COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10o Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 25 MARS 2009
No 2009 /
Rôle No 07 / 08708
Huguette X...
C /
S. C. P. A...- B...- C...- E... F... Y...- G... H... I... J...
SA CLINIQUE SAINT JEAN
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 12 Avril 2007 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 04950.
APPELANTE
Madame Huguette X...
née le 13 Décembre 1934, demeurant...
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assistée de la SCP DAYDE-PLANTARD-ROCHAS et VIRY, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE substituée par Me Pascaline MOMOT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMEES
S. C. P. A...- B...- C...- E... F... Y...- G... H... I... J...,..., agissant poursuites et diligences de son...
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
assistée de Me Mariette CLAVIERAS, avocat au barreau de TOULON
SA CLINIQUE SAINT JEAN prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis, 1 Avenue Georges Bizet-83000 TOULON
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour,
assistée de Me Anne SABATER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis
assignée, 2 Rue Emile Ollivier-ZUP de la Rode-83082 TOULON CEDEX
défaillante
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Février 2009 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2009.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2009,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
E X P O S É D U L I T I G E
Suite à une chute le 31 juillet 2001 occasionnant une fracture complexe du poignet droit sans plaie ouverte, Mme Huguette X... a été hospitalisée du 31 juillet au 2 août 2001 à la clinique Saint-Jean de TOULON (Var) pour la réduction de la fracture et la mise en place d'un fixateur externe ; suite à une infection sur fiche de fixateur externe, une deuxième intervention chirurgicale a été nécessaire le 18 août 2001 pour nettoyer les orifices de broches et drainer un phlegmon de la base dorsale du poignet droit ; elle a ensuite engagé une action en responsabilité contre le médecin (le Dr Y...) et la clinique.
Par jugement contradictoire du 12 avril 2007, le Tribunal de Grande Instance de TOULON a débouté Mme Huguette X... ainsi que la CPAM du Var de leurs demandes et a condamné Mme Huguette X... à payer à la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Mme Huguette X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 23 mai 2007.
Vu les conclusions de Mme Huguette X... en date du 4 octobre 2007.
Vu les conclusions de la SA Clinique Saint-Jean en date du 13 décembre 2007.
Vu les conclusions de la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... en date du 3 avril 2008.
Vu l'assignation de la CPAM du Var notifiée à personne habilitée le 29 août 2008 à la requête de Mme Huguette X....
Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 janvier 2009.
M O T I F S D E L'A R R Ê T
Attendu qu'une mesure d'expertise a été confiée au Dr Jean-Luc D... par ordonnance de référé du 14 juin 2002, son rapport a été déposé le 4 novembre 2002.
Attendu qu'il en ressort que Mme Huguette X..., née le 13 décembre 1934, a été opérée à la clinique Saint-Jean par le Dr Y... le 1er août 2001 sous anesthésie loco régionale pour une réduction de sa fracture complexe du poignet droit et mise en place d'un fixateur externe, qu'elle a regagné son domicile le 2 août 2001, que des pansements ont été effectués en consultation les 6, 9, 13 et 16 août 2001, que lors du dernier pansement a été constaté un suintement.
Attendu en effet qu'une infection superficielle au staphylocoque aureus est apparue au niveau d'une broche du fixateur externe nécessitant une nouvelle intervention en urgence le 18 août 2001 sous anesthésie loco régionale pour un nettoyage des orifices de broches et le drainage d'un phlegmon débutant sur le dos de la main, qu'une nouvelle hospitalisation a encore été effectuée du 20 au 24 août 2001 pour l'ablation du fixateur externe et la mise en place d'une orthèse.
Attendu que l'infection au staphylocoque aureus a été traitée par antibiotique jusqu'au début du mois de septembre 2001.
Attendu que l'expert n'a relevé aucune erreur ou négligence pouvant être imputée aux différents médecins ayant pu prendre en charge Mme Huguette X... pour le traitement de sa fracture contrairement aux conclusions prises par elle à titre subsidiaire, qu'en effet le traitement de la fracture n'est entaché d'aucune négligence particulière, Mme Huguette X... ne rapportant pas la preuve, autrement que par ses propres affirmations, que le fixateur externe lui aurait été posé contre son accord (ce qui supposerait qu'il lui aurait été posé de force), qu'en outre la prise en charge médicale de la complication due à l'infection au staphylocoque aureus est irréprochable et conforme aux données acquises de la science médicale, étant observé que le problème a été rapidement résolu dès le début du mois de septembre 2001.
Attendu qu'à titre principal Mme Huguette X... invoque l'origine nosocomiale de son infection au staphylocoque aureus.
Attendu que si l'expert estime que le diagnostic d'infection nosocomiale ne saurait être porté avec certitude, le caractère hospitalier du germe n'étant pas démontré, s'agissant d'un germe saprophyte (c'est-à-dire vivant dans la nature), il n'en reste pas moins que l'infection au staphylocoque aureus s'est bien produite sur une des broches du fixateur externe posé le 1er août 2001 et que cette infection est de ce fait bien une conséquence directe de l'intervention chirurgicale du 1er août, soit par l'introduction du germe, soit par voie endogène.
Attendu qu'en conséquence la preuve du caractère nosocomial de l'infection à staphylocoque de Mme Huguette X... est bien rapportée et que de ce fait le jugement déféré, qui n'a pas retenu l'origine nosocomiale de cette infection, sera infirmé.
Attendu que l'acte médical à l'origine de cette infection nosocomiale ayant eu lieu avant le 5 septembre 2001, l'article L 1142-1 du Code de la santé publique, tel qu'issu de la loi 2002-303 du 4 mars 2002, est inapplicable aux faits de l'espèce et que ce sont les dispositions de l'article 1147 du Code civil qui sont applicables.
Attendu qu'en application de cet article, un médecin et un établissement de santé privé sont tenus, en matière d'infection nosocomiale, d'une obligation de sécurité de résultat dont ils ne peuvent se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère.
Attendu que ni le médecin ni la clinique n'allèguent une quelconque cause étrangère susceptible de les exonérer de leur obligation de sécurité de résultat.
Attendu en conséquence que la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean seront solidairement condamnées à indemniser Mme Huguette X... du préjudice consécutif à cette infection nosocomiale.
Attendu sur ce point que l'expert précise que les dommages et préjudices observés au niveau du poignet droit de Mme Huguette X... relèvent essentiellement des conséquences de la fracture du 31 juillet 2001 et non pas des interventions consécutives à l'infection nosocomiale, qu'ainsi l'ITT, l'IPP et le préjudice esthétique constatés ne sont que la conséquence de cette fracture.
Attendu qu'il apparaît que l'infection nosocomiale n'a entraîné qu'un pretium doloris spécifique évalué par l'expert judiciaire à 2, 5 / 7.
Attendu en conséquence que Mme Huguette X... sera déboutée de ses demandes indemnitaires au titre du déficit fonctionnel temporaire (ITT), du déficit fonctionnel séquellaire (IPP) et du préjudice esthétique.
Attendu qu'au titre du poste de préjudice relatif aux dépenses de santé il apparaît que la CPAM du Var a engagé des débours relatifs à l'hospitalisation du 18 août 2001 (306 € 19 c.) et aux frais médicaux et pharmaceutiques qui s'en sont suivis du 20 août au 26 septembre 2001 (583 € 39 c.), que Mme Huguette X... ne fait pas état de frais médicaux restés à sa charge, que ce poste de préjudice sera donc évalué à la somme globale de 889 € 58 c. et que de ce fait il ne revient rien à la victime sur ce poste de préjudice.
Attendu qu'en ce qui concerne le poste de préjudice relatif aux souffrances endurées, celui-ci sera évalué à la somme demandée de 5. 000 € compte tenu de l'évaluation qui en a été faite à 2, 5 / 7 par l'expert judiciaire.
Attendu en conséquence que le préjudice corporel de Mme Huguette X... résultant de sa seule infection nosocomiale sera évalué à la somme de 5. 000 € après déduction, poste par poste, de la créance de la CPAM du Var et que la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean seront solidairement condamnées à payer la dite somme à Mme Huguette X....
Attendu qu'en l'absence de faute particulière imputable à l'une ou à l'autre des parties ainsi solidairement tenues à paiement à l'égard de la victime, il sera jugé que dans leurs rapports entre eux, la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean seront respectivement tenues à se relever et garantir mutuellement à raison de la moitié des sommes qu'elles seront amenées à payer en exécution du présent arrêt.
Attend que du fait de l'infirmation du jugement déféré et de la condamnation de la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J..., celle-ci ne pourra qu'être déboutée de sa demande en dommages et intérêts contre Mme Huguette X... pour procédure abusive.
Attendu que le présent arrêt sera déclaré commun et opposable à la CPAM du Var.
Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique des parties condamnées, d'allouer à Mme Huguette X... la somme de 1. 000 € au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens.
Attendu que la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean, parties perdantes tenues à paiement, seront solidairement condamnées au paiement des dépens de première instance et d'appel.
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire.
Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :
Dit que Mme Huguette X... rapporte la preuve de l'origine nosocomiale de son infection par le staphylocoque aureus suite à l'intervention pratiquée le 1er août 2001 par le Dr Y... à la clinique Saint-Jean de TOULON.
Vu l'article 1147 du Code civil.
Condamne solidairement la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean à indemniser Mme Huguette X... du préjudice consécutif à cette infection nosocomiale.
Évalue le préjudice corporel de Mme Huguette X... consécutif à cette infection nosocomiale, après déduction poste par poste de la créance de la CPAM du Var, à la somme de CINQ MILLE EUROS (5. 000 €).
Condamne en conséquence solidairement la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean à payer à Mme Huguette X... la somme de CINQ MILLE EUROS (5. 000 €) en réparation de son préjudice corporel.
Déboute Mme Huguette X... du surplus de ses demandes indemnitaires relatives au déficit fonctionnel temporaire, au déficit fonctionnel séquellaire et au préjudice esthétique.
Dit que dans leurs rapports entre eux, la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean seront respectivement tenues à se relever et garantir mutuellement à raison de la moitié des sommes qu'elles seront amenées à payer en exécution du présent arrêt.
Déboute la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... de sa demande en dommages et intérêts contre Mme Huguette X... pour procédure abusive.
Déclare le présent arrêt commun et opposable à la CPAM du Var.
Condamne solidairement la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean à payer à Mme Huguette X... la somme de MILLE EUROS (1. 000 €) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Condamne solidairement la SCP des docteurs A..., B..., C..., E...- F..., Y..., G..., H..., I..., J... et la SA Clinique Saint-Jean aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et autorise la S. C. P. ERMENEUX-CHAMPLY, LEVAIQUE, Avouées associées, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRESMadame SAUVAGE
GREFFIÈRE PRÉSIDENTE