COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 06 NOVEMBRE 2008
No 2008 /
N. G.
Rôle No 07 / 19280
S. C. I. H. X...
Michel Paul Laurent X...
C /
G. F. A. DOMAINE DE LA BARATONNE
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOUBOUL
SCP BLANC
réf 0719280
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal d'Instance de Toulon en date du 14 Novembre 2007 enregistré au répertoire général sous le No 12. 07. 1260.
APPELANTS :
S. C. I. H. X...,
dont le siège est 512, Terres Basses-97150 SAINT MARTIN
Monsieur Michel Paul Laurent X...
né le 28 Janvier 1960 à LYON (69),
demeurant ...
représentés par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Maître Laurent COUTELIER, avocat au barreau de TOULON
INTIMÉ :
G. F. A. DOMAINE DE LA BARATONNE,
dont le siège est Domaine de la Baratonne-Lieutdit La Marone
83130 LA GARDE
représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par la SCP BERENGER BLANC BURTEZ-DOUCEDE, avocats au barreau de MARSEILLE, substituée par Maître Véronique UZAN, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Nicole GIRONA, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy ROMAN, Président
Madame Anne VIDAL, Conseiller
Madame Nicole GIRONA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2008.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2008,
Signé par Monsieur Guy ROMAN, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*- *- *- *- *- *FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par exploit du 23 avril 2007, le GFA du Domaine de la Baratonne, propriétaire d'un vaste ensemble immobilier situé à La Garde a fait assigner devant le juge des référés du tribunal d'instance de Toulon la SCI H. X... et Monsieur Michel X..., notamment aux fins :
- que les défendeurs soient déclarés occupants sans droit ni titre de la propriété dite " Domaine de la Baratonne ",
- que leur expulsion soit ordonnée,
- qu'une indemnité d'occupation soit mise à leur charge jusqu'à leur départ effectif des lieux.
A titre subsidiaire, il présentait une demande similaire concernant exclusivement la maison d'habitation.
En tout état de cause, il réclamait la condamnation sous astreinte des défendeurs à enlever le portail installé sur le chemin d'accès à la propriété, ou à tout le moins, à leur en remettre les clés.
Une ordonnance avant dire droit du 4 juillet 2007 a demandé aux parties de produire la décision du tribunal paritaire des baux ruraux, saisi par Monsieur Michel X... afin de se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux ruraux. Le GFA du Domaine de la Baratonne a réplique que Monsieur X... avait été déclaré irrecevable, à défaut de qualité à agir. Il a été précisé qu'un appel avait été interjeté et que la SARL H. X... avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour se voir reconnaître le bénéfice du statut du fermage.
Par ordonnance rendue le 14 novembre 2007, le juge des référés a constaté que la SCI H. X... et Monsieur X... occupaient sans droit ni titre la maison d'habitation appartenant au GFA, a ordonné leur expulsion, a fixé l'indemnité d'occupation due par la SCI H. X..., a donné acte au GFA de son offre de restituer la somme de 100 000 euros correspondant au versement effectué lors de la conclusion de la promesse de vente du domaine en date du 11 avril 2006, sous déduction des indemnités d'occupation, a condamné la SCI et Monsieur X... à enlever le portail installé sur le chemin d'accès sous astreinte et les a condamnés à verser au GFA la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 27 novembre 2007, Monsieur X... et la SCI ont interjeté appel de cette décision.
*
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2008, les appelants concluent à la réformation de la décision et au rejet des demandes du GFA.
A titre subsidiaire, ils sollicitent un sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal paritaire des baux ruraux.
Plus subsidiairement encore, ils réclament que leur soient accordés des délais de grâce pour quitter les lieux et que soit désigné un expert dont la mission serait de déterminer les impenses ayant profité au GFA.
Dans l'hypothèse où leur expulsion serait ordonnée, ils demandent que celle-ci ne puisse être exécutée qu'après restitution par le GFA de la somme de 100 000 euros.
Ils réclament en tout état de cause paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent :
- que le bâtiment d'habitation fait partie intégrante du domaine et que sa privation est de nature à mettre en péril son exploitation, du fait de la présence de caves et du matériel d'exploitation dans le corps de ce bâtiment,
- qu'il rapporte la preuve que toute exploitation n'a qu'une seule alimentation électrique,
- que par ailleurs, depuis mars 2006, ils paient toutes les charges afférentes au domaine depuis le 1er mars 2006, que la prise en charges des impenses incombant habituellement au bailleur confère à son occupation un caractère onéreux justifiant que lui soit reconnu un bail ou à défaut un commodat.
*
Le GFA du Domaine de la Baratonne, dans ses écritures déposées le 26 septembre 2008, forme appel incident.
Il sollicite l'expulsion de la SCI H. X... et de Monsieur X... non seulement de la maison d'habitation, mais également de l'intégralité de la propriété, ainsi que le paiement d'une indemnité d'occupation de 10 000 euros par mois à compter du 20 décembre 2006. Il demande pour le surplus la confirmation de la décision et le règlement d'une somme de 3 000 euros en dédommagement des frais irrépétibles engagés dans l'instance. Il s'est déclaré opposé à la demande d'expertise.
Il a fait valoir :
- que, d'un commun accord, la SCI n'avait été autorisée à occuper les lieux, et notamment la maison d'habitation, qu'en l'attente de la régularisation de la vente, et principalement pour assurer la conservation du domaine viticole,
- que la promesse étant devenue caduque, elle est occupante sans droit ni titre,
- que les procédures en cours devant le tribunal paritaire des baux ruraux ne sauraient paralyser ce référé, la SCI n'ayant pas la qualité de fermier et la conclusion d'un bail à ferme sur l'intégralité du domaine étant illusoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article 809 du code de procédure civile dispose notamment que, même en présence d'une contestation sérieuse, le président peut toujours prescrire en référé les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Cette dernière notion peut se définir comme toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
A l'expiration du bail à ferme renouvelé depuis 1967 au profit de Monsieur A... sur le domaine viticole et maraîcher, un corps de ferme et des bâtiments d'exploitation, le GFA Domaine de la Baratonne a consenti à la SCI H. X... une promesse de vente sur l'intégralité du domaine, incluant notamment la maison de maître.
Cet acte sous seing privé en date du 11 avril 2006, valant promesse unilatérale de vente, prévoyait :
- que le délai imparti pour lever l'option expirait au 15 octobre 2006,
- que la SCI H. X... était chargée dès la signature de la promesse de la conservation des parties d'habitation non occupées par le fermier et, dès leur libération progressive par Monsieur A..., des autres parties,
- qu'elle était ainsi autorisée à occuper les lieux, à sa charge exclusive, et a entretenir le domaine viticole en supportant le coût des travaux de culture.
Pour des motifs dont la Cour n'est pas saisie, la vente n'a jamais été régularisée et les parties s'accordent à reconnaître que la promesse est devenue caduque.
Toutefois, Monsieur X... et la SCI H. X... refusent de libérer les lieux, ayant revendiqué devant le tribunal paritaire des baux ruraux l'existence d'un bail dont ils seraient les bénéficiaires, ou au moins l'un d'entre eux.
Les instances pendantes devant la Cour concernant Monsieur X... et devant le tribunal paritaire des baux ruraux s'agissant de la SCI H. X... n'imposent pas de prononcer en l'espèce un sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision intervienne sur l'existence ou non d'un bail à ferme conclu entre les parties, dès lors que la procédure de référé est autonome de ces contentieux et se fonde sur des principes juridiques différents de ceux discutés devant les juges de fond.
Par ailleurs, il résulte de la caducité de la promesse de vente en date du 11 avril 2006 que les appelants, entrés dans le domaine d'un commun accord, dans l'attente de la régularisation de la vente, et ce, pour ne pas interrompre son exploitation de façon préjudiciable, ne disposent plus d'aucun titre d'occupation pour se maintenir dans les lieux. C'est donc à jute titre que le premier juge a considéré qu'ils devaient libérer la maison de maître du domaine. Cette appréciation doit même être étendue aux terres maraîchères et viticoles ainsi qu'aux bâtiments, partie du domaine occupée par Monsieur A... antérieurement, dans la mesure où aucune compensation n'a jamais été versée par les appelants au GFA de la Baratonne en contrepartie de leur exploitation.
En effet, la prise en charge par ces derniers des frais relatifs à l'entretien ou aux travaux des vignes a été compensée par le bénéfice de la recette tirée de la récolte en fin d'année culturale. Le règlement des factures de consommation courantes était la contrepartie de leur occupation des bâtiments. En revanche, aucun élément ne prouve le paiement des taxes foncières, étant précisé que la convention ne mettait à leur charge aucune indemnité d'occupation. Par ailleurs, aucun élément ne démontre que le GFA de la Baratonne a entendu consentir aux appelants un commodat.
Le GFA de la Baratonne est en droit de solliciter le départ des occupants du domaine et, à défaut, leur expulsion, sur le fondement de l'article 809 précité.
Compte tenu du calendrier cultural, il sera imparti aux appelants un délai d'un mois pour libérer les lieux à compter de la signification de la présente décision.
Jusqu'à libération du domaine, les appelants seront condamnés à régler une indemnité provisionnelle de 10 000 euros en contrepartie de leur occupation des lieux. Il n'y a pas lieu de faire rétroagir cette disposition antérieurement à l'assignation délivrée le 23 avril 2007, ainsi qu'il est demandé.
L'entretien du domaine, qui a imposé à Monsieur X... et la SCI H. X... d'engager différents frais, justifie que soit ordonnée une mesure d'expertise afin de déterminer les sommes que le GFA doit leur rembourser.
La Cour n'étant pas saisie du contentieux lié à la promesse de vente, elle ne saurait ordonner la restitution de la somme de 100 000 euros versée lors de sa signature, ni même subordonner l'expulsion des appelants au remboursement de cette somme.
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Monsieur X... et la SCI H. X..., qui succombent principalement, supporteront les dépens d'appel, outre le paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, en référé et en dernier ressort,
Réforme l'ordonnance rendue le 14 novembre 2007 par le juge des référés du tribunal d'instance de Toulon sur le montant de l'indemnité d'occupation et sur le donner acte de l'offre du GFA du Domaine de la Baratonne de restituer la somme de 100 000 euros, la confirmant pour le surplus,
Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,
Constate que Monsieur X... et la SCI H. X... sont occupants sans droit ni titre, non seulement de la maison de maître du domaine, mais également des terres et autres bâtiments le composant,
Dit que Monsieur X... et de la SCI H. X... devront libérer le Domaine de la Baratonne dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision,
A défaut, ordonne leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef, de l'entier domaine,
Dit que le montant de l'indemnité d'occupation due à titre provisionnel par Monsieur X... et la SCI H. X... est fixé à la somme mensuelle de 10 000 euros, à compter du 23 avril 2007 jusqu'à la restitution effective des lieux,
Rejette la demande de Monsieur X... et la SCI H. X... tendant à la restitution de la somme de 100 000 euros versée lors de la signature de la promesse de vente,
Ordonne une mesure d'expertise,
Désigne : Monsieur B... Eric,
demeurant ...,
...
avec mission de :
- prendre connaissance des pièces respectives produites par les parties,
- entendre toutes les personnes utiles et de recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne, si nécessaire,
- déterminer la nature et le montant des dépenses faites par la SCI H. X... ou par Monsieur X... pour l'entretien et l'amélioration du domaine depuis leur entrée dans les lieux en mars 2006,
- donner tous éléments permettant d'apprécier celles devant être supportées par le propriétaire des lieux,
Dit que le contrôle de l'expertise ordonnée est dévolu au Président du Tribunal d'Instance de Toulon ou à son délégataire chargé du contrôle des expertises à qui une expédition du présent arrêt sera transmise,
Dit que Monsieur X... et la SCI H. X... devront consigner au greffe du tribunal d'instance de Toulon à qui est dévolu le contrôle de l'expertise dans le délai de 2 mois à compter de l'avis donné par le greffe en application de l'article 270 du nouveau code de procédure civile, la somme de 1 500 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert,
Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,
Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Président du Tribunal d'Instance de Toulon ou à son délégataire, la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant le versement d'une consignation complémentaire,
Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, se faire assister d'un sapiteur d'une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la Cour de céans,
Désigne le Président du Tribunal d'instance de Toulon ou son délégataire pour contrôler l'expertise ordonnée,
Dit que l'expert devra déposer au Greffe le rapport de ses opérations dans le délai de 6 mois à dater de l'avis de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandante,
Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport,
Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente à Monsieur le Président du Tribunal d'instance de Toulon ou son délégataire,
Condamne Monsieur X... et la SCI H. X... à verser au GFA du Domaine de la Baratonne la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur X... et la SCI H. X... aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président