ARRÊT AU FOND DU 06 NOVEMBRE 2009
No 2009 / 614
Rôle No 07 / 12466
Frédéric X...
C /
LE CREDIT MUNICIPAL DE TOULON
Grosse délivrée le : à : SCP TOUBOUL SCP COHEN
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 21 Juin 2007 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 2163.
APPELANT
Monsieur Frédéric X... né le 23 Juillet 1970 à NANCY (54000), demeurant ...-... représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, Assisté de Me Michel MATTEI, avocat au barreau de TOULON
INTIMEE
LE CREDIT MUNICIPAL DE TOULON, pris en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié en cette qualité audit siège, demeurant 10 Place Raspail-Case no 5-83107 TOULON représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour, Assisté de Me Michel MAS, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Karine SUPPINI, avocat au barreau de TOULON
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Septembre 2009 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Danielle VEYRE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Robert PARNEIX, Président Madame Danielle VEYRE, Conseiller Mme Hélène BARTHE-NARI, Vice-président placé, affecté à la cour par ordonnance spéciale du Premier Président
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2009.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2009,
Signé par Monsieur Robert PARNEIX, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement rendu le 21 juin 2007 par le tribunal d'instance de Toulon qui a déclaré forclose l'action de Monsieur Frédéric X... à l'encontre du Crédit Municipal de Toulon ;
Vu l'appel formé le 18 juillet 2007 par Monsieur X... ;
Vu les conclusions déposées le 19 novembre 2007 par Monsieur X... ;
Vu les conclusions déposées le 5 janvier 2009 par la Caisse de Crédit Municipal de Toulon ;
MOTIFS ET DECISION :
Attendu que le 2 janvier 1992 Monsieur Frédéric X... a ouvert un compte auprès de la Caisse du Crédit Municipal de Toulon.
Attendu que le 29 juillet 1994 le Crédit Municipal de Toulon a émis un titre exécutoire à l'encontre de Monsieur X... pour la somme de 59. 664, 98 francs ;
Attendu que selon l'intimée ce titre exécutoire a pour origine la délivrance par le Crédit Municipal de Toulon d'un chèque certifié de 60. 000 F à Monsieur X... au vu d'un chèque de même montant que ce dernier lui avait précédemment déposé et qui s'était révélé ensuite sans provision ;
Attendu que par requête enregistrée le 10 juin 1997 auprès du Tribunal Administratif de Nice, Monsieur X... a formé opposition contre l'état exécutoire du 29 juillet 1994 délivré par le Crédit Municipal de Toulon avec signification de celui-ci en date du 11 mars 1997 ; que cette demande a été rejetée par ordonnance du 7 février 2000, comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Attendu que par exploit du 28 juillet 2005 Monsieur X... a saisi le tribunal d'instance de Toulon d'une contestation du titre exécutoire émis par le Crédit Municipal de Toulon ;
Attendu que Monsieur X... soutient que le titre exécutoire du 29 juillet 1994 est nul, en raison de son imprécision qui empêche la vérification du caractère liquide et exigible de la créance alléguée, et que la notification est irrégulière, en l'absence de mention des délais et des voies de recours, ce qui entraîne la nullité des poursuites et la forclusion de l'action de la Caisse du Crédit Municipal de Toulon en application de l'article L 311-37 du Code de la Consommation ;
Attendu qu'un établissement public communal doté d'une comptabilité publique telle la Caisse du Crédit Municipal, relevant de la loi no 92518 du 15 juin 1992 bénéficie du privilège de l'exécutoire ;
Attendu qu'en application des articles R. 2342-2 et D. 3342-11 du Code des Collectivités territoriales, le directeur de la Caisse du Crédit Municipal de Toulon, en sa qualité d'ordonnateur, a le pouvoir d'émettre pour le recouvrement d'une créance contractuelle, un titre exécutoire ;
Attendu que constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public, délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir (article L 252 A du livre de procédures fiscales) ;
Attendu que selon l'article L. 1617-5 du Code Général des Collectivités Territoriales alinéa 2 " l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien fondé de ladite créance se prescrit par un délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire, ou à défaut du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ;
Attendu cependant que si les contestations relatives au recouvrement d'une telle créance doivent être faites dans un délai défini devant la juridiction compétente pour en connaître à peine d'irrecevabilité de la demande présentée à celle-ci, cette irrecevabilité n'est opposable au demandeur qu'à la condition qu'il ait été précisément informé par l'acte de poursuite, des modalités et des délais de recours ;
Attendu, en l'espèce, qu'il incombe à la Caisse de Crédit Municipal de Toulon de rapporter la preuve que les modalités et délais de recours ont été portés à la connaissance de Monsieur X... lors de la notification de l'état exécutoire du 29 juillet 1994 ;
Attendu que la Caisse de Crédit Municipal de Toulon verse aux débats un commandement du 29 août 1994 délivré à Monsieur X..., que cet acte, s'il fait état d'un solde dû de 59. 694, 98 francs, ne cite pas l'état exécutoire du 29 juillet 1994 ; qu'elle produit ensuite uniquement la copie de la première page d'un acte en date du 5 mars 1997 intitulé " signification d'état exécutoire avec commandement ", et que s'il est indiqué sur cette page " signifié et laissé copie d'un état exécutoire rendu par Monsieur l'agent comptable de l'organisme requérant en date du 29 juillet 1993 " l'état exécutoire n'est pas joint et que ne sont pas produites les autres pages de cet acte du 5 mars 1997, de sorte que l'on ignore si ont été portées les mentions relatives aux modalités et délais de recours de l'état exécutoire ;
Attendu que la photocopie d'un accusé de réception signé par Monsieur X... en date du 12 février 1997 d'une lettre recommandée produite par l'intimée se rapporte à un dernier avis avant saisie des rémunérations ", du 31 janvier 1997, que les commandements de payer du 7 août 1998 et du 21 avril 2000 délivrés à Monsieur X... se limitent à faire référence à l'état exécutoire du 29 juillet 1994 ;
Attendu enfin que le fait que Monsieur X... dans sa requête enregistrée le 9 juin 1997 auprès du tribunal administratif de Nice ait formé opposition à l'état exécutoire du 29 juillet 1994 et ait mentionné une signification de celui-ci n'implique pas qu'il ait été avisé des modalités et des délais de recours de l'état exécutoire pris à son encontre ;
Attendu ainsi que la Caisse du Crédit Municipal de Toulon ne rapporte nullement la preuve que Monsieur X... tant lors de la notification de l'état exécutoire du 29 juillet 1994 qu'à l'occasion des actes de poursuite consécutifs à celui-ci a été précisément informé des modalités et des délais de recours de l'état exécutoire délivré contre lui, et que donc cet état exécutoire lui a été régulièrement notifié ;
Attendu par suite que le délai de deux mois à compter de la notification de l'état exécutoire visé à l'article L. 1617-5 du Code Général des Collectivités Territoriales pour contester le bien fondé de la créance du Crédit Municipal de Toulon, n'a pas couru, et que Monsieur X... est recevable en son recours contre le titre exécutoire du 29 juillet 2007 ;
Attendu que si aucune forme n'est requise pour la rédaction des titres exécutoires, le titre doit cependant être conforme à l'article 81 alinéa 1 du décret du 29 décembre 1962 selon lequel " tout ordre de recette doit indiquer la base de la liquidation " ;
Attendu qu'un titre exécutoire doit mentionner notamment l'origine de la dette, les différents éléments de celle-ci, ses modalités de calcul ;
Attendu, en l'espèce, que le Crédit Municipal de Toulon, dans l'état exécutoire du 29 juillet 1994 mentionne uniquement la somme due 59. 664, 98 francs ; qu'il n'indique rien sur l'origine de la créance, le calcul de la somme réclamée ;
Attendu que la seule indication de ce chiffre de 59. 664, 98 francs est insuffisante pour vérifier l'existence, le montant et l'exigibilité de la dette ;
Attendu que le titre exécutoire du 29 juillet 1994, est irrégulier, que par suite il encourt l'annulation de ce chef, et ne peut produire effet ;
Attendu, que cet acte étant nul, il est sans intérêt d'examiner dans le cadre de la présente instance les autres demandes de Monsieur X... relatives à ce titre exécutoire étant rappelé que la Cour est, par ailleurs, saisie dans une autre instance, d'un recours contre une décision du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Toulon du 11 avril 2006 opposant les mêmes parties ;
Attendu que Monsieur X... réclame la somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts ; que celui-ci ne rapporte pas la preuve d'une faute caractérisée de son adversaire constitutive d'un abus de droit, que sa demande de ce chef sera rejetée ;
Attendu que la Caisse du Crédit Municipal de Toulon qui succombe au principal n'est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts ; qu'elle supportera les dépens, et qu'il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement,
Infirme le jugement entrepris.
Déclare nul l'état exécutoire émis le 29 juillet 1994 par le Crédit Municipal de Toulon à l'encontre de Monsieur Frédéric X... ;
Condamne la Caisse du Crédit Municipal de Toulon à payer à Monsieur Frédéric X... la somme de 1. 000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne la Caisse du Crédit Municipal de Toulon aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.