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17/03/2011 | FRANCE | N°09/06703

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 17 mars 2011, 09/06703


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 17 MARS 2011



N° 2011/191













Rôle N° 09/06703





[T] [P]





C/



ASSOCIATION ADSEA DES BOUCHES DU RHONE









































Grosse délivrée

le :

à :

Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE


r>Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Mars 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/437.







APPELANTE



Madame [T] [P], demeurant [Adresse 2]



comparant en personne, assistée de Me Fréd...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 17 MARS 2011

N° 2011/191

Rôle N° 09/06703

[T] [P]

C/

ASSOCIATION ADSEA DES BOUCHES DU RHONE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Mars 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/437.

APPELANTE

Madame [T] [P], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assistée de Me Frédéric BUSSI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

ASSOCIATION ADSEA DES BOUCHES DU RHONE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2011..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 17 Mars 2011.

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCÉDURE :

Madame [P] a été embauchée par l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes des Bouches-du-Rhône (Adsea) suivant trois contrats à durée déterminée des 7 mars, 7 mai et 24 mai 1988 en qualité de monitrice puis de monitrice atelier le dernier contrat arrivant à échéance en juillet 1988.

L'Adsea a de nouveau embauché madame [P] sous contrat à durée déterminée les 9 janvier et 9 avril 1989 en qualité d'ouvrière de production puis, toujours sous contrat à durée déterminée à compter du 1er janvier 1990 à nouveau comme ouvrière de production mais cette fois à l'indice 347.

Alors que son contrat s'est poursuivi à durée indéterminée, la salariée a bénéficié de plusieurs promotions pour devenir le 1er août 2006, après l'obtention du certificat le 4 juillet précédent, moniteur d'atelier 2ème classe, coefficient 453 de la convention collective nationale du 15 mars 1966 ; son dernier salaire mensuel était de 1.754,88 euros.

Madame [P] était en arrêt maladie depuis le 4 janvier 2007 lorsqu'elle a été licenciée par lettre recommandée en date du 4 décembre 2007 ainsi libellée :

'Conformément à l'article 26 de la Convention Collective du 15 mars 1966 et aux motifs que je vous ai exposé lors de notre entretien, votre absence pour maladie depuis le 4 janvier 2007 entraîne une désorganisation du service telles qu'elle nous conduit à envisager de pourvoir à votre remplacement de façon définitive car la spécificité du poste nous a rendu impossible à ce jour votre remplacement par un contrat à durée déterminée.

En effet, l'atelier auquel vous appartenez ne peut plus continuer à fonctionner normalement en votre absence, le suivi des projets des usagers n'est plus assuré et la qualité de la production s'en ressent (...)'.

La salariée, qui avait saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 13 février 2008, a régulièrement interjeté appel le 7 avril 2009 du jugement rendu par cette juridiction le 23 mars 2009 qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Cette affaire, initialement fixée à l'audience rapporteur du 12 novembre 2009 a été renvoyée à une audience collégiale à la demande de la salariée qui réclame la condamnation de l'Adsea à lui payer les sommes suivantes :

- 5.000,00 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 6.000,00 euros pour violation de l'article R. 4624-31 du code du travail,

- 29.942,34 euros de rappel de salaire et 2.994,23 euros de congés payés afférents,

- 36.000,00 euros de dommages-intérêts pour licenciement illicite,

- 15.000,00 euros pour harcèlement moral,

- 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Adsea conclut à titre principal au rejet de l'ensemble des demandes de la salariée, à titre subsidiaire à la diminution de ses prétentions et en particulier à l'octroi de l'unique somme de 13.870,00 euros en cas de requalification des contrats à durée indéterminée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil des prud'hommes et aux écritures déposées, oralement soutenues à l'audience du 17 janvier 2011.

MOTIFS DE LA DECISION :

- sur la requalification des contrats à durée indéterminée :

L'Adsea a embauché madame [P] :

1 - du 7 mars au 7 mai 1988 comme monitrice à l'indice 235 ;

2 - du 7 mai au 21 mai 1988 comme monitrice à l'indice 235 ;

3 - du 24 mai au 29 juillet 1988 comme monitrice atelier à l'indice 235 ;

4 - du 9 janvier au 9 avril 1989 comme ouvrière de production à l'indice 260 ;

5 - du 9 avril au 31 décembre 1989 comme ouvrière de production à l'indice 260 ;

6 - du 1er janvier 1989 pour une durée de 212 jours comme ouvrière de production à l'indice 347.

