COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 04 MARS 2011
N° 2011/ 111
Rôle N° 09/13325
[R] [M] [F]
[I] [G] [V] [D] [X] épouse [F]
C/
SARL PILLAR SECURITISATION
SARL PRICE WATER HOUSE COOPER
SA BANQUE DE HAVILLAND
Grosse délivrée
le :
à :
SCP PRIMOUT
SCP TOUBOUL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de CANNES en date du 18 Juin 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 11-07-1162.
APPELANTS
Monsieur [R] [M] [F]
né le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 9] ([Localité 9]), demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour,
Assisté de Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
Madame [I] [G] [V] [D] [X] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 8] ([Localité 8]), demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour,
Assistée de Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
INTIMEES
SARL PILLAR SECURITISATION, agissant aux lieu et place de KAUPTHING BANK LUXEMBOURG,, demeurant [Adresse 3] (LUXEMBOURG)
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
Assistée de la SCP ROUILLOT GAMBINI, avocats au barreau de NICE substituée par Me Sophie BERLIOZ, avocat au barreau de NICE
SARL PRICE WATER HOUSE COOPER en qualité d'Administrateur de la société dénommée anciennement KAUPTHING BANK SA représentée par Mme [P] [O] et Maître [L] [E], demeurant [Adresse 4]
défaillante - assignée
SA BANQUE DE HAVILLAND sur assignation en intervention forcée, demeurant [Adresse 4]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
Assistée de la SCP ROUILLOT GAMBINI, avocats au barreau de NICE substituée par Me Sophie BERLIOZ, avocat au barreau de NICE
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11ème A - 2011/111
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Daniel ISOUARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Madame Danielle VEYRE, Conseiller
Madame Cécile THIBAULT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 04 Mars 2011,
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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11ème A - 2011/111
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 23 janvier 2007 la société Kaupthing Bank, société de droit luxembourgeois, a prêté à Monsieur [F], alors résident au Luxembourg, la somme de 5 millions d'euros ; 2 500 000 euros lui ont été remis avec liberté d'en disposer sauf à des fins d'investissements immobiliers, le restant servant à financer la constitution d'un portefeuille d'instruments financiers. En garantie de ce prêt, Monsieur [F] et Madame [D] [X], son épouse, ont consenti une hypothèque sur une villa leur appartenant située à [Adresse 7].
Suite à des difficultés survenues dans l'exécution de cette ouverture de crédit, Monsieur et Madame [F] ont attrait la société Kaupthing Bank devant le tribunal d'instance de Cannes lequel, par jugement du 18 juin 2009, s'est déclaré non saisi du litige au motif qu'aucune assignation n'avait été délivrée.
Le 10 juillet 2009 Monsieur et Madame [F] ont interjeté appel de cette décision.
En cours de procédure, la société Kaupthing Bank a fait l'objet d'une procédure de sursis de paiement ouverte devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg et la société Price Water House Cooper a été désignée comme administrateur. La société Kaupthing Bank a fait l'objet d'une scission entre la société Pillar Sécurisation et la société Banque Havilland.
Monsieur et Madame [F] arguent de la validité de la procédure devant le tribunal d'instance de Cannes au motif que la société Kaupthing Bank aurait comparu volontairement. Ils ajoutent que la société Banque Havilland ne conteste pas devant cette Cour la régularité de la procédure de première instance et que la société Pillar Sécurisation ne justifie pas de son droit à agir.
Ils soutiennent que le tribunal d'instance de Cannes se trouve compétent, nonobstant la clause d'attribution de compétence figurant à l'acte de prêt, car le financement accordé à Monsieur [F] constitue un crédit à la consommation et leur action est mixte tant personnelle que réelle comme portant également sur la mainlevée de l'hypothèque. Ils contestent la réalité de la litispendance avec une juridiction luxembourgeoise.
Ils demandent :
- la réformation du jugement attaqué,
- acte de l'intervention volontaire de la société Price Water House Cooper,
- la nullité du contrat de crédit du 23 janvier 2007 aux motifs qu'il ne respecte pas les formalités du Code de la consommation et n'entre pas dans l'objet social de la société Kaupthing Bank,
- la mainlevée de l'hypothèque affectant leur villa de [Localité 6],
- la condamnation de la société Banque Havilland à leur payer la somme de 2 500 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2007 outre capitalisation,
- la condamnation de la société Banque Havilland à leur payer la somme de 250 000 euros de dommages-intérêts outre celle de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le déboutement de la société Pillar Sécurisation de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation à leur payer la somme de 250 000 euros de dommages-intérêts ainsi que celle de 15 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation de la société Price Water House Cooper à leur payer la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
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La société Pillar Sécurisation qui dit venir aux droits de la société Kaupthing Bank pour le prêt litigieux, conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de Monsieur et Madame [F] à lui payer la somme de 10 000 euros sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle soutient que le tribunal d'instance de Cannes n'a pas été saisi car l'assignation à comparaître n'a jamais été délivrée et elle n'a pas comparu volontairement contrairement à ce que prétendent ses adversaires.
Subsidiairement, elle décline la compétence du tribunal d'instance de Cannes au profit du tribunal du Luxembourg au motif que le montant du prêt l'exclut des dispositions du Code de la consommation et que ce prêt a été conclu entre parties résidant au Luxembourg ; elle invoque également la litispendance avec la même affaire pendante devant le tribunal de Luxembourg.
Elle requiert acte de son absence de conclusions au fond et qu'elle ne conclura que lorsqu'elle y sera mise en demeure.
La société Banque Havilland conclut à sa mise hors de cause, le contrat de prêt ne faisant pas partie des actifs de la société Kaupthing Bank qu'elle a repris lors de sa scission. Elle souhaite la condamnation de Monsieur et Madame [F] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 4 décembre 2009, Monsieur et Madame [F] ont transmis, par le ministère de la SCP d'huissiers [H] - [K] à Maître [Z], huissier à Luxembourg, une demande de signification d'une assignation en intervention forcée destinée à la société Price Water House Cooper. Cette société n'a pas constitué avoué.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'action envers la société Banque Havilland :
Suite son admission à la procédure de sursis à paiement ouverte le 9 octobre 2008 par le tribunal de Luxembourg la société Kaupthing Bank a fait l'objet d'une scission sans liquidation en deux sociétés, la société Pillar Sécurisation et la société Banque Havilland.
Il ressort de l'acte de scission et du certificat de coutume dressé le 10 juin 2001 par Maître Panachi, avocat au barreau de Luxembourg, que l'actif et le passif de la société Kaupthing Bank ont été répartis entre la société Pillar Sécurisation et la société Banque Havilland , cette dernière ne recevant que l'actif et le passif non alloués à la première et que le contrat de prêt consenti à Monsieur [F] figure sous le numéro 101 749 parmi les contrats transmis à la société Pillar Sécurisation.
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Contrairement à ce que prétendent Monsieur et Madame [F], la société Banque Havilland ne s'est pas octroyé l'ensemble des liquidités de la société Kaupthing Bank mais le patrimoine de cette dernière a été réparti entre les deux nouvelles sociétés. Ils allèguent également de l'absence d'acte de cession de créance et de signification à leur égard de cette cession. Mais s'agissant de la transmission d'une universalité des éléments d'actif et de passif consécutif à la scission de la société Kaupthing Bank en deux nouvelles entités, cette scission ne correspond pas à une cession de créance et la formalité prescrite par l'article 1690 du Code civil n'avait pas à s'appliquer.
Ainsi la société Pillar Sécurisation vient aux droits de la société Kaupthing Bank en ce qui concerne le contrat de prêt conclu avec Monsieur [F] et la société Banque Havilland doit être mise hors de cause.
L'équité commande de laisser à la charge de la société Banque Havilland le montant de ses frais non compris dans les dépens.
Sur l'appel en cause de la société Price Water House Cooper :
La société Price Water House Cooper est l'administrateur de la société Kaupthing Bank et contrairement à ce qu'écrivent Monsieur et Madame [F] dans leurs conclusions, elle n'est pas intervenue volontairement à l'instance mais au contraire s'avère défaillante.
Si le 4 décembre 2009, Monsieur et Madame [F] lui ont transmis par l'intermédiaire de leur huissier la signification de leur assignation en intervention forcée, il ne ressort nullement de l'acte figurant au dossier, que cette assignation a été signifiée ou notifiée à la société Price Water House Cooper.
Dès lors cette société n'apparaît pas régulièrement assignée et l'arrêt ne peut lui être déclaré opposable, étant relevé qu'aucune demande n'est formée contre elle ou la société Kaupthing Bank.
Sur la régularité de l'assignation de la société Kaupthing Bank :
Comme l'a exactement relevé le premier juge, le 12 décembre 2007, l'huissier [W] a transmis à la requête de Monsieur et Madame [F] une demande de signification ou de notification dans un autre État membre de l'assignation de la société Kaupthing Bank à Maître [N] à Luxembourg qui en a accusé réception le 14 décembre 2007, conformément au règlement européen 1348 du 29 mai 2000.
Aucune attestation de signification ou de notification de l'acte à la société Kaupthing Bank telle que visée par l'article 10 de ce règlement n'est fournie et au contraire dans leurs écritures d'appel Monsieur et Madame [F] admettent que Maître [N] n'a pas effectué la transmission de l'assignation à la société Kaupthing Bank dans les conditions posées par l'article 7 du règlement susvisé.
L'article 14 du Code de procédure civile prévoit que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue et appelée. L'article 54 du même code énonce que 'sous réserve des cas où l'instance est introduite par la présentation volontaire des parties devant le juge, la demande initiale est formée par assignation ou par remise d'une requête conjointe au secrétariat de la juridiction ou déclaration au secrétariat de la juridiction'. L'article 55 dudit code précise que 'l'assignation est l'acte d'huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge'.
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Les parties conviennent que la société Kaupthing Bank n'a pas été citée, aucune assignation ne lui ayant été transmise.
Monsieur et Madame [F] prétendent cependant que cette société a comparu volontairement.
Les articles 829 et 845 du Code de procédure civile disposent que devant le tribunal d'instance, les parties peuvent se présenter volontairement devant le juge pour faire juger leurs prétentions. Dans ce cas l'article 846 du même code ajoute que le juge est saisi par la signature d'un procès-verbal constatant que les parties se présentent volontairement pour faire juger leurs prétentions.
Avisée de la procédure contre elle devant le tribunal d'instance de Cannes, à la suite d'un échange entre son avocat et celui de Monsieur et Madame [F], la société Kaupthing Bank a chargé son avocat de la représenter devant ce tribunal et un renvoi a été sollicité pour un échange de pièces. À l'audience du 19 mars 2009 à laquelle l'affaire avait été retenue pour être jugée, elle a indiqué qu'elle n'avait pas été régulièrement assignée et que dès lors le tribunal ne s'avérait pas régulièrement saisi.
Le seul fait de comparaître devant le juge d'instance pour soutenir le défaut de l'assignation et l'absence de saisine du tribunal ne vaut pas présentation volontaire au sens des articles 829 et 845 du Code de procédure civile.
En effet cette présentation volontaire exige que les parties comparaissent volontairement devant le tribunal d'instance pour faire juger leurs prétentions. Or tel n'est pas le cas en l'espèce. La société Kaupthing Bank ne s'est présentée devant le tribunal d'instance de Cannes que parce que Monsieur et Madame [F] avaient déposé une assignation pour l'audience du 13 mars 2008 et n'a jamais manifesté son accord pour que ce tribunal statue sur les prétentions l'opposant à Monsieur et Madame [F]. Au contraire, en relevant l'absence d'assignation et le défaut de saisine régulière du tribunal d'instance, elle a montré son opposition à ce que ce tribunal connaisse de leur différend.
D'ailleurs le procès-verbal prévu par l'article 846 n'a pas été établi.
Ainsi la comparution de la société Kaupthing Bank devant le tribunal d'instance de Cannes ne correspond pas à une présentation volontaire et n'a pu valablement saisir cette juridiction.
En conséquence, c'est très exactement que le premier juge s'est déclaré non saisi des prétentions de Monsieur et Madame [F].
La confirmation de sa décision s'impose.
Succombant à son recours, Monsieur et Madame [F] doivent être condamnés à payer à la société Pillar Sécurisation la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Se déclare non saisie de l'appel en intervention forcée de la société Price Water House Cooper ;
Dit que la société Pillar Sécurisation vient aux droits de la société Kaupthing Bank pour le prêt de cinq millions d'euros consenti à Monsieur [F] ;
Confirme sous cette réserve le jugement du 18 juin 2009 du tribunal d'instance de Cannes ;
Déboute la société Banque Havilland de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur et Madame [F] à payer à la société Pillar Sécurisation la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur et Madame [F] aux dépens et autorise la SCP Marie-José de SAINT-FERREOL - Colette TOUBOUL, avoués associés, à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT