4o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 11 SEPTEMBRE 2008
No 2008 / 307
Rôle No 06 / 12288
Xavier X...
C /
SA CASINO CAFETARIA
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 04 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 363.
APPELANT
Maître Xavier X..., Madataire Judiciaire, es qualité de commissaire à l'exécution du plan de la SARL ALINE RESTAURATION
né le 24 Septembre 1962 à TOULOUSE (31000),
demeurant...
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assisté de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE
INTIMEE
SA CASINO CAFETARIA prise en la personne de son représentant légal, devenu CASINO RESTAURATION
demeurant 1 Esplanade de France-BP 306-42008 SAINT ETIENNE CX 2
représentée par la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL-ALLIGIER, avoués à la Cour,
assistée de la SELARL U. D. A., avocats au barreau de ST ETIENNE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-Françoise BREJOUX, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie-Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marie-Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2008,
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie-Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par acte du 26 janvier 1998, la société CASINO CAFETERIA a donné en location-gérance à la société ALINE RESTAURATION une cafétéria à NICE (Alpes Maritimes), angle des avenues Bellet et Victoria. Par acte du 25 octobre 2000, le contrat de location-gérance a été résilié à la demande du bailleur.
Par jugement du 16 novembre 2000, le Tribunal de Commerce de NICE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL ALINE RESTAURATION.
Par jugement du 7 mars 2002, le Tribunal a arrêté un plan de redressement par continuation et désigné Xavier X... en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Par jugement du 17 avril 2003, le Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE a condamné la société CASINO CAFETERIA au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive.
L'AGS est intervenue pour régler leurs salaires aux onze salariés de CASINO et a actionné la société locataire pour obtenir le remboursement des sommes avancées à hauteur de 16. 287, 04 Euros.
Par ordonnance de référé du 1er juillet 2003, la société ALINE RESTAURATION a été contrainte d'opérer ce paiement.
Par acte du 12 avril 2005, Xavier X..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société ALINE RESTAURATION, a assigné CASINO CAFETERIA SAS devant le Tribunal de Commerce de NICE pour obtenir le remboursement de cette somme et le paiement d'indemnités.
Par jugement du 15 septembre 2005, le Tribunal de Commerce de NICE a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SAS CASINO CAFETERIA et a renvoyé les parties à plaider au fond.
Par jugement du 4 mai 2006, le Tribunal de Commerce de NICE a :
- débouté Xavier X..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL ALINE RESTAURATION, de toutes ses demandes,
- condamné Xavier X..., ès qualités, à payer à la SAS CASINO CAFETERIA la somme de 1. 200 Euros à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive ;
- condamné Xavier X..., ès qualité, à payer à la SAS CASINO CAFETERIA la somme de 1. 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- dit que les dépens seront employés en frais de redressement judiciaire.
Par acte du 5 juillet 2006, Me Xavier X... a fait appel de ce jugement.
La SAS CASINO CAFETERIA est devenue la SAS CASINO RESTAURATION.
Par ses dernières conclusions signifiées le 28. 04. 2008 et auxquelles il est renvoyé, Xavier X..., es-qualités, demande à la Cour :
- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- de condamner la SAS CASINO RESTAURATION à payer à Xavier X..., ès qualités, la somme de 16. 287, 04 Euros en remboursement des sommes que l'EURL Aline RESTAURATION a du régler à l'AGS et ce, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- de la condamner au paiement de la somme de 5. 000 Euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, celle de 2. 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.
A l'appui de son recours, l'appelant expose que le jugement du Tribunal de SAINT ETIENNE n'aurait jamais statué sur cette demande et qu'il ne pourrait y avoir autorité de la chose jugée sur ce point. Il soutient que, suite à la résiliation du contrat de location-gérance, le bailleur était tenu, en vertu de l'article L. 122-12 du Code du travail, de reprendre les salariés. A ce titre, il devait régler les salaires et congés payés courant du 1er octobre 2000 au 25 octobre 2000.
Xavier X... fait valoir par ailleurs que le préjudice subi par la société appelante provient directement de la faute de la société intimée et ouvrirait son droit à réparation et à répétition de l'indu.
Par ses dernières écritures signifiées le 09 mai 2008 et auxquelles il est renvoyé, la SAS CASINO RESTAURATION demande à la Cour :
- de débouter Me X... es qualités, de l'ensemble de ses demandes comme étant irrecevables et mal fondées,
- de le condamner au paiement de la somme de 2. 000 Euros pour procédure abusive, celle de 3. 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens
-à titre subsidiaire :
- de juger que l'intérêt au taux légal ne peut courir qu'à compter de l'arrêt à intervenir et non pas à compter du 10 juillet 2003.
A l'appui de ses prétentions, la société intimée relève l'absence d'explication sur le détail des sommes versées par l'appelante aux AGS.
Elle estime nécessaire l'établissement d'une distinction entre la période antérieure au 25 octobre 2000, date de la résiliation du contrat de location-gérance, et celle postérieure.
Par ailleurs, elle conclue à l'autorité de la chose jugée, l'affaire jugée par le Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE ayant une identité de parties, d'objet et de cause.
L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 14 mai 2008.
Sur ce, la Cour,
Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas critiquée ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats, que la SAS CASINO CAFETERIA, actuellement dénommée SAS CASINO RESTAURATION étaient liées notamment par un contrat de location gérance en date du 31. 01. 1998, concernant une cafétéria sise à NICE, ... et... ; que ce contrat a été rompu par lettre Recommandée avec Accusé de Réception du 20. 10. 2000 à l'initiative de la SAS CASINO CAFETERIA et par un acte commun du 25. 10. 2000 ;
Considérant que l'EURL ALINE RESTAURATION a fait l'objet d'une procédure simplifiée de redressement judiciaire par jugement rendu le 16. 11. 2000 par le tribunal de commerce de NICE ; que par jugement du 07. 03. 2002, le tribunal de commerce a approuvé un plan de redressement, Me Xavier X... étant désigné comme commissaire à l'exécution de ce plan ;
Considérant que par ordonnance de référé du 0107. 2003, rendue par le Président du tribunal de commerce de NICE, la SARL ALINE RESTAURATION a été condamnée à payer au Centre d'Etudes et de Gestion AGS du SUD-EST, ci-après AGS, la somme de 16 237, 04 euros, montant des avances super privilégiées dues aux salariés de l'EURL ALINE RESTAURATION en application de l'article L 621-78 du Code de Commerce, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 11. 04. 2002 ;
Considérant que l'objet du présent litige est la demande de remboursement de cette somme, faite par Me X..., es-qualités de commissaire à l'exécution du Plan de redressement de la SARL ALINE RESTAURATION à l'encontre de la Société CASINO RESTAURATION, par assignation du 12. 04. 2005 ;
Considérant qu'à titre principal, Me X... es-qualités, déclare agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle à l'encontre de la SAS CASINO RESTAURATION et réclame la somme de 16 237, 04 euros en principal et intérêts à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de location gérance ;
Que ce fondement est erronné ; que Me X... n'agit pas à titre personnel mais comme représentant de la SARL ALINE RESTAURATION, liée par un contrat à la SAS CASINO RESTAURATION à l'époque du dommage dont il se prévaut ;
Que, par ailleurs, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, le tribunal de commerce de SAINT ETIENNE a, par jugement définitif du 17. 04. 2003, condamné la SAS CASINO CAFETERIA à payer à la SARL ALINE RESTAURATION la somme de 76 224, 51 euros, à titre de dommages intérêts en réparation du dommage causé par la rupture abusive des contrats de franchise et de location gérance ;
Considérant que c'est, à tort, que le Tribunal a retenu que ce jugement avait tranché sur tout le préjudice subi par la SARL ALINE RESTAURATION et qu'il y avait autorité de la chose jugée faisant obstacle à la demande présentée par Me X... es-qualités ;
Qu'il est vérifié qu'aucune demande de remboursement ou de paiement des salaires des employés de la SARL ALINE RESTAURATION jusqu'au 25. 10. 2000 n'est incluse dans les prétentions, que le tribunal de commerce de SAINT ETIENNE a satisfaites ; que l'objet de la demande dans la présente instance est donc différent de celui de la demande présentée devant le tribunal de commerce de SAINT ETIENNE ;
Considérant ainsi que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
Considérant, en outre, que le fondement de la responsabilité contractuelle n'est pas approprié à la demande ; que la somme de 16 237, 04 euros, payée par la SARL ALINE RESTAURATION est, en effet, un préjudice indirect, découlant de la rupture du contrat de location-gérance, qui ne peut donc être réparé dans le cadre d'un régime de responsabilité ;
Considérant, en revanche, que c'est justement que Me X... es-qualités, invoque à titre subsidiaire, le fondement de la répétition de l'indû, en application de l'article 1376 du Code Civil ;
Que cette action en répétition de l'indû, au caractère non subsidiaire, sera accueillie en la forme ;
Considérant au fond, que la résiliation de la convention de location-gérance a emporté restitution du fonds de commerce à son propriétaire, la SAS CASINO RESTAURATION, avec tous ses éléments constitutifs, à compter de la date de la résiliation, soit du 25. 10. 2000 ;
Considérant que l'article L 122-12 du Code du Travail s'applique aux droits des salariés de la SARL ALINE RESTAURATION, dont le contrat était en cours au moment du transfert ;
Qu'en effet, le nouvel employeur est tenu vis à vis des salariés, dont le contrat subsiste, des obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification de la personne de l'employeur ;
Que les salaires et autres créances, nés à la date du transfert mais demeurés impayés, sont ainsi à la charge du nouvel employeur, lequel, cependant est fondé à réclamer à l'ancien employeur le remboursement des sommes acquittées à sa place ;
Considérant qu'en l'espèce, le contrat de location-gérance, signé entre la SAS CASINO CAFETERIA et la SARL ALINE RESTAURATION, a été résilié le 25. 10. 2000 ;
Qu'il n'est pas contesté par Me X... es-qualités, malgré les énonciations contraires du jugement entrepris, que les créances nées après le transfert, ont été prises en charge par la SAS CASINO RESTAURATION ; que Me X... es-qualités ne demande aucun remboursement pour la période d'exigibilité postérieure au 25. 10. 2000 ;
Que s'agissant des sommes avancées par l'AGS aux 11 salariés de la SARL ALINE RESTAURATION, dans le cadre de l'article L 143-11 du Code du Travail, d'un montant de 16237, 04 euros, elles se décomposent, selon l'ordonnance de référé susvisée du 01. 07. 2003 et l'assignation introductive d'instance en salaires échus du 01. 10. 2000 au 25. 10. 2000 et en droits acquis à cette date aux congés payés ;
Considérant que la SAS CASINO CAFETERIA, nouvel employeur, devait les salaires, nés à la date du transfert et ne pouvait limiter le calcul des indemnités de congés payés et indemnités compensatrices de congés payés, lesquelles naissent mois par mois, même si elles ne sont exigibles qu'ultérieurement, à la période durant laquelle les salariés ont été à son service ;
Que néanmoins, la SAS CASINO CAFETERIA aurait été fondée à réclamer à l'employeur précédent, la SARL ALINE RESTAURATION, la part d'indemnité proportionnelle au temps pendant lequel, au cours de la période de référence, les salariés concernés étaient au service de celui-ci ;
Qu'il en est de même de toutes autres créances, le nouvel employeur n'étant tenu qu'aux seules dettes, nées après le transfert ;
Considérant qu'il suit que la SARL ALINE RESTAURATION, en payant le montant de la condamnation prononcée par l'ordonnance de référé du 01. 07. 2003, soit 16 237, 04 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 11. 04. 2002, à l'AGS, le 07. 07. 2003 par chèque à l'ordre de Me Y..., comme il en est justifié, a réglé ce qu'elle devait ;
Qu'aucune convention contraire ne la dispensait de ce paiement qu'elle s'était engagée à régler en 30 mensualités, ce qu'elle n'a pas fait, comme le rappelle l'ordonnance de référé ;
Que la SARL ALINE RESTAURATION n'a subi aucun préjudice en payant l'AGS plutôt que la SAS CASINO CAFETERIA ; qu'en cas de demande de remboursement de la part de cette dernière, la SARL ALINE RESTAURATION aurait du verser les intérêts du principal, à compter de la date du paiement par le nouvel employeur, soit certainement à une date antérieure au 11. 04. 2002 ;
Considérant qu'il convient aussi de débouter Me Xavier X..., es-qualités, de sa demande de remboursement de la somme de 16 287, 04 euros en principal et intérêts, les conditions de l'article 1376 du Code Civil n'étant pas remplies ;
Considérant que Me X... es-qualités n'a commis aucun abus caractérisé de procédure en intentant cette action en répétition de l'indû, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef et en toutes ses dispositions ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés par elles en première instance et en appel ;
Considérant que le jugement entrepris étant infirmé, les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de la SAS CASINO RESTAURATION, malgré le rejet au fond de la demande principale de Me X... es-qualités ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en audience publique, contradictoirement
-Reçoit l'appel.
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
- Déclare la demande de remboursement de la somme en principal de 16 237, 04 euros, outre intérêts, présentée par Me Xavier X..., es-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SARL ALINE RESTAURATION à l'encontre de la SAS CASINO RESTAURATION recevable sur le fondement de la répétition de l'indû.
AU FOND
-Le Déboute de cette demande.
- Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Condamne la SAS CASINO RESTAURATION aux entier dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP SIDER-SIDER, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT