COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 17 MARS 2011
HF
N° 2011/ 176
Rôle N° 09/23666
[E] [U]
[B] [W]
[H] [Z] épouse [W]
SCI L'OLIVASTRE
C/
[S] [L]
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 17 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/04517.
APPELANTS
Monsieur [E] [U]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 9] (TUNISIE), demeurant [Adresse 7]
Monsieur [B] [W]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 6]
Madame [H] [Z] épouse [W]
née le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 8], demeurant [Adresse 6]
la SCI L'OLIVASTRE,
prise en la personne de ses associés-gérants en exercice,
dont le siège est [Adresse 6]
Représentés tous les quatre par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour,
Assistés de Me Jean-Marie TROEGELER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [S] [L]
né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 10] (TUNISIE), demeurant [Adresse 5]
Représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
Assisté de Me Marc BERENGER, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Février 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur François GROSJEAN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mademoiselle Lugdivine BERTHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Une SCI 'L'Olivastre' (la SCI) était constituée le 4 juin 1985 entre plusieurs personnes dont monsieur [E] [U] (kinésithérapeuthe), monsieur [S] [L] (chirurgien-dentiste), monsieur [B] [W] (médecin).
Par acte du 20 décembre 1995, monsieur [L] cédait à monsieur [W] ses parts dans la SCI pour un prix de 1.100.000 francs.
Un litige s'étant élevé entre eux, et monsieur [W] ayant assigné monsieur [L] en annulation de l'acte du 20 décembre 1995, un arrêt confirmatif de cette cour en date du 20 janvier 2004 déboutait madame [W], intervenante, de sa demande d'annulation de l'acte, et condamnait monsieur [W] au paiement du prix de la cession.
Monsieur [L] a exercé la fonction de gérant de la SCI depuis sa création jusqu'au 29 juin 2004, date à laquelle monsieur [W] a été désigné dans cette fonction par les deux associés subsistants, à savoir lui-même et monsieur [U].
Un document intitulé 'Convention relative aux modalités provisoires d'exécution d'une décision de justice' était signé le 21 novembre 2005 entre monsieur et madame [W], monsieur [L], monsieur [U], et la SCI (représentée par monsieur [W]), aux termes duquel, après un exposé de l'historique de leurs relations :
- les parties fixaient le montant de la dette des époux [W] à l'égard de monsieur [L], qui leur accordait un délai de paiement,
- deux délégations de paiement étaient consenties au profit de ce dernier se rapportant à des créances d'une part de la SCI sur une société S.A.R, d'autre part des époux [W] sur monsieur [U] représentant le prix de la cession par eux en sa faveur de 17 parts de la SCI,
- la SCI et ses associés, se déclarant en assemblée générale à cet effet, autorisaient la SCI à se constituer caution hypothécaire sur ses biens immobiliers en faveur de monsieur et madame [W] et au bénéfice de monsieur [L] et la SCI déclarait se porter caution hypothécaire,
- monsieur et madame [W] renonçaient à leur pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 20 janvier 2004,
- monsieur et madame [W] et monsieur [U] donnaient 'quitus sans exception ni réserve à monsieur [S] [L] pour l'exécution de ses fonctions de gérant de la SCI L'OLIVASTRE tant au cours de la durée de son mandat tel qu'il résulte des statuts que pour la gérance de ladite société qu'il a continuée à exercer postérieurement et jusqu'à ce que Monsieur [B] [W] soit nommé à aux fonctions de gérant de ladite SCI L'OLIVASTRE; Mr [L] offrant de remettre tous documents y compris, comptables, qu'il pourrait détenir de ladite SCI et qui ne lui ont jamais été réclamés antérieurement à ce jour. En outre, la SCI L'OLIVASTRE représentée par monsieur [W], Monsieur et Madame [W], et Monsieur [U] en leur qualité d'associés, renoncent à toute instance ou action à l'encontre de Monsieur [S] [L] du fait des fonctions de gérant, de direction et de gestion de la SCI L'OLIVASTRE depuis sa constitution jusqu'à la nomination de Monsieur [B] [W] aux fonctions de gérant de ladite SCI mais également en sa qualité de locataire. Il est précisé que le bail dont était titulaire Mr [L] a été résilié et que celui-ci n'est, dès lors, plus débiteur d'aucune somme à ce titre à l'égard de la SCI',
- monsieur [L] acceptait de différer provisoirement l'exécution de l'arrêt du 20 janvier 2004, et acceptait que l'inscription hypothécaire judiciaire dont il bénéficiait sur un immeuble des époux [W] soit primée par une inscription au profit d'un établissement bancaire sollicité par ces derniers pour l'obtention d'un prêt, et que soit, à cette fin, levée son inscription hypothécaire.
Par exploit du 25 mars 2008, monsieur [U], les époux [W], et la SCI faisaient assigner monsieur [L] devant le tribunal de grande instance de Marseille en annulation de la clause lui ayant donné quitus, et pour obtenir sa condamnation sous astreinte à leur remettre divers documents comptables, outre le paiement d'une somme de 225.624,55 euros à titre de dommages et intérêts, et une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu leur appel le 30 décembre 2009 du jugement prononcé le 17 novembre 2009 les ayant déboutés de leurs demandes, ayant débouté monsieur [L] de sa demande de dommages et intérêts, les ayant condamnés aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées par monsieur [L] le 6 septembre 2010 partiellement appelant à titre incident sur sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, et tendant pour le surplus à la confirmation et à leur condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 21 janvier 2011 par les appelants tendant à voir prononcer l'annulation partielle de la convention du 21 novembre 2005 en ce que les associés ont donné quitus et ont renoncé à toute instance ou action à l'encontre de monsieur [L], à voir condamner ce dernier sous astreint à la remise d'un certain nombre de documents comptables de la SCI, à voir dire qu'il a détourné diverses sommes au préjudice de la SCI alors qu'il en était le gérant, le voir condamner à payer à la SCI la somme de 225.624,55 euros et la somme de 8.774,64 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à l'ensemble des sommes détournées, le voir condamner aux dépens et au paiement d'indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu la clôture prononcée le 27 janvier 2011 ;
MOTIFS
1) Si la convention du 21 novembre 2005 a représenté une transaction, en raison de concessions réciproques, entre d'un côté les époux [W], et de l'autre monsieur [L], elle n'en a pas la nature dans les rapports entre ce dernier, faute de concessions de sa part en leur faveur, et monsieur [U] et la SCI.
Il s'ensuit que les époux [W] ne peuvent, sans priver de cause les concessions qu'ils ont obtenues de monsieur [L], rechercher l'annulation partielle de leur transaction avec ce dernier, mais qu'en revanche monsieur [U] et la SCI sont recevables à rechercher l'annulation de certaines dispositions auxquelles ils ont consenti en faveur de monsieur [L], à savoir, pour monsieur [U], le quitus donné à monsieur [L], et pour lui et la SCI, leur renonciation à toute instance ou action à son encontre du fait de ses fonctions de gérant, de direction et de gestion de la SCI.
2) Il est soutenu en premier lieu que la clause relative au quitus et à la gestion fait difficulté et doit être annulée au motif qu'en application de l'article 1843-5 du Code civil les associés peuvent toujours exercer une action sociale à l'encontre du gérant, que cette action ne peut être interdite ni par les statuts ni par une décision des associés, que la renonciation à cette action est interdite par la loi, et qu'en l'occurrence les associés n'ont pu renoncer qu'à une action en réparation d'un préjudice personnel, et non pas à l'action sociale au terme de laquelle les dommages et intérêts doivent revenir à la société.
Aux termes de cet article : 'Outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société; en cas de condamnation, les dommages et intérêts sont alloués à la société. Est réputée non écrite toute clause des statuts ayant pour effet de subordonner l'exercice de l'action sociale à l'avis préalable ou à l'autorisation de l'assemblée ou qui comporterait par avance renonciation à l'exercice de cette action. Aucune décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat'.
Ces dispositions, si elles interdisent ou privent d'effet toute renonciation à l'action sociale qui serait décidée par avance ou serait subordonnée à une autorisation d'une assemblée générale, ne font, en dehors de ces hypothèses, nullement interdiction aux associés de renoncer à titre personnel à leur faculté d'agir en responsabilité contre le gérant.
En l'espèce, la renonciation incriminée ne procède d'aucune clause des statuts, ou d'une décision d'une assemblée générale, étant rappelé que seule la décision de la convention d'autoriser la SCI, par modification de ses statuts, de se porter caution hypothécaire, est rattachable à une décision de l'assemblée des associés, à l'exclusion de ses autres clauses, dont celles ayant donné quitus et exprimé renonciation à toute action contre monsieur [L].
Monsieur [U] et la SCI ne peuvent soutenir enfin que monsieur [U] n'aurait renoncé
qu'à l'exercice d'une action en réparation d'un préjudice personnel alors que la SCI s'est expressément associée à cette renonciation.
3) Il est soutenu que la transaction serait nulle en application des termes de l'article 2055 du Code civil suivant lesquels la transaction faite sur pièces qui depuis ont été reconnues fausses est entièrement nulle.
Mais ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées par monsieur [U] et la SCI, dont les rapports contractuels avec monsieur [L] n'ont pas été de nature transactionnelle.
Au demeurant, et à titre superfétatoire, le moyen ne peut être accueilli dès lors qu'il ressort des propres écritures des appelants qu'ils n'ont jamais été destinataires de la copie du bail conclu entre la SCI et monsieur [L] (de sorte que la transaction n'a pu se faire au regard de cette pièce), et qu'il importe peu, au regard de la validité de la transaction, que le bail qui aurait été conclu en janvier 1994 entre le docteur [K] et la SCI aurait été un faux, dès lors que les appelants indiquent que monsieur [W] aurait appris 'lorsqu'il a pris la gérance de la société en 2005", sans alléguer ni justifier que cette révélation aurait été postérieure à la signature de la convention le 21 novembre 2005 (étant rappelé que monsieur [W] a pris la gérance, non pas en 2005 mais en juin 2004), que le docteur [K] 'payait depuis 1994 ses loyers directement à Monsieur [L] et non à la SCI', ce dont il résulte qu'ils n'ignoraient pas, à la date de la transaction, les éventuels détournements de loyers commis par monsieur [L].
4) Aucune annulation ne peut être obtenue de la part de monsieur [U] et de la SCI au motif d'un 'état de faiblesse économique vis à vis de monsieur [L]', qui aurait poussé ce dernier à exercer sur eux une 'violence morale constitutive de dol', et, à titre surabondant, les époux [W] ne démontrent en rien, au seul motif qu'ils étaient les débiteurs de monsieur [L], qu'ils auraient été les victimes d'une violence d'une telle nature.
Le quitus et la renonciation de monsieur [U] et de la SCI (dont monsieur [U] et monsieur [W] étaient devenus les deux seuls associés) trouvent leur cause dans leur volonté de contribuer, dans leur propre intérêt, à la clarification et au dénouement du conflit persistant entre monsieur [L] et monsieur [W].
Enfin, aucune annulation ne peut être obtenue sur le fondement des dispositions de l'article 1134 du Code civil.
5) Les stipulations de la convention du 21 novembre 2005 sur le quitus donné à monsieur [L] et sur la renonciation à toute action n'étant pas annulées, les appelants ne peuvent qu'être déboutés de leur action en responsabilité et de leurs demandes en paiement contre monsieur [L], que ce soit à titre personnel, ou en sa qualité de gérant.
6) Il ne peut être fait droit à la demande de remise de documents sociaux et comptables de la SCI, pour lesquels rien ne démontre qu'ils seraient encore en la possession de monsieur [L] et seraient malicieusement conservés par lui.
7) Le caractère abusif de l'action des appelants n'est pas retenu, et monsieur [L] est débouté de sa demande de dommages et intérêts.
8) Les époux [W], monsieur [U], et la SCI, supportent les dépens de première instance et les dépens d'appel.
Il est équitable d'allouer à monsieur [L], à la charge in solidum des époux [W], de monsieur [U] et de la SCI, une somme de 3.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile (dont 1.200 euros au titre de la première instance).
**
Il suit de l'ensemble de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Dit irrecevable la demande de monsieur et madame [W] tendant à l'annulation de la clause figurant à la convention du 21 novembre 2005 par laquelle ils ont déclaré renoncé à toute instance ou action à l'encontre de monsieur [L].
Déboute monsieur [U] et la société L'Olivastre de leur demande tendant à l'annulation de la clause de la même convention par laquelle ils ont également renoncé à toute instance ou action à l'encontre de monsieur [L].
Confirme le jugement.
Dit que monsieur et madame [W], monsieur [U], et la société L'Olivastre supportent les dépens d'appel.
Dit qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués de Saint-Ferréol-Touboul des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Condamne in solidum monsieur [W], madame [W], monsieur [U], la société L'Olivastre à payer à monsieur [L] une somme de 2.000 euros sur le fondement en appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT