4o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2008
No 2008/ 346
Rôle No 06/16983
SA HOTEL EXCELSIOR
C/
SCI LA MAJOLANE
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 14 Septembre 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04/06797.
APPELANTE
SA HOTEL EXCELSIOR, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice et domicilié.,
demeurant 193 Boulevard Félix Martin - 83700 SAINT RAPHAEL
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour
assistée de la SELARL LLC ET ASSOCIES , avocats au barreau de DRAGUIGNAN, substitué par Maître CAMPOLO Philippe avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEE
SCI LA MAJOLANE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, y domicilié.,
demeurant Quartier du Dragon - 83300 DRAGUIGNAN
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée de la SCP CASNOVA L., FENOT F., TULASNE G., GHRISTI J.B., avocats au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Juin 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Brigitte BERNARD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie-Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2008,
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie-Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par acte sous seing privé du 8 novembre 1995, la SCI LA MAJOLANE a donné à bail commercial à la SA HÔTEL EXCELSIOR un immeuble anciennement dénommé "Marie Stella" à SAINT RAPHAEL (Var). Le bail a été conclu à compter du 1er novembre 1995 pour se terminer au 31 octobre 2004 moyennant un loyer de 1.926,96 Euros par trimestre plus taxe de droit au bail, soit un montant annuel de 7.707,82 Euros.
Par acte du 29 avril 2004, la SCI LA MAJOLANE a donné congé à la SA HÔTEL EXCELSIOR avec offre de renouvellement du bail à compter du 1er novembre 2004 moyennant un loyer annuel de 250.000 Euros, charges locatives en sus.
Par LRAR des 26 juin et 8 juillet 2004, la SA HÔTEL EXCELSIOR a accepté le principe du renouvellement mais pas le prix proposé. Elle fait valoir que la salle de restaurant et le jardinet sont construits sur un même tènement foncier, cadastré AT no 866 et 868, appartenant pour un 1/3 à la SA EXCELSIOR et pour 2/3 à la SCI LA MAJOLANE.
Par acte du 6 août 2006, la SA HÔTEL EXCELSIOR a assigné la SCI LA MAJOLANE devant le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN aux fins de juger qu'elle justifie de la qualité de propriétaire indivis de l'immeuble en cause, de prononcer la nullité du congé avec toutes conséquences de droit sur le fondement de l'article 815-3 du Code civil, de prononcer l'exécution provisoire et de se voir attribuer des indemnités.
Par jugement du 14 septembre 2006, le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a:
-déclaré nul le congé avec offre de renouvellement en ce qu'il porte sur le jardin appartenant en indivision à la SCI LA MAJOLANE et à la SA HÔTEL EXCELSIOR,
-déclaré valable le congé avec offre de renouvellement en ce qu'il porte sur les locaux de l'immeuble anciennement dénommé "Marie Stella", propriété exclusive de la SCI LA MAJOLANE,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes, y compris celles au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
-fait masse des dépens et dit que chacune des parties en supportera la moitié.
Par acte du 10 octobre 2006, la SA HÔTEL EXCELSIOR a fait appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions signifiées le 27 mai 2008 et auxquelles il est renvoyé, la SA HÔTEL EXCELSIOR demande à la Cour :
-de réformer le jugement,
-de prononcer la nullité du congé avec offre de renouvellement avec toutes conséquences que de droit,
-de condamner la SCI MAJOLANE au paiement de la somme de 3.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
A l'appui de ses demandes, l'appelante expose que l'objet du bail commercial demeure indivisible et que le Tribunal ne pouvait dissocier une obligation indivisible relevant de l'article 1217 du Code civil. Le droit au renouvellement aurait donc du, selon elle, s'appliquer à l'ensemble des biens loués.
Le congé devrait donc être déclaré nul en tant qu'il porte sur des biens indivis et qu'il est entaché d'un défaut de qualité et de pouvoir. Le statut de la copropriété serait par ailleurs exclu et la fin de l'indivision n'aurait été prévue qu'en cas de mésentente ;
Enfin, l'augmentation du loyer aurait été abusive et sans commune mesure avec l'indice INSEE de la construction.
Par ses dernières écritures signifiées le 29 avril 2008 et auxquelles il est renvoyé, la SCI LA MAJOLANE demande à la Cour:
-de réformer le jugement et de juger que le congé signifié porte sur l'immeuble loué appartenant en pleine propriété à la SCI LA MAJOLANE,
-de juger en conséquence que ce congé est régulier,
-de débouter la SA HÔTEL EXCELSIOR de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2.000 Euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
-de la condamner en outre au paiement de la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens,
-à titre subsidiaire:
-de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré valable le congé en ce qu'il porte sur les locaux de l'immeuble anciennement dénommé "Marie Stella", propriété exclusive de la société intimée,
-de condamner la SA HÔTEL EXCELSIOR au paiement de la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
A l'appui de ses prétentions, la société intimée expose que seul le jardinet, d'une surface de 220 m², constituerait une partie indivise. En outre, les dispositions des articles 815 et suivants du Code civil lui seraient inapplicables dans la mesure où il posséderait toutes les caractéristiques de la copropriété et n'en aurait pas la qualification du seul fait de sa date d'acquisition, à savoir 1962.
Par ailleurs, le congé devrait être déclaré valable conformément aux dispositions de l'article 1849, alinéa 2 du Code civil.
Enfin, l'augmentation de loyer devrait tenir compte de l'importance des lieux loués et de l'absence de toute augmentation depuis des décennies.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 04 juin 2008.
Sur ce, la Cour
Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas critiquée ;
Considérant que dans le bail commercial, soumis au statut des baux commerciaux, en date du 08.11.1995, liant la SCI " LA MAJOLANE" et la SA HOTEL EXCELSIOR, les lieux loués sont ainsi désignés : "divers locaux dépendant de l'immeuble à SAINT RAPHAEL (83700), boulevard F.Martin et rue Boetmann, anciennement dénommé "Marie Stella" comprenant : " rez-de-chaussée : salle de restauration, bureau penderie, toilettes, une deuxième salle de restauration avec accès à l'hôtel Excelsior, petit jardinet. Sous Sol: : caves
1ER étage : 7chambres + une petite dont deux avec baignoire sabots.
2ème étage : 7 chambres + une petite, dont deux avec baignoire sabots.
3ème étage : pièces mansardées"
Considérant qu'au vu des pièces produites aux débats et notamment des titres de propriété respectivement du 27.06.1962 pour la SCI " LA MAJOLANE" et du 07.08.1967 pour la SA HOTEL EXCELSIOR , il est avéré que "le petit jardinet et la deuxième salle de restauration avec accès à l'HOTEL EXCELSIOR", inclus dans l'assiette du bail, appartiennent en indivision à la SCI " LA MAJOLANE", bailleresse et à la SA HOTEL EXCELSIOR, locataire, dans les proportions des 2/3 pour la SCI " LA MAJOLANE" et d'1/3 pour la SA HOTEL EXCELSIOR;
Considérant que ce jardinet et cette salle de restaurant, ancienne terrasse couverte construite sur le jardinet, dans les actes de propriété susvisés, ne sont pas soumis aux règles de la copropriété, laquelle n'a pas été instituée entre les co-indivisaires, malgré l'avénement du statut de la copropriété en 1965 ; qu'en tous cas, cela ne ressort d'aucun acte pas plus que le fait allégué que les parties auraient pu mettre fin à l'indivision pour adopter les règles de la mitoyenneté, le jardinet devenant cour commune ;
Considérant que ce bail commercial unique traduit la commune intention des parties de soumettre au même régime, soit celui du statut des baux commerciaux, tous les locaux donnés à bail par la SCI " LA MAJOLANE" , y compris le jardinet et la salle de restaurant avec accès à l'hôtel EXCELSIOR, ces locaux attachés à l'ensemble immobilier, cadastré D 793 et constitué par deux villas, dénommées Villa Saint Jean et Villa Marie Stella, à SAINT RAPHAEL (83), appartenant à la SCI " LA MAJOLANE" , formant un tout indivisible matériellement en raison de la seule dénomination cadastrale, à la date du bail et de l'usage exclusif des locaux pour l'exploitation du fonds d'hôtellerie de la SA HOTEL EXCELSIOR ;
Considérant ainsi, que, contrairement à ce qu'elle prétend, la SCI " LA MAJOLANE" n'a commis aucune erreur en donnant à bail des locaux, qui ne lui appartenaient que pour les 2/3, mais s'est comportée volontairement en bailleresse de l'intégralité du jardinet et de la deuxième salle de restaurant, ce que la SA HOTEL EXCELSIOR a accepté, en toute connaissance de cause, et ce, d'autant qu'elle avait déjà loué, dans le cadre d'un bail commercial, les mêmes locaux à la SCI WINTER PALACE, aux droits de laquelle vient la SCI " LA MAJOLANE" ;
Considérant que l'indivisibilité tant conventionnelle que matérielle des locaux entraîne l'indivisibilité du bail, et par là même, la soumission du jardinet et de la deuxième salle de restaurant au statut des baux commerciaux ;
Considérant, donc, que seule la SCI " LA MAJOLANE", bailleresse, avait qualité pour délivrer un congé ;
Qu'elle n'avait donc pas à solliciter le consentement de la SA HOTEL EXCELSIOR , en tant que propriétaire indivis du jardinet et de la deuxième salle de restaurant, compris dans l'assiette du bail du 8.11.1995 ;
Considérant, en conséquence, que c'est, à tort, que le Tribunal a déclaré nul le congé avec offre de renouvellement, délivré le 29.04.2004, par la SCI " LA MAJOLANE" à la SA HOTEL EXCELSIOR en ce qu'il porte sur les autres locaux, propriété de la SCI " LA MAJOLANE" ;
Qu'il sera dit à nouveau qu'en raison de l'indivisibilité du bail, le jardinet et la deuxième salle de restaurant sont soumis au régime des autres locaux désignés dans le bail, dès lors qu'ils ont été loués par le même bail ;
Considérant que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef, le congé délivré le 29.04.2004 étant valable en son entier, l'irrégularité de fond tirée du défaut de qualité étant écartée ;
Considérant encore que le congé doit être délivré par celui qui a la capacité juridique de le faire;
Considérant que la SCI " LA MAJOLANE", aux termes de ses statuts en date du 30.10.2002, a deux gérants, dont la signature conjointe est exigée pour tous les actes engageant la SCI ;
Considérant que la SCI " LA MAJOLANE" figure au congé du 29.04.2004, en la personne de sa co-gérante en exercice, Madame Marine.COURJON MONTOUFILS, qui a qualité pour la représenter ;
Considérant que la SA HOTEL EXCELSIOR soulève en appel, ce qui est recevable, la fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir de l'auteur du congé ;
Mais considérant que la SA HOTEL EXCELSIOR , dont le gérant est co-gérant de la SCI " LA MAJOLANE" , agit indiscutablement, dans cette instance sur la validité du congé avec offre de renouvellement, qui lui a été délivré le 29.04.2004, en sa qualité de locataire, comme tiers à la SCI " LA MAJOLANE" ;
Qu'elle n'est donc pas fondée à se prévaloir du défaut de signature d'un des co-gérants de la SCI " LA MAJOLANE", dans la mesure où d'une part, en cas de pluralité de gérants, chaque gérant a, à l'égard des tiers, les mêmes pouvoirs que s'il était gérant unique et peut agir séparément des autres gérants et où d'autre part, la clause statutaire limitant les pouvoirs des gérants lui est inopposable, la société restant engagée ;
Considérant, par ailleurs, que la SA HOTEL EXCELSIOR ne démontre pas qu'elle est un tiers lésé par ce défaut de co-signature des gérants de la SCI " LA MAJOLANE", cas auquel elle pourrait l'opposer à cette dernière ;
Que le congé avec offre de renouvellement met fin au titre en cours, sans pour autant mettre fin à la jouissance du locataire ; qu'au contraire, la poursuite lui en est offerte, qu'il est libre d'accepter ou de refuser, le montant du loyer de renouvellement étant, en outre, discutable devant le juge des loyers commerciaux ;
Qu'au surplus, la SA HOTEL EXCELSIOR, en qualité de tiers, ne démontre pas qu'elle ait eu connaissance d'une opposition formée au congé, avant la prise d'effet de celui-ci, par le co-gérant non signataire ; que la Cour observe que la SA HOTEL EXCELSIOR n'a soulevé la fin de non recevoir, tirée du défaut de pouvoir que dans ses conclusions du 27.05.2008, soit 4 ans environ après la date d'effet du congé ; que dans ces conditions, l'opposition formée par un gérant aux actes d'un autre gérant, entrant dans l'objet social, est sans effet à l'égard des tiers;
Considérant que la fin de non recevoir, tirée du défaut de pouvoir sera rejetée ;
Considérant, enfin, qu'aucune nullité du congé délivré le 29.04.2004 par la SCI " LA MAJOLANE" ne peut découler du loyer, prétendument abusif, sollicité par la bailleresse, à compter de la date de renouvellement du bail ;
Que c'est à juste titre que le Tribunal a dit qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur le montant du loyer demandé dans le congé avec offre de renouvellement, ce litige étant de la compétence du juge des loyers commerciaux, lequel fera application de l'article L 145-38 du Code de Commerce, pour apprécier le montant de ce loyer du bail renouvelé ;
Considérant, en conséquence, que la Cour, infirmant le jugement entrepris, déclare régulier et valable le congé, avec offre de renouvellement au 01.11.2004, signifié à la SA HOTEL EXCELSIOR par la SCI " LA MAJOLANE" le 29.04.2004, et portant sur l'ensemble des locaux, désignés dans le bail commercial du 8.11.1995, en ce, inclus le jardinet et la deuxième salle de restaurant ;
Considérant que l'abus de procédure de la part de la SA HOTEL EXCELSIOR n'est pas caractérisée ; que la SCI " LA MAJOLANE" sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef ;
Qu'en revanche, il est équitable de lui allouer 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, somme que devra verser la SA HOTEL EXCELSIOR, laquelle sera condamnée, également, à s'acquitter de tous les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en audience publique, contradictoirement
- Reçoit l'appel.
AU FOND
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
- Rejette l'irrégularité de fond, tirée du défaut de qualité de l'auteur du congé du 29.04.2004 ainsi que la fin de non recevoir, tirée du défaut de pouvoir de l'auteur de ce congé.
- Déboute la SA HOTEL EXCELSIOR de sa demande de nullité du congé du 29.04.2004 pour augmentation abusive du loyer.
- Constate l'indivisibilité du bail du 8.11.1995 liant la SCI " LA MAJOLANE" à la SA HOTEL EXCELSIOR et la soumission de ce bail, pour son entière assiette, au statut des baux commerciaux.
- Déclare régulier et valable le congé avec offre de renouvellement au 01.11.2004, signifié le 29.04.2004 par la SCI " LA MAJOLANE" à la SA HOTEL EXCELSIOR et portant sur l'ensemble des locaux, désignés dans le bail commercial du 08.11.1995, incluant le jardinet et la deuxième salle de restaurant.
- Condamne la SA HOTEL EXCELSIOR à payer à la SCI " LA MAJOLANE" 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
- Condamne la SA HOTEL EXCELSIOR aux dépens de première instance et d'appel. Admet LA SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT