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06/01/2011 | FRANCE | N°09/20617

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 06 janvier 2011, 09/20617


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 06 JANVIER 2011



N° 2011/ 8













Rôle N° 09/20617







SA SOCIETE GENERALE





C/



SNC [S] ET CIE

[E] [T]

[F] [C]





















Grosse délivrée

le :

à :



SCP PRIMOUT

SCP SIDER









réf





Décision dé

férée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 Octobre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F175.





APPELANTE



SA SOCIETE GENERALE,

dont le siége social est [Adresse 2]



représentée par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour,

assistée par Me Pierre VIVIANI, avocat au barreau de NICE subs...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 06 JANVIER 2011

N° 2011/ 8

Rôle N° 09/20617

SA SOCIETE GENERALE

C/

SNC [S] ET CIE

[E] [T]

[F] [C]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP PRIMOUT

SCP SIDER

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 27 Octobre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F175.

APPELANTE

SA SOCIETE GENERALE,

dont le siége social est [Adresse 2]

représentée par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour,

assistée par Me Pierre VIVIANI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Hélène ARNULF, avocat au barreau de NICE

INTIMES

SNC [S] ET CIE,

en la personne de son représentant habilité, domicilié en cette qualité

C/O son liquidateur M. [S] [P] , [Adresse 1]

demeurant [Adresse 5]

défaillante

Maître [E] [T],

pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SNC [S] ET CIE

demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour

Maître [F] [C],

pris en sa qualité d'administrateur du Cabinet de Me [K], décédée, es-qualités de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la SNC [S] ET CIE

demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2010 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Guy SCHMITT, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Guy SCHMITT, Président

Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller

Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 06 Janvier 2011,

Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le jugement frappé d'appel rendu le 27 octobre 2009 par le tribunal de commerce de Nice ;

Vu les conclusions déposées le 12 mars 2010 par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 29 juillet 2006 par maître [T], commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [S], intimé ;

Vu les conclusions déposées le 29 juillet 2010 par maître [C], représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société [S], intimé;

Vu l'assignation délivrée le 22 mars 2010 à la société [S], intimée, l'acte ayant été remis à la personne de son liquidateur amiable, [P] [S] ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties;

Attendu que par acte en date du 27 mai 1999 la société [S] a acquis un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie situé à [Localité 6] dont elle a réglé le prix partiellement au moyen d'un crédit accordé par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE (la banque), laquelle l'a en outre fait bénéficier d'une facilité de caisse qui a été ultérieurement consolidée sous forme d'un crédit à moyen terme en mai 2001 ; que, n'ayant pu faire face à son endettement, la société [S] a été déclarée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 22 août 2002 et a assigné la banque en responsabilité le 17 juillet 2003 ; qu'après l'adoption d'un plan de redressement par voie de continuation par jugement en date du 9 octobre 2003, le même tribunal, saisi de l'action en responsabilité, a désigné un expert ; que par le jugement attaqué il a condamné la banque à payer à maître [T], commissaire à l'exécution du plan qui s'était joint à la demande, une somme de 236'970,89 €uros à titre de dommages-intérêts, en considérant que la banque avait refusé de communiquer à l'expert un dossier d'analyse financière qu'elle détenait, qu'elle avait accordé sans étude préalable deux prêts de 4'880'000 F et 1'317'500 F dont le remboursement excèdait les capacités de la société [S] qui ne disposait pas de fonds propres et d'une capacité d'autofinancement suffisants, et que ces fautes avaient généré une insuffisance d'actif correspondant au montant des dommages-intérêts accordés ;

SUR CE,

Sur la mise en cause de maître [C], représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société [S].

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'après l'adoption du plan de redressement la vérification des créances a été achevée le 3 mars 2004 ; que, la mission du représentant des créanciers ayant ainsi pris fin par application des dispositions de l'article @ de la loi du 25 janvier 1985, celui-ci sera mis hors de cause;

Sur la faute de la banque et le lien de causalité avec le préjudice invoqué.

Attendu qu'au soutien de sa demande de prêt, la société [S], alors en formation, a soumis à la banque une étude prévisionnelle du 5 février 1999 confectionnée par un expert-comptable comportant un compte prévisionnel tablant sur un bénéfice annuel de 1'544'974 francs pour un chiffre d'affaires prévisionnel de 4'850'000 francs obtenu moyennant une fermeture plus tardive qu'auparavant, la suppression de la fermeture annuelle et l'adjonction d'une activité de glacier, et prévoyant, pour le règlement du coût total de l'acquisition, frais et travaux compris, de 6'245'000 francs, un apport des associés de 1'365'000 francs et un emprunt de 4'880'000 francs ; que le 17 mai 1999 la banque a présenté à la société [S] une offre de prêt portant sur 4'880'000 francs stipulant que la mise à disposition interviendrait après justification, au plus tard le 12 juillet 1999, d'un apport des associés de 1'365'000 francs, de la constitution de la société d'exploitation, de l'agrément des douanes pour la licence 4 et le tabac, et de l'agrément de la Française des jeux pour le PMU ;

Attendu que la vente du fonds et le prêt ont fait l'objet du même acte notarié du 27 mai 1999 mentionnant un prix de vente de 4'750'000 francs, le paiement, par l'acquéreur, d'une somme de1'187'500 francs, et le prêt, par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, d'une part d'une somme de 3'562'500 francs destinée à l'acquisition du fonds, d'autre part d'une somme de1'317'500 francs destinée à couvrir les frais et les travaux ; que, dans l'acte, la société [S] s'est engagée à respecter un ratio d'endettement à terme sur situation nette inférieur ou égal à 1,5, un ratio d'endettement à terme sur marge brute d'autofinancement inférieur ou égal à 4, et un ratio charges financières nettes sur excédent brut d'exploitation inférieur à 0,40; que dès le début de l'exploitation la banque a accordé à la société [S], en sus, une facilité de caisse de 700'000 francs qui, alors qu'elle avait atteint 1'013'156 francs, a été consolidée sous forme d'un prêt sur sept ans en mai 2001 ;

Attendu que le commissaire à l'exécution du plan reproche à la banque un manquement à ses devoirs d'information et de discernement à l'occasion de l'analyse de l'étude prévisionnelle qui comportait des incohérences qui auraient dû l'alerter; qu'il fait siennes à cet égard les constatations et conclusions de l'expert judiciaire désigné par le tribunal de commerce ;

Attendu que cet expert a constaté que le prix de vente du fonds, d'un montant correspondant à 1,4 fois au chiffre d'affaires annuel antérieur et à 7,67 fois au bénéfice net antérieur, était raisonnable ; qu'il a conclu, sans être contredit, que la capacité d'autofinancement mise en évidence par le compte prévisionnel soumis à la banque par la société [S] permettait le remboursement des crédits envisagés, mais a mis en évidence des incohérences résidant dans l'augmentation brusque du chiffre d'affaires et de la capacité de remboursement par rapport aux comptes antérieurs alors qu'il aurait dû être tablé sur une montée en puissance progressive, dans l'omission des prélèvements et charges sociales des deux associés travaillant à la place de trois salariés évincés ainsi que des frais engendrés par l'activité de glacier, dans la prise en compte d'un taux de consommation de matières premières erroné, et dans la sous-estimation, dans les commentaires, des charges financières futures ; qu'il a en outre reproché à la banque de ne pas avoir vérifié la capacité des associés à apporter les fonds propres promis ;

Attendu qu'il est constant que la société emprunteuse était dirigée par [P] [S] par ailleurs propriétaire ou animateur de trois autres fonds prospères spécialisés dans la même activité situés dans la même ville ; que, l'emprunteuse ayant dans ces conditions été parfaitement à même d'apprécier la cohérence des chiffres et la faisabilité économique du projet, et le compte prévisionnel ayant au surplus été élaboré par un expert-comptable, la banque, dont il s'est avéré à posteriori que son consentement a sans doute été surpris par un chiffrage volontairement erroné, n'avait pas à procéder à des comparatifs et investigations complémentaires approfondis ; que, même si elle s'est abstenue de fournir à l'expert l'étude du dossier réalisée par sa filiale spécialisée, il ne peut lui être reproché de ne pas s'être attardée au calcul du taux de consommation de matières premières à partir des données des bilans antérieurs et de ne pas s'être formalisée de l'augmentation prévue du chiffre d'affaires et des bénéfices suite aux restructurations et modifications envisagées qui relevaient plus des compétences de la candidate au prêt que des siennes propres; qu'elle n'avait pas davantage à vérifier, au moyen d'une intrusion inquisitoriale dans des comptes qu'elle ne tenait pas, la capacité des associés à apporter les fonds propres promis, la constatation de l'existence des apports à la date prévue ayant été suffisante ; qu'elle n'avait pas à s'inquiéter particulièrement des conditions précises dans lesquelles deux des associés allaient travailler dans le fonds acquis, la qualité de ses interlocuteurs ayant été suffisante à faire accroire que ceux-ci étaient conscients, tant des omissions déplorées par l'expert que de leurs implications, et avait pris des dispositions personnelles notamment quant à leurs revenus permettant le fonctionnement de la société selon les modalités figurant dans le compte prévisionnel ; que, l'accaparement ultérieurement constaté de la totalité des bénéfices par les associés n'ayant pas relevé d'une nécessité découlant avec évidence des comptes prévisionnels présentés, les reproches seront écartés ;

Attendu qu'alors que l'étude prévisionnelle fait état de l'apport, par les associés, d'une somme de1'365'000 francs, l'acte de vente ne mentionne le versement, par l'acquéreur, que d'une somme de1'187'500 francs dont il est établi qu'elle correspond, à concurrence de 160'000 francs à l'apport d'un associé, et d'un million de francs à une avance sur ristourne amortissable faite par un brasseur, la société SDBM; que le commissaire à l'exécution du plan en déduit que les associés ne disposaient pas des fonds promis et qu'en réalité le prêt complémentaire de1'317'500 francs destiné au règlement des frais et travaux a été affecté au financement du prix d'acquisition et détourné de son objet, la responsabilité de la banque pouvant ainsi être recherchée, selon lui, pour crédit ruineux ou soutien artificiel ;

Attendu que, comme relevé par l'expert, le chèque d'un million de francs émanant de la société SDBM correspond, non à un apport mais à une avance remboursable; que cependant, cette nature ne découlant pas du simple libellé du chèque, la banque, qui n'avait pas à s'immiscer dans les affaires de sa cliente, n'avait pas procéder à des investigations complémentaires à cet égard ; que, certes, par rapport aux conditions de déblocage stipulées dans l'offre de prêt du 17 mai 1999, il manque 205'000 francs d'apport personnel, le déblocage étant au surplus intervenu par mise à disposition d'un séquestre dès le 26 mai 1999, avant le crédit en compte de la somme d'un million de francs le 3 juin 1999 ; que la chronologie et le caractère seulement partiel de l'apport promis sont cependant indifférents, dès lors que l'anticipation du déblocage n'a eu aucune conséquence financière prouvée et qu'il n'est pas démontré dans quelle mesure, concrètement, la somme manquante de 205'000 francs a affecté les capacités de gains et de remboursement de l'emprunteuse, notamment les travaux et transformations envisagés sur lesquels aucun renseignement précis n'est fourni ; que le moyen sera en conséquence également rejetée ;

Attendu qu'il est constant que dès les premiers mois d'exploitation la banque a accordé à la société [S] une facilité de caisse de 700'000 francs qui, alors qu'elle culminait à 1'069'760 francs, a fait l'objet d'un rééchelonnement sur sept ans par un protocole en date du 31 mars 2001 ; que le commissaire à l'exécution du plan estime que le découvert a été accordé de manière hâtive sans étude préalable et que sa transformation en crédit remboursable a aggravé la situation financière de l'entreprise qui s'est trouvée contrainte d'amortir le remboursement alors que le maintien du découvert n'aurait pas davantage grevé sa situation ;

Attendu qu'aucune démonstration n'est faite de ce que, à la date à laquelle la facilité a été accordée, la société [S], au vu des comptes prévisionnels qu'elle a établis et que la banque était fondée à considérer comme fiables, n'était pas en mesure d'assumer le concours qui lui a été consenti ; que l'expert judiciaire a constaté, au terme d'analyses que la banque conteste mais que la cour fait siennes, que compte tenu de l'endettement préexistant, non seulement auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, mais encore de la banque BNP PARIBAS, la capacité d'autofinancement à la date de la consolidation ne permettait pas le remboursement selon les modalités prévues, ce d'autant que les associés se distribuaient la totalité des résultats et disposaient de comptes courants débiteurs; qu'il a cependant émis l'avis qui relève de l'évidence que la consolidation était préférable à une demande de remboursement immédiat qui aurait entraîné une déclaration de cessation des paiements certaine ; que, aucune défaillance à l'égard des organismes financiers n'ayant été constatée à la date de la consolidation, et aucune démonstration n'étant faite d'une augmentation de l'insuffisance d'actif induite par cette dernière, le reproche sera écarté ;

Attendu que le jugement attaqué sera dans ces conditions infirmé et la demande rejetée ; que, la banque n'étant pas totalement exempte de reproches, les dépens seront partagés par moitié entre la procédure collective de la société [S] d'une part, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE d'autre part; qu'aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'articles 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel régulier et recevable en la forme.

Met hors de cause de maître [C], représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société [S].

Au fond, infirme le jugement attaqué et, statuant à nouveau,

Déboute maître [T], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société [S], de sa demande dirigée contre la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.

Partage les dépens de première instance et d'appel par moitié entre la procédure collective de la société [S] d'une part, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE d'autre part.

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 09/20617
Date de la décision : 06/01/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°09/20617 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-06;09.20617 ?
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