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08/08/2008 | FRANCE | N°02/03691

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 août 2008, 02/03691


8o Chambre C

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
DU 08 AOUT 2008

No2008 / 400

Rôle No 06 / 04016

SA BNP PARIBAS

C /

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE SETE-FRONTIGNAN ET MEZE
Alain X...

Yvan Y...

SCP ALAIN X..., CLAUDE Z... ET PATRICK A...

SCP BRETON TETU DUTHEIL
SCP BLANC POUJOL AUDRAN SIGNIE SPINELLI
Odile B... épouse C...

Elisabeth C... épouse D...

Béatrice C...

Nathalie C... épouse E...


Grosse délivrée


à : ST FERREOL
BOISSONNET
COHEN
BLANC



réf

prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 29 novembre 2005, qui a cassé et annulé l'arrêt no A04. 1B (RG : 02 / 03691...

8o Chambre C

ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
DU 08 AOUT 2008

No2008 / 400

Rôle No 06 / 04016

SA BNP PARIBAS

C /

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE SETE-FRONTIGNAN ET MEZE
Alain X...

Yvan Y...

SCP ALAIN X..., CLAUDE Z... ET PATRICK A...

SCP BRETON TETU DUTHEIL
SCP BLANC POUJOL AUDRAN SIGNIE SPINELLI
Odile B... épouse C...

Elisabeth C... épouse D...

Béatrice C...

Nathalie C... épouse E...

Grosse délivrée

à : ST FERREOL
BOISSONNET
COHEN
BLANC

réf

prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 29 novembre 2005, qui a cassé et annulé l'arrêt no A04. 1B (RG : 02 / 03691) rendu le 22 juin 2004 par la Cour d'Appel de Montpellier (1ère Chambre section B).

DEMANDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

BNP PARIBAS, nouvelle dénomination de la BNP, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, dont le siège est sis 16 Boulevard des Italiens-75009 PARIS
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me Jean-Marie TROEGELER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE

DEFENDEURS SUR RENVOI DE CASSATION

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE SETE-FRONTIGNAN ET MEZE, prise en la personne de son président actuellement en exercice M. Michel G..., dont le siège est sis

...

représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jean-Daniel SIMONET, avocat au barreau de PARIS

Maître Alain X..., notaire, appelé en cause
demeurant...

représenté par la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués à la Cour, plaidant par Me Bernard VIAL, avocat au barreau de PERPIGNAN

Maître Yvan Y..., appelé en cause
demeurant...

représenté par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCP ALAIN X..., CLAUDE Z... ET PATRICK A..., office notariale appelée en cause, venant aux droits de la SCP Jean Claude REY et Alain X..., dont le siège est sis...

représentée par la SCP BOISSONNET-ROUSSEAU, avoués à la Cour,
plaidant par Me Bernard VIAL, avocat au barreau de PERPIGNAN

SCP BRETON TETU DUTHEIL, appelée en cause, venant aux droits de la SCP BRETON TOOS TETU, elle-même venant aux droits de la SCP Y... BRETON BEQUIER TOOS SALADINI, prise en la personne de son représentant légal, demeurant...

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCP BLANC POUJOL AUDRAN SIGNIE SPINELLI, notaires associés, appelée en cause, prise en la personne de son représentant légal, demeurant...

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Odile B... épouse C..., appelée en cause en sa qualité d'ayant droit de feu Georges C...

demeurant...

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Elisabeth C... épouse D..., appelée en cause en sa qualité d'ayant droit de feu Georges C...

demeurant...

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Mademoiselle Béatrice C..., appelée en cause, prise en sa qualité d'ayant droit de feu Georges C...

demeurant...

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame Nathalie C... épouse E..., appelée en cause, prise en sa qualité d'ayant droit de feu Georges C...

demeurant ...-...

représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

*- *- *- *- *

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2008 ; le délibéré a été prorogé au 8 août 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Août 2008

Rédigé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président

Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

1. Par acte notarié du 16 avril 1987, la Chambre de commerce et d'industrie de Sète, Frontignan et Mèze (la CCI) a constitué avec la banque Dupuy de Parseval la société civile immobilière Cap de la Corniche (la SCI), dont le capital était réparti dans les proportions respectives de 90 % pour la CCI et de 10 % pour la banque.

La SCI avait pour objet l'acquisition d'un terrain à bâtir situé à Sète et la construction d'une résidence hôtelière sur ce terrain.

Le 21 mars 1988, la CCI a constitué avec le Syndicat général de l'industrie hôtelière, la SARL Cap de la Corniche (la SARL), au capital divisé en 500 parts détenu à concurrence de 495 parts par la CCI. La SARL avait pour objet l'exploitation commerciale de la résidence hôtelière construite par la SCI.

2. L'opération immobilière a été financée au moyen de 5 emprunts souscrits, avec le cautionnement de la CCI, auprès de la Banque nationale de Paris, devenue la BNP Paribas (2 000 000 d'écus sur 15 ans), du Crédit Lyonnais (21 000 000F sur 20 ans), du Crédit local de France (25 000 000F sur 15 ans), du Crédit agricole (5 000 000F sur 15 ans) et de la Caisse centrale de crédit coopératif (1 000 000F sur 15 ans).

3. C'est par acte sous seing privé du 8 novembre 1988, que la BNP a consenti à la SCI et à la SARL un crédit de 2 000 000 d'écus (somme convertie en 13 802 000F par avenant du 27 décembre 1989), remboursable sur une durée de 15 ans par échéances annuelles.

L'acte stipule, notamment :

- que la libération du crédit est subordonnée à la souscription par la CCI d'un engagement de caution solidaire et à la souscription par la SCI et par la SARL, d'une promesse d'hypothèque sur le terrain de la première et d'une promesse de nantissement sur le fonds de commerce de la seconde ;
- que les emprunteurs ne peuvent, sans l'accord écrit de la banque, « réaliser tout ou partie de leur patrimoine immobilier ou l'apporter à une société ou toute personne morale ».

La CCI s'est portée caution solidaire du remboursement de l'emprunt par un acte du 8 novembre 1988.

Les promesses d'hypothèque et de nantissement ont été données par lettres du 24 novembre 1988.

4. Par acte notarié du 28 décembre 1992, reçu par M. Alain X..., membre de la SCP de notaires Rey-Klepping, avec l'assistance de M. Georges C..., membre de la SCP de notaires Monlouis-Blanc-Poujol-Audran-Siguié, et de M. Yvan Y..., membre de la SCP de notaires Bongendre-Breton-Toos-Saladini, la CCI et la banque Dupuy de Parseval ont cédé l'intégralité des parts de la SCI à la société Thalacap – Symbiose (998 parts sur 1000) et aux dirigeants de cette société, M. K... et M. L....

L'acte rappelle le montant des emprunts souscrits par la SCI en vue du financement du projet immobilier et fixe le prix de cession de la totalité des parts à 1000F.

Il comporte :

- un engagement des cessionnaires de réaliser un apport en compte courant de 20 000 000F le jour de l'acte et de 45 000 000F au plus tard le 31 décembre 1993, cet apport étant destiné, d'un côté, à rembourser le capital restant dû sur les emprunts souscrits, d'un autre côté, à rembourser partiellement les comptes courants des cédants ;
- un engagement des cédants de prendre en charge « durant cette période » les échéances des emprunts en cours, les sommes ainsi payées constituant pour partie des avances remboursables.

5. Par un second acte notarié du même jour (28 décembre 1992), reçu par M. Alain X..., la SCI Cap de la Corniche, désormais contrôlée par le groupe Symbiose, a vendu à la société Prominvest, filiale de la société holding Symbiose, différents lots dépendant de la copropriété de la résidence hôtelière Cap de la corniche pour un prix de 67 500 000F payé comptant le jour de l'acte pour une fraction de 20 000 000F et le solde, majoré de la TVA, au plus tard le 31 décembre 1993.

Le Comptoir des entrepreneurs est intervenu à l'acte pour se constituer caution solidaire de l'acquéreur envers le vendeur en garantie de la somme de 47 500 000F représentant la partie du prix payable à terme. L'obligation de la caution, limitée dans le temps au 31 décembre 1993, devait être appelée avant le 31 janvier 1994.

La SCI s'est obligée à affecter le montant du prix payable à terme au profit des établissement bancaires ayant financé l'opération.

L'acte prévoit que « la délégation au profit des cinq organismes bancaires pourra être modifiée au bénéfice exclusif de la Chambre de commerce et d'industrie de Sète, mais en tant seulement que le transfert de ces emprunts lui aura été accordé et signifié par voie d'avenant … ».

6. La BNP a été informée de la délégation de paiement au plus tard le 7 septembre 1993 puisqu'elle en a fait état dans un courrier adressé à cette date au notaire X....
Elle s'est prévalue de la déchéance du terme, par lettre du 28 décembre 1993 adressée à la SCI, en lui faisant grief d'avoir, en méconnaissance de l'interdiction stipulée à l'acte de prêt, cédé une partie de l'immeuble sans son accord.

7. La SCI a été mise en redressement judiciaire le 30 décembre 1993.

Une procédure identique a été ouverte le 18 janvier 1994 à l'égard de la société Prominvest qui n'avait pas été en mesure de payer le solde du prix exigible le 31 décembre 1993.

Après jonction de procédures, au motif d'une confusion des patrimoines, le tribunal de commerce de Montpellier a arrêté, le 6 octobre 1995, un plan de redressement par voie de continuation commun à 12 sociétés du groupe Symbiose, dont la société Prominvest et la SCI Cap de la corniche.

8. La BNP, qui n'a pas accepté la délégation de paiement antérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la SCI, a été irrévocablement déboutée de sa demande tendant à obtenir le bénéfice de cette délégation, par un arrêt rendu le 29 novembre 1994 par la cour d'appel de Montpellier, au motif que l'acceptation tardive de la délégation se heurte à l'interdiction de payer une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

Il doit être relevé que la jurisprudence a évolué quant aux conséquences de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard du déléguant sur la validité de la délégation. En effet, si l'arrêt précité était conforme aux règles en cours à la date de son prononcé, il a ensuite été jugé (Cass. Com. 29 avril 2002) que la délégation imparfaite laissait subsister la créance dans le patrimoine du délégant, puis qu'une délégation de loyers ne se heurte pas à la règle de l'interdiction du paiement d'une créance antérieure, laquelle n'est applicable qu'aux paiements effectués par le débiteur (Cass. Com. 26 novembre 2002).

9. Le 13 mars 1996, la BNP a assigné la CCI en paiement de la somme de 11 684 554F, outre intérêts, au titre de son obligation de caution.

Invoquant des fautes imputables à la BNP, la CCI a sollicité l'allocation de dommages-intérêts d'un montant équivalent à la demande en paiement.

La CCI a également appelé en garantie les notaires ayant reçu les actes du 28 décembre 1992 portant cession de parts sociales et vente d'immeubles.

10. Par jugement du 25 juin 2002, le tribunal de grande instance de Montpellier :

- a condamné la CCI à payer à la BNP la somme de 1 781 298, 77 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1993 ;
- a alloué à la CCI une somme identique en réparation du préjudice résultant de l'acceptation tardive, jugée fautive, de la délégation de paiement par la BNP ;
- a ordonné la compensation des créances réciproques ;
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a condamné la BNP aux dépens.

La cour d'appel de Montpellier, statuant par arrêt du 22 juin 2004, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions et a partagé les dépens d'appel par moitié entre la SCI et la BNP.

Par arrêt du 29 novembre 2005, la cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel, seulement en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts à la CCI et a ordonné la compensation des créances réciproques, au motif que la caution ne saurait reprocher au créancier de ne pas avoir accepté le bénéfice d'une délégation de créance qui ne lui avait été consentie que postérieurement à son engagement.

L'affaire a été renvoyée devant cette cour, saisie par déclaration du 28 février 2006.

Aux fins d'être relevée et garantie de toutes les condamnations mises à sa charge, la CCI a appelé en cause, par assignations des 6 et 10 octobre 2006, M. Alain X..., la SCP Alain X...- Claude Z...- Patrick A..., M. Yvan Y..., la SCP Breton – Tetu – Dutheil, la SCP Blanc – Poujol – Audran – Siguié – Spinelli et les consorts Odile, Elisabeth, Béatrice et Nathalie C... (personnes désignées ci-après sous la dénomination générique « les notaires »).

***

11. La CCI reconnaît que la condamnation prononcée au profit de la BNP, en exécution de son obligation de caution, est devenue irrévocable.

Elle demande, à titre principal, la confirmation du jugement du 25 juin 2002 en ce qu'il lui a alloué une somme identique à celle prononcée au profit de la BNP et en ce qu'il a ordonné la compensation de ces deux créances.

Elle prétend que la BNP a manqué à la bonne foi contractuelle :

- en s'abstenant d'inscrire l'hypothèque et le nantissement que la SCI et la SARL s'étaient engagées à constituer à première demande de la banque ;
- en n'acceptant la délégation de paiement, dont la banque avait connaissance depuis le 7 septembre 1993, qu'avec retard, le 4 janvier 1994, à une date où cette acceptation était dépourvue d'effet en raison de l'ouverture, le 30 décembre 1993, du redressement judiciaire de la SCI.

Subsidiairement, la CCI demande à la cour de déclarer recevable l'appel en garantie formé contre les notaires et contre les SCP dont ils sont membres, de les condamner à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de la BNP, de les condamner, en outre, au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts.

12. La BNP et les notaires s'opposent aux prétentions de la CCI.

Les notaires soutiennent, notamment, que l'appel en garantie est irrecevable pour avoir été rejeté par le jugement du 25 juin 2002 devenu irrévocable sur ce chef de décision.

***

Par ordonnance du 15 mars 2007, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable la mise en cause par la CCI de M. X... et de la SCP notariale dont il est membre.

Le déféré formé contre cette décision a été déclaré irrecevable, par arrêt du 13 septembre 2007, pour être dirigé contre une ordonnance qui n'entre pas dans les prévisions de l'article 914 du nouveau Code de procédure civile.

***

Vu les conclusions déposées :

- le 20 mars 2007 par la BNP ;
- le 11 mai 2007 par la SCP Blanc-Poujol-Audran-Siguie-Spinelli, M. Yvan Y..., la SCP Breton-Tetu-Dutheil et par les héritiers de M. Georges C... ;
- le 15 mai 2007 par M. Alain X... et la SCP X...- Foures-A... ;
- le 12 juin 2007 par la CCI ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 13 juin 2007 ;

****

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande formée à l'encontre de la BNP par la CCI

Les griefs de la CCI portent sur la perte du bénéfice de certaines garanties.

En premier lieu, la réalisation du prêt consenti le 8 novembre 1988 par la BNP à la SCI et à la SARL, avec le cautionnement solidaire de la CCI, était subordonnée, par une clause de l'acte, à la souscription par la SCI et par la SARL, respectivement, d'une promesse d'hypothèque sur le terrain de la première et d'une promesse de nantissement sur le fonds de commerce de la seconde.

Ces promesses de sûreté ont été données par la SCI et par la SARL, le 24 novembre 1988. La BNP n'en a pas demandé l'exécution.

En second lieu, l'acte de vente d'immeubles du 28 décembre 1992, comportait obligation pour la SCI d'affecter la partie du prix payable à terme, soit la somme de 47 500 000F garantie par le cautionnement du Comptoir des entrepreneurs, aux établissements de crédit ayant financé l'opération immobilière.

Ce n'est qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la SCI, intervenu le 30 décembre 1993, que la BNP a accepté la délégation de paiement, alors qu'elle en avait connaissance au moins depuis le 7 septembre 1993. L'ouverture de la procédure collective ayant privé d'effet l'acceptation tardive de la délégation, le Comptoir des entrepreneurs a exécuté son obligation de caution entre les mains de l'administrateur au redressement judiciaire, conformément à un jugement du 8 mars 1994, confirmé par un arrêt devenu irrévocable (cour d'appel de Montpellier ; 29 novembre 1994).

La CCI, qui agit en responsabilité sur le fondement des dispositions des articles 1134 alinéa 3 et 1147 du Code civil, soutient que la BNP, envers laquelle elle était tenue par une obligation de caution, a commis une faute à son égard en s'abstenant de solliciter en temps utile le bénéfice des promesses de sûreté et de la délégation de paiement.

Mais la responsabilité contractuelle du créancier envers la caution, à raison de la perte du bénéfice de garanties de paiement, ne peut être engagée qu'autant que ces garanties étaient entrées dans le champ contractuel du cautionnement ou qu'elles constituaient des droits potentiels sur lesquels la caution pouvait légitimement croire, lors de la souscription de son engagement, qu'ils seraient constitués.

Tel n'est le cas, ni des promesses d'hypothèque et de nantissement, « à première demande de la banque », dont la réalisation était laissée au gré de la BNP, laquelle n'avait aucune obligation contractuelle de faire procéder à leur inscription, ni d'une délégation de paiement consentie au créancier postérieurement à l'engagement de la caution.

Par suite, la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la CCI contre la BNP ne peut qu'être rejetée.

Sur la recevabilité de l'appel en garantie dirigé contre les notaires.

Les notaires soutiennent que l'appel en garantie formé par la CCI a nécessairement été rejeté, dès lors qu'il était devenu sans intérêt par l'effet de la compensation ordonnée entre les créances réciproques. Ils estiment que cette décision de rejet, qui n'a pas été frappée de pourvoi, est devenue irrévocable, la BNP s'étant désistée du pourvoi principal en tant qu'il était dirigé contre eux et la CCI n'ayant pas formé un pourvoi provoqué. Ils soutiennent également qu'étant intéressés au rejet de la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par la CCI, ils auraient dû être appelés à l'instance devant la cour de cassation, en sorte qu'ils ne peuvent se voir opposer un arrêt de cassation rendu, selon eux, au mépris du principe de la contradiction et du droit à un procès équitable.

Mais, ni le jugement attaqué du 25 juin 2002, ni l'arrêt confirmatif du 22 juin 2004, ne se sont prononcés, dans leurs dispositifs, sur l'appel en garantie qui avait été formé par la CCI contre les notaires, cette demande, dont les motifs ne font pas état, ayant été implicitement considérée comme devenue sans objet du fait de la compensation intervenue au bénéfice de la CCI.

Il en résulte que les notaires ne peuvent faire grief à la CCI de s'être abstenue de diriger à leur encontre un pourvoi provoqué et qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que l'appel en garantie, réitéré devant la cour de renvoi, se heurte à l'autorité de la chose jugée.

Sur le fond de l'appel en garantie

La CCI reproche aux notaires qui ont reçu le 28 décembre 1992 les actes de cession de parts sociales et de vente d'immeubles, des manquements au devoir de conseil pour :

- s'être abstenus d'inviter la SCI à solliciter l'accord de la BNP au remboursement anticipé du prêt ;

- s'être abstenus d'inviter la CCI à négocier avec les établissements de crédit une substitution de caution en conséquence de la cession des parts sociales ou une délégation parfaite de créance ayant pour effet d'éteindre l'obligation de la SCI et de la caution ;

- avoir, en méconnaissance des prévisions du compromis de cession de parts « laissé le Comptoir des entrepreneurs souscrire un cautionnement solidaire en faveur de la SCI Cap de la corniche et non en faveur de la Chambre de commerce » ;

- s'être abstenus de conseiller à la CCI d'inviter « les organismes financiers à inscrire éventuellement une hypothèque sur les immeubles de la SCI Cap de la corniche et un nantissement sur le fonds de commerce de la SARL Cap de la corniche, pour conférer à l'opération une garantie totale dans l'intérêt de toutes les parties ».

Mais, les actes interdépendants de cessions de parts et de vente d'immeubles participent d'un montage à l'économie complexe.

Cette opération a été négociée, sans l'assistance des notaires, entre des opérateurs économiques avertis, d'un côté, un groupe de sociétés spécialisées dans la promotion immobilière, d'un autre côté, la CCI, établissement public qui exerce, en particulier, une mission d'assistance technique et de conseil en matière économique.

L'opération comportait, notamment :

- la cession de l'intégralité du capital de la SCI à une société du groupe Symbiose ;
- des apports en compte courant du cessionnaire, devant être affectés au remboursement des prêts ;
- la prise en charge par les cédants (la CCI et la banque Dupuy de Parseval) des échéances d'emprunts exigibles jusqu'au 31 décembre 1993 ;
- la vente par la SCI de divers lots de la résidence hôtelière au profit d'une société du groupe Symbiose pour un prix payable, pour l'essentiel à terme ;
- le cautionnement solidaire du Comptoir des entrepreneurs en garantie de la partie de prix payable à terme ;
- l'engagement du vendeur et de l'acquéreur de déléguer le paiement du prix payable à terme au profit des établissements de crédit ayant financé le projet immobilier ;
- la faculté de transférer le bénéfice de la délégation au profit de la CCI dans l'hypothèse où les emprunts ayant financé le projet lui seraient transférés.

A la date de signature des actes de cession de parts sociales et de vente d'immeubles, le montage n'était pas finalisé quant à la reprise par la CCI des emprunts souscrits par la SCI.

Ce transfert de dettes était alors, bien que la CCI s'en défende, en cours de négociation, ainsi qu'il résulte des actes suivants :

- délibération de la CCI du 12 octobre 1992 mandatant le président à l'effet de solliciter du ministère de tutelle l'autorisation de « reprendre les montants des emprunts relatifs au financement de la résidence de tourisme dans les comptes de la CCI, en contrepartie de la perception directe des règlements liés à la cession des sociétés SCI et SARL Cap de la Corniche » ;
- lettres de la CCI à la BNP du 19 novembre 1992 : « avec l'approbation de notre ministère de tutelle, nous sollicitons votre accord pour le transfert de l'encours de crédit au sein de la chambre de commerce de d'industrie de Sète … En contrepartie, la CCI percevrait le produit de la vente pour assurer le service de la dette » ; du 25 novembre : « nous vous confirmons notre demande de transfert des emprunts de la SCI Cap de la corniche sur un compte ouvert au nom de notre compagnie consulaire, dès la signature de l'acte authentique de cession des parts sociales de la SCI Cap de la corniche » ; du 3 décembre 1992 : « Nous nous permettons de préciser que le choix de reprise des emprunts par la Chambre de commerce et d'industrie est dicté par le souci de lui conserver la maîtrise de la gestion de la dette en maintenant la garantie de caution solidaire étayée durant l'année 1993 par une caution bancaire » ; du 21 décembre 1992 : « Nous vous rappelons notre courrier du 19 novembre dernier concernant la demande de transfert de prêt cité en objet … » ; du 23 décembre 1992 : « je vous confirme l'intention de notre compagnie consulaire de rembourser par anticipation ces prêts lors du versement par les acquéreurs de la SCI Cap de la corniche du solde de l'opération qui interviendra entre les mois de décembre 1993 et janvier 1994 … » ;
- accord de principe donné par la BNP à ce transfert, par lettre du 24 décembre 1992, sous réserve de la " signature d'un engagement irrévocable de faire face, d'une part, au paiement des échéances prévues au contrat, et d'autre part, au remboursement intégral du solde des 2 prêts le 31 décembre 1993. "

Pour des raisons que la CCI n'a pas souhaité révéler, le transfert de l'encours des crédits consentis par la BNP ne s'est pas réalisé. En revanche, le transfert à la CCI des prêts du Crédit local de France et de la Banque française de crédit coopératif est intervenu par des conventions prenant effet respectivement le 28 décembre 1992 et le 1er janvier 1993, ce qui a permis à la CCI, de bénéficier de la délégation, qu'elle avait expressément acceptée par acte signifié le 15 décembre 1993, ainsi que de la garantie du Comptoir des entrepreneurs, une somme de 11 574 199, 40F lui ayant été versée à ce titre en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 29 novembre 1994.

Dans ces circonstances particulières, les griefs formulés contre les notaires ne sont pas fondés :

1. L'acte de prêt ouvrant à l'emprunteur une faculté de remboursement anticipé, sous la seule réserve du respect d'un délai de préavis de un mois, il était sans intérêt de solliciter de la BNP son accord à un tel remboursement.

2. Il ne peut être reproché aux notaires de s'être abstenus d'appeler l'attention des parties aux actes du 28 décembre 1992 sur la violation de la clause de l'acte de prêt qui interdisait la vente des immeubles sans l'accord de la BNP, dès lors qu'il n'est pas établi que les notaires avaient connaissance de cette clause et qu'ils n'avaient pas à rechercher la conformité de l'acte de vente d'immeubles aux actes de prêt.

3. La CCI, qui a accepté de payer certaines échéances de remboursement en lieu et place de la SCI, postérieurement à la cession des parts sociales, était nécessairement consciente que cette cession n'emportait pas décharge de son obligation. La CCI ayant négocié un montage destiné à la prémunir contre la mise à exécution du cautionnement, les notaires n'avaient pas à lui conseiller de rechercher une substitution de caution ou l'accord de la BNP à une délégation parfaite, d'autant que la solvabilité attachée à sa qualité d'établissement public rendait illusoire la renonciation par une banque au bénéfice de sa garantie.

4. C'est sur les instructions expresses des parties à l'acte de cession de parts que les notaires ont substitué au cautionnement prévu dans le compromis au profit de la CCI, une garantie du Comptoir des entrepreneurs assortie d'une délégation de créance devant bénéficier soit aux établissements de crédit, soit à la CCI. Cette modification des prévisions initiales, consécutives aux négociations intervenues entre les parties, notamment avec le Comptoir des entrepreneurs, n'obligeait pas, en elle-même, les notaires à un devoir de conseil particulier.

5. A la date des actes notariés litigieux, les négociations en vue d'un transfert à la CCI de la charge du crédit souscrit par la SCI auprès de la BNP étaient fortement avancées puisqu'un accord de principe avait été donné par la banque, aux termes d'un courrier du 24 décembre 1992. Dans ce contexte spécifique, les notaires n'étaient pas tenus de conseiller aux parties de faire produire effet à la délégation stipulée au profit des établissements de crédit, en sollicitant à cette fin leur consentement, puisque le transfert de crédit à la CCI devait s'accompagner d'un transfert du bénéfice de la délégation.

6. Enfin, une obligation de conseil n'incombait pas aux notaires quant à la prise de garantie, sous forme d'une hypothèque et d'un nantissement, au profit d'établissements de crédit qui n'étaient pas parties aux actes du 28 décembre 1992.

La CCI ne rapportant pas la preuve d'une faute des notaires, la cour ne peut que rejeter l'appel en garantie et la demande de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts formée contre la CCI par la SCP Blanc-Poujol-Audran-Siguie-Spinelli, M. Yvan Y..., la SCP Breton-Tetu-Dutheil et par les héritiers de M. Georges C...

La preuve d'un abus dans le droit d'exercer une action en justice n'étant pas rapportée, la demande en paiement de dommages-intérêts est rejetée.

Sur les dépens et les frais non recouvrables

La CCI, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance, de l'arrêt cassé et du présent arrêt.

Au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'équité commande d'allouer la somme globale de 3 000 euros à M. Alain X... et à la SCP X... – Foures – A..., la somme de 5 000 euros à la BNP et la somme globale de 5 000 euros à la SCP Blanc-Poujol-Audran-Siguie-Spinelli, à M. Yvan Y..., à la SCP Breton-Tetu-Dutheil et aux héritiers de M. Georges C....

PAR CES MOTIFS

La Cour
Statuant publiquement, contradictoirement,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 29 novembre 2005,

Infirme le jugement rendu le 25 juin 2002 par le tribunal de grande instance de Montpellier en ses dispositions relatives à la demande reconventionnelle formée par la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze contre la société BNP Paribas, à la compensation de créances, aux demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens,

ET STATUANT A NOUVEAU
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze contre la société BNP Paribas,

Déclare recevable l'appel en garantie formé par la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze,

Rejette l'appel en garantie et la demande en paiement de dommages-intérêts formées par la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze,

Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la SCP Blanc-Poujol-Audran-Siguie-Spinelli, M. Yvan Y..., par la SCP Breton-Tetu-Dutheil et par les héritiers de M. Georges C...,

Condamne la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze aux dépens de première instance, de l'arrêt cassé et du présent arrêt,

Condamne la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze à payer la somme globale de 3 000 euros à M. Alain X... et à la SCP X...- Foures-A..., la somme de 5 000 euros à la BNP et la somme globale de 5 000 euros à la SCP Blanc-Poujol-Audran-Siguie-Spinelli, à M. Yvan Y..., à la SCP Breton-Tetu-Dutheil et aux héritiers de M. Georges C...,

Vu l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Autorise les SCP d'avoués De Saint Ferreol – Touboul, Boissonnet – Rousseau et Cohen – Cohen – Guedj à recouvrer les dépens du présent arrêt directement contre la Chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze, si elles en ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 02/03691
Date de la décision : 08/08/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de Grande Instance de Montpellier


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-08-08;02.03691 ?
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