COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1o Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2008
CC
No 2008 / 458
Rôle No 07 / 20897
SCI 13 TER RUE TRACHEL
C /
Eric X...
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 14 Décembre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 2944.
APPELANTE
LA SCI 13 TER RUE TRACHEL
dont le siège est 13 rue Trachel-06000 NICE
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me Jean-Marc SZEPETOWSKI, avocat au barreau de NICE
INTIMÉ
Monsieur Eric X...
né le 20 Mai 1968 à NICE (06000), demeurant ...
représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Antoine PONCHARDIER, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller
Madame Martine ZENATI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2008,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu l'appel interjeté par la SCI 13 Ter Rue Trachel du jugement rendu le 14 décembre 2007 par le tribunal de grande instance de Nice, lequel a ordonné la vente forcée des droits et biens dépendant de l'immeuble sis à Nice 13 Ter rue Trachel par cette SCI à Éric X... pour le prix de 120. 236 euros, a condamné la SCI 13 Ter Rue Trachel à payer à Éric X... la somme de 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour dol, la somme de 4. 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des stipulations contractuelles, la somme de 3. 000 euros pour les autres préjudices et la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes et la SCI 13 Ter Rue Trachel a été condamnée aux dépens.
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 20 mai 2008 par la SCI 13 Ter Rue Trachel qui demande de dire caduc le « compromis de vente » pour défaut de réalisation des conditions suspensives par application des articles 1176 et suivants du code civil et de débouter en conséquence Éric X... de ses prétentions. A titre subsidiaire, la SCI demande de dire irrecevables les prétentions de Éric X... fondées sur les dispositions de l'article 1619 du code civil, de les rejeter et, en tout état de cause, de ne pas retenir l'existence d'un dol et de le débouter de ses demandes de dommages et intérêts et de sa demande subsidiaire en réalisation forcée de la vente. Enfin, la SCI demande de condamner Éric X... aux dépens et à payer à l'appelante la somme de 3. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions récapitulatives déposées le 19 mai 2008 par Éric X... qui sollicite le rejet de toutes les prétentions de la SCI 13 Ter Rue Trachel et la confirmation du jugement, sauf sur le montant des dommages et intérêts obtenus pour non respect des stipulations contractuelles qu'il demande de porter de 4. 800 euros à 15. 000 euros.
À titre subsidiaire et en toute hypothèse, si la cour retenait que les dispositions de l'article 1619 étaient inapplicables et rejetait sa demande en réduction du prix, Éric X... demande de confirmer le jugement et d'ordonner, sous astreinte de 2. 000 euros par jour, à la SCI de se présenter en l'étude de maître A..., notaire à Nice pour réitérer par acte authentique la vente des lots visés dans le « compromis » du 31 janvier 2005 pour le prix alors fixé.
En toute hypothèse, Éric X... demande de condamner la SCI 13 Ter Rue Trachel aux dépens et à lui payer une indemnité de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Par acte sous seing privé du 31 janvier 2005 la SCI 13 Ter Rue Trachel est convenue de vendre à Éric X... qui l'a accepté les lots 16, 17, 20 et 21 de la copropriété pour le prix de 135. 000 euros et les millièmes de parties communes y attachées, en précisant que le lot 7 consiste en un appartement de 2 pièces d'une superficie « loi Carrez » de 35 m ², le lot 17 consiste en un appartement de 2 pièces d'une superficie « loi Carrez » de 39 m ², le lot 20 consiste en un appartement mansardé d'une superficie « loi Carrez » de 15 m ² et le lot 21 en un appartement de 2 pièces dune superficie « Loi Carrez » de 37 m ².
La vente devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 30 avril 2005 et d'un commun accord le rendez-vous de signature a été reporté au 19 mai 2005.
Aupravant, la SCI 13 Ter Rue Trachel avait transmis à Éric X... les attestations de surfaces mesurées par M. B... le 10 mars 2005, par application de la loi du 18 décembre 1996 et de son décret d'application, indiquant que le lot no7 avait une superficie de 31, 82 m ², le lot no17 une superficie de 38, 19 m ², le lot no20 une superficie de 12, 09 m ² et le lot no21 une superficie de 30, 12 m ².
L'acte authentique de vente n'ayant pas été signé, Éric X... a assigné en diminution du prix de vente proportionnelle à la moindre superficie et en vente forcée au prix de 120. 214, 28 euros et, subsidiairement, au prix convenu dans l'acte du 31 janvier 2005.
La SCI 13 Ter Rue Trachel fait valoir que l'acte sous seing privé est caduc en raison de la non réalisation de la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, d'une part, et de l'existence d'une servitude non révélée, d'autre part.
La SCI 13 TER Rue Trachel ne peut se prévaloir de la non réalisation de la condition suspensive de l'obtention d'un prêt stipulée dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur, d'autant que ce fait n'a jamais été invoqué par cette venderesse qui avait fixé le rendez-vous de signature de l'acte authentique au 19 mai 2005 par courrier du 25 avril 2005 de son notaire et alors que Éric X... apporte des éléments de fait concourant à justifier qu'il avait explicitement renoncé à cette condition suspensive de crédit en signifiant qu'il procéderait à un « achat comptant » par courrier du 28 février 2005 faxé à maître C..., le notaire du vendeur.
Dans cette lettre, Eric X... demandait aussi la possibilité d'une substitution partielle d'acquéreur et cette question a fait l'objet d'un échange épistolaire des 2, 7 et 8 mars 2005 faisant état d'une réponse favorable à sa demande de rendez-vous mais sans observation sur la renonciation de l'acquéreur à solliciter un prêt puisque cette déclaration ne créait aucune difficulté. Il y a lieu de relever en outre qu'à aucun moment le notaire chargé de la rédaction de l'acte ne s'est enquis de l'obtention d'un prêt par l'acquéreur lorsqu'il a fixé la date de rendez-vous de signature de l'acte authentique ce qui concourt encore à établir qu'il était informé de la renonciation de l'acquéreur au bénéficie de cette condition suspensive et de son intention de payer le prix sans recourir à un prêt.
La SCI n'est pas mieux fondée à invoquer la caducité de l'accord du 31 janvier 2001 en raison de l'existence d'une servitude prétendument non révélée, dès lors que l'acquéreur ne s'en est pas lui-même prévalu ; Le vendeur ne peut arguer de la caducité pour ce motif, même en relevant la contradiction dans l'argumentation développée par Éric X... qui renonce à s'en prévaloir en poursuivant la vente forcée aux conditions tout sollicitant de ce chef des dommages et intérêts.
La SCI 13 Ter Rue Trachel n'est donc pas fondée à invoquer la caducité de la promesse synallagmatique de vente.
Alors que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de la SCI venderesse tendant à faire reconnaître la caducité de l'acte sous seing privé pour les motifs sus-énoncés,, il y a lieu d'observer qu'aucune des parties n'invoque, même à titre subsidiaire, que la vente ne serait pas parfaite parce qu'il n'y aurait pas d'accord sur la chose et sur le prix par référence à l'article 1583 du code civil.
Éric X... se fonde principalement sur les dispositions de l'article 1619 du code civil pour solliciter une diminution du prix en considération de la moindre superficie de 13, 78 m ² et du prix du m ² certes non énoncé dans l'acte du 31 janvier 2005 mais qui peut être évalué à 1. 071 euros le m ² en considération du prix total de 135. 000 euros pour une superficie totale énoncée de 126 m ² par référence explicite à la « loi carrez ».
Selon l'article 1619 susvisé, si la vente d'un immeuble n'a pas été faite à raison de tant la mesure, le défaut de contenance ne peut donner lieu en faveur de l'acquéreur qu'à une diminution du prix lorsque la différence en moins atteint un vingtième s'il n'y a stipulation contraire. Cette disposition est applicable dès lors que le prix au m ² n'a pas été explicitement stipulé mais qu'il est aisément déterminable et que la moindre superficie est supérieure à un vingtième, selon la même référence à la méthode de mesurage résultant de la « loi Carrez » visée dans l'acte sous seing privé et dans le certificat de mesurage ultérieur.
La SCI n'est pas fondée à opposer à Éric X... le défaut de garantie de contenance alors qu'il est mentionné dans l'acte du 31 janvier 2005 en page 5 que l'absence de garantie s'applique en cas de « différence de contenance du terrain même supérieure à un vingtième » et sous réserve de l'application de la loi Carrez sur le mesurage.
Or la non-garantie de superficie ainsi stipulée doit l'objet d'une interprétation stricte en faveur de celui qui s'oblige, de sorte que la renonciation à la garantie de superficie du terrain par ailleurs précisée dans l'acte (1 a 29 ca) ne peut être étendue à la superficie des lots bâtis au préjudice de l'acquéreur, aucun élément intrinsèque ou extrinsèque ne permettant de conclure que telle aurait été la volonté non équivoque de l'acquéreur.
Le tribunal a donc pertinemment retenu que l'acquéreur n'est pas recevable à agir en diminution de prix sur le fondement des dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée par la loi du 18 décembre 1996 dès lors que l'acte authentique n'a pas été signé et que la nullité de l'accord de vente pour erreur sur la substance n'est pas poursuivie, mais qu'en application de l'article 1619 du code civil, cet acquéreur est fondé à obtenir une réduction du prix proportionnelle à la moindre superficie puisque celle-ci était de plus d'1 / 20ème de celle annoncée selon les mêmes critères de mesurage.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la vente forcée au prix proportionnellement exactement réduit de 120. 236 euros.
Néanmoins, Éric X... n'est pas fondé en outre à se prétendre victime de dol, au motif que la SCI venderesse lui aurait sciemment caché l'existence de servitudes alors qu'il a délibérément renoncé à prétendre que son consentement avait été vicié en poursuivant la vente forcée du bien en connaissance de cause, outre que la réalité de servitudes non révélées n'est pas démontrée et qu'à les supposer réelle il n'est justifié ni d'une intention délibérée du vendeur de tromper l'acquéreur ni du caractère essentiel de ce fait sans lequel Eric X... n'aurait pas consenti à acquérir aux mêmes conditions.
La SCI 13 Ter Rue Trachel a aussi été condamnée à payer à Éric X... la somme de 4. 800 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de ses obligations contractuelles pour avoir loué les lots 20 et 21 suivants baux valables respectivement jusqu'en 2012 et 2013 alors qu'il avait été stipulé que les biens étaient vendu libre de toute occupation.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point et Éric X... sera déboutée de sa demande à ce titre alors qu'il ne démontre nullement que le non respect de cette stipulation contractuelle lui cause un quelconque préjudice quelconque d'autant que les lieux ont fait l'objet de travaux de rénovation par la SCI et que l'acquéreur ne prétend pas avoir eu le projet d'un autre type d'occupation des lieux.
Enfin, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu que la non réitération de la vente depuis trois ans a fait subir à l'acquéreur un manque à gagner alors qu'il aurait pu louer les lots. Compte tenu des travaux réalisés par le vendeur à ses frais, pour améliorer l'état des lieux, la réparation du préjudice subi de ce chef par l'acquéreur a été exactement fixée à 3. 000 euros étant observé que Éric X... n'est pas appelant incident de ce chef.
La SCI 13 Ter Rue Trachel, partie principalement succombante, sera condamnée aux dépens et à payer à Éric X... une indemnité supplémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirmant le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la vente forcée des lots de copropriété no7, 17 20 et 21 de l'immeuble en copropriété sis 13 Ter Rue Trachel visés dans l'acte sous seing privé du 31 janvier 2005 par la SCI S3 Ter Rue Trachel à Éric X... pour le prix de 120. 236 euros et y ajoutant,
Ordonne à la SCI 13 Ter Rue Trachel de se présenter en l'étude de maître A..., notaire à Nice et d'y signer l'acte authentique de vente conforme aux dispositions ci-dessus dans le délai de deux mois suivant la signification du présent arrêt en contrepartie du paiement par l'acquéreur du prix de vente sus-indiqué, par la comptabilité de ce notaire,
Dit que passé ce délai, il courra contre la SCI 13 Ter Rue Trachel une astreinte de 600 euros par jour de retard pendant trois mois,
Infirmant partiellement ledit jugement et statuant à nouveau,
Déboute Éric X... de ses demandes de dommages et intérêts pour dol et non respect des stipulations contractuelles concernant les lots 20 et 21,
Le confirme pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la SCI 13 Ter Rue Trachel à payer à Éric X... la somme supplémentaire de 2. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI 13 Ter Rue Trachel aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT