre en charge toutes les conséquences financières que pourrait avoir la mise en cause de la société EUROFIDUCIA dans les affaires citées, dont le litige qui oppose EUROFIDUCIA à PROGECO ;

Attendu que par jugement en date du 25 mai 2000, à l'encontre duquel appel a été interjeté, M. [X] [T] a été condamné à relever et garantir la SARL EUROFIDUCIA de toutes condamnations définitives qui seront prononcées concernant les litiges visés à l'annexe 1 de l'acte en date du 21 mai 2008 ;

Attendu que l'évolution du litige justifie donc l'assignation en intervention forcée délivrée à M. [X] [T] et également à la compagnie AXA FRANCE IARD dans la mesure où la société EUROFIDUCIA n'a découvert le litige que lors de la signification du jugement entrepris du 28 avril 2008, soit le 15 mai 2008, et qu'elle n'a effectué une déclaration de sinistre qu'à posteriori, par courrier en date du 16 mai 2008 ;

Attendu que le présent arrêt sera donc déclaré commun à M. [X] [T] et à la compagnie AXA FRANCE IARD ;

Sur la responsabilité de la société EUROFIDUCIA :

Attendu que la vérification de comptabilité dont la SARL PROGECO a fait l'objet du 18 septembre au 20 novembre 2006 a révélé d'importantes discordances entre le chiffre d'affaires soumis à la TVA et encaissé au titre de chacun des exercices vérifiés, et le chiffre d'affaires minoré porté sur les déclarations de TVA ; qu'au titre des exercices 2003 à 2006, à des pénalités de retard de 15 903 euros et à des majorations pour mauvaise foi de 63 266 euros, l'administration fiscale ayant relevé que les activités de la société PROGECO entraient dans le cadre des prestations services et que dès lors, la TVA était due sur les encaissements, conformément aux dispositions de l'article 269-2 C du Code Général des Impôts ;

Attendu que, contrairement aux prétentions de l'intimée, il ne peut être considéré que la société EUROFIDUCIA, dans ses conclusions d'appel signifiées le 10 octobre 2008, a expressément reconnu qu'elle établissait les bordereaux de déclarations de TVA au vu des factures que la société PROGECO lui transmettait dans la mesure où, si elle a indiqué effectivement que l'expert comptable se fiait aux pièces comptables (factures) que le client lui transmettait, elle a précisé ultérieurement qu'elle n'était pas tenue de vérifier tant les factures établies par la société PROGECO, et non transmises, que le montant des honoraires qu'elle avait encaissés ; qu'il ressort de ces écritures et des termes généraux employés, que la société EUROFIDUCIA n'a nullement manifesté une intention non équivoque de reconnaître que les bordereaux de TVA litigieux avaient été élaborés sur la base des factures émises par PROGECO ;

Attendu cependant, qu'en dehors de tout aveu judiciaire, il est constant que les chiffres d'affaires portés sur ces bordereaux par la société EUROFIDUCIA sont manifestement entachés d'erreurs à l'origine du redressement fiscal ;

Attendu que l'expert comptable qui accepte d'établir une déclaration fiscale pour le compte d'un client doit, compte tenu des informations qu'il détient sur la situation de celui-ci, s'assurer que cette déclaration est conforme aux exigences légales ;

Attendu que si la société EUROFIDUCIA est responsable des faits et actes de ses collaborateurs, qu'ils soient salariés ou prestataires de services, et qu'en l'espèce, les fautes commises par M. [T], seul interlocuteur de la SA PROGECO, agissant au nom et pour le compte de la société EUROFIDUCIA ne peuvent l'exonérer de la responsabilité qui peut être la sienne à l'égard de la société PROGECO, quant à l'exécution de la mission qui lui était contractuellement confiée, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce le redressement fiscal et les pénalités dont la société PROGECO demande le paiement à EUROFIDUCIA résultent uniquement de la fraude délibérément orchestrée par la société PROGECO ;

Attendu en effet, que pour appliquer les pénalités pour mauvaise foi, l'administration fiscale a retenu que :

'La société a éludé le paiement de la TVA pour des montants importants depuis sa création jusqu'au dernier mois vérifié, à savoir sur une période de 47 mois' ;

'La société était parfaitement informée de l'existence et du montant de cette dette, puisqu'elle figure au crédit du compte TVA collectée',

'La répétition de ces agissements et l'importance des droits rappelés en matière de TVA démontre la volonté d'éluder le paiement de façon répétée et en toute connaissance de cause' ;

Attendu qu'en dissimulant en cours d'année une partie de ses recettes, et en s'abstenant de régulariser sa situation fiscale au vu du bilan en clôture d'exercice, la SARL PROGECO dont la gérante signait chaque trimestre les bordereaux de TVA litigieux, dont elle observe elle-même qu'ils portaient des écarts de 1 à 10 par rapport à la réalité des encaissements, a délibérément et sciemment éludé le paiement de la TVA, alors que le montant de la dette de TVA figurait au crédit du compte TVA collectée et qu'elle ne pouvait donc au cours des quatre exercices consécutifs ignorer les insuffisances de déclarations de TVA auprès de l'administration fiscale ;

Attendu qu'il résulte d'ailleurs des propres déclarations de sa gérante, Mme [S] [Y], dans un courrier adressé à la Direction Générale des Impôts pour solliciter une remise des pénalités mises à sa charge, que l'incapacité de la SARL PROGECO à payer la TVA résultait d'une insuffisance de trésorerie ; que même si ce courrier a été dactylographié par M. [T], ainsi qu'en atteste le mail du 23 janvier 2007, il n'en demeure pas moins que sa gérante en le signant en a pleinement cautionné le contenu ;

Attendu s'agissant du bordereau de TVA du 1er trimestre 2006, que la feuille de

travail du 19 avril 2006 fait apparaître la mention suivante :

'Après entretien téléphonique avec CF et M. [T], décision de payer une TVA d'environ 20 000 euros. Etablissement du HT pour arriver à ce résultat' ;

Attendu que cette note traduit sans équivoque la volonté de la gérante, [S] [Y], dont les initiales CF sont mentionnées, de déclarer, avec l'accord de M. [T], une TVA trimestrielle sans rapport avec la TVA réellement due en fonction des encaissements effectués ;

Attendu qu'il est donc établi que les chiffres d'affaires encaissés ont été volontairement et délibérément minorés dans les déclarations trimestrielles de TVA de la SARL PROGECO dans la mesure où la société ne disposait pas de la trésorerie nécessaire au paiement de l'ensemble de la TVA collectée au moment de son exigibilité ;

Attendu que la SARL PROGECO, qui a sciemment pris le risque de se voir imposer un redressement, à l'encontre duquel elle n'a d'ailleurs exercé aucune voie de recours devant la juridiction administrative, est donc directement à l'origine du préjudice résultant des pénalités dont elle demande réparation et qui lui sont entièrement imputables à raison de la mauvaise foi dont elle a fait preuve et du retard dans le paiement de l'impôt qui résulte de sa

propre défaillance, et non de prétendues erreurs de la société EUROFIDUCIA dans l'établissement de la comptabilité de la société, laquelle était non seulement informée, mais bénéficiaire de la minoration des déclarations de TVA ;

Attendu que la SARL PROGECO impute à la SARL EUROFIDUCIA la responsabilité :

- d'une erreur dans le montant du bénéfice taxable au taux de 33,33 % sur la déclaration 2572 relative à l'exercice clos au 31 décembre 2005,

- d'un retard dans le dépôt de cette déclaration auprès des services de l'administration fiscale ;

Attendu qu'il résulte de la vérification de la comptabilité par l'administration fiscale que la TVA rappelée constitue un profit réalisé par la société sur le Trésor qui est annulé par le système de la déduction en cascade ;

Attendu qu'au titre de l'année 2005, la prise en compte du redressement de TVA à hauteur de 50 850 euros a conduit à un résultat imposable après cascade de 149 028 euros ;

Qu'il ne peut donc être reproché à la société EUROFIDUCIA d'avoir porté un bénéfice taxable au taux normal de 69 170 euros au lieu de la somme de 110 908 euros, laquelle résulte directement de la prise en compte du redressement TVA qui est la conséquence de la seule fraude de la société PROGECO tel qu'il a été précédemment exposé ;

Attendu que la déclaration de résultat n° 2065 et ses annexes au titre de l'exercice clôturé le 31 décembre 2005 a été déposée le 29 mai 2006 alors que la date limite de dépôt de cette déclaration était fixée au 2 mai 2006 ;

Attendu qu'à la date du 10 mars 2006, le compte d'attente de la SARL PROGECO concernant l'exercice du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 comportait différentes écritures laissées en attente d'affectation à défaut de justificatifs du client ou d'affectation déterminé ;

Attendu que la SARL EUROFIDUCIA justifie du détail du compte d'attente et des comptes fournisseurs non expliqués au 29 mars 2006, d'un fax d'explication de la SARL PROGECO du 12 avril 2006 à la suite d'une demande de renseignements émanant de la société EUROFIDUCIA, d'un rapprochement bancaire du compte HSBC au 31 décembre 2005 faisant apparaître un écart de 3 361,97 euros au 21 avril 2006, ainsi que le Grand Livre fournisseur et compte d'attente au 31 décembre 2005 définitivement apuré et contrôlé au 2 mai 2006, le bordereau de liquidation de l'impôt sur les sociétés 2005 du 18 avril 2006, la feuille de calcul de l'impôt sur les sociétés du 18 avril 2006 avec la mention manuscrite de M. [X] [T] 'montant approché' établissant le caractère provisoire de la déclaration ;

Attendu que ces documents démontrent que le bordereau de liquidation de l'impôt sur les sociétés a été établi de manière provisoire au 18 avril 2006, alors que le bilan n'était pas encore terminé, et que ce retard était imputable à la société PROGECO qui ne donnait pas toutes

les informations et documents nécessaires à cette date pour calculer un montant correct d'impôt sur les sociétés ;

Attendu que la société EUROFIDUCIA ne peut donc être tenue pour responsable d'une quelconque erreur dans le montant du bénéfice taxable au taux de 33,33 % sur la déclaration 2572 ni d'un retard dans le dépôt de la déclaration au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos au 31 décembre 2005 qui ne sont que la conséquence des fautes de la SARL PROGECO ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la SARL PROGECO de toutes ses demandes, y compris celles consistant à solliciter une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une reprise de comptabilité ou de déclaration fiscale dont il n'est pas justifié, et qui ne serait en tout état de cause que la conséquence de sa carence ;

Attendu que l'équité commande qu'il soit alloué à la société EUROFIDUCIA une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC et de débouter la SARL PROGECO de la demande qu'elle forme sur ce fondement ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par défaut, en matière commerciale et en dernier ressort.

Reçoit Maître [R] ès-qualités de mandataire au redressement judiciaire de la SARL EUROFIDUCIA en son intervention volontaire.

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Déboute la SARL PROGECO de toutes ses demandes.

Condamne la SARL PROGECO à payer à la SARL EUROFIDUCIA la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et la déboute de la demande qu'elle forme à ce titre.

Déclare le présent arrêt commun à M. [X] [T] et à la compagnie AXA FRANCE IARD.

Condamne la SARL PROGECO aux entiers dépens.

Accorde aux avoués des intimés le privilège de distraction de l'article 699du CPC.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 08/09223
Date de la décision : 24/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°08/09223 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-24;08.09223 ?
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