6o Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 29 MAI 2008
No 2008 /
Rôle No 07 / 01527
Any X...
C /
Philippe Henri X...
Lydia Danielle Y... veuve Z...
Rosine Mélinde Y... épouse E...
MINISTERE PUBLIC
Grosse délivrée
à : SCP COHEN
SCP BLANC
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX- EN- PROVENCE en date du 08 Janvier 2007 enregistré (e) au répertoire général sous le no 06 / 3156.
APPELANTE
Madame Any X...
née le 21 Octobre 1950 à MARTIGUES (13500),
demeurant...
représentée par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
assistée par Me Yves ATLANI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMES
Monsieur Philippe Henri X...
né le 15 Juillet 1925 à MARTIGUES (13500),
demeurant...
représenté par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
assisté par Me Serge PETRICOUL, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Madame Lydia Danielle Y... veuve Z...
née le 14 Mai 1959 à MARTIGUES (13500),
demeurant... SAINT MITRE LES REMPARTS
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée par Me Serge PETRICOUL, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Madame Rosine Mélinde Y... épouse E...
née le 20 Juillet 1961 à MARTIGUES (13500),
demeurant ... Appt...-13110 PORT DE BOUC
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
assistée par Me Serge PETRICOUL, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Avril 2008 en Chambre du Conseil. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François FILLERON, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Marie Claire FALCONE, Président
Monsieur François FILLERON, Conseiller
Monsieur François BOISSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Marie- Sol ROBINET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2008.
Signé par Madame Marie Claire FALCONE, Président et Madame Marie- Sol ROBINET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE.
Le tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE, par jugement rendu le 8 janvier 2007, a prononcé l'adoption simple de Lydia Danielle Y... veuve Z..., née le 14 mai 1959 à Martigues (13500) et de Rosine Mélinde Y... épouse E... née le 20 juillet 1961 à Martigues (13500) par Philippe Henri X..., né le 15 juillet 1925 à Martigues (13500), dit que les adoptées porteraient désormais les nom et prénom de X... Lydia Danielle et X... Rosine Mélinde, dit que le dispositif du jugement serait mentionné en marge de l'acte de naissance de chacune des adoptées, laissé à chacune des parties la charge des dépens par elles engagés.
Mme Any X..., fille de M. X..., a régulièrement relevé appel de cette décision le 17 janvier 2007.
Mme Any X..., par conclusions notifiées le 1o avril 2008, demande à la cour d'appel de réformer la décision entreprise, de débouter M. X... de sa demande en adoption simple de Mmes Lydia et Rosine Y... et de le condamner aux entiers dépens.
M. Philippe X..., Mme Lydia Y... veuve Z... et Mme Rosine Y... épouse
E...
, par conclusions notifiées le 17 avril 2008, demandent à la cour d'appel de confirmer la décision entreprise et de condamner Mme Any X... au paiement d'une somme de 1 500 euros sur la base de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le ministère public déclare s'en rapporter à la décision de la Cour.
La procédure a été clôturée par ordonnance rendue le 24 avril 2008.
MOTIFS DE LA DECISION.
En application des dispositions des articles 353 et 361 du Code civil, la Cour doit vérifier si les conditions de la loi sont remplies, si l'adoption est conforme à l'intérêt des enfants, si l'adoption n'est pas de nature à compromettre la vie familiale en présence de descendants.
M ; Philippe X..., né le 15 juillet 1925, s'est marié le 10 juillet 1948 avec Mme Marcelle F.... Ils ont eu une fille, Any née le 21 octobre 1950. Leur divorce a été prononcé par arrêt de la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE en date du 28 février 1963. Mme F... est décédée en 1990.
M. X... s'est marié le 15 octobre 1963 avec Mme Louise G.... Ils n'ont pas eu d'enfant. Leur divorce a été prononcé par jugement rendu le 22 décembre 1970 par le tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE.
M. X... s'est marié le 25 février 1978 avec Mme Raymonde G.... Ils n'ont pas eu d'enfant en commun mais l'épouse avait deux filles d'un précédent mariage avec M. Isidore Y... dont elle était divorcée depuis le 4 octobre 1973 :
- Lydia Y..., née le 14 mai 1959, mariée le 7 octobre 1979 avec M. Nourredine H... dont elle a divorcé le 20 février 1987, remariée le 3 octobre 1987 avec M. Francis Z..., décédé le 9 mars 2005 ;
- Rosine Y..., née le 20 juillet 1961, mariée le 27 août 1983 avec M. Lionel I... dont elle a divorcé le 12 décembre 1991, remariée le 25 octobre 1997 avec M. Patrick
E...
.
Suivant acte notarié en date du 12 juin 2002, Lydia et Rosine Y... ont déclaré consentir à leur adoption simple dans les conditions prévues aux articles 360 et suivants du Code civil par le conjoint de leur mère, M. Philippe X... a confirmé sa volonté de les adopter, Mme Raymonde G... a déclaré consentir expressément à l'adoption.
Des certificats de non- rétractation des consentements ont été délivrés les 11, 12 et 13 septembre 2002.
La procédure d'adoption n'a pas été poursuivie. Selon les intimés, M. X... avait demandé à sa fille Any de donner son consentement à cette adoption mais a attendu afin de ne pas la brusquer.
Mme Raymonde G... est décédée le 21 février 2005.
Le conseil de M. X... a adressé le 17 mars 2006 un courrier à Mme Any X... l'informant du projet d'adoption simple et sollicitant son accord.
Le conseil de Mme Any X... a répondu, par courrier en date du 4 mai 2006, que celle- ci était radicalement opposée à cette démarche.
Par requête datée du 16 mai 2006 et déposée le 17 mai 2006 M. X... a saisi le tribunal de la demande d'adoption simple dans les formes prévues par les articles 1166 et suivants du Code de procédure civile.
Le tribunal a rendu le 8 janvier 2007 la décision entreprise prononçant l'adoption.
Mme Any X... soutient que le but de la présente requête en adoption n'est pas de créer un lien de filiation mais de contourner les règles successorales et fiscales et qu'en outre l'adoption projetée est incontestablement de nature à compromettre la vie familiale.
M. X... réplique qu'il souhaite à travers la procédure d'adoption simple réaliser ce désir de filiation qui concrétiserait tout l'amour paternel qu'il porte aux deux filles de son épouse.
Lorsque M. X... s'est marié avec leur mère le 25 février 1978, Lydia était âgée de 18 ans, Rosine de 16 ans.
Cependant, M. X... a fait la connaissance de Mme Raymonde G... en 1970 lorsque celle- ci, séparée de son mari, est venue travailler chez lui pour faire le ménage. Il a donc eu l'occasion de tisser des liens avec les filles de Mme G... dès ce moment là. Ceux- ci se sont renforcés lorsque la mère et les filles sont venues habiter chez lui à une époque qu'il situe en 1974.
Il produit sur ce point plusieurs attestations de témoins qui confirment que M. X... vivait avec Mme G... et ses filles plusieurs années avant leur mariage en 1978.
L'appelante relève que les témoins citent des années différentes mais cela ne suffit pas à enlever toute crédibilité à ces témoignages. D'une part, on ne peut exiger de ces personnes qu'elles donnent des dates très précises sur des faits qui ont eu lieu plus de trente cinq ans auparavant, d'autre part elles ont connu M. X... à des périodes différentes.
Ainsi, Mme J... déclare que lorsque Lydia et Rosine étaient en pension à La Motte du Caire, le propre père de M. X..., M. Albert X..., allait les chercher régulièrement autour des années 1973-1974.
Mme K..., qui a fait la connaissance de Mme Raymonde G... en 1972, déclare qu'elles se sont côtoyées de 1974 à 1980 lorsque celle- ci habitait avec M. X... dans un logement sis....
M. Lionel I..., qui s'est marié le 27 août 1983 avec Rosine avant de divorcer le 12 décembre 1991, déclare qu'il a connu son ex- épouse au cours de l'année 1976 alors qu'ils étaient adolescents et qu'elle vivait avec sa mère chez M. X....
Par ailleurs, il résulte des témoignages de M. et Mme Albert G... et de Mme Danielle Y..., cousine germaine d'Isidore Y..., qu'à la suite de la séparation d'avec Mme Raymonde G... au mois d'août 1970 celui- ci n'a jamais voulu verser de pension alimentaire pour ses filles laissant leur mère et M. X... subvenir à leurs besoins.
M. Y..., père des deux filles, est décédé le 6 novembre 1990 à CONTES (Alpes Maritimes).
Il est donc établi l'existence de liens affectifs familiaux entre Lydia, Rosine et M. X... avant même que ce dernier se marie avec leur mère. Ainsi que le précisent M. et Mme Albert G... celles- ci ont retrouvé une vie de famille.
Toutes deux se sont mariées par la suite, ce qui ne les a pas empêchées de continuer à fréquenter leur mère et leur beau- père.
A l'heure actuelle, Rosine, demeurant à FOS SUR MER, et Lydia, demeurant à MARTIGUES, continuent de s'occuper avec dévouement de leur beau- père selon plusieurs témoignages versés aux débats, d'autant que Lydia, dont le mari est décédé le 9 mars 2005, réside dans un appartement situé au- dessous de celui de M. X....
Mme Any X..., résidant également à Martigues, reconnaît l'absence de relations avec son père depuis de nombreuses années mais elle lui en impute la responsabilité. Mme Ginette M..., voisine mitoyenne de M. X... depuis 1980, témoigne qu'elle n'a jamais vu Mme Any X... rendre visite à son père.
La procédure d'adoption n'est nullement à l'origine de l'absence de relations entre M. X... et sa fille Any, elle ne peut compromettre une vie familiale qui n'existe plus depuis longtemps. En revanche, elle concrétise le lien d'affection paternel et filial unissant M. X... aux deux filles de son épouse décédée. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel. De ce fait, M. X... ne peut obtenir l'allocation d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour ;
Statuant en audience publique, contradictoirement, après débats en chambre du conseil ;
Vu l'avis du ministère public ;
Confirme le jugement rendu le 8 janvier 2007 par le tribunal de grande instance d'AIX EN PROVENCE en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties les dépens d'appel par elle exposés.
Le Greffier Le Président