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08/03/2011 | FRANCE | N°09/22690

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 08 mars 2011, 09/22690


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2011



N° 2011/ 124













Rôle N° 09/22690







[L] [S]





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[X] [U]

[T] [I] épouse [U]









































Grosse délivrée

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à : MAGNAN

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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 13 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/2934.







APPELANTE





Madame [L] [S]

née le [Date naissance 5] 1945 à [Localité 7] (86), demeurant [Adresse 10]



représentée par la SCP Paul et Joseph MAGNAN, avoués à la Cour,

assistée de l...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 08 MARS 2011

N° 2011/ 124

Rôle N° 09/22690

[L] [S]

C/

[X] [U]

[T] [I] épouse [U]

Grosse délivrée

le :

à : MAGNAN

JOURDAN

réf

Jlg

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 13 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/2934.

APPELANTE

Madame [L] [S]

née le [Date naissance 5] 1945 à [Localité 7] (86), demeurant [Adresse 10]

représentée par la SCP Paul et Joseph MAGNAN, avoués à la Cour,

assistée de la SCP AUGEREAU - CHIZAT - MONTMINY, avocats au barreau de NICE

INTIMES

Monsieur [X] [U]

né le [Date naissance 1] 1928 à [Localité 6] (ALGÉRIE ), demeurant [Adresse 3]

Madame [T] [I] épouse [U]

née le [Date naissance 2] 1934 à [Localité 8] ( ALGÉRIE ), demeurant [Adresse 3]

représentés par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS, avoués à la Cour

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Didier CHALUMEAU, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Mars 2011,

Signé par Monsieur Didier CHALUMEAU, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties :

Par acte notarié du 3 juin 2005, modifié le 12 février quant à la désignation du bien vendu, [J] [Y] a vendu à [L] [S] une maison d'habitation avec garage, située à [Localité 9] (06), cadastrée section B n° [Cadastre 4] pour 6a 50ca.

La propriété de [L] [S] est contiguë à celle de [X] [U] et de son épouse [T] [I].

Le 12 décembre 2006, [L] [S] a déposé en mairie une déclaration de travaux exemptés de permis de construire accompagnée de la note explicative suivante :

« -achat le 3/06/2005 de la maison de M. et Mme [Y] sis [Adresse 3], au fond d'une impasse.

-existait une véranda en alu qui figure sur le schéma et le plan adjoints à l'acte.

-celle-ci datant de 25 ou 28 ans, était sale et le toit allait me tomber sur la tête.

-je l'ai changée pour l'identique en PVC, par mesure de sécurité.

-la surface pour laquelle je paie déjà des impôts (car figurant au cadastre) est de 9 m².

-rien n'a été changé, ni modifié, ni agrandi,

-elle n'est pas en façade et n'est pas visible de l'impasse.

C'est pourquoi je demande la régularisation si besoin est de ce changement ».

Le 5 novembre 2007, le maire de [Localité 9] a informé [L] [S] que son dossier était classé sans suite au motif qu'il n'avait toujours pas reçu les pièces qu'il lui avait demandées par lettre du 28 décembre 2008 pour le compléter, et a attiré son attention sur le fait que cette mesure ne devait pas être interprétée comme un accord tacite.

Les époux [U] ayant assigné [L] [S] par acte du 14 mai 2008, le tribunal de grande instance de NICE a, par jugement du 13 novembre 2009, statué en ces termes :

« -ordonne la démolition de la véranda construite en limite divisoire, sans permis de construire, en infraction avec l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme, sous astreinte de 500 euros par jour de retard deux mois après le jour où le présent jugement sera définitif, ou après le jour où une décision définitive sera intervenue dans le présent litige,

« -dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

« -condamne madame [L] [S] à payer à monsieur et madame [X] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

« -condamne madame [L] [S] aux entiers dépens' »

[L] [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 décembre 2009.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 3 janvier 2011, auxquelles il convient de se référer, elle demande à la cour :

-de réformer le jugement entrepris,

-de constater que la prescription est acquise et subsidiairement que la configuration des lieux fait que la vue est étrangère à la présence de la véranda,

-subsidiairement, de constater qu'il ne s'agit pas d'une vue droite et que les époux [U] sont mal fondés,

-de débouter les époux [U] de toutes leurs prétentions et de les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que celle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose notamment :

-que l'existence de la véranda litigieuse est confirmée, d'une part, par le plan et le tableau d'identification annexés à l'acte du 3 juin 2005, d'autre part, par le devis établi par l'entreprise ALU AZUR qui prévoit le démontage du châssis existant et décrit très précisément la composition de ce châssis qui a fait l'objet de la déclaration de travaux du 12 décembre 2006,

-qu'un extrait de la matrice cadastrale délivré le 26 janvier 2009 ne laisse subsister aucun doute sur l'existence de la véranda en 1965 puisque le relevé cadastral n'a subi aucune modification depuis la construction de la maison,

-que cette véranda  apparaît également au plan de cadastre (état des lieux en 1965) édité en date du 30 mars 2005,

-que ces éléments lui permettent donc de se prévaloir d'une prescription acquisitive d'une servitude vue, contrairement à ce qui a été jugé par le premier juge qui a totalement occulté le fait que la véranda litigieuse existait déjà en 1965,

-que cette servitude existe depuis plusieurs dizaines d'années et que la meilleure preuve en est le courrier que les époux [U] ont adressé au maire de [Localité 9] le 13 juin 2007 dans les termes suivants :

« Depuis de nombreuses années, notre propriété est séparée de celle de madame [S] par une haie de lierre et cotonéaster. Nous la maintenons volontairement à 2,50 m, car vous comprendrez aisément que si nous taillons cette haie à 2 m de hauteur madame [S] dans sa pergola aura une vue plongeante sur notre propriété et porterait préjudice à notre intimité' »

-que le constat d'huissier du 10 juin 2008 (pièce n° 7) démontre l'ancienneté de la terrasse sur laquelle la véranda a été posée et reconstruite par elle,

-que la construction d'une véranda sur la terrasse n'augmente pas l'étendue du champ visuel sur l'immeuble voisin,

-que les dispositions de l'article L. 113-3 du code de l'urbanisme, modifié par la loi du 12 mai 2009, permettent la reconstruction à l'identique d'un ouvrage, même démoli volontairement, dans un délai de dix ans,

-que contrairement à ce qu'affirment les époux [U], la hauteur de sa véranda n'est pas de 4 mètres mais de 2,40 mètres et qu'il n'est pas possible d'affirmer, comme ces derniers le font, qu'elle est implantée à 40-45 cm de la limite divisoire, dès lors que la pose d'une clôture ne saurait présager de la réalité d'une limite de propriété,

-que la règle de prospect alléguée par les époux [U] n'était pas en vigueur lors de la construction de la véranda en 1965,

-que les époux [U] révèlent clairement dans leurs écritures l'existence d'un POS sur la commune de [Localité 9], en sorte que l'application de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme peut être écarté,

-que le changement de l'ossature de la véranda opéré par [L] [S] en 2006 constitue des travaux de réparation ordinaire dispensés de toute formalité,

-que c'est d'ailleurs à cette conclusion qu'est parvenu le contrôleur de la DDE qui s'est refusé à dresser un procès-verbal d'infraction (pièce n° 12) alors que son contrôle avait été diligenté sur dénonciation des époux [U].

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 29 décembre 2010, les époux [U] demandent à la cour :

-de confirmer intégralement le jugement déféré,

-de dire et juger sur le fondement de l'article 678 du code civil que [L] [S] n'établit pas, qu'elle ou ses auteurs avaient acquis sur leur fonds une servitude de vue, par prescription trentenaire,

-de dire et juger sur le fondement de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme (ancienne rédaction R. 111-19) que la véranda édifiée par [L] [S] en septembre 2006 sans permis de construire, méconnaît les dispositions de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme,

-de constater que le non respect de la distance exigée par l'article R. 111-18 leur occasionne un trouble excédant les obligations normales de voisinage,

-de constater que la véranda a été édifiée sans qu'au préalable [L] [S] ait été autorisée par me maire de [Localité 9]

-en conséquence,

-de confirmer le décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la démolition de la véranda construite en limite divisoire sans permis de construire, en infraction avec les articles 678 du code civil et R. 111-18 du code de l'urbanisme,

-de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné que la démolition serait sanctionnée par une astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois, après le jour où le jugement sera définitif, ou après le jour où une décision définitive sera intervenue dans le présent litige,

-de condamner [L] [S] à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils exposent notamment :

-que le devis établi le 5 septembre 2006 par l'entreprise ALU AZUR atteste de l'existence d'un châssis mais non d'une véranda,

-qu'il est indifférent de rappeler que la villa était édifiée en 1965 et qu'à l'époque la règle de prospect qu'ils invoquent ne s'imposait pas,

-qu'en aucun cas, ils n'affirment qu'il existe un plan d'occupation des sols et que [L] [S] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un tel plan permettant d'écarter l'application de l'article R.111-18 du code de l'urbanisme,

-que [L] [S] appuie ses affirmations sur le rapport de visite de la DDE du 7 octobre 2008 constatant :

« En la présence de madame [S] [L], nous y avons constaté le remplacement de son ancienne véranda qui est cadastrée et notifiée dans son acte de vente. Ses dimensions sont identiques à l'ancienne. Ces travaux sont considérés comme des travaux d'entretien et de réparation ordinaire et ne sont donc pas soumis à autorisation administrative conformément à l'article R. 421-13 du code de l'urbanisme. »

-que toutefois, ce rapport évoque le remplacement d'une ancienne véranda et non un changement d'ossature et que dès lors ces travaux entraînent une modification de l'aspect extérieur du bâtiment existant.

Une ordonnance de clôture a été rendue par le conseiller de la mise en état le 4 janvier 2011.

Motifs de la décision :

Attendu que selon l'article R. 111-19 du code de l'urbanisme, dont la rédaction résultait du décret n° 76-276 du 29 mars 1976 et dont les dispositions ont été reprises par l'article R. 111-18 à la suite du décret du n° 2007-18 du 5 janvier 2007, à moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ;

Attendu que selon l'article R. 111-1, cette règle n'est toutefois pas applicable dans les territoires dotés d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ;

Attendu qu'ainsi qu'ils le soulignent, les époux [U] n'ont jamais prétendu que la commune de [Localité 9] était dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ; que l'existence de l'un ou l'autre de ces document n'étant pas établie, la règle de prospect édictée par l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme est applicable au territoire de la commune de [Localité 9] ;

Attendu qu'il résulte des photographies annexées au procès-verbal de constat établi le 10 juin 2008 par l'huissier de justice [C] [W] à la demande de [L] [S], en premier lieu, que la maison de cette dernière comporte une terrasse légèrement surélevée par rapport au sol naturel puisqu'elle se situe au niveau du plancher intérieur de cette maison édifiée sur vide-sanitaire, en deuxième lieu, que cette terrasse a manifestement été construite en même temps que la maison et qu'elle est implantée à proximité, en tout cas à moins d'un mètre, du mur qui sert à la séparation des fonds des parties et qui en constitue la limite apparente, et en troisième lieu, que des châssis vitrés en aluminium ont été posés sur cette terrasse afin d'en faire une véranda ; que cette véranda est donc édifiée en méconnaissance de la règle de prospect édictée par l'article 111-18 du code de l'urbanisme ;

Attendu que l'existence d'une véranda lors de la vente du 3 juin 2005 est établie par l'extrait du plan cadastral qui a été annexé à l'acte et sur lequel la terrasse est représentée comme une partie bâtie, ainsi que par la mention figurant sur le tableau d'identification des parties visitée, dressé le 23 février 2005 par l'entreprise chargée d'effectuer un diagnostic de l'état parasitaire de l'immeuble avant la vente ;

Attendu que la pièce n° 8, intitulée « extrait plan cadastral 1965 » dans le bordereau récapitulatif des pièces communiquées annexées au conclusions de [L] [S] , n'est qu'un agrandissement de l'extrait du plan cadastral annexé à l'acte du 3 juin 2005, et non un extrait du plan cadastral de 1965 ;

Attendu que [L] [S] produit une pièce n° 5 intitulée « fiche de propriétaire en date du 26 janvier 2009 mentionnant la date de 1965 » ; qu'il est indiqué sur cette fiche « année d'achèvement 1965 » et « dépendances agrément 1 » ; que ce document , élaboré par le centre des impôts de NICE , ne permet toutefois pas d'établir l'existence d'une véranda en 1965 car une simple terrasse ou un jardin sont généralement qualifiés de dépendance d'agrément par l'administration des impôts ;

Attendu que les photographies annexées au procès-verbal de constat du 10 juin 2008 permettent de constater que l'ouvrage édifié par l'entreprise ALU AZUR ne comporte aucun élément de l'ancienne véranda qui a été totalement supprimée, ce qui constitue une véritable opération de démolition et non de réparation ordinaire ;

Attendu que [L] [S] ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme qui autorise la reconstruction à l'identique d'un bâtiment démoli depuis moins de dix, dès lors qu'il a été régulièrement édifié, car elle ne rapporte pas la preuve dont la charge lui incombe, que la véranda démolie avait été édifiée à la suite d'une déclaration de travaux exemptés de permis de construire ou avant l'institution de la règle de prospect édictée par l'article R. 111-18 ;

Attendu que les règles de prospect étant édictées dans l'intérêt des fonds contigus afin d'éviter la promiscuité des constructions et de leur garantir un certain ensoleillement, la présence de la véranda litigieuse, édifiée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-18, cause aux époux [U] un préjudice auquel il ne peut être mis fin que par sa démolition ;

Par ces motifs :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne [L] [S] à payer la somme de 1 500 euros aux époux [U],

La condamne aux dépens et autorise la SCP JOURDAN & WATTECAMPS, avoués, à recouvrer directement contre elle, ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 09/22690
Date de la décision : 08/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°09/22690 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-08;09.22690 ?
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