COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 10 DECEMBRE 2010
N° 2010/508
Rôle N° 09/15954
[T] [C]
[H] épouse [C]
C/
[L] [S]
Grosse délivrée
le :
à : la SCP BLANC-CHERFILS
la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 06 Août 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 09/2140.
APPELANTS
Monsieur [T] [C]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour, assisté de Me Michel ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [H] épouse [C], demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Michel ROUSSET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [L] [S], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour, assisté de Me Jean DE VALON, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2010 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2010.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 10 Décembre 2010,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par ordonnance du 8 décembre 2006 le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a enjoint 'aux époux [C] de réaliser le mur de soutènement préconisé par l'expert judiciaire à peine d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé le délai de huit mois suivant la signification de la présente décision', et par jugement du 6 août 2009 le juge de l'exécution du même tribunal de grande instance a liquidé l'astreinte au 15 juin 2009 à la somme de 8.000 €, condamné les époux [C] à payer cette somme à M. [S], outre une indemnité de 1.200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que l'astreinte continuera à courir dans les mêmes conditions que celles fixées par l'ordonnance de référé du 8 décembre 2006.
Par déclaration du 31 août 2009 M. [C] et Mme [C] née [H] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions notifiées et déposées le 23 décembre 2009 ils exposent, après le rappel des faits et de la procédure, avoir demandé à M. [S] de patienter jusqu'à ce qu'ils reçoivent le financement nécessaire pour l'exécution des travaux, finalement retardée en raison d'un revirement total d'attitude de l'organisme de crédit de sorte qu'ils n'ont pu faire exécuter les travaux mis à leur charge qu'au mois de mars 2009 ainsi qu'en atteste un procès-verbal de réception signé le 27 mars 2009, observent que le premier juge a considéré qu'il leur appartenait également de faire enlever toute la terre effondrée sur la propriété [S], ce qui pourtant n'était pas clairement indiqué par l'ordonnance de référé, expliquent que la décision entreprise qui comporte de multiples erreurs est marquée par la sévérité de la condamnation prononcée à leur égard, les amenant à en interjeter appel, et affirment avoir procédé au paiement de la somme représentant la liquidation de l'astreinte courant novembre 2009.
Les appelants soutiennent que l'interprétation par le premier juge de l'ordonnance de référé, consistant à affirmer que 'la condamnation sous astreinte des époux [C] à réaliser le mur ainsi préconisé implique celle du déblaiement des terres effondrées', est doublement erronée d'abord sur un plan purement juridique dans la mesure où cette interprétation relevait de la compétence du juge des référés, ensuite au niveau technique puisque M. [I], expert, ne s'est absolument pas prononcé sur l'enlèvement des terres dans la propriété [S], la rejetant au contraire au second plan tout en indiquant clairement par courrier du 5 mars 2002 que l'urgence consistait à stabiliser le talus pour éviter tout danger chez les propriétaires mitoyens, y compris eux-mêmes, alors de plus que le problème de l'évacuation des terres ne se posait que par la suite sans signaler particulièrement d'inconvénient majeur en résultant pour M. [S], et ajoutent que ce petit monticule de terre se situe tout à fait à l'arrière de la propriété de celui-ci.
Ils font valoir par ailleurs que le jugement critiqué comporte plusieurs erreurs se rapportant à leur situation financière, notamment quant aux provisions dont ils ont bénéficié, insuffisantes pour pouvoir réaliser l'ensemble des travaux leur incombant, y compris secondairement la réalisation d'un mur de soutènement, expliquent que leur situation financière a été lourdement pénalisée par l'insolvabilité du promoteur et qu'il est anormal de les avoir sanctionnés au profit de M. [S] qui n'a pas subi de véritable préjudice, concluent que la tardiveté de l'exécution de l'ordonnance de référé a pour origine aussi bien l'attitude du constructeur puisque contre toute attente ils ont appris le 28 février 2008 que l'organisme de garantie n'allait pas faire réaliser le mur pour ne pas devenir maître d'ouvrage, se contentant de leur verser la somme nécessaire, que le comportement étonnant pour ne pas dire incohérent de M. [S] dont le conseil leur a fait savoir, suite à leur demande d'accord sur la nature des travaux à exécuter, qu'il n'avait pas besoin d'être consulté et qu'il leur appartenait de prendre eux-mêmes leurs responsabilités, entraînant ainsi une perte de temps de plusieurs semaines.
Les époux [C] précisent que le conseil de M. [S], également interrogé sur l'accord de l'intimé pour le passage sur son terrain de l'entreprise chargée de la construction du mur de soutènement par la base du talus plutôt que par le haut, a répondu que cette autorisation n'était pas nécessaire en l'état d'autres solutions constructives plutôt que de passer par la propriété [S], amenant une nouvelle discussion pour savoir comment pourrait être construit l'ouvrage, ainsi que le blocage de la réalisation des travaux de par l'attitude de l'intimé au point que leur conseil a proposé le 9 décembre 2008 qu'il serait préférable que ce dernier 'exprime son désir de recevoir la provision et se charger lui-même des travaux plutôt que de les contraindre à les faire exécuter', ajoutent que par réponse du 11 décembre 2008 M. [S] a confirmé qu'il était d'accord pour le passage sur son terrain, mentionnent qu'en raison de la période de vacances l'entreprise a commencé quelques semaines plus tard des travaux pour achever le mur le 27 mars 2009 de sorte que pour la période de juin 2008 à mars 2009 le temps écoulé a été en grande partie imputable à M. [S], et demandent à la cour de :
- dire et juger que les termes de l'ordonnance de référé 8 décembre 2006 ont été totalement exécutés par eux, puisque cette décision ne prévoyait pas l'enlèvement des terres tombées sur la propriété de l'intimé,
- dire que la tardiveté de l'exécution ne leur est pas imputable et qu'il y a pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte,
- sauf à titre infiniment subsidiaire à considérer que la liquidation doit intervenir à une somme symbolique,
- et de condamner M. [S] à leur rembourser la somme de 8.000 € reçue au titre de l'exécution provisoire, outre celle de 1.000 € à titre de dommages et intérêts et de 1.500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées et déposées le 11 mai 2010 M. [S] réplique que les époux [C] n'ont pas respecté les obligations mises à leur charge alors que l'ordonnance de référé a été rendue courant décembre 2006 en prévoyant la nécessaire réalisation d'un mur de soutènement et l'enlèvement des terres déversées sur son fonds, seconde obligation qui n'a pas été assurée malgré le courrier de son conseil, considère que le juge de l'exécution n'a pas procédé à l'interprétation de l'ordonnance de référé parfaitement claire dont il a fait application, estime qu'il ne lui appartient pas d'entrer dans le débat opposant éventuellement les appelants à leur constructeur d'autant plus qu'ils ont obtenu le versement de provisions notamment par décision du 25 octobre 2005 sans communiquer sur ce point les décisions s'y rapportant ni même les actes d'exécution qu'ils auraient pu diligenter, et soutient qu'il est inexact de dire qu'il aurait accepté de différer la signification de l'ordonnance de référé, intervenu le 18 juillet 2007, à la suite d'un accord intervenu.
L'intimé affirme ne pas avoir empêché la réalisation des travaux par les époux [C] ayant fait le choix de ne pas obéir à la décision de justice dont ils ne peuvent aujourd'hui se prévaloir, souligne avoir attendu pour faire signifier la décision de référé jusqu'à l'époque où il a constaté que les travaux ne débutaient pas et que les époux [C] communiquaient des documents parcellaires ne comprenant pas l'enlèvement des terres, s'oppose à leur argumentation relative à la nécessité de passer par son fonds pour la réalisation des travaux, ajoute que la question du retrait des terres a toujours été évoquée dans les courriers de son conseil sans obtenir de réponse sur ce point, et fait valoir que les époux [C] ont obtempéré lorsqu'il a manifesté des intentions procédurales.
Il indique produire aux débats un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 20 mai 2009 dont il ressort que le mur de soutènement nouvellement construit présente des ruissellements sur le crépi et sur le sol, outre le déversement récent d'une très importante quantité de terre avec des pierres, des piquets métalliques et du grillage sur une dizaine de mètres, et demande à la cour de réformer la décision entreprise en fixant à la somme de 21.050 € la liquidation de l'astreinte au 19 juin 2009, de fixer une nouvelle astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la décision de première instance, de condamner les époux [C] à lui payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de dire qu'en cas d'exécution forcée par voie d'huissier de justice les sommes dues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1995 régissant le tarif des huissiers de justice, seront supportées par le débiteur en sus de celles allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été rendue le 27 septembre 2010.
Les appelants ont fait notifier et déposer le 15 octobre 2010 des conclusions récapitulatives en réponse, assorties de la communication de nouvelles pièces et d'une demande de révocation de l'ordonnance de clôture motivée par le 'souci de bonne administration de la justice' et la nécessité 'd'admettre aux débats le rabat de l'ordonnance de clôture pour [leur] permettre de produire de nouvelles pièces et écritures compte tenu de la position adoptée par M. [S]'.
Par conclusions signifiées et déposées le 22 octobre 2010 M. [S] a sollicité le rejet des débats de ces pièces et conclusions des appelants en l'absence de motif venant justifier cette tardiveté.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les dernières conclusions et pièces :
Les écritures et pièces communiquées par les époux [C] le 15 octobre 2010, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture du 27 septembre 2010 dont la date a été régulièrement communiquée aux avoués des parties par avis du greffe du 04 mai 2010, sont irrecevables d'office en application de l'article 783 du code de procédure civile.
Il est ainsi justifié de les rejeter, tout en observant qu'il ne peut être fait droit à leur demande tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture faute d'être motivée par une cause grave au sens de l'article 784 du même code, que le 'souci de bonne administration de la justice' et la nécessité 'd'admettre aux débats le rabat de l'ordonnance de clôture pour [leur] permettre de produire de nouvelles pièces et écritures compte tenu de la position adoptée par M. [S]' évoquées à ce titre ne sauraient constituer.
