La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2008 | FRANCE | N°06/1864

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 juin 2008, 06/1864


4o Chambre C


ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2008


No 2008/ 238




Rôle No 06/01864






S.A.S JARDI SUD




C/


S.A.S ED






réf


Décision déférée à la Cour :


Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Janvier 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04/5191.




APPELANTE


S.A.S JARDI SUD, représentée par son Président Directeur Général,


demeurant Le Pré de Pâques - Route Nationale

7 - 83170 BRIGNOLES


représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,


assistée de la SELARL GUILLOSSON J.Y. & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE






INTIMEE


S.A.S ED, prise en la per...

4o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 19 JUIN 2008

No 2008/ 238

Rôle No 06/01864

S.A.S JARDI SUD

C/

S.A.S ED

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 05 Janvier 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04/5191.

APPELANTE

S.A.S JARDI SUD, représentée par son Président Directeur Général,

demeurant Le Pré de Pâques - Route Nationale 7 - 83170 BRIGNOLES

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,

assistée de la SELARL GUILLOSSON J.Y. & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S ED, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant 120 Rue du Général Malleret Joinville - 94400 VITRY SUR SEINE

représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,

assistée de Maître Jacques GUILLEMIN, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Mai 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile Madame Brigitte BERNARD, Président , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie-Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Christine RAGGINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Juin 2008,

Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie-Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 26 mars 1993, la société JARDI SUD a consenti à la société EUROPA DISCOUNT SUD un bail commercial portant sur des locaux sis Le Pré de Pâques à BRIGNOLES (Var).
Par acte d'huissier du 21 janvier 2003, la société JARDI SUD a délivré à son locataire un congé avec offre de renouvellement pour une durée de 9 ans à compter du 27 juillet 2003 et moyennant un loyer annuel hors TVA de 160.000 Euros. La société EUROPA DISCOUNT SUD a accepté le principe du renouvellement mais refusé les conditions de loyer.

La société JARDI SUD s'est aperçue du défaut d'immatriculation de son locataire au RCS de BRIGNOLES. Par acte du 17 décembre 2003, elle lui a fait signifier un congé comportant dénégation du droit au bénéfice du statut des baux commerciaux avec rétractation de son offre de renouvellement et congé pour le 30 juin 2004.

Par acte du 14 juin 2004, la société JARDI SUD a assigné la société EUROPA DISCOUNT SUD devant le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN aux fins de juger que sa locataire ne satisfait pas à l'obligation d'immatriculation au RCS, qu'elle ne peut prétendre au renouvellement du bail et juger valide le congé du 17 décembre 2003.

La défenderesse a conclu à la nullité du congé délivré.

La SAS ED est venue aux droits de la société EUROPA DISCOUNT SUD.

Par jugement du 05.01.2006, le Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN a:
-déclaré nul et de nul effet le congé délivré par la société JARDI SUD à la société EUROPA DISCOUNT SUD par acte du 17 décembre 2003,
-débouté la société JARDI SUD de l'intégralité de ses demandes,
-constaté que le bail consenti le 26 mars 1993 a été renouvelé à compter du 28 juillet 2003 moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 160.000 Euros, toutes clauses et conditions du bail d'origine demeurant inchangées,
-ordonné l'exécution provisoire,
-condamné la société JARDI SUD à payer à la société ED, anciennement EUROPA DISCOUNT SUD, la somme de 1.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.

Par acte du 27 janvier 2006, la SAS JARDI SUD a fait appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions signifiées le 10 mars 2008 et auxquelles il est renvoyé, la société JARDI SUD demande à la Cour :
-de réformer le jugement entrepris,
-de juger que l'intimée ne remplit pas, au titre de l'exploitation du fonds de commerce dans les locaux, la condition essentielle pour bénéficier du statut des baux commerciaux et qu'elle n'a pas droit au bénéfice du renouvellement de ce fait,
-de valider le congé du 21 janvier 2003 et de valider l'acte du 17.12.2003 comportant dénégation du droit au bénéfice du statut des baux commerciaux et donnant congé pour le 30 juin 2004,
-à titre subsidiaire:
-de déclarer bonne et valable la rétractation de l'offre de renouvellement exprimée le 17 décembre 2003,
-à titre encore plus subsidiaire:
-de requalifier en rétractation d'offre de renouvellement l'acte du 17 décembre 200 sous le libellé: "congé comportant dénégation du droit au bénéfice du statut des baux commerciaux",
-de juger que la société ED est occupante sans droit ni titre à compter du 27 juillet 2003,
-d'ordonner en conséquence son expulsion, ainsi que celle de tout occupant de son chef, sous astreinte de 1.500 Euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir et, s'il y a lieu, avec l'assistance de la force publique, outre le paiement de la somme de 13.330 Euros HT par mois à titre d'indemnité d'occupation, jusqu'à libération définitive des lieux,
-d'ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués dans un garde-meuble, au choix de la société JARDI SUD,
-de condamner la société ED au paiement de la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, l'appelante expose que le congé du 17 décembre 2003 ne serait aucunement une réitération de congé, n'ayant pas reçu l'accord de son locataire sur les conditions de renouvellement. Il s'agirait donc d'une rétractation de l'offre de renouvellement. Le défaut d'immatriculation au RCS constituerait une motivation valable de rétractation selon l'appelante.
Subsidiairement, elle excipe de la validité du premier congé et de celle de la rétractation contenue dans l'acte du 17 décembre 2003, cette dernière n'étant soumise à aucune forme.

Par ses dernières conclusions signifiées le 16 janvier 207 et auxquelles il est renvoyé, la SAS ED demande à la Cour:
-de déclarer l'appelante irrecevable et mal fondée en son appel,
-de confirmer le jugement en ce qu'il a:
-déclaré nul et de nul effet le congé du 17 décembre 2003,
-constaté au contraire le caractère effectif du renouvellement du bail à compter du 28 août 2003 moyennant un loyer annuel HT et HC de 160.000 Euros, toutes clauses et conditions du bail d'origine demeurant inchangées,
-de condamner la société JARDI SUD au paiement de la somme complémentaire de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens.

A l'appui de ses demandes, l'intimée invoque la nullité du congé du 16 décembre 2003 pour réitération fautive. Le congé serait, selon l'intimée, un acte unilatéral produisant définitivement effet dès lors qu'il a été régulièrement notifié.
Par ailleurs, l'absence d'immatriculation au RCS ne pourrait plus, la jurisprudence ayant changé sur ce point, être soulevée à tout moment de la procédure. L'immatriculation de l'intimée serait effective depuis le 30 mars 2004 et seul un acte de rétractation aurait pu être signé jusque là, en aucun cas un second congé.
Le bail serait donc renouvelé sous réserve de la détermination du montant du loyer et l'intimée aurait, par lettre du 22 juillet 2004, accepté le montant proposé.

L'instruction de l'affaire a été déclarée close le 30 avril 2008.

Sur ce, la Cour

Considérant que la recevabilité de l'appel n'est pas critiquée ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que les parties sont liées par un bail originaire, en date du 26.03.1996, portant sur un immeuble, à BRIGNOLES, lieudit le Pré.de Pâques, chemin départemental 24 pour un loyer annuel de 64 029 euros hors taxes et hors charges ;

Considérant que la Société JARDI SUD, bailleresse, a délivré à sa locataire, la SAS ED, anciennement dénommée EUROPA DISCOUNT SUD, par acte extra-judiciaire du 21.01.2003, un congé avec offre de renouvellement au 27.07.2003, moyennant un loyer annuel de 160 000 euros hors taxes et hors charges ;

Considérant toutefois que par un nouvel acte extrajudiciaire du 17.12.2003, la Société JARDI SUD a délivré un nouveau "congé comportant dénégation du droit au bénéfice du statut des baux commerciaux" ;

Qu'il est mentionné dans cet acte que "la bailleresse expose qu'elle s'est aperçue que la Société ED.n'était pas immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BRIGNOLES, au titre de son activité dans les lieux loués.....par le présent acte, le requérant rétracte son offre de renouvellement du 21.01.2003 et donné congé selon le droit commun pour le 30.06.2004" ;

Subsidiairement, si le statut des baux commerciaux est applicable, la Société JARDI SUD rappelle, toujours dans le même acte, à la SAS ED qu'elle a un délai de forclusion, conformément à l'article L 145-9 du Code de Commerce, pour contester le congé ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction ;

Considérant que le Tribunal a estimé que cet acte du 17.12.2003 était un nouveau congé, intervenant au cours du nouveau bail, qui a pris effet le 28.07.2003, donné pour une date différente du premier congé pour défaut d'immatriculation du preneur au Registre du Commerce et des Sociétés et non une rétractation de l'offre de renouvellement pour déchéance du preneur au droit au statut des baux commerciaux ;

Considérant que la Cour confirmera la nullité du congé, délivré le 17.12.2003, prononcée par le Tribunal et son analyse de cet acte mais avec une motivation quelque peu différente ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la Société EUROPA DISCOUNT SUD n'a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BRIGNOLES pour son activité d'alimentation générale dans les lieux loués à la Société JARDI SUD que le 30.03.2004 ;

Considérant que les baux des locaux, soumis au statut des baux commerciaux, ne cessent que par l'effet d'un congé donné suivant les usages locaux et six mois au moins à l'avance ;

Considérant que la notification du congé du 21.01.2003, avec offre de renouvellement pour le 27.07.2003, a mis fin irrévocablement au bail commercial liant les parties le 27.07.2003 ;

Considérant que la SAS ED, ayant accepté, par lettre Recommandée avec Accusé de Réception du 27.08.2003, le principe du renouvellement mais contesté le chiffre du loyer demandé, il est constant que dans ce cas, la bailleresse pouvait rétracter son offre de renouvellement et le refuser, en établissant une cause d'exclusion du statut, tant que la fixation judiciaire du nouveau loyer n'était pas intervenue ;

Considérant, en revanche, que la bailleresse ne pouvait délivrer un nouveau congé, la loi exigeant en outre que les motifs de refus.de renouvellement soient précisés à peine de nullité, dès le premier congé ;

Or, considérant que la Société JARDI SUD a bien délivré le 17.12.2003 un nouveau congé à la SAS ED, à titre principal selon le droit commun et subsidiairement, en respectant les formalités prescrites par l'article L 145-9 du Code de Commerce, pour le 30.06.2004 ;

Que cet acte du 17.12.2003 est un second congé en ce qu'il fait courir un nouveau délai pour l'échéance du bail alors que ce dernier a pris fin le 27.07.2003 ; qu'il est donc nul et de nul effet, la Société JARDI SUD ne pouvant, dès lors, se prévaloir de la rétractation de son offre de renouvellement, qui y est incluse, en invoquant la liberté de la forme de la rétractation ou la distinction entre le "negotium" et "l'instrumentum" inapplicable au congé, acte de procédure ;

Que, de même, aucune requalification du congé du 17.12.2003 en rétractation de l'offre de renouvellement ne peut être opérée, sauf à dénaturer l'objet de l'acte du 17.12.2003 ;

Considérant qu'en tout état de cause, la Société JARDI SUD ne rapporte pas la preuve qui lui incombait, pour le succès de sa demande de rétractation de son offre de renouvellement, qu'à la date de cette offre, soit au 21.01.2003, elle ignorait la défaut d'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés de BRIGNOLES de la SAS ED pour les locaux loués ;

Que la SAS ED n'a jamais été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés avant le 30.03.2004, pour son activité dans les locaux loués à la Société JARDI SUD ; qu'il n'y a donc pas eu survenance d'un manquement ou fait nouveau depuis l'expiration du bail et qu'il appartenait au besoin à la SAS ED de demander un extrait K bis de sa locataire au Greffe du tribunal de commerce, comme elle l' a fait le 11.12.2003 pour s'assurer qu'au 21.01.2003, la SAS ED avait droit au renouvellement ;

Considérant que le jugement entrepris sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du congé délivré le 17.12.2003 et débouté la Société JARDI SUD de toutes ses demandes;

Que la décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a constaté le renouvellement du bail liant les parties à compter du 28.07.2003, moyennant un loyer annuel de 160 000 euros, hors taxes et hors charges, accepté par la SAS ED, par lettre Recommandée avec Accusé de Réception du 2.07.2004, toutes autres clauses et conditions du bail d'origine demeurant inchangées ;

Considérant qu'il est équitable enfin de condamner la Société JARDI SUD à payer à la SAS ED 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel, outre la somme déjà allouée au même titre en première instance ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant en audience publique, contradictoirement

- Reçoit l'appel.

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

- Condamne la Société JARDI SUD à payer à la SAS ED 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en appel.

- Condamne la Société JARDI SUD aux dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP DE SAINT FERREOL -TOUBOUL, avoués au bénéfice de l'article 69. du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/1864
Date de la décision : 19/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Draguignan


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-06-19;06.1864 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award