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31/10/2008 | FRANCE | N°07/19523

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 octobre 2008, 07/19523


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15o Chambre A


ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2008


No 2008 /












Rôle No 07 / 19523






SA NOGA HOTELS CANNES




C /


SOCIETE JESTA FONTAINEBLEAU


SA BNP PARIBAS SUISSE


SA ORIANTE




















Grosse délivrée
le :
à : BOTTAI
BLANC
ERMENEUX








réf


Décision déférée à la Cour :




Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Novembre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 03337.




APPELANTE


SA NOGA HOTELS CANNES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15o Chambre A

ARRÊT AU FOND
DU 31 OCTOBRE 2008

No 2008 /

Rôle No 07 / 19523

SA NOGA HOTELS CANNES

C /

SOCIETE JESTA FONTAINEBLEAU

SA BNP PARIBAS SUISSE

SA ORIANTE

Grosse délivrée
le :
à : BOTTAI
BLANC
ERMENEUX

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 13 Novembre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 06 / 03337.

APPELANTE

SA NOGA HOTELS CANNES, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis 50, Boulevard de la Croisette BP 224-06408 CANNES CEDEX

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
assistée de la SCP ROBIN & KORKMAS, avocats au barreau de PARIS substituée par Me Vincent EUVRARD, avocat au barreau de NICE

INTIMEES

SOCIETE JESTA FONTAINEBLEAU, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège 17 Avenue Georges V-75008 PARIS

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée de Me André GUILLEMAIN, avocat au barreau de PARIS

SA BNP PARIBAS SUISSE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis 2, Place de Hollande-1201 GENEVE (SUISSE)

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assistée de la SCP VERSTRAETE & ASSOCIES, avocats au barreau de GRASSE

SA ORIANTE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis C / O STE IBS PARTNERS-24, rue Beaumont- L1219 LUXEMBOURG

défaillante

*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Denis JARDEL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Denis JARDEL, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Véronique DEVOGELAERE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2008.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2008,

Signé par Monsieur Denis JARDEL, Président et Madame Véronique DEVOGELAERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par actes des 30 et 31 mai 2006, la SA NOGA HÔTELS CANNES a assigné la société JESTA FONTAINEBLEAU devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse en nullité de la décision d'adjudication sur folle enchère du 9 février 2006 intervenue au profit de cette société dans la procédure de saisie immobilière engagée contre elle par son créancier la SA BNP PARIBAS SUISSE, portant sur le bail à construction de terrains appartenant à la Ville de Cannes et sur les constructions qu'elle y a édifiées, réclamant en outre son expulsion et sa condamnation à des dommages et intérêts pour préjudice moral et commercial, outre une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA NOGA HÔTELS CANNES a appelé en intervention la SA BNP PARIBAS SUISSE et la SA ORIANTE déclarée adjudicataire le 27 juillet 2005, mais n'ayant pas payé le prix, ce qui a provoqué la revente sur folle enchère intervenue le 9 février 2006.

Par jugement du 13 novembre 2007, le Tribunal de Grande Instance de Grasse a rejeté la demande de renvoi formé par la SA ORIANTE, a rejeté la demande d'irrecevabilité de la demande de la SA NOGA HÔTELS CANNES pour non mise en cause du créancier poursuivant, a rejeté les demandes de la société JESTA FONTAINEBLEAU et de la SA BNP PARIBAS SUISSE d'irrecevabilité de la demande de la SA NOGA HÔTELS CANNES en nullité du jugement d'adjudication, a débouté la SA NOGA HÔTELS CANNES de sa demande de nullité du jugement d'adjudication, de sa demande d'expulsion de la société JESTA FONTAINEBLEAU et de ses demandes à titre de dommages et intérêts, a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société JESTA FONTAINEBLEAU et a condamné la SA NOGA HÔTELS CANNES à verser à la société JESTA FONTAINEBLEAU et à SA BNP PARIBAS SUISSE la somme de 10. 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il a souligné que le créancier poursuivant avait bien été appelé dans la cause, a écarté les motifs d'irrecevabilité de la demande de nullité en présence d'une action fondée sur la fraude, a considéré qu'il n'était pas établi que la Ville de Cannes avait assuré une diffusion grand public de son assignation en nullité du bail à construction, que la SA NOGA HÔTELS CANNES qui avait constitué avocat dans cette procédure n'a formé aucun dire entre le 1er et le 8 février et n'a formé aucune protestation à l'ouverture de l'audience d'adjudication, ni demandé le report de la vente, qu'ainsi elle avait bien connaissance des initiatives contradictoires de la Mairie, que les déclarations du Maire et de son adjoint ne sont pas probantes, que la preuve du caractère insuffisant du prix n'est pas rapportée pas plus que celle d'une collusion entre la Mairie de Cannes et la société JESTA FONTAINEBLEAU.

Par déclaration du 30 novembre 2007, la SA NOGA HÔTELS CANNES a relevé appel de ce jugement.

Dans ses conclusions en réplique et récapitulatives du 29 septembre 2008, la SA NOGA HÔTELS CANNES demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son action en nullité de l'adjudication recevable et a rejeté la demande à titre de dommages et intérêts de la société JESTA FONTAINEBLEAU et de l'infirmer pour le surplus, de dire son action en nullité de l'adjudication du 9 février 2006 bien fondée, de déclarer nul le jugement, de remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement annulé, d'ordonner à la société JESTA FONTAINEBLEAU de lui restituer les droit réels immobiliers et les biens dont elle a été dépossédée ainsi que leurs fruits avec intérêts légaux à compter du 9 février 2006, ce sous astreinte de 10. 000 € par jour de retard, de lui donner acte qu'elle se réserve le droit de demander réparation de son préjudice moral et commercial pour entrave à enchère, de débouter la société JESTA FONTAINEBLEAU de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser 50. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle rappelle qu'elle a conclu le 7 octobre 1988 un bail à construction avec la Ville de Cannes prévoyant la construction d'un hôtel quatre étoiles, d'une salle de spectacles, d'un parking, d'un casino et de divers locaux commerciaux, que des travaux ont été réalisés pour un montant de 24 millions de F, que l'hôtel a été exploité jusqu'à fin février 2006 dans le cadre d'un accord avec la société HILTON INTERNATIONAL Co, qu'ayant connu une grave crise de trésorerie en 2002 à la suite du refus de la Fédération de Russie de lui régler une créance et de l'échec de diverses tentatives de recouvrement forcé, la SA BNP PARIBAS SUISSE lui a délivré un commandement de payer la somme de 40. 657, 016, 01 € le 27 mai 2002, puis a engagé une procédure de saisie immobilière ayant abouti à l'adjudication le 27 juillet 2005 à la société de droit luxembourgeois ORIANTE pour 121. 500. 000 €. Cette société n'ayant pas payé le prix d'adjudication, une nouvelle adjudication a été fixée au 9 février 2006. Selon ses dires la Ville de Cannes a fait assigner le 1er février 2006 la SA NOGA HÔTELS CANNES devant le Tribunal de Grande Instance de Grasse en nullité du bail à construction du 7 octobre 1988, en le prétendant inexistant pour cause de loyer à vil prix et pour vice du consentement, puis s'est désistée de cette instance le 8 février 2006, ce qui a conduit entre-temps plusieurs acquéreurs potentiels à renoncer à enchérir et les établissements bancaires qu'elle avait contactés pour l'obtention d'un prêt lui permettant de rembourser ses créanciers à se désister au vu de l'assignation. C'est dans ces conditions que le 9 février 2006, l'adjudication a été remportée par la société JESTA FONTAINEBLEAU pour 84. 500. 000 €, soit 36. 500. 000 € de moins que lors de la première adjudication. Elle estime que ce prix anormalement bas s'explique par l'existence de cette assignation retirée in extremis.

Elle ajoute que la société JESTA FONTAINEBLEAU a pris possession des lieux, dès le 22 février 2006, sans commandement préalable de les quitter, que la SA NOGA HÔTELS CANNES a déposé une plainte auprès du Procureur de la République et a saisi le juge des référés pour faire constater la voie de fait dont elle était victime, et dont l'existence a été constatée par arrêt de la cour de céans du 17 octobre 2006 devenu définitif, mais que par ordonnance du juge des référés de Grasse du 31 octobre 2006, confirmée par arrêt du 26 juin 2007 devenu définitif, la société JESTA FONTAINEBLEAU a obtenu l'expulsion de la SA NOGA HÔTELS CANNES. Par jugement du 15 juillet 2008, le Tribunal de Grande Instance de Grasse, saisi de l'action au fond qu'elle a engagée, a sursis à statuer dans l'attente de la décision sur la validité du jugement d'adjudication.

Elle rappelle que le jugement d'adjudication n'est pas une décision contentieuse, ni une décision gracieuse susceptible de voies de recours, mais qu'elle peut en demander l'annulation notamment quand la procédure a été viciée par une fraude, qu'en l'espèce, il y a eu entrave à la liberté des enchères manifestée par l'assignation et le désistement opérés par la Ville en un délai de 8 jours, juste avant le jour de l'adjudication, ce qui a faussé le prix d'adjudication, inférieur de 36. 500. 000 € au prix de la première adjudication, et que la société JESTA FONTAINEBLEAU s'est appropriée son fonds de commerce.

Après avoir souligné que sa demande d'annulation était sans incidence sur le paiement dont la SA BNP PARIBAS SUISSE a bénéficié en règlement de sa créance hypothécaire, et donc insusceptible de nuire à cet établissement bancaire, elle s'oppose à la demande d'irrecevabilité de sa demande formée par la SA BNP PARIBAS SUISSE, en faisant valoir que les règlements d'ordre amiable, qui sont des décisions judiciaires, n'ont d'autorité de la chose jugée qu'à l'égard des questions soumises au juge aux ordres et non sur la question de la validité de l'adjudication, et qu'en outre on ne pouvait non plus tirer argument de sa participation à l'ordre amiable après l'assignation en nullité de l'adjudication dans la mesure où elle avait rappelé sa volonté de poursuivre l'action en nullité, et où il s'agit de procédures distinctes ne mettant pas en présence les mêmes parties. Elle conteste toute application de l'Estoppel, en l'absence de comportement contradictoire de sa part et d'un préjudice causé à SA BNP PARIBAS SUISSE.

Elle s'oppose également à la demande d'irrecevabilité formulée par la société JESTA FONTAINEBLEAU, en soulignant que contrairement à ses affirmations, elle justifie de la publication de son assignation, que son désistement de l'appel formé contre le jugement d'adjudication ne valait pas acquiescement, s'agissant dans un cas d'un appel réformation et dans l'autre d'un appel nullité, affirmant que l'article 403 du code de procédure civile est inapplicable à un jugement d'adjudication qui ne tranche aucun litige. Elle affirme que l'on ne peut déduire un quelconque acquiescement de son absence de contestation à l'audience du 9 février 2006 qui ne traduit que sa prudence et sa volonté de laisser les enchères se dérouler dans les meilleures conditions, alors qu'elle n'avait pas encore réalisé l'existence d'une fraude.

Elle soutient que son action est bien fondée, en rappelant que toute manoeuvre visant à empêcher une libre compétition entre les acquéreurs constitue une entrave susceptible de poursuites pénales, que le prix de vente est dérisoire au regard de l'évaluation du 31 août 2004 faite par NEXITY ENTREPRISE à un prix de 160. à 170 millions d'euros, et de la précédente adjudication pour plus de 121 millions d'euros, alors que la société JESTA FONTAINEBLEAU s'est emparée d'un fonds de commerce qui n'était pas inclus dans le cahier des charges, que ce prix anormalement bas est la conséquence directe de l'action introduite par la ville de Cannes qui a découragé les acquéreurs et les investisseurs, comme l'a reconnu Monsieur Z... adjoint au Maire, et que la preuve qu'il s'agissait d'un ensemble de manoeuvres concertées visant à avantager la société JESTA FONTAINEBLEAU résulte des déclarations publiques du Maire qui a admis que l'action de la Ville avait fait baisser le prix d'adjudication et que " quelque chose n'était pas connu de tous ", le but poursuivi par la Ville étant de favoriser la société JESTA FONTAINEBLEAU pour qu'elle acquière les terrains au prix des Domaines. Le caractère tardif de l'introduction de son action par la ville, puis son retrait la veille de l'adjudication, et la présence d'un seul enchérisseur démontrent ainsi la fraude délibérée dont elle a été victime.

Elle fait grief au premier juge d'avoir écarté sa demande alors que jusqu'à la vente elle ne pouvait avoir que des soupçons de fraude, et que ce n'est qu'au terme de celle-ci qu'elle a constaté sa réalité et son étendue, et que l'on ne pouvait lui reprocher de ne pas avoir déposé de dire, ni d'avoir réagi dès l'ouverture de l'audience. Elle lui reproche de ne pas avoir tenu compte des déclarations du Maire qui est un des principaux protagonistes de cette affaire et d'avoir méconnu la valeur réelle du bien.

Dans ses conclusions du 30 septembre 2008, la société JESTA FONTAINEBLEAU demande à la Cour de déclarer irrecevable l'appel formé par la SA NOGA HÔTELS CANNES contre le jugement du 30 novembre 2007 compte tenu du désistement de cette société de son appel contre le jugement d'adjudication, désistement qu'elle a accepté et qui a été formalisé par une ordonnance de dessaisissement, le défaut de publication de l'assignation rendant la demande en nullité également irrecevable. Au fond, elle demande à la Cour de dire que la SA NOGA HÔTELS CANNES ne rapporte pas la preuve de la connaissance par la société JESTA FONTAINEBLEAU de l'instance en nullité du bail opposant la Ville de Cannes à la SA NOGA HÔTELS CANNES, ni du désistement de la ville de Cannes, ni la preuve d'une quelconque collusion entre la société JESTA FONTAINEBLEAU et la Ville de CANNES, ni d'aucun élément démontrant que le jeu des enchères a été faussé, aucune action en rescision n'étant permise au débiteur saisi en cas d'adjudication. Elle demande à la Cour de déclarer recevable son appel incident, de dire que la SA NOGA HÔTELS CANNES a commis un abus d'ester en justice en interjetant un double appel et en contestant un jugement parfaitement motivé dont aucun élément factuel n'a été remis en cause et de la condamner à lui verser 300. 000 € à titre de dommages et intérêts et 50. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens

Elle rappelle qu'elle était fondée à demander le départ des lieux de la SA NOGA HÔTELS CANNES dès le prononcé du jugement, que cependant celle-ci a multiplié les procédures dont elle a été déboutée. Elle souligne que le jugement d'adjudication est une simple sentence d'adjudication, qui ne statue sur aucun incident, que les parties à la procédure sont liées par le cahier des charges et qu'à aucun moment la SA NOGA HÔTELS CANNES qui avait connaissance de la procédure de nullité du bail à construction n'a inséré de clause sur ce point ce qui établit sa mauvaise foi. Elle réaffirme l'irrecevabilité de la demande la SA NOGA HÔTELS CANNES en se fondant sur le désistement d'appel du jugement d'adjudication, sur le défaut de publication de son assignation et sur son acquiescement en l'absence de information ou modification du cahier des charges.

Elle conteste la thèse de la SA NOGA HÔTELS CANNES en soulignant que seule cette société a reçu l'assignation en nullité du bail à construction, et a connaissance du désistement d'instance. Elle affirme que la SA ORIANTE à laquelle elle se réfère comme premier acquéreur était composée de membres de la famille A..., ce qui explique qu'aucune action n'ait été mise en oeuvre pour recouvrer les 30 à 35 millions manquants, rappelant en outre les condamnations pénales prononcées contre Monsieur A...et B... et mettant en cause le Maire de Cannes. Elle souligne que la SA NOGA HÔTELS CANNES ne prouve aucunement que la société JESTA FONTAINEBLEAU avait connaissance de l'assignation en nullité du bail et du désistement avant l'adjudication. Elle fait valoir qu'elle fait elle même l'objet d'une action intentée contre elle par la Ville de Cannes en nullité du bail a construction, au motif que le loyer aurait été consenti à vil prix. Elle estime qu'aucun élément ne vient conforter la thèse de la fraude matérialisée par une collusion avec la Ville de Cannes et dénie toute valeur aux déclarations des élus de CANNES, aucune distorsion entre la valeur réelle et le prix d'adjudication n'étant non plus établie.

Dans ses conclusions du 11 septembre 2008, la SA BNP PARIBAS SUISSE demande à la Cour de déclarer la SA NOGA HÔTELS CANNES mal fondée à invoquer la fraude au soutien de son action en nullité du jugement d'adjudication, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de déclarer la SA NOGA HÔTELS CANNES irrecevable pour avoir volontairement participé à la procédure d'ordre et en vertu de la règle de l'Estoppel, et de condamner la SA NOGA HÔTELS CANNES à lui verser 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle fait valoir que la SA NOGA HÔTELS CANNES qui ayant connaissance de l'assignation en nullité de la Ville de Cannes ne l'a, à juste titre, pas prise au sérieux, n'a pas déposé de dire et s'est abstenue volontairement de toute initiative ou contestation à l'audience d'adjudication, ne peut aujourd'hui prétendre être victime d'une fraude. Il lui appartenait d'agir si elle craignait que l'action de la Ville soit de nature à dissuader les acquéreurs, et de demander le renvoi de la vente. Elle met en cause le comportement de la SA NOGA HÔTELS CANNES qui a conservé les bénéfices de l'exploitation d'un hôtel sans rembourser ses emprunts et le rôle de la SA ORIANTE qui a retardé l'échéance de la vente par une folle enchère. Elle dénonce son attitude procédurière et lui reproche d'avoir dissimulé l'existence de l'assignation de la Ville pour s'en servir ultérieurement. Elle souligne l'absence de toute preuve des allégations de la SA NOGA HÔTELS CANNES.

Elle soulève l'irrecevabilité de la demande eu égard à l'autorité attachée au règlement amiable auquel elle a participé, au caractère obligatoire du cahier des charges, et à la règle de l'Estoppel fondé sur le comportement contradictoire de la SA NOGA HÔTELS CANNES, soulignant qu'elle a créé une situation d'insécurité pour tous les participants à la procédure d'adjudication.

Par lettre de son avoué du 3 septembre 2008, la SA NOGA HÔTELS CANNES a informé la Cour qu'elle abandonnait toute demande à l'encontre de la SA ORIANTE, n'ayant pu régulariser la procédure à l'égard de cette société qui a été radiée du registre du commerce.

Par conclusions du 30 septembre 2008, la SA BNP PARIBAS SUISSE demande le rejet des conclusions déposées la SA NOGA HÔTELS CANNES le 29 septembre 2008 en faisant valoir qu'elle ne disposait pas du temps utile pour organiser sa défense.

Par conclusions du 1er octobre 2008, la SA NOGA HÔTELS CANNES s'oppose à la demande de rejet des conclusions en faisant valoir que la SA BNP PARIBAS SUISSE n'a conclu que le 11 septembre 2008 malgré les sommations qui lui ont été faites, que ses conclusions du 29 septembre 2008 n'ont fait que compléter ses précédentes conclusions du 19 septembre pour répliquer à l'argumentation adverse, et à titre subsidiaire de renvoyer l'examen de la procédure à une date ultérieure.

La SA ORIANTE, dont il n'est pas établi qu'elle a été assignée valablement, n'a pas constitué avoué. Il sera statué par arrêt de défaut.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que la SA NOGA HÔTELS CANNES a déposé ses premières conclusions le 28 mars 2008, que la SA BNP PARIBAS SUISSE, qui s'est constituée le 29 février 2008, n'a conclu que le 11 septembre 2008, malgré l'injonction du magistrat de la mise en état de conclure avant le 28 août 2008 et la sommation de conclure de la SA NOGA HÔTELS CANNES du 23 juillet 2008 ; que la clôture de la procédure a été reportée à l'audience sur demande formée le 22 août 2008 par la SA BNP PARIBAS SUISSE qui a conclu le 11 septembre 2008 ; que les conclusions déposées par la SA NOGA HÔTELS CANNES le 19 septembre 2008 sont fondées sur l'argumentation développée en première instance par la SA BNP PARIBAS SUISSE, en l'absence de conclusions d'appel ; que dans ses conclusions du 29 septembre 2008, la SA NOGA HÔTELS CANNES n'a fait que compléter, sans la modifier, l'argumentation déjà développée à l'égard de la SA BNP PARIBAS SUISSE par quelques ajouts faisant référence aux conclusions d'appel de celle-ci ; qu'en l'absence d'atteinte au principe du contradictoire, il n'y a pas lieu de rejeter les conclusions déposées par la SA NOGA HÔTELS CANNES le 29 septembre 2008 ;

Attendu qu'il convient de constater que la SA NOGA HÔTELS CANNES a déclaré abandonner toute demande à l'encontre de la SA ORIANTE intimée ;

Sur la recevabilité de l'appel de la SA NOGA HÔTELS CANNES :

Attendu que la société JESTA FONTAINEBLEAU soulève l'irrecevabilité de l'appel de la SA NOGA HOTELS CANNES en se fondant sur le désistement de celle-ci de son appel contre le jugement d'adjudication du 9 février 2006 qui vaut acquiescement à cette décision et rend irrecevable l'action en nullité formé contre cette décision ;

Que cependant, le jugement d'adjudication est une décision qui n'a pas le caractère d'un jugement dès lors qu'il n'est statué sur aucun incident ; qu'en l'espèce le jugement d'adjudication sur folle enchère du 9 février 2006 qui n'a tranché aucun incident n'est pas susceptible d'appel et peut être contesté que par la voie d'une action principale en nullité ; que la renonciation par la SA NOGA HÔTELS CANNES à l'appel formé contre le jugement d'adjudication, voie de recours qui ne lui était pas ouverte, ne peut être interprété comme un acquiescement au sens de l'article 403 du code de procédure civile rendant irrecevable l'action principale en nullité formée contre cette décision ;

Que la société JESTA FONTAINEBLEAU soulève l'irrecevabilité de l'appel de la SA NOGA HÔTELS CANNES en se fondant sur l'absence de publication de l'assignation introductive de l'instance en nullité de du jugement d'adjudication du 9 février 2006 ; que la SA NOGA HÔTELS CANNES justifie de la publication de l'assignation délivrée du 31 mai 2006 à la société JESTA FONTAINEBLEAU à la Conservation des Hypothèques de Grasse 1er Bureau le 7 juillet 2006 ;

Qu'il convient de déclarer recevable l'appel formé par la SA NOGA HÔTELS CANNES ;

Sur la recevabilité de la demande de la SA NOGA HÔTELS CANNES :

Attendu que la société JESTA FONTAINEBLEAU soulève l'irrecevabilité de l'appel en opposant son inaction à la SA NOGA HÔTELS CANNES qui avant l'audience d'adjudication, bien qu'ayant eu connaissance de l'assignation de la Ville de Cannes en nullité du bail à construction, puis du désistement de la Ville de Cannes de cette action, s'est abstenue de toute information ou de toute contestation notamment au cahier des charges, ce qui implique de sa part la renonciation à évoquer cette procédure comme cause de nullité du contrat judiciaire formé par l'adjudication ;

Que la SA BNP PARIBAS SUISSE demande à la Cour de déclarer irrecevable la demande de la SA NOGA HÔTELS CANNES en lui opposant sa participation après l'adjudication à la procédure d'ordre amiable qui a l'autorité de la chose jugée, et en lui opposant, sur le fondement de la règle de l'estoppel selon laquelle une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui, son inaction avant et pendant l'audience d'adjudication, en laissant se dérouler la procédure d'enchères sans élever d'objection, puis sa participation à la procédure d'ordre amiable ;

Attendu que ces moyens qui tendent à l'irrecevabilité de la demande, et non de l'appel, qui se fondent sur des éléments touchant au fond de la demande en nullité fondée sur la fraude ne peuvent, comme l'a à juste titre retenu le premier juge, être considérées comme une cause d'irrecevabilité de la demande ; qu'il convient de confirmer le jugement qui a rejeté les demandes d'irrecevabilité de la demande formées par la société JESTA FONTAINEBLEAU et la SA BNP PARIBAS SUISSE ;

Sur la nullité du jugement d'adjudication du 9 février 2006 :

Attendu que la SA NOGA HÔTELS CANNES fait valoir que la fraude, dont elle n'a pris conscience qu'après l'adjudication est établie par le montant dérisoire du prix d'adjudication, par l'effet de l'assignation en nullité du bail à construction de la Ville de Cannes qui a dissuadé les acquéreurs potentiels d'enchérir, et par l'existence des manoeuvres concertées de la Ville de Cannes tendant à favoriser la société JESTA FONTAINEBLEAU pour lui vendre ensuite le terrain objet du bail à construction au prix fixé par les Domaines ;

Que sur le premier point, la SA NOGA HÔTELS CANNES se fonde d'une part sur le fait que le bail à construction a été évalué 160 à 170 millions d'euros en août 2004 et d'autre part sur le fait que le bail à construction adjugé 84, 5 millions d'euros à la société JESTA FONTAINEBLEAU avait été adjugé à la somme de 121, 5l millions d'euros le 27 juillet 2005 ;

Que cependant la seule évaluation émanant de NEXITY EXPERTISE datée du 31 août 2004, dont seule la dernière page du rapport est versée à la procédure ce qui ne permet pas à la Cour de vérifier qu'il porte biens sur les mêmes éléments vendus lors de l'adjudication, se réfère à la conjoncture économique au mois d'août 2004 et ne suffit pas à établir la valeur des biens immobiliers vendus dix huit mois plus tard ; que le prix atteint lors d'une folle enchère ne saurait non plus servir de référence utile pour fixer la valeur des droits adjugés ; que la mention dans un article de presse d'un magazine d'information généraliste publié en juillet 2006 que la société JESTA FONTAINEBLEAU avait fait une excellente affaire car le bien adjugé " valait trois fois plus " est une simple affirmation de l'auteur de l'article dénuée de toute valeur probante, qui, si l'on s'y fiait, signifierait que les biens vendus valaient 84, 5 x 3 = 253, 5 millions d'euros, bien au-delà des propres dires de la SA NOGA HÔTELS CANNES ;

Que sur le deuxième point, la SA NOGA HÔTELS CANNES ne rapporte pas la preuve que l'assignation de la Ville de Cannes en nullité du bail à construction du 7 octobre 1988 que lui a été délivrée le 1er février 2006, puis son désistement le 8 février 2006 ont été connus en dehors des parties à cette procédure, ni que des enchérisseurs potentiels, ont en eu connaissance et ont été dissuadés de porter des enchères, ne laissant qu'un seul enchérisseur la société JESTA FONTAINEBLEAU ; que les propos prêtés à Monsieur Z... et rapportés dans le même article de magazine ne suffisent pas à établi l'existence d'un tel rapport de cause à effet entre l'action de la Ville de Cannes et l'adjudication à un moindre prix ; que l'affirmation de la SA NOGA HÔTELS CANNES selon laquelle la société JESTA FONTAINEBLEAU aurait été le seul enchérisseur est contredite par le fait que le 9 janvier 2006, le bail à construction et les droits en découlant ont été remis en vente sur folle enchère sur la mise à prix de 51 millions d'euros, et ont été adjugés 84, 5 millions d'euros ce établit la présence de plusieurs enchérisseurs ;

Que sur le troisième point, s'il est clair que la Ville de Cannes souhaitait vendre le terrain faisant l'objet du bail à construction au prix défini par les Domaines, comme cela ressort de la délibération du conseil municipal du 19 décembre 2005 et de l'appel d'offres publié dans Nice Matin le 31 janvier 2006, et avait l'intention d'en retirer le meilleur prix comme cela ressort des débats du Conseil Municipal, la SA NOGA HÔTELS CANNES ne rapporte pas la preuve de l'existence de manoeuvres de la Ville de Cannes concertées avec la société JESTA FONTAINEBLEAU tendant à favoriser cette société dans l'adjudication ; que l'on ne peut déduire l'existence de telles manoeuvres du propos sibyllin du Maire de Cannes rapporté dans le procès verbal de la séance du conseil municipal du 26 juin 2006 : " ce qui prouve que quelque chose n'était pas connu de tous ", l'appelante s'étant gardée d'en expliciter le sens ; que les manoeuvres concertées auxquelles se réfère la SA NOGA HÔTELS CANNES supposent la preuve d'une collusion effective entre la Ville de Cannes et la société JESTA FONTAINEBLEAU qu'elle ne rapporte pas ;

Qu'ainsi, la SA NOGA HÔTELS CANNES ne rapporte pas la preuve d'une fraude ayant entaché la régularité de la procédure d'adjudication et de nature à justifier l'annulation du jugement d'adjudication ;

Qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter la SA NOGA HÔTELS CANNES de toutes ses demandes ;

Attendu que la société JESTA FONTAINEBLEAU ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de la procédure et sa demande à titre de dommages et intérêts sur ce fondement est rejetée ;

Que l'équité commande de condamner la SA NOGA HÔTELS CANNES à verser à la société JESTA FONTAINEBLEAU et à la SA BNP PARIBAS SUISSE une somme supplémentaire de 2. 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement et par arrêt de défaut,

Reçoit l'appel comme régulier en la forme,

Déboute la SA BNP PARIBAS SUISSE de sa demande de rejet des conclusions déposées par la SA NOGA HÔTELS CANNES le 29 septembre 2008,

Constate que la SA NOGA HÔTELS CANNES a déclaré abandonner toute demande à l'encontre de la SA ORIANTE intimée,

Déclare recevable l'appel formé par la SA NOGA HÔTELS CANNES,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société JESTA FONTAINEBLEAU et la SA BNP PARIBAS SUISSE de leurs demandes d'irrecevabilité de la demande de la SA NOGA HÔTELS CANNES, a débouté la SA NOGA HÔTELS CANNES de sa demande de nullité du jugement d'adjudication et d'expulsion de la société JESTA FONTAINEBLEAU et l'a condamnée à verser des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux intimées,

Déboute la SA NOGA HÔTELS CANNES de toutes ses demandes,

Déboute la société JESTA FONTAINEBLEAU de sa demande à titre de dommages et intérêts,

Condamne la SA NOGA HÔTELS CANNES à verser à la société JESTA FONTAINEBLEAU et à la SA BNP PARIBAS SUISSE une somme supplémentaire de 2. 000 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA NOGA HÔTELS CANNES à supporter les entiers dépens, ceux d'appel étant distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 07/19523
Date de la décision : 31/10/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Grasse


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-31;07.19523 ?
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