L'employeur ne démontrant pas la réalité du surcroît d'activité et n'ayant pas respecté entre le premier et le deuxième contrat à durée déterminée le délai de carence prévu à l'article L. 122-3-11 du code du travail dans sa rédaction alors applicable - égal au tiers de la durée du premier contrat - ce contrat doit être requalifié en un contrat à durée indéterminée ; en conséquence de cette requalification, et alors que madame [P] n'a vu ni son coefficient ni sa rémunération diminuer après le changement d'intitulé de ses fonctions, il lui sera alloué à titre d'indemnité la somme de 1.754,88 euros correspondant au montant de son dernier salaire mensuel.

- sur les rappels de salaire :

L'Adsea, qui a recruté madame [P] le 7 mars 1988 en qualité de monitrice puis le 24 mai 1988 comme monitrice atelier, mais qui lui conteste cette dernière qualification, n'explique cependant pas quelles étaient les fonctions réellement exercées par l'intéressée, puisqu'elle se contente d'affirmer qu'elle était ouvrière de production puis agent de planning sans même produire aucun organigramme de l'association ni aucun autre document à l'appui de ses dires hormis quatre attestations d'emploi.

Or, de son côté, l'intéressée fait utilement observer que l'Adsea ne produit aucun contrat de sous-traitance et ne démontre pas qu'elle a toujours travaillé sous les ordres d'un moniteur principal d'atelier, ces deux conditions permettant de 'justifier', selon l'annexe 10 de la convention collective, le poste d'ouvrier de production ; en revanche, la salariée démontre qu'elle occupait bien, dès l'origine, un poste de moniteur d'atelier en versant aux débats l'attestation de monsieur [A], gérant de société, qui reprend presque au mot près la définition du poste en question telle qu'elle résulte de la convention collective:

'Je me rendais régulièrement, voire quotidiennement dans l'atelier de Mme [P] en ma qualité de client de l'Adsea de 1990 à 2000. J'ai pu constater durant cette période qu'elle encadrait seule les travailleurs handicapés dans l'ensemble des activités de l'atelier, qu'elle participait aux actions de soutien de ces travailleurs et qu'elle était responsable de la production à réaliser, de ses délais et de son contrôle'.

En conséquence, l'employeur, qui au demeurant ne pouvait rétrograder sans son accord la monitrice d'atelier au poste d'ouvrière de production, devra du fait de la requalification remettre à madame [P] des documents sociaux rectifiés faisant apparaître sa fonction de moniteur d'atelier - qu'il lui a effectivement reconnue sous cet intitulé précis à compter du 24 mai 1988 - avec une ancienneté remontant au 7 mars 1988; toutefois, il n'y a pas lieu en l'état d'ordonner cette remise sous astreinte comme le réclame la salariée.

- sur les rappels de salaire :

Madame [P] dont la qualification de monitrice d'atelier doit remonter au 7 mars 1988 aurait du bénéficier, selon l'article 24 de l'avenant n° 250 du 11 juillet 1994, du coefficient 501 à partir de l'année 2004 et du coefficient 513 au moment de son licenciement.

Toutefois, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrivant par cinq ans aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi du 17 juin 2008 et la salariée n'ayant réclamée le rappel de salaires que par l'assignation du 4 novembre 2008 qui vaut injonction de payer, son action est prescrite pour les salaires antérieurs au 4 novembre 2003.

En conséquence, il convient d'octroyer à madame [P] la somme de 14.159,27 euros de rappel de salaire outre 1.415,92 euros de congés payés afférents.

- sur la reconstitution de carrière :

Il ne sera pas fait droit à la demande de madame [P] de désignation d'un expert aux fins de reconstituer sa carrière puisque l'intéressée bénéficie d'un rappel indiciaire à compter de ses 15 années d'ancienneté atteintes le 7 mars 2003 et qu'elle ne peut rien obtenir au titre de la période antérieure au 4 novembre 2003.

- sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 122-49 alinéa 1ancien du code du travail, devenu L. 1152-1, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel' et, selon l'article L. 122-49 alinéa 2 du même code, devenu L. 1152-2, 'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir, les agissements définis à l'alinéa précédent ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés'.

En outre, selon l' article L. 122-52 du code du travail, devenu L. 1154-1, en cas de litige lié à une méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Madame [P] qui prétend avoir été victime d'un harcèlement moral de son supérieur hiérarchique, monsieur [U], verse aux débats les éléments suivants :

- 3 avis d'arrêt de travail pour 'état dépressif' datés des 12 septembre, 10 octobre et 11 décembre 2007 mais ces documents médicaux ne permettent pas à eux seuls de relier cette dépression à ses conditions de travail ;

- un certificat daté du 6 mai 2008 du psychiatre qui la suit depuis le 1er février 2007 'pour un état dépressif évoluant de façon réactionnelle, à ses dires, à un harcèlement dont elle serait victime de la part d'un supérieur hiérarchique' ; or, ce médecin n'a pu constater lui-même les conditions de travail de sa patiente dont il ne fait que reprendre les dires ;

- des attestations de membres de sa famille (le compagnon de sa mère, monsieur [X], sa mère, madame [E]) et de relations privées (madame [R], amie de sa mère, monsieur [N], mesdames [L] et [D], amis), qui - outre qu'ils manquent d'impartialité - ne font eux-aussi que reprendre les dires de madame [P] ; toutefois, de l'ensemble de ces témoignages, celui de son compagnon, monsieur [J], mérite une attention toute particulière par sa modération puisqu'en effet il atteste le 6 mai 2008: 'voilà un peu plus d'un an, elle me disait qu'elle n'arrivait plus à gérer tant de travaux 3 à 4 travaux différents à la fois et la pression du chef pour que le travail se fasse vite (suite aux commandes passées avec les clients) et des ouvriers handicapés 20 à 25. Cette situation dure depuis un moment et elle n'arrivait plus à faire face (...) De travailler avec le psychiatre durant tout ce temps a fait que Mme [P] avait retrouver une bonne santé et que reprendre le travail au mois de décembre 2007 ne lui faisait pas peur. Mais son directeur en a jugé autrement. (est-il docteur ')' ; la 'pression' du chef hiérarchique, lui-même confronté aux exigences des clients qui attendent que les travaux commandés se fassent avec célérité, ne saurait être assimilée en elle-même à du harcèlement moral.

Ainsi, qu'il soit pris séparément ou examinés dans leur ensemble, les éléments de fait présentés par madame [P] ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

- sur la rupture du contrat de travail :

Le 13 juin 2007, le médecin du travail procédait à la visite de reprise de l'intéressée et il la déclarait 'inapte à la reprise de son poste' tout en l'adressant à son médecin traitant. Or, l'employeur aurait du faire passer à madame [P] la deuxième visite médicale de reprise peu important la délivrance le même jour que la visite de reprise d'une prolongation de l'arrêt de travail par son médecin traitant.

Ainsi, le licenciement intervenu le 4 décembre 2007 sans même que cette deuxième visite médicale n'ait été demandée et sans aucune recherche préalable de reclassement de l'intéressée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'intéressée, âgée de 42 ans, avait plus de 19 années d'ancienneté et aurait du percevoir un salaire mensuel de plus de 2000,00 euros ; il lui sera alloué la somme de 36.000,00 euros de dommages-intérêts, cette somme réparant l'intégralité de son préjudice.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré,

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée du 7 mars 1988 en un contrat de travail à durée indéterminée,

Dit que madame [P] était monitrice d'atelier depuis le 7 mars 1988,

Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association départementale pour la sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes des Bouches-du-Rhône à remettre à madame [P] des documents sociaux rectifiés (fiche de paie et attestation Assedic) et à lui payer :

- 1.754,88 euros à titre d'indemnité de requalification,

- 14.159,27 euros de rappel de salaire outre 1.415,92 euros de congés payés afférents,

- 36.000,00 euros de dommages-intérêts,

- 1.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne l'association aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/06703
Date de la décision : 17/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°09/06703 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-17;09.06703 ?
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