COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9o Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 SEPTEMBRE 2008
No2008 / 464
Rôle No 06 / 17558
JONCTION du No06 / 18970
Société CMA-CGM
C /
Valérie X...
Grosse délivrée le :
à :
Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes de MARSEILLE en date du 21 Septembre 2006, enregistré au répertoire général sous le no 04 / 1062.
APPELANTE
Société CMA-CGM, demeurant 4 quai d'Arenc-13235 MARSEILLE CX 02
représentée par Me Luc BERGEROT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Arnaud ATTAL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE
Madame Valérie X..., demeurant ...
comparante en personne, assistée par Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laure ROCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jacques LABIGNETTE, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lamia ELOUERTATANI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2008
Signé par Monsieur Jacques LABIGNETTE, Président et Madame Marie-Blanche BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Les 16 octobre et 9 novembre 2006, la société CMA-CGM a régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 21 septembre 2006 par le Conseil de Prud'hommes de Marseille (notifié le 26 septembre 2006) qui l'a condamnée à verser à Madame Valérie X... les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 8 100 euros
-congés payés afférents : 810 euros
-indemnité de licenciement : 3 375 euros
-dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 18 900 euros
-article 700 du Code de Procédure Civile : 1 000 euros
L'appel interjeté le 9 novembre 2006 est irrecevable car hors délai mais la Cour est valablement saisie par l'appel en date du 16 octobre 2006.
Madame X... a été embauchée par la société CMA-CGM au mois de février 1998 en qualité de gestionnaire des ressources humaines.
Elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier du 4 mars 2004.
L'employeur l'a licenciée pour faute grave le 5 avril 2004.
Madame X... qui travaillait à Suresnes conclut que la promesse de l'employeur de la promouvoir au poste de responsable d'études et de développement a été la condition déterminante de son acceptation de sa mutation à Marseille, le 4 septembre 2001. Elle fait valoir que l'employeur n'a pas tenu sa promesse, qu'elle a été victime d'une attitude discriminatoire du fait de sa grossesse et de son congé parental et qu'elle a subi un harcèlement de la part de monsieur B..., responsable des relations humaines.
Elle réclame la condamnation de la société CMA-CGM à lui verser les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 16 200 euros,
- congés payés afférents : 1 620 euros,
- indemnité de licenciement : 3 375 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 32 400 euros,,
- dommages et intérêts pour discrimination : 5 000 euros,
- article 700 du Code de Procédure Civile : 3 000 euros.
Elle demande à la Cour d'ordonner que les intérêts des sommes allouées seront capitalisés.
L'employeur réplique qu'il n'était tenu par aucune obligation contractuelle, conventionnelle ou légale relative au déroulement de la carrière de Madame X..., qu'il n'existait aucun accord entre les parties sur une promotion acquise et que de surcroît le poste revendiqué par l'intéressée n'a pas été créé.
Il indique que celle-ci, qui a été embauchée par la société DCN quelques jours après sa lettre de prise d'acte de la rupture, a démissionné.
Il conclut par ailleurs qu'elle n'apporte aucun élément de nature à accréditer ses accusations de discrimination.
Il réclame la condamnation de Madame X... à lui verser 8 100 euros pour son préavis non exécuté, 3 000 euros pour procédure abusive et dilatoire et la même somme au titre des frais irrépétibles.
Il demande en outre que l'intéressée soit condamnée à lui restituer la somme de 18 900 euros qui lui a été versée au titre de l'exécution provisoire.
MOTIFS
Il convient pour une meilleure administration de la justice d'ordonner la jonction des deux dossiers d'appel.
La lettre adressée par Madame X... à la société CMA-CGM le 4 mars 2004 est sans équivoque une lettre de prise d'acte de la rupture : en conséquence si les griefs invoqués par la salariée contre l'employeur sont fondés et justifient la rupture, celle-ci produira les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, dans le cas contraire, la rupture s'analysera en une démission de la part de la salariée.
Le licenciement prononcé par l'employeur postérieurement à la lettre qui a consommé la rupture est donc sans effet.
L'employeur a adressé à Madame X... le 5 septembre 2001 un courriel dans lequel il indique notamment : « Le transfert que nous te proposons à Marseille commence par un an en recrutement / mobilité interne... Dans un an (septembre / octobre 2002) tu prendras le poste de responsable Etudes et Développement... J'espère avoir clarifié notre offre et compte sur ton enthousiasme dans l'équipe ». Madame X... a été mutée à Marseille le 22 octobre 2001.
Ce courriel exprime clairement l'engagement de l'employeur de promouvoir Madame X... avant le mois de novembre 2002. Ce dernier affirme que le poste de responsable études et développement n'a finalement pas été créée : cette affirmation est infirmée par l'attestation d'une ex chargée de mission de la société CMA-CGM qui indique que ce poste a été attribué à Monsieur C..., témoignage corroboré par des courriels en date des mois de septembre et octobre 2002 adressés à Monsieur C..., responsable Etudes et développement.
L'employeur en ne respectant pas son engagement formel, qui a pu motiver l'acceptation de Madame X... de s'installer avec sa famille à Marseille, a manqué à son obligation de loyauté et a ainsi commis un grave manquement qui a pour effet de lui rendre la rupture imputable.
Madame X... percevait un salaire de 2 700 euros et avait 6 ans d'ancienneté lors de la rupture.
Elle a trouvé un nouvel emploi aussitôt après avoir quitté la société CMA-CGM.
Il lui sera alloué les sommes suivantes :
- préavis : 6 mois de salaires pour les cadres selon la convention collective nationale du personnel sédentaire des entreprises de navigation libres, soit 16 200 euros,
- congés payés afférents : 1 620 euros,
- indemnité de licenciement : 270x6 = 1620 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 16 200 euros.
D'autre part, la Cour constate que la société CMA-CGM n'a pas nommé, sur le poste promis de responsable études et développement, Madame X... qui rentrait de congé de maternité et a sollicité un congé parental ; l'employeur n'explique pas pour quelle raison il a manqué à son engagement en attribuant ce poste à un salarié de sexe masculin.
Madame X... a donc été victime d'une discrimination en raison de son sexe au titre de laquelle il lui sera alloué des dommages et intérêts de 5 000 euros.
Cette dernière ne fournit aucun justificatif de nature à établir qu'elle a été victime d'acte de harcèlement.
Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) portent intérêts de droit avec capitalisation à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 4 mai 2004.
Les sommes dues à titre indemnitaire portent intérêts à compter de la décision qui les ordonne.
L'équité en la cause commande la condamnation de la société CMA-CGM à verser à la salariée 1 800 euros sur le fondement de l'article 700du Code de procédure Civile.
La société CMA-CGM sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire, en matière prud'homale, par mise à disposition au greffe ;
Vu l'article 696 du Code de procédure Civile ;
Ordonne la jonction des dossiers d'appel n 06 / 17558 et 06 / 18970 ;
Dit que le dossier sera à l'avenir suivi sous le numéro 06 / 17558 ;
Dit l'appel interjeté le 9 novembre 2006 irrecevable ;
Reforme le jugement déféré :
Le confirme en ce qu'il a jugé la rupture imputable à la société CMA-CGM,
Pour le surplus :
Condamne la société CMA-CGM à verser à Madame X... les sommes suivantes :
- préavis : 16 200 euros,
- congés payés afférents : 1 620 euros,
- indemnité de licenciement : 1620 euros,
- dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse : 16 200 euros,
- dommages et intérêts pour discrimination : 5 000 euros,
- article 700 du Code de procédure Civile : 1 800 euros.
Dit que les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail (indemnité de préavis, congés payés afférents au préavis, indemnité de licenciement, rappel de salaires) portent intérêts de droit avec capitalisation à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 4 mai 2004 et que les sommes dues à titre indemnitaire portent intérêts à compter de la décision qui les ordonne.
Déboute la société CMA-CGM de ses demandes.
Dit que les dépens seront supportés par la société CMA-CGM.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT