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03/06/2009 | FRANCE | N°08/07441

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 10o chambre, 03 juin 2009, 08/07441


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10o Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 03 JUIN 2009

No 2009 /

Rôle No 08 / 07441

MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS " MACSF "
Jean-Jacques X...

C /

Emma Y...

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Décembre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 02 / 01056.

APPELANTS

MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS " MACSF ", prise en la per

sonne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, Cours du Triangle-10 rue de Valmy-92800 PUTEAUX
représentée par la S...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10o Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 03 JUIN 2009

No 2009 /

Rôle No 08 / 07441

MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS " MACSF "
Jean-Jacques X...

C /

Emma Y...

Grosse délivrée
le :
à :

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Décembre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 02 / 01056.

APPELANTS

MUTUELLE D'ASSURANCES DU CORPS DE SANTE FRANCAIS " MACSF ", prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, Cours du Triangle-10 rue de Valmy-92800 PUTEAUX
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assistée de la SCP DAYDE-PLANTARD-ROCHAS et VIRY, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE substituée par Me Pascaline MOMOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

Monsieur Jean-Jacques X...
né le 15 Janvier 1953 à SOUK EL ARBA / TUNISIE, demeurant...
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assisté de la SCP DAYDE-PLANTARD-ROCHAS et VIRY, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE substituée par Me Pascaline MOMOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

INTIMEE

Madame Emma Y...
née le 27 Mars 1970 à IMPERIA / ITALIE, demeurant ...
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assistée de Me Laurence CRESSIN BENSA, avocat au barreau de NICE substitué par Me Thierry TROIN, avocat au barreau de NICE

*- *- *- *- *

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 31 Mars 2009 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2009.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2009,

Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

E X P O S É D U L I T I G E

Mme Emma Y... a subi, le 17 juin 1999, une intervention chirurgicale au laser, pratiquée par le Dr Jean-Jacques X..., aux fins de corriger sa myopie, il s'en est suivi une baisse de la vision de l'œ il droit.

Par jugement contradictoire du 4 décembre 2007, le Tribunal de Grande Instance de NICE a :

- au vu du manquement du Dr Jean-Jacques X... à son obligation d'information envers Mme Emma Y... quant au risque de lésion cornéenne inhérent à l'intervention chirurgicale par lui pratiquée le 17 juin 1999 sur cette patiente, déclaré le Dr Jean-Jacques X... responsable de la perte d'une chance pour Mme Emma Y... d'éviter le préjudice par elle subi à la suite de l'intervention du 17 juin 1999,

- condamné solidairement M. Jean-Jacques X... et la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) à payer à Mme Emma Y... la somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice par elle subi du fait de cette perte de chance, ainsi que la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné solidairement M. Jean-Jacques X... et la MACSF aux dépens, y compris les frais d'expertise.

M. Jean-Jacques X... et la MACSF ont régulièrement interjeté appel de ce jugement le 22 avril 2008.

Vu les conclusions de Mme Emma Y... en date du 16 septembre 2008.

Vu les conclusions de M. Jean-Jacques X... et de la MACSF en date du 7 octobre 2008.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 mars 2009.

M O T I F S D E L'A R R Ê T

Attendu qu'une mesure d'expertise a été confiée au Dr Bernard D... par jugement avant dire droit du 28 novembre 2002, que cet expert a déposé son rapport le 12 novembre 2003 après avoir sollicité l'avis sapiteur du Dr Hélène E..., spécialiste en chirurgie réfractive.

Attendu qu'il ressort de ce rapport que Mme Emma Y..., citoyenne italienne, a consulté le Dr Jean-Jacques X... en mars 1999 pour une intervention chirurgicale sur la myopie, qu'elle a été opérée le 17 juin 1999 à NICE par lasik avec découpe d'un capot et réalisation d'une photo-ablation par laser Excimer Technolos 117, sous anesthésie topique.

Attendu qu'au moment de la remise en place du volet cornéen, le médecin a constaté un aspect laiteux inhabituel de celui-ci avec sensation de brûlure oculaire, qu'il a alors procédé au lavage du capot et à la désépithélisation et pose d'une lentille de contact pour calmer la douleur, qu'il a ensuite été prescrit un traitement par Chibrocadron ®, Keratyl ® et Di-antalvic ® jusqu'au 25 juillet 1999, la lentille cornéenne étant régulièrement changée durant cette période.

Attendu que Mme Emma Y... présente une baisse de la vision de l'œ il droit qui est la conséquence des lésions cornéennes directement en rapport avec l'acte chirurgical pratiqué le 17 juin 1999, qu'il s'agit, selon l'expert, d'une complication imprévisible et difficilement explicable, l'avis sapiteur soulevant l'hypothèse que cette complication serait due à un problème au niveau de la lame du microkératotome, anomalie impossible à vérifier.

Attendu que l'expert conclut que cette complication rentre dans le cadre d'un aléa thérapeutique, le Dr Jean-Jacques X... ayant par ailleurs, au cours de l'intervention et dans ses suites opératoires, pris en charge le problème cornéen de Mme Emma Y... de façon attentive, diligente et conforme aux données acquises de la science médicale.

Attendu qu'il apparaît donc qu'aucune faute de technique médicale ne peut être reprochée au Dr Jean-Jacques X..., étant rappelé que le médecin n'est tenu que d'une obligation de moyens et que la réparation de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient.

Attendu que Mme Emma Y... reproche néanmoins au Dr Jean-Jacques X... de ne pas l'avoir informée des risques de l'intervention projetée, ne lui permettant pas de donner un consentement éclairé à cette intervention et, interjetant appel incident, elle estime que son préjudice ne consiste pas en une simple perte de chance mais qu'elle a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice, réclamant à titre principal la somme de 100. 000 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues, ou, subsidiairement, une mesure d'expertise médicale afin d'évaluer ses postes de préjudice corporel.

Attendu que pour leur part M. Jean-Jacques X... et son assureur estiment qu'une information écrite et orale, claire et précise, a bien été donnée à Mme Emma Y... ainsi que cela ressort du document relatif à la technique de l'opération au lasik pratiquée, systématiquement remis aux patients en langues française et italienne, et du devis portant la signature de la patiente.

Attendu en conséquence que le litige porte exclusivement sur la preuve du respect, par le médecin, de l'obligation d'information de son patient des risques, même exceptionnels, de l'intervention chirurgicale envisagée afin de permettre au patient d'y donner son consentement éclairé.

Attendu qu'un long débat s'est porté sur la validité du devis, une plainte avec constitution de partie civile ayant été déposée par Mme Emma Y... qui contestait sa signature, procédure terminée par une décision de non lieu confirmée en appel, ainsi que sur le fait que le document d'information écrite ne portait pas la signature de la patiente.

Mais attendu qu'il convient de rappeler que si la preuve du respect de cette obligation d'information incombe au médecin, cette preuve peut être rapportée par tous moyens, qu'en effet cette information est essentiellement orale et se situe dans le cadre du rapport direct et personnel qui s'établit entre un praticien et son patient, que l'écrit ne constitue qu'un support de cette information mais n'est nullement exigé comme condition de validité du consentement éclairé du patient, le " permis d'opérer " n'existant pas dans la pratique médicale française.

Attendu que le Dr Hélène E..., médecin dont l'avis sapiteur a été sollicité par l'expert judiciaire, écrit, dans son avis, que Mme Emma Y... a reconnu avoir été " informée de vive voix des risques encourus ", qu'il est encore précisé que Mme Emma Y... a reconnu qu'elle connaissait le tarif de l'intervention mais nie avoir signé un devis.

Attendu que pour sa part l'expert judiciaire, le Dr Bernard D..., dans son rapport, indique également que Mme Emma Y... a bien été informée des risques encourus par l'intervention chirurgicale, qu'en outre au cours de la procédure d'instruction diligentée suite à la plainte avec constitution de partie civile de Mme Emma Y... pour faux concernant sa signature figurant au devis, l'expert judiciaire a écrit au magistrat instructeur pour lui confirmer que Mme Emma Y... lui " a bien dit que le Docteur X... a bien rempli son obligation de conseil ", ainsi que cela ressort de la lecture de l'arrêt rendu le 25 novembre 2004 par la chambre de l'instruction de la Cour de céans, confirmant l'ordonnance de non lieu rendue par le magistrat instructeur.

Attendu que pour contester les affirmations tant de l'expert judiciaire que du sapiteur, Mme Emma Y... produit une attestation de l'interprète en langue italienne qui l'assistait lors des opérations d'expertise, Mme Danielle F..., établie le 15 juin 2004 et ainsi rédigée :

" Je n'ai pas entendu dire par Mme Y... qu'elle était au courant des risques qu'elle prenait en se soumettant à l'opération des yeux qu'elle a subie. Déclaration qu'elle aurait dû faire en langue italienne et que j'aurais dû traduire en langue française. "

Mais attendu que cette attestation, au demeurant rédigée plus d'un an après les opérations d'expertise, est passablement ambigüe, qu'en effet l'interprète n'affirme pas que Mme Emma Y... n'aurait jamais, devant l'expert et son sapiteur, reconnu avoir été verbalement informée des risques de l'opération projetée, mais simplement qu'elle n'a " pas entendu " Mme Emma Y... le dire.

Attendu que cette attestation, par sa tardiveté et son ambiguïté, ne saurait contredire sérieusement les affirmations précises, circonstanciées et réitérées tant de la part du sapiteur dans son avis rédigé au moment même des opérations d'expertise que de la part de l'expert judiciaire à la fois dans son rapport et dans sa lettre adressée au magistrat instructeur dans le cadre de la procédure pénale, selon lesquelles Mme Emma Y... a, devant eux, admis avoir été informée oralement des risques de l'intervention.

Attendu au surplus que la Cour observe que Mme Emma Y... n'a pas demandé l'annulation du rapport d'expertise judiciaire et de l'avis sapiteur et n'a engagé contre l'expert et son sapiteur aucune action civile, pénale ou disciplinaire pour faux ou, tout au moins, mention d'affirmations inexactes dans leur rapport et avis.

Attendu que la nature et l'étendue de cette information sont précisées par la notice d'information de quatre pages, intitulée " Utilisation du laser Excimer Chiron Technolase pour l'intervention au lasik " remise aux patients avant l'intervention et dont il existe un exemplaire en langue italienne pour les patients non francophones ; que parmi les risques de complications exceptionnelles est bien mentionnée la possibilité de lésions cornéennes (" prolifération épithéliale dans l'interface du capot responsable d'un trouble de la cornée ").

Attendu que dans ses conclusions Mme Emma Y... ne conteste pas réellement avoir reçu un exemplaire de cette notice, qu'elle se contente en effet de dire que ce document ne comporte ni son paraphe ni sa signature (page 10, 3ème paragraphe de ses conclusions) sans pour autant affirmer formellement ne pas l'avoir reçu, étant à nouveau rappelé que le permis d'opérer écrit et signé du patient n'est nullement exigé comme condition de validité de son consentement éclairé, que l'information du patient est essentiellement orale et que l'écrit n'est qu'un élément venant confirmer et préciser la nature de cette information.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme Emma Y... a bien été correctement informée par le Dr Jean-Jacques X... de la nature de l'intervention projetée et de l'ensemble de ses risques et complications, même exceptionnels, que dès lors le jugement déféré sera infirmé et que, statuant à nouveau, Mme Emma Y... sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique de la partie condamnée, d'allouer à M. Jean-Jacques X... et à la MACSF la somme globale de 2. 000 € au titre des frais par eux exposés et non compris dans les dépens.

Attendu que Mme Emma Y..., partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de la procédure de première instance (y compris les frais d'expertise) et d'appel.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.

Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

Déboute Mme Emma Y... de l'ensemble de ses demandes.

Condamne Mme Emma Y... à payer à M. Jean-Jacques X... et à la MACSF la somme globale de DEUX MILLE EUROS (2. 000 €) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Condamne Mme Emma Y... aux dépens de la procédure de première instance (lesquels comprendront les frais d'expertise) et d'appel et autorise la S. C. P. ERMENEUX-CHAMPLY, LEVAIQUE, Avouées associées, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

Rédacteur : M. RAJBAUT

Madame JAUFFRESMadame SAUVAGE
GREFFIÈRE PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : 10o chambre
Numéro d'arrêt : 08/07441
Date de la décision : 03/06/2009

Analyses

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin chirurgien - Responsabilité - Obligation de renseigner - Etendue

Si la preuve du respect de l'obligation d'information du patient incombe au médecin, cette preuve peut être rapportée par tous moyens. Ainsi, elle est essentiellement orale et se situe dans le cadre du rapport direct et personnel qui s'établit entre un praticien et son patient, l'écrit ne constitue qu'un support de cette information mais n'est nullement exigé comme condition de validité du consentement éclairé du patient


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nice, 04 décembre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2009-06-03;08.07441 ?
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