Sur les demandes au fond :
Les parties sont en l'état d'une ordonnance du 8 décembre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a enjoint 'aux époux [C] de réaliser le mur de soutènement préconisé par l'expert judiciaire à peine d'une astreinte provisoire de 50 € par jour de retard passé le délai de huit mois suivant la signification de la présente décision', et d'un jugement rendu le 6 août 2009 par le juge de l'exécution du même tribunal de grande instance, qui a liquidé l'astreinte au 15 juin 2009 à la somme de 8.000 €, condamné les époux [C] à payer cette somme à M. [S], outre une indemnité de 1.200 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que l'astreinte continuera à courir dans les mêmes conditions que celles fixées par l'ordonnance de référé du 8 décembre 2006.
L'ordonnance de référé leur ayant été signifiée par acte d'huissier de justice du 18 juillet 2007, les débiteurs de l'obligation devaient y satisfaire au plus tard le 18 mars 2008.
Les appelants soutiennent à l'appui de leur recours avoir totalement exécuté les termes de l'ordonnance de référé, dans la mesure où d'une part la tardiveté de l'exécution ne leur serait pas imputable comme résultant d'un revirement total d'attitude de l'organisme contacté pour un financement des travaux, et d'autre part cette décision ne prévoyait pas l'enlèvement des terres tombées sur la propriété de l'intimé, et concluent qu'il n'y a donc pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte, sauf à titre infiniment subsidiaire à retenir une liquidation symbolique.
Mais les justificatifs qu'ils produisent ne démontrent pas une exécution satisfaisante de l'injonction adressée à leur endroit dans le délai imparti pour ce faire.
En effet la facture établie le 31 mars 2009 par l'entreprise de bâtiment DANIEL FILS pour un montant de 10.407,58 €, suite à des travaux de 'construction d'un mur de soutènement' réalisés conformément à un devis dont copie du 2 juin 2008, révèle en elle-même une exécution tardive.
Par ailleurs ils ne sauraient se prévaloir de l'attitude de la CGI FFB dont le conseil leur a appris 'contre toute attente le 28 février 2008 que réflexion faite l'organisme de garantie n'allait pas faire réaliser le mur puisqu'il ne voulait pas devenir maître de l'ouvrage et qu'il allait se contenter de leur verser la somme nécessaire', car ils n'ont fait aviser le conseil de l'intimé de ce 'bouleversement récent provoquant une réorientation' du dossier que par courrier du 6 mai 2008, soit après l'expiration du délai accordé pour la réalisation des travaux.
Ils ne peuvent davantage exciper du 'comportement étonnant pour ne pas dire incohérent de M. [S]' les informant par son conseil, suite à leur demande d'accord sur la nature des travaux à exécuter, 'qu'il n'avait pas besoin d'être consulté et qu'il leur appartenait de prendre eux-mêmes leurs responsabilités', entraînant dès lors une perte de temps de plusieurs semaines, les courriers adressés de ce chef à l'initiative de leur conseil étant aussi postérieurs à l'expiration du délai accordé pour agir.
De tels éléments ne constituent pas ainsi des difficultés ou une cause étrangère au sens de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, et les appelants, auxquels il appartenait de prendre toutes dispositions pragmatiques pour faire édifier le mur de soutènement dans le respect des dispositions de l'ordonnance de référé ne sauraient prospérer dans leur argumentation.
Enfin ladite ordonnance et le rapport de l'expert [I], dépourvus de toute ambiguïté, ne nécessitaient pas la saisine par l'intimé du juge de référés aux fins d'interprétation au sujet de la nature et de l'étendue des travaux incombant aux appelants, l'édification du mur de soutènement leur imposant naturellement de déblayer les amas de terre à provenir des travaux considérés.
Faute pour les époux [C] d'avoir adopté un comportement à même de leur permettre de faire édifier ce mur convenablement, c'est à bon droit que le premier juge a retenu le principe de la liquidation de l'astreinte et déterminé son montant à la somme de 8.000 €, parfaitement adaptée à la nature et aux circonstances techniques du présent litige.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, y compris du chef de la poursuite du cours de l'astreinte en l'absence d'exécution complète de l'obligation à la date de son prononcé.
L'équité commande de condamner les appelants au paiement de la somme de 1.200 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est de plus justifié de dire et juger qu'en cas d'exécution forcée par voie d'huissier de justice les sommes dues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1995 régissant le tarif des huissiers de justice, seront supportées par les appelants en sus de celles allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Rejette les écritures et pièces communiquées par les appelants le 15 octobre 2010,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur et Madame [C] à payer à Monsieur [S] la somme de 1.200 € (mille deux cents) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit et juge qu'en cas d'exécution forcée par voie d'huissier de justice les sommes dues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1995 régissant le tarif des huissiers de justice, seront supportées par les appelants en sus de celles allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne Monsieur et Madame [C] aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président