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24/06/2008 | FRANCE | N°06/010964

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 juin 2008, 06/010964


10o Chambre


ARRÊT AU FOND
DU 24 JUIN 2008


No 2008 /




Rôle No 06 / 10964


Patricia X... épouse Y...



C /


S. A. CLINIQUE SAINT JEAN
Philippe Z...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR


réf


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 13 Avril 2006 enregistré au répertoire général sous le no 97 / 6019.




APPELANTE


Madame Patricia X... épouse Y...

née le 11 Mars 1960

à TOULON (83000), demeurant...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assistée de Me Elisabeth CONTE, avocat au barreau de TOULON




INTIMES


S. A. CLINIQUE ...

10o Chambre

ARRÊT AU FOND
DU 24 JUIN 2008

No 2008 /

Rôle No 06 / 10964

Patricia X... épouse Y...

C /

S. A. CLINIQUE SAINT JEAN
Philippe Z...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 13 Avril 2006 enregistré au répertoire général sous le no 97 / 6019.

APPELANTE

Madame Patricia X... épouse Y...

née le 11 Mars 1960 à TOULON (83000), demeurant...

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assistée de Me Elisabeth CONTE, avocat au barreau de TOULON

INTIMES

S. A. CLINIQUE SAINT JEAN
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, 1 Avenue Georges Bizet-83000 TOULON
représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour,
assistée de la SCP LESCUDIER J. L., LESCUDIER R., LESCUDIER W., avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julien BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur Philippe Z...

né le 08 Décembre 1952 à ISSERBOURG (ALGERIE), demeurant ...--...

représenté par la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL-ALLIGIER, avoués à la Cour,
ayant Me Marco FRISCIA, avocat au barreau de TOULON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, Rue Emile Ollivier-La Rode-83082 TOULON CEDEX
défaillante

*- *- *- *- *

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2008.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2008,

Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

E X P O S É D U L I T I G E

Mme Patricia X... épouse Y..., alors âgée de 27 ans, a accouché, le 25 septembre 1987 à la clinique SAINT-JEAN à TOULON (Var), de son premier enfant et a regagné son domicile le 1er octobre 1987 ; elle est retournée à la clinique dans la nuit du 2 au 3 octobre 1987 suite à d'importantes hémorragies et a subi une hystérectomie totale le 3 octobre 1987 en fin de matinée par le Dr Philippe Z....

Par jugement réputé contradictoire du 13 avril 2006, le Tribunal de Grande Instance de TOULON a :

- Déclaré sa décision commune et opposable à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (ci-après C. P. A. M.) du Var,

- Dit que la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN et le Dr Philippe Z... ont commis des fautes dans la prise en charge de Mme Patricia X... épouse Y... entre le 1er octobre 1987, jour de sa sortie de la clinique après son accouchement, et le 3 octobre 1987 à 12 heures, date de l'intervention chirurgicale impérativement justifiée par son état et qui lui a sauvé la vie, fautes qui caractérisent des manquements à leur obligation d'information et de conseil,

- Dit que seule une partie du préjudice psychologique de Mme Patricia X... épouse Y... peut être mis en relation directe de causalité avec ces manquements, à l'exclusion de toutes les autres composantes de son préjudice corporel,

- Condamné en conséquence solidairement la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN et le Dr Philippe Z... à payer à Mme Patricia X... épouse Y..., en réparation de ce préjudice psychologique, la somme forfaitaire de 7. 500 €, sous déduction de la provision déjà allouée,

- Rejeté les autres demandes de Mme Patricia X... épouse Y...,

- Débouté la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN et le Dr Philippe Z... de toutes leurs demandes,

- Prononcé l'exécution provisoire de sa décision,

- Condamné la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN et le Dr Philippe Z... à payer à Mme Patricia X... épouse Y... la somme de 1. 500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamné solidairement la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN et le Dr Philippe Z... aux entiers dépens.

Mme Patricia X... épouse Y... a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 16 juin 2006.

Vu l'assignation de la C. P. A. M. du Var notifiée à personne habilitée le 27 juin 2007 à la requête de Mme Patricia X... épouse Y....

Vu les conclusions de la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN en date du 1er août 2007.

Vu les conclusions récapitulatives de M. Philippe Z... en date du 11 décembre 2007.

Vu les conclusions récapitulatives de Mme Patricia X... épouse Y... en date du 12 mars 2008.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 avril 2008.

M O T I F S D E L'A R R Ê T

Attendu que les faits remontant à 1987 seul l'article 1147 du Code civil est applicable, étant rappelé que la responsabilité civile du médecin et de l'établissement de santé privé à l'égard d'un patient est de nature contractuelle.

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que par ordonnance du juge de la mise en état du 28 juillet 1998 une première mesure d'expertise a été confiée à deux médecins gynécologues, le Pr Marc D... et le Dr Bernard E... et qu'une deuxième mesure d'expertise a été confiée à un médecin psychiatre, le Dr Philippe F....

Attendu que le Dr Philippe F... a été remplacé, par ordonnance du juge de la mise en état du 14 janvier 1999, par le Dr Yves G..., lui-même remplacé, par ordonnance du 19 juin 2001, par le Dr Jean-Claude H....

Attendu que le Dr Bernard E... a été remplacé, par ordonnance du juge de la mise en état du 19 juin 2001, par le Pr Dominique I..., lui-même remplacé, par ordonnance du 6 août 2001, par le Pr Jean-Claude J..., que ce dernier a été lui-même remplacé, par ordonnance du 28 février 2002, par le Pr Jacques K....

Attendu que suite au dépôt par le Pr Marc D... d'un pré-rapport le 10 juillet 2000, le juge de la mise en état, par ordonnance du 30 mars 2001, a confié au Pr Marc D... un complément d'expertise.

Attendu qu'en cours d'expertise le Pr Marc D... a déposé un second rapport provisoire le 31 décembre 2001 et que le Pr Jacques K... a également adressé aux parties son propre pré-rapport.

Attendu que les Prs Marc D... et Jacques K... ont ensuite déposé leur rapport définitif commun et co-signé le 15 novembre 2002 et que le Dr Jean-Claude H... a déposé son propre rapport le 30 juin 2003.

Attendu en conséquence que seuls doivent être pris en considération ces deux derniers rapports définitifs qui seuls tiennent compte de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation des experts.

Attendu en particulier qu'en ce qui concerne le rapport commun d'expertise des Prs Marc D... et Jacques K... en date du 15 novembre 2002, il apparaît que chacun des co-experts a procédé à ses opérations dans le respect du contradictoire, étant précisé qu'il ne leur était pas imparti de procéder à ces opérations en commun, que ces experts ont ensuite, après la rédaction de pré-rapports adressés aux parties, rédigé un rapport commun confrontant leurs conclusions respectives et reprenant les dires des parties auxquels ils ont répondu avant de rédiger des conclusions communes qu'ils ont co-signées, que ce rapport, complet et documenté, sera entériné par la Cour, de même que le rapport du Dr Jean-Claude H..., non particulièrement critiqué par les parties.

Attendu que dans leurs conclusions communes, les Prs Marc D... et Jacques K... indiquent que Mme Patricia X... épouse Y... a subi le 3 octobre 1987, à l'âge de 27 ans, une ablation de l'utérus justifiée par une hémorragie grave des suites de couches, laquelle est la conséquence d'une double pathologie : une accrétion partielle du placenta et une infection de l'utérus.

Attendu que les experts estiment que même si la prise en charge de Mme Patricia X... épouse Y... par l'équipe soignante de la clinique SAINT-JEAN et par le Dr Philippe Z... peut être sujette à caution, à cause de l'existence d'une accrétion placentaire, et même en son absence si l'on réfute l'analyse du Dr L... (auteur de l'examen de l'utérus), il n'existait pas à l'époque des faits d'intervention thérapeutique plus précoce ou plus vigilante capable d'éviter l'ablation de l'utérus.

Attendu en effet que si les experts estiment que la surveillance des suites de couches de Mme Patricia X... épouse Y... n'a pas été conforme aux bonnes pratiques puisqu'elle est sortie sans avoir été examinée par un médecin, ils relèvent qu'aucun incident ne s'est produit pendant ses six jours de présence à la clinique.

Attendu de même que si sa prise en charge lors de son admission en urgence à la clinique le 3 octobre 1987 à 4 h. n'a pas été conforme aux bonnes pratiques puisqu'aucun médecin n'a été immédiatement prévu alors qu'elle présentait une hémorragie utérine sérieuse, ils admettent que le traitement prescrit d'autorité par la sage-femme était parfaitement adapté et que la patiente n'a pas perdu une chance de recevoir immédiatement un traitement approprié et d'éviter l'ablation de l'utérus.

Attendu encore que si sa prise en charge par le Dr Philippe Z... le 3 octobre 1987 à 8 h. 15 n'a pas été conforme aux bonnes pratiques puisque celui-ci n'a pas pratiqué de révision utérine dès le début de matinée, celle-ci n'aurait été utile que si elle avait permis de retirer de l'utérus un fragment de placenta qui y serait resté (rétention placentaire), or ils relèvent que la révision utérine faite plus tard enfin de matinée s'est révélée infructueuse et qu'elle l'aurait donc été tout autant trois heures plus tôt.

Attendu enfin que si sa prise en charge par la clinique SAINT-JEAN le 3 octobre 1987 entre 9 h. et 12 h. 30 n'a pas été conforme aux bonnes pratiques puisque sa surveillance a été inadéquate pour une accouchée souffrant d'une hémorragie grave des suites de couches, les experts rappellent que la révision utérine effectuée en fin de matinée n'a pas obtenu d'effet significatif sur l'hémorragie utérine et que même faite une ou deux heures plus tôt elle n'aurait pas changé le cours évolutif de l'inertie utérine et donc augmenté les chances de Mme Patricia X... épouse Y... de n'être pas opérée.

Attendu que les experts estiment que, par la suite, la prise en charge de la patiente le 3 octobre 1987 à 13 h. au bloc opératoire a été conforme aux bonnes pratiques, qu'il était justifié de procéder d'abord à une révision utérine, que la man œ uvre de rotation de l'utérus par des pinces appartient à l'arsenal de l'obstétrique opératoire et témoigne du souci du Dr Philippe Z... d'éviter autant que possible une opération, que le choix des techniques de chirurgie (ligature des artères utérines) est parfaitement conforme aux méthodes en usage à l'époque des faits et que son échec ne pouvait que conduire à décider une hystérectomie.

Attendu que les experts concluent que malgré les réserves ci-dessus rappelées sur l'attitude de l'équipe soignante, les traitements qui ont été prodigués à Mme Patricia X... épouse Y... l'ont été conformément aux pratiques en vigueur à l'époque des faits, qu'elle n'a pas perdu de chance d'éviter l'ablation de son utérus et que cette intervention, aux conséquences bien évidemment tragiques pour son équilibre affectif et psychologique, lui a été d'un secours vital.

Attendu en conséquence qu'il n'est pas établi l'existence de fautes de technique médicale à l'encontre du Dr Philippe Z... ni de faute dans l'organisation de la clinique SAINT-JEAN à l'origine de l'hystérectomie totale que Mme Patricia X... épouse Y... a subie le 3 octobre 1987.

Attendu en outre qu'en raison du caractère urgent de cette intervention, ainsi que rappelé par les experts, il ne saurait être reproché au Dr Philippe Z... de ne pas avoir donné à sa patiente une information complète sur une intervention qu'elle n'aurait de toutes façons pas pu refuser en raison de son caractère vital et inévitable.

Attendu toutefois que les premiers juges, en se fondant sur l'expertise psychiatrique du Dr Jean-Claude H..., ont alloué à Mme Patricia X... épouse Y... une indemnité forfaitaire de 7. 500 € au titre de sa " prise en charge humaine et psychologique " par l'équipe médicale de la clinique SAINT-JEAN et le Dr Philippe Z... en raison du " sentiment d'abandon ressenti par Madame Y... de la part de l'équipe médicale et de son médecin dans la dépendance duquel elle s'était légitimement placée ".

Mais attendu que si le Dr Jean-Claude H..., dans son rapport d'expertise psychiatrique, relève l'existence d'un syndrome dépressif résistant installé sur le terrain d'une personnalité obsessionnelle, il apparaît que ce syndrome n'est pas la conséquence d'un quelconque sentiment d'abandon ressenti par la patiente au cours de son hospitalisation mais est bien plutôt, et de façon unique, la conséquence de son hystérectomie totale et de son impossibilité d'avoir d'autres enfants, étant en particulier relevé que c'est à l'occasion d'une confrontation avec la maternité de sa s œ ur en 1998 que Mme Patricia X... épouse Y... a décidé de s'engager dans la présente instance judiciaire.

Attendu que dans la mesure où il a été indiqué, comme analysé ci-dessus, que cette hystérectomie ne résulte pas d'une quelconque faute tant du médecin que de la clinique, ses conséquences psychiatriques ne sont pas davantage la conséquence d'une faute.

Attendu que de ce fait le jugement déféré sera infirmé et que, statuant à nouveau, il sera dit qu'aucune faute de nature à engager leur responsabilité ne peut être retenue à l'encontre du Dr Philippe Z... et de la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN et qu'en conséquence Mme Patricia X... épouse Y... sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Attendu que le présent arrêt sera déclaré commun et opposable à la C. P. A. M. du Var.

Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé d'une condamnation au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.

Attendu que Mme Patricia X... épouse Y..., partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de la procédure de première instance, lesquels comprendront les frais d'expertise, et d'appel.

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire.

Infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

Dit qu'aucune faute de nature à engager leur responsabilité dans l'hystérectomie subie par Mme Patricia X... épouse Y... le 3 octobre 1987 et dans ses conséquences ne peut être retenue à l'encontre de M. Philippe Z... et de la S. A. CLINIQUE SAINT-JEAN.

Déboute en conséquence Mme Patricia X... épouse Y... de l'ensemble de ses demandes.

Déclare le présent arrêt commun et opposable à la C. P. A. M. du Var.

Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Condamne Mme Patricia X... épouse Y... aux dépens de la procédure de première instance, lesquels comprendront les frais d'expertise, et d'appel et autorise la S. C. P. LATIL, PENARROYA-LATIL, ALLIGIER, Avoués associés et la S. C. P. COHEN, GUEDJ, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Rédacteur : M. RAJBAUT

Madame JAUFFRES Madame SAUVAGE
GREFFIÈRE PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/010964
Date de la décision : 24/06/2008
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulon


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-24;06.010964 ?